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02/06/2022 | FRANCE | N°21MA02440

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 02 juin 2022, 21MA02440


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Les Pins d'Alep a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la délibération du 25 octobre 2019 par laquelle le conseil de la métropole Nice Côte d'Azur a approuvé le plan local d'urbanisme de la métropole en tant qu'elle classe les parcelles cadastrées AK 120 et 141 situées sur la commune d'Eze en zone Ac.

Par un jugement n° 1905787 du 15 juin 2021, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires c

omplémentaires enregistrés les 24 juin et 1er décembre 2021 et 18 janvier 2022, la SARL Les Pi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Les Pins d'Alep a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la délibération du 25 octobre 2019 par laquelle le conseil de la métropole Nice Côte d'Azur a approuvé le plan local d'urbanisme de la métropole en tant qu'elle classe les parcelles cadastrées AK 120 et 141 situées sur la commune d'Eze en zone Ac.

Par un jugement n° 1905787 du 15 juin 2021, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés les 24 juin et 1er décembre 2021 et 18 janvier 2022, la SARL Les Pins d'Alep, représentée par Me Msellati, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 15 juin 2021 ;

2°) d'annuler la délibération du 25 octobre 2019 par laquelle le conseil de la métropole Nice Côte d'Azur a approuvé le plan local d'urbanisme de la métropole en tant qu'elle classe les parcelles cadastrées AK 120 et 141 en zone Ac ;

3°) de juger que les parcelles AK 120 et 141 doivent être inscrites en zone UB du plan local d'urbanisme de la métropole ;

4°) de mettre à la charge de la Métropole Nice Côte d'Azur la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société soutient que :

- ses parcelles sont en continuité de l'urbanisation au sens de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme ;

- le classement des parcelles cadastrées Ak 120 et 141 en zone Ac est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

Par des mémoires en défense enregistré le 25 novembre 2021 et 14 janvier 2022, la métropole Nice Côte d'Azur, représentée par la SELARL Itinéraires avocats Cadoz-Lacroix-Rey-Verne, agissant par Me Lacroix, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la SARL Les Pins d'Alep la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête est irrecevable ;

- les moyens d'appel sont infondés.

Par une lettre en date du 28 avril 2022 les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la solution de l'affaire était susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions tendant à juger que les parcelles AK 120 et 141 doivent être inscrites en zone UB du plan local d'urbanisme de la métropole qui ne relèvent pas de l'office du juge.

La SARL Les Pins d'Alep a présenté des observations en réponse au moyen relevé d'office le 2 mai 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Gougot, rapporteure publique,

- et les observations de Me Dolciani, substituant Me Msellati, représentant la SARL Les Pins d'Alep et de Me Ollier, de la SELARL Itinéraires avocats Cadoz-Lacroix-Rey-Verne, représentant la métropole Nice Côte d'Azur.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Les Pins d'Alep relève appel du jugement du 15 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa requête tendant à l'annulation de la délibération du 25 octobre 2019 par laquelle le conseil de la métropole Nice Côte d'Azur a approuvé le plan local d'urbanisme de la métropole en tant qu'elle classe les parcelles cadastrées AK 120 et 141 situées à Eze en zone Ac.

Sur la recevabilité :

2. D'une part, il ressort des pièces du dossier que la SARL Les Pins d'Alep est propriétaire des parcelles cadastrées AK 120 et 141 situées à Eze et dispose, à ce titre, d'un intérêt pour agir contre le plan local d'urbanisme métropolitain en litige.

3. D'autre part, il résulte des dispositions de l'article L. 223-18 du code de commerce applicables aux sociétés à responsabilité limitée, en vertu desquelles dans les rapports avec les tiers, le gérant est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société, sous réserve des pouvoirs que la loi attribue expressément aux associés, que le gérant d'une telle société commerciale a, de plein droit, qualité pour agir en justice au nom de cette société. La SARL Les Pins d'Alep est représentée dans la présente instance par M. B..., son gérant, de sorte que la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité pour agir ne peut qu'être rejetée.

Sur la recevabilité des conclusions tendant à ce que la Cour juge que les parcelles en litige doivent être inscrites en zone UB du plan local d'urbanisme métropolitain :

4. Il ne relève pas de l'office du juge administratif de constater que des parcelles doivent être classées dans une autre zone, mais seulement de juger si le classement opéré par le document d'urbanisme est entaché ou non d'erreur manifeste d'appréciation. Les conclusions tendant à ce que la Cour juge que les parcelles en litige doivent être inscrites en zone UB sont donc irrecevables.

Sur le bien-fondé du jugement :

5. Aux termes de l'article R. 151-22 du code de l'urbanisme : " Les zones agricoles sont dites " zones A ". Peuvent être classés en zone agricole les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles ".

6. Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. Leur appréciation ne peut être censurée par le juge administratif qu'au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.

7. Il ressort des pièces du dossier que le rapport de présentation du PLUm (Tome III) insiste sur la volonté des auteurs du PLUm de préserver et de promouvoir une agriculture métropolitaine locale, cohérente et solidaire. Le projet d'aménagement et de développement durables décline cet axe majeur en plusieurs objectifs : affirmer l'agriculture et l'élevage comme facteurs structurants de protection des paysages emblématiques de la Métropole, encourager la restauration des structures agricoles traditionnelles et préserver les territoires agricoles pour leur valeur patrimoniale. Le rapport de présentation rappelle que la zone agricole permet de protéger les zones agricoles en raison de leur potentiel agronomique, biologique ou économique, et que ces terres reflètent les différents types d'agriculture liées à la richesse du territoire (pastoralisme, maraichage, élevage). Ce document prévoit ainsi, pour préserver et promouvoir l'agriculture, notamment de protéger les terres agricoles présentant un potentiel agronomique, biologique et économique, en créant des zones agricoles adaptées aux espaces concernés. La zone agricole, découpée en quatre sous-secteurs, comprend notamment un sous-secteur Ac dans lequel toutes les possibilités de constructibilité autorisées par le code de l'urbanisme sont mises en œuvre, cette zone étant la zone agricole la plus commune représentant plus de 92 % du territoire.

8. D'une part, il ressort des pièces du dossier que les parcelles cadastrées AK n° 120 et n° 141, d'une superficie de 4 474 m², sont vierges de toute construction et présentent un caractère naturel. Ces parcelles en forte pente présentent de nombreux boisements. Elles sont à l'est, au nord et à l'ouest entourées de parcelles construites résultant de l'opération d'aménagement de la ZAC de l'Aighetta, à laquelle elles ne se rattachent toutefois pas naturellement en raison de leur caractère de parcelles naturelles boisées, et elles relient au sud-est une vaste zone naturelle boisée. La SARL Les Pins d'Alep soutient que ces parcelles ne présentent aucun potentiel agricole ou agronomique. Si la métropole fait valoir que ce potentiel serait lié à la présence à proximité d'un secteur constitué d'anciennes restanques oléicoles, ces restanques sont situées bien plus loin au sud-est et elle n'apporte aucun élément de nature à démontrer que les parcelles elles-mêmes, qui sont extrêmement boisées, présenteraient un quelconque potentiel agricole, alors, au surplus, qu'elles sont situées à proximité de plusieurs zones construites. Les parcelles en litige ne sont pas plus situées au cœur d'un vaste espace agricole mais à l'interface d'une zone urbaine et d'une zone naturelle boisée, laquelle se poursuit à l'est par des parcelles en restanques, ce secteur naturel ayant été classé en zone Ac, zone agricole commune. La seule circonstance qu'un classement en zone agricole permettrait de ne pas étaler la zone urbaine ou qu'aucune ouverture à l'urbanisation n'a été autorisée ne suffit pas à justifier de la nécessité d'un classement en zone agricole de ces parcelles. En outre, si la métropole se prévaut de ce que les parcelles sont classées en zone d'enjeu écologique très fort de la Trame verte et bleue et dans la ZNIEFF " Grande corniche et plateau de la justice ", le classement en zone Ac, zone permettant l'implantation d'exploitations agricoles, de logements liés à l'exploitation agricole, d'affouillements et exhaussements liés à ces constructions, ou encore de certains équipements d'intérêts collectifs, va à l'encontre de la nécessaire protection de telles zones.

9. D'autre part, la métropole fait valoir que le classement en zone Ac se justifierait par les circonstances que les parcelles seraient constitutives d'une coupure d'urbanisation et que la directive territoriale d'aménagement des Alpes Maritimes (DTA) permettrait de protéger les espaces agricoles.

10. Toutefois, le classement en zone Ac n'est pas un classement justifié par la nécessité de protéger un espace agricole remarquable au titre de la DTA alors que cette zone Ac couvre 92 % des espaces agricoles de la métropole, et que la protection par le PLUm des secteurs à enjeux agricoles qui revêtent des enjeux paysagers ou agronomiques forts nécessitant une préservation importante est réalisée par le biais d'un classement en zone Aa. En tout état de cause, d'une part, si la DTA des Alpes Maritimes, accessible tant au juge qu'aux parties sur internet, se donne pour objectif de protéger les principaux espaces naturels et agricoles en définissant les limites de l'étalement urbain, les cartes " littoral " et " bande côtière " de la DTA ne définissent sur la commune d'Eze aucun " espace agricole à protéger ", ces espaces agricoles ou à potentialités agricoles étant repérés par des " cercles jaunes ". Le secteur des parcelles litigieuses n'est pas non plus situé dans les " espaces paysagers sensibles " ni dans les " espaces remarquables ". D'autre part, ces parcelles ne se situent dans aucune coupure d'urbanisation définie par la DTA précitée, et sont éloignées de la coupure d'urbanisation du cap d'Estel située plus au sud-est sur la commune d'Eze. Enfin et surtout, la métropole ne saurait motiver un classement en zone Ac en raison de la nécessité de protéger une coupure d'urbanisation alors qu'elle n'a pas classé les parcelles en litige en zone " agricole remarquable " ou même " agricole paysager " et que, si une collectivité peut classer en zone agricole remarquable ou d'intérêt paysager des parcelles à protéger en raison de la présence d'une coupure d'urbanisation, au contraire en l'espèce le règlement de la zone Ac, qui autorise notamment l'implantation d'exploitations agricoles, de logements liés à l'exploitation agricole, d'affouillements et exhaussements liés à ces constructions, ou encore de certains équipements d'intérêts collectifs, est susceptible de permettre une urbanisation incompatible avec les dispositions de l'article L. 121-22 du code de l'urbanisme.

11. Il résulte de ce qui précède que ni le parti d'urbanisme de la métropole ni les caractéristiques des parcelles, sans potentiel agricole avéré, à l'état naturel et boisé, dans le prolongement d'une zone à l'état naturel, ne permettent de justifier le classement en zone Ac. Dans ces conditions, la société est fondée à soutenir que le classement des parcelles cadastrées AK 120 et 141 en zone Ac est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

12. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, l'autre moyen invoqué n'est pas de nature à entraîner l'annulation de la délibération en litige.

13. Il résulte de ce qui précède que la SARL Les Pins d'Alep est fondée à demander l'annulation du jugement en litige et de la délibération du 25 octobre 2019 par laquelle le conseil de la métropole Nice Côte d'Azur a approuvé le plan local de la métropole en tant qu'elle classe les parcelles cadastrées AK 120 et 141 situées à Eze en zone Ac.

Sur les frais liés au litige :

14. D'une part, la SARL Les Pins d'Alep n'étant pas partie perdante à la présente instance, il y a lieu de rejeter les conclusions présentées par la métropole Nice Côte d'Azur sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D'autre part, il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de la métropole Nice Côte d'Azur la somme de 1 000 euros à verser à la SARL Les Pins d'Alep, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La délibération du 25 octobre 2019 par laquelle le conseil de la métropole Nice Côte d'Azur a approuvé le plan local de la métropole est annulée en tant qu'elle classe les parcelles cadastrées AK 120 et 141 situées à Eze en zone Ac.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 15 juin 2021 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt.

Article 3 : La métropole Nice Côte d'Azur versera à la SARL Les Pins d'Alep la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la SARL Les Pins d'Alep est rejeté.

Article 5: Le présent arrêt sera notifié à la SARL Les Pins d'Alep et à la Métropole Nice Côte d'Azur.

Copie en est adressée à la commune d'Eze.

Délibéré après l'audience du 12 mai 2022 où siégeaient :

- M. Chazan, président,

- M. d'Izarn-de-Villefort, président assesseur,

- Mme Baizet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 juin 2022.

2

N° 21MA02440


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21MA02440
Date de la décision : 02/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-01-01-01-03 Urbanisme et aménagement du territoire. - Plans d'aménagement et d'urbanisme. - Plans d`occupation des sols (POS) et plans locaux d’urbanisme (PLU). - Légalité des plans. - Légalité interne.


Composition du Tribunal
Président : M. CHAZAN
Rapporteur ?: Mme Elisabeth BAIZET
Rapporteur public ?: Mme GOUGOT
Avocat(s) : MSELLATI

Origine de la décision
Date de l'import : 14/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-06-02;21ma02440 ?
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