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29/09/2022 | FRANCE | N°20MA00455

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 29 septembre 2022, 20MA00455


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... ont demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 21 juin 2018 par lequel le maire de Nîmes a délivré à la société de développement rural un permis de construire une maison individuelle et un garage sur un terrain situé au 798 impasse de la Pinède.

Par un jugement n° 1802636 du 3 décembre 2019, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 4 février 2020, M. et Mme A...,

représentés par Me Lemoine, demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... ont demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 21 juin 2018 par lequel le maire de Nîmes a délivré à la société de développement rural un permis de construire une maison individuelle et un garage sur un terrain situé au 798 impasse de la Pinède.

Par un jugement n° 1802636 du 3 décembre 2019, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 4 février 2020, M. et Mme A..., représentés par Me Lemoine, demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté du 21 juin 2018 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Nîmes la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- ils tirent leur intérêt leur donnant qualité pour agir de leur qualité de voisins immédiats du projet ;

- eu égard à son importance et à la proximité de la date d'approbation du plan local d'urbanisme (PLU) révisé, le projet porte atteinte à l'économie de ce dernier, ce qui aurait dû conduire le maire à surseoir à statuer sur la demande ;

- la construction litigieuse ne relève pas de celles qu'autorise le règlement du PLU en zone N2 ;

- il n'est pas établi que la surface du terrain d'assiette soit supérieure à la valeur minimale de 2000 m².

Par un mémoire en défense enregistré le 30 novembre 2020, la société à responsabilité limitée société de développement rural, représentée par la SCP SVA, conclut au rejet de la requête, subsidiairement à l'application des dispositions des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise solidairement à la charge de M. et Mme A... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- M. et Mme A... ne justifient pas de leur intérêt leur donnant qualité pour agir ;

- les moyens soulevés par M. et Mme A... ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 30 novembre 2020, la commune de Nîmes, représentée par Me Merland, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. et Mme A... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- M. et Mme A... ne justifient pas de leur intérêt leur donnant qualité pour agir ;

- les moyens soulevés par M. et Mme A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. d'Izarn de Villefort,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

- et les observations de Me Lemoine, représentant M. et Mme A..., C..., représentant la commune de Nîmes, et de Me Monflier, représentant la société de développement rural.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 21 juin 2018, le maire de Nîmes a délivré à la société de développement rural un permis de construire une maison individuelle et un garage sur un terrain situé 798 impasse de la Pinède. M. et Mme A... relèvent appel du jugement du 3 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

2. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation ".

3. Il résulte de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.

4. Les requérants, qui sont propriétaires de la parcelle n° 482 qui jouxte le terrain d'assiette du projet litigieux, doivent être regardés comme des voisins immédiats. Ils font notamment état d'un litige portant sur la détermination d'une servitude de passage sur leur fonds au bénéfice du pétitionnaire. Alors en outre que le terrain d'assiette du projet, situé dans les " garrigues habitées " entourant la ville de Nîmes, comporte un abri de jardin et un ancien maset en ruine de 6 m², le permis de construire attaqué prévoit la construction d'une maison individuelle et un garage d'une surface, respectivement, de 195 m² et de 33,80 m², de nature à porter ainsi atteinte aux conditions de jouissance de leur propriété par M. et Mme A..., notamment à leur vue et à leur tranquillité. Dans ces conditions, la commune de Nîmes n'est pas fondée à soutenir que les requérants ne justifient pas d'un intérêt leur donnant qualité pour agir.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

5. Aux termes, d'une part, de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme : " La décision de non-opposition à une déclaration préalable ou le permis de construire ou d'aménager ou de démolir, tacite ou explicite, ne peuvent être retirés que s'ils sont illégaux et dans le délai de trois mois suivant la date de ces décisions. Passé ce délai, la décision de non-opposition et le permis ne peuvent être retirés que sur demande expresse de leur bénéficiaire. (...) ". Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 153-11 du même code : " (...) L'autorité compétente peut décider de surseoir à statuer, dans les conditions et délai prévus à l'article L. 424-1, sur les demandes d'autorisation concernant des constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan dès lors qu'a eu lieu le débat sur les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durable. ". L'article L. 424-1 du même code dispose que : " L'autorité compétente se prononce par arrêté sur la demande de permis ou, en cas d'opposition ou de prescriptions, sur la déclaration préalable. / Il peut être sursis à statuer sur toute demande d'autorisation concernant des travaux, constructions ou installations dans les cas prévus aux articles L. 102-13, L. 153-11 et L. 311-2 du présent code et par l'article L. 331-6 du code de l'environnement. / (...) Le sursis à statuer doit être motivé et ne peut excéder deux ans. (...) ".

6. Aux termes, d'autre part, de l'article L. 151-8 du code de l'urbanisme : " Le règlement fixe, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols permettant d'atteindre les objectifs mentionnés aux articles L. 101-1 à L. 101-3 ". Aux termes de l'article L. 151-9 du même code : " Le règlement délimite les zones urbaines ou à urbaniser et les zones naturelles ou agricoles et forestières à protéger. / Il peut préciser l'affectation des sols selon les usages principaux qui peuvent en être faits ou la nature des activités qui peuvent y être exercées et également prévoir l'interdiction de construire (...) ". Aux termes de l'article R. 151-24 de ce code : " Les zones naturelles et forestières sont dites " zones N ". Peuvent être classées en zone naturelle et forestière, les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison : 1°) Soit de la qualité des sites, milieux et espaces naturel, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique ; / 2°) Soit de l'existence d'une exploitation forestière ; / 3°) Soit de leur caractère d'espaces naturels ; / 4°) Soit de la nécessité de préserver ou restaurer les ressources naturelles ; / 5°) Soit de la nécessité de prévenir les risques notamment d'expansion des crues ". Aux termes de l'article R. 151-25 du même code : " Peuvent être autorisées en zone N : / 1° Les constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole et forestière, ou au stockage et à l'entretien de matériel agricole par les coopératives d'utilisation de matériel agricole agréées au titre de l'article L. 525-1 du code rural et de la pêche maritime ; / 2° Les constructions, installations, extensions ou annexes aux bâtiments d'habitation, changements de destination et aménagements prévus par les articles L. 151-11, L. 151-12 et L. 151-13, dans les conditions fixées par ceux-ci. ".

7. Un sursis à statuer ne peut être opposé à une demande de permis de construire qu'en vertu d'orientations ou de règles que le futur plan local d'urbanisme (PLU) pourrait légalement prévoir, et à la condition que la construction, l'installation ou l'opération envisagée soit de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse son exécution.

8. A la date du 21 juin 2018 à laquelle le maire de Nîmes a délivré le permis de construire attaqué, l'état d'avancement du futur PLU, approuvé, ainsi que le font valoir les requérants, le 7 juillet 2018, était nécessairement suffisamment avancé. Les orientations du PADD débattues le 2 juillet 2016, accessibles tant au juge qu'aux parties sur le site internet de la commune, prévoient dans l'orientation 1.1.3 de protéger de l'urbanisation diffuse l'ensemble des garrigues habitées, sauf en limite de la zone urbaine sur des espaces déjà équipés, et de n'autoriser dans ces secteurs de garrigues que les extensions limitées des constructions existantes. Le rapport de présentation, dans sa partie III.1.3.2. relative aux "objectifs de modération de la consommation de l'espace et de lutte contre l'étalement urbain" accessible sur ce site explique qu'il a été décidé, dans l'objectif de protéger les "garrigues habitées" de Nîmes du mitage, que le secteur dense à proximité du centre urbain et déjà équipé par les réseaux (actuellement classé en zone N1 ou N2) sera classé en zone UDp, et que le reste des " garrigues habitées ", soit 2 090 hectares sur les 2 200 hectares des "garrigues habitées", sera classé en zone Nh qui n'autorisera que les extensions très mesurées des bâtiments existants à la condition qu'elles ne portent pas atteinte à la préservation des sols agricoles et forestiers, ni à la sauvegarde des sites, milieux naturels et paysages. Le projet de règlement du PLU alors en cours d'élaboration interdit toute construction nouvelle en zone Nh. Le terrain d'assiette du projet, dont la superficie est de 2007 m² et qui jouxte au nord une parcelle non bâtie et à l'ouest une parcelle ne supportant qu'une modeste construction, est classé à la date de l'arrêté attaqué en zone N2 et sera amené à être classé en zone Nh. Ainsi qu'il a été rappelé au point 4, le projet consiste à construire une maison d'habitation de style contemporain et un garage dont la surface est de 195 m² et de 33,80 m². Le projet de deux constructions individuelles dans ce secteur contribue au mitage des " garrigues habitées " et est de nature à compromettre l'exécution du futur plan eu égard aux intentions de ses auteurs. Dans ces conditions, le maire de Nîmes a commis une erreur manifeste d'appréciation en s'abstenant de surseoir à statuer sur la demande de permis de construire déposée par la société de développement rural. Par suite, M. et Mme A... sont fondés à soutenir que le maire a méconnu les articles L. 153-11 et L. 424-1 du code de l'urbanisme.

9. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen n'est susceptible de fonder l'annulation, en l'état du dossier, de l'arrêté du 21 juin 2018.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... sont fondés à soutenir que c'est à tort ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande et à demander l'annulation du jugement et de l'arrêté en litige.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. et Mme A..., qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la commune de Nîmes et la société de développement rural demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Nîmes une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. et Mme A... et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 3 décembre 2019 et l'arrêté du maire de Nîmes du 21 juin 2018 sont annulés.

Article 2 : La commune de Nîmes versera à M. et Mme A... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions de la commune de Nîmes et de la société de développement rural au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... A..., à la société à responsabilité limitée société de développement rural et à la commune de Nîmes.

Copie en sera adressée au procureur près le tribunal judiciaire de Nîmes.

Délibéré après l'audience du 15 septembre 2022, où siégeaient :

- M. Portail, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. Quenette, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 septembre 2022.

N° 20MA00455 2

nb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20MA00455
Date de la décision : 29/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Urbanisme et aménagement du territoire - Plans d'aménagement et d'urbanisme - Plans d`occupation des sols (POS) et plans locaux d’urbanisme (PLU) - Application des règles fixées par les POS ou les PLU - Application dans le temps - Mesures de sauvegarde - Sursis à statuer.

Urbanisme et aménagement du territoire - Règles de procédure contentieuse spéciales - Introduction de l'instance - Intérêt à agir.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: M. Philippe D'IZARN DE VILLEFORT
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : SCP LEMOINE CLABEAUT

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-09-29;20ma00455 ?
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