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23/09/2022 | FRANCE | N°21MA03264

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 23 septembre 2022, 21MA03264


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler à titre principal, la décision implicite de rejet née du silence gardé par le préfet des Bouches-du-Rhône pendant plus de six mois sur sa demande de regroupement familial enregistrée le 4 avril 2019, à titre subsidiaire, la décision du 31 janvier 2020 prise par la même autorité de rejet expresse de sa demande et d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône d'autoriser le regroupement familial sollicité au profit de son épouse et d

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Par un jugement n° 2002008 du 15 juin 2021, le tribunal admini...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler à titre principal, la décision implicite de rejet née du silence gardé par le préfet des Bouches-du-Rhône pendant plus de six mois sur sa demande de regroupement familial enregistrée le 4 avril 2019, à titre subsidiaire, la décision du 31 janvier 2020 prise par la même autorité de rejet expresse de sa demande et d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône d'autoriser le regroupement familial sollicité au profit de son épouse et de leur enfant.

Par un jugement n° 2002008 du 15 juin 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 2 août 2021 et le 20 mai 2022, sous le n° 21MA03264, M. A..., représenté par Me Hossann, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler, à titre principal, la décision implicite de rejet née du silence gardé par le préfet des Bouches-du-Rhône pendant plus de six mois sur sa demande de regroupement familial enregistrée le 4 avril 2019 et, à titre subsidiaire, la décision du 31 janvier 2020 prise par la même autorité de rejet expresse de sa demande ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône d'autoriser le regroupement familial sollicité au profit de son épouse et de leur enfant dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa demande et de prendre une décision, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte, laquelle pourra être liquidée au terme d'un délai de trois mois ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est entaché d'une omission à statuer et d'une insuffisance de motivation ;

- la décision contestée est insuffisamment motivée ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;

- le préfet a commis une erreur d'appréciation au regard de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il justifie de ressources suffisantes et d'un logement considéré comme normal ;

- le préfet s'est estimé en situation de compétence liée et a commis une erreur de droit sur l'étendue de sa compétence ;

- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par une ordonnance du 3 mai 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 3 juin 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les observations de Me Hossann représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant afghan, né le 15 juillet 1995, est entré en France, selon ses déclarations, en 2010, à l'âge de 14 ans, et a été confié à l'aide sociale à l'enfance jusqu'à sa majorité. M. A... est titulaire d'une carte de résident de dix ans valable jusqu'au 3 mai 2027. Il s'est marié le 29 septembre 2017 en Afghanistan avec une ressortissante afghane et a présenté une demande de regroupement familial au profit de son épouse qui a été enregistrée le 4 avril 2019. En l'absence de réponse à sa demande au terme du délai de six mois suivant l'enregistrement de sa demande, le conseil de M. A... a, par courrier du 3 décembre 2019, demandé au préfet des Bouches-du-Rhône la communication des motifs de la décision implicite de rejet de la demande. Par une décision expresse du 31 janvier 2020, le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté la demande de regroupement familial présentée par M. A.... M. A... relève appel du jugement du 15 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation, à titre principal, de la décision implicite de rejet de sa demande de regroupement familial, et à titre subsidiaire, de la décision du 31 janvier 2020.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En premier lieu, si le silence gardé par l'administration pendant plus de six mois sur une demande de regroupement familial fait naître une décision implicite de rejet qui peut être déférée au juge de l'excès de pouvoir, une décision explicite de rejet intervenue postérieurement, qu'elle fasse suite ou non à une demande de communication des motifs de la décision implicite présentée en application de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration, se substitue à la première décision. Il en résulte que les conclusions aux fins d'annulation de cette première décision doivent être regardées comme dirigées contre la seconde.

3. Comme indiqué au point 1, par une décision du 31 janvier 2020, le préfet des Bouches-du-Rhône a expressément rejeté la demande de regroupement familial présentée par M. A.... Cette décision s'étant substituée à la décision implicite de rejet initialement intervenue sur sa demande, les conclusions présentées par M. A... dirigées contre la décision implicite de rejet doivent être regardées comme dirigées contre la décision du préfet des Bouches-du-Rhône du 31 janvier 2020.

4. En second lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version en vigueur à la date de la décision contestée : " Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans, et les enfants du couple mineurs de dix-huit ans ". D'autre part, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Selon l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

5. Si, lorsqu'il se prononce sur une demande de regroupement familial, le préfet est en droit de rejeter la demande dans le cas où l'intéressé ne justifierait pas remplir l'une ou l'autre des conditions légalement requises notamment, comme en l'espèce à la supposer établie, l'absence de ventilation du logement dans la cuisine et la salle de bain, il dispose toutefois d'un pouvoir d'appréciation et n'est pas tenu par les dispositions précitées, notamment dans le cas où il est porté une atteinte excessive au droit de mener une vie familiale normale tel qu'il est protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ou lorsqu'il est porté atteinte à l'intérêt supérieur d'un enfant tel que protégé par les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant.

6. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme A... se sont mariés en Afghanistan le 29 septembre 2017. De cette union est né un enfant le 26 novembre 2019, lequel vit avec sa mère en Afghanistan. M. A... est arrivé en France en 2010 à l'âge de 14 ans, il y réside depuis lors, il s'est inséré professionnellement et bénéficie d'un emploi de boulanger dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée depuis le 1er novembre 2017. Compte tenu des circonstances particulières de l'espèce, l'arrêté contesté porte au droit du requérant au respect de sa vie familiale une atteinte qui est, en l'espèce, disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Par suite, cet arrêté méconnaît les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

7. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 31 janvier 2020 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande de regroupement familial présentée au bénéfice de son épouse.

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

8. Eu égard au motif d'annulation retenu, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement que l'administration autorise le regroupement familial demandé par M. A... en faveur de son épouse et de leur enfant. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, d'y procéder dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu en revanche d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais d'instance :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à M. A... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2002008 du 15 juin 2021 du tribunal administratif de Marseille et l'arrêté du 31 janvier 2020 du préfet des Bouches-du-Rhône sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône d'autoriser le regroupement familial demandé par M. A... en faveur de son épouse et de leur enfant, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. A... une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 9 septembre 2022, où siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- Mme Ciréfice, présidente assesseure,

- M. Prieto, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 septembre 2022.

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N° 21MA03264

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA03264
Date de la décision : 23/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: Mme Virginie CIREFICE
Rapporteur public ?: M. GUILLAUMONT
Avocat(s) : HOSSANN

Origine de la décision
Date de l'import : 30/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-09-23;21ma03264 ?
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