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18/11/2022 | FRANCE | N°21MA01158

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 18 novembre 2022, 21MA01158


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 4 avril 2019 par laquelle l'inspecteur du travail de l'unité de départementale des Bouches-du-Rhône a autorisé la société d'Huart Industrie à procéder à son licenciement pour motif économique.

Par un jugement n° 1904815 du 3 mars 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 22 mars 2021 sous le n° 21MA01158, M.

B..., représenté par Me Campagnolo, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1904815 du ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 4 avril 2019 par laquelle l'inspecteur du travail de l'unité de départementale des Bouches-du-Rhône a autorisé la société d'Huart Industrie à procéder à son licenciement pour motif économique.

Par un jugement n° 1904815 du 3 mars 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 22 mars 2021 sous le n° 21MA01158, M. B..., représenté par Me Campagnolo, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1904815 du 3 mars 2021 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) de mettre à la charge solidaire de l'Etat et de la société d'Huart Industrie la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal administratif a retenu un rapport du commissaire aux comptes du 31 décembre 2018 qui n'est pas produit aux débats et dont il n'était pas fait état dans la demande d'autorisation de licenciement ;

- le juge ne peut statuer par des considérations générales ni se déterminer sur la seule allégation d'une partie ou sur des pièces qu'il n'analyse pas ;

- les premiers juges ne se sont pas prononcés sur les manœuvres déloyales de la société, qui a tenté d'obtenir sa renonciation à son contrat de travail ;

- les premiers juges ont considéré à tort que M. B... n'était pas fondé à soutenir que l'employeur aurait dû rechercher les possibilités de reclassement dans les filiales du groupe présentes en France au motif que la société d'Huart Industrie ne comporte qu'un seul établissement en France et que le Groupe Calder auquel elle appartient ne compte pas d'autres sociétés qui puissent être regardées comme œuvrant dans le même secteur d'activité sur le territoire français ;

- seul l'accord du salarié permet à l'employeur de retirer sa décision et de réengager la procédure ;

- l'envoi au salarié des documents de fin de contrat et notamment d'un certificat de travail mentionnant une date de fin de travail vaut licenciement abusif ;

- l'auteur de la décision attaquée était incompétent matériellement et temporellement dès lors que la rupture de son contrat de travail est intervenue antérieurement à la demande d'autorisation de licenciement adressée par la société ;

- la décision attaquée est insuffisamment motivée sur le motif économique et sur les recherches de reclassement ;

- la décision attaquée constitue une rupture d'égalité entre lui et sa collègue placée dans la même situation, pour laquelle l'autorisation de licenciement a été refusée ;

- le motif économique du licenciement n'est pas établi ;

- l'employeur a méconnu son obligation de reclassement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 mai 2021, la société D'Huart Industrie, représentée par Me Quilichini, conclut au rejet de la requête de M. B... et demande à la Cour de mettre à sa charge la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... B... occupait les fonctions de responsable logistique en production au sein de la société d'Huart Industrie depuis le 2 mai 2011. Il détenait le mandat de délégué du personnel depuis le 27 novembre 2014. Par une décision du 4 avril 2019, l'inspecteur du travail de l'unité départementale des Bouches-du-Rhône de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) de Provence-Alpes-Côte d'Azur a autorisé la société d'Huart Industrie à procéder son licenciement pour motif économique. M. B... relève appel du jugement n° 1904815 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision du 4 avril 2019.

Sur la fin de non-recevoir opposée en première instance :

2. Contrairement à ce que soutient le directeur régional des entreprises de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur, M. B... a intérêt lui donnant qualité pour agir à l'encontre de la décision du 4 avril 2019 de l'inspecteur du travail, qui autorise son licenciement et qui lui fait grief. Par suite, cette fin de non-recevoir doit être écartée.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article L. 2411-5 du code du travail : " Le licenciement d'un délégué du personnel, titulaire ou suppléant, ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail. / (...) ". Et aux termes de l'article L 1233-65 du même code : " Le contrat de sécurisation professionnelle a pour objet l'organisation et le déroulement d'un parcours de retour à l'emploi, le cas échéant au moyen d'une reconversion ou d'une création ou reprise d'entreprise. ".

4. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que M. B... a été convoqué, par courrier du 29 novembre 2018, à un entretien préalable à son licenciement qui s'est tenu le 5 décembre 2018. Le 10 décembre 2018, l'employeur a demandé aux services de la DIRECCTE l'autorisation de licencier M. B... pour motif économique. Ce courrier mentionnait notamment qu'à l'occasion de l'entretien préalable : " nous avons remis à M. B... les documents relatifs au CSP, étant précisé que nous lui avons indiqué qu'en cas d'adhésion à ce dispositif, la rupture de son contrat de travail ne pourra intervenir qu'au lendemain de votre autorisation ". Le 12 décembre 2018, la société d'Huart Industrie notifiait à M. B..., en mains propres, un courrier intitulé " solde de tout compte " daté du 26 décembre 2018 indiquant : " Nous vous remettons vos documents de fin de contrat. - Dernier bulletin de paye - 6 chèques cadeaux de 10 euros - certificat de travail - formulaire de portabilité santé et prévoyance. Un virement de 41 813 euros a été effectué ce jour sur la banque CIC Aubagne. ". Le bulletin de paye correspondant à la période du 1er au 26 décembre 2018 remis à cette occasion indique une " indemnité de licenciement de 21 141,92 euros " ainsi qu'une " indemnité de licenciement supra-légale de 6 342,58 euros ", ainsi que la mention : " solde de tout compte ". Toutefois, par un courrier du 18 décembre 2018, la société indiquait au requérant de ne pas tenir compte du courrier précédent lui remettant des documents de fin de contrat par erreur, et lui précisait qu'il demeurait dans les effectifs de la société, en bénéficiant d'une autorisation d'absence qui sera rémunérée. Ce même courrier lui demandait également de lui retourner " un exemplaire du présent courrier signé avec la mention " bon pour accord " ainsi que la date ".

5. Par une première décision du 17 janvier 2019, l'inspecteur du travail a rejeté la demande d'autorisation de licenciement présentée par la société, en raison d'un vice de procédure. M. B... a ensuite été convoqué à un nouvel entretien préalable en vue de ce licenciement, qui s'est déroulé le 5 février 2019 et, par courrier en date du 6 février 2019, la société d'Huart Industrie a demandé, une seconde fois, à l'inspecteur du travail l'autorisation de le licencier, laquelle a cette fois été accordée par la décision du 4 avril 2019 en litige.

6. Toutefois, la réintégration d'un salarié exige son accord exprès ou implicite et le salarié conserve le droit de ne pas faire revivre un contrat même dans le cas où l'entreprise y a mis fin irrégulièrement. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que la société d'Huart Industrie a notifié à M. B... la rupture de son contrat de travail par le courrier susmentionné du 12 décembre 2018. Si l'employeur lui a ensuite demandé, dans un courrier ultérieur du 18 décembre 2018, de bien vouloir donner son accord à sa réintégration, pour régulariser la procédure, M. B... n'a donné ni expressément, ni implicitement un tel accord. Par ailleurs, il n'est pas contesté qu'il n'a jamais repris le travail. Dans ces conditions, le contrat de travail de M. B... doit être regardé comme ayant été rompu dans le courant du mois de décembre 2018, alors même qu'il était concerné par un contrat de sécurisation professionnelle. Au demeurant, le requérant a contesté son licenciement devant le Conseil de prud'hommes de Marseille en août 2019 en demandant, à titre principal, de voir reconnaître la nullité du licenciement " intervenu le 26 décembre 2018 " et, seulement à titre subsidiaire, celui " intervenu le 27 février 2019 ". Dans ces conditions, à la date à laquelle la société d'Huart Industrie a présenté sa demande d'autorisation de licenciement de M. B... du 6 février 2019, elle devait être regardée comme ayant rompu, de son fait, les relations contractuelles qui l'unissaient à ce salarié. Dès lors, l'inspecteur du travail était tenu, pour ce motif, de refuser l'autorisation de licenciement sollicitée.

7. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 4 avril 2019 par laquelle l'inspecteur du travail de l'unité de départementale des Bouches-du-Rhône a autorisé la société d'Huart Industrie à procéder à son licenciement pour motif économique. Par suite, il y a lieu d'annuler ce jugement et la décision du 4 avril 2019 de l'inspecteur du travail.

Sur les frais liés au litige :

8. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B... qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société d'Huart Industrie demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge respective de la société d'Huart Industrie et de l'Etat une somme de 1 000 euros chacune, au titre des mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1904815 du 3 mars 2021 du tribunal administratif de Marseille est annulé.

Article 2 : La décision du 4 avril 2019 par laquelle l'inspecteur du travail de l'unité départementale des Bouches-du-Rhône a autorisé la société d'Huart Industrie à procéder au licenciement pour motif économique de M. B... est annulée.

Article 3 : La société d'Huart Industrie versera à M. B... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : L'Etat (ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion) versera à M. B... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions de la société d'Huart Industrie présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion et à la Société d'Huart industrie.

Délibéré après l'audience du 4 novembre 2022, où siégeaient :

- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,

- Mme Ciréfice, présidente assesseure,

- M. Prieto, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 novembre 2022.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA01158
Date de la décision : 18/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01 Travail et emploi. - Licenciements. - Autorisation administrative - Salariés protégés.


Composition du Tribunal
Président : Mme CHENAL-PETER
Rapporteur ?: M. Gilles PRIETO
Rapporteur public ?: M. GUILLAUMONT
Avocat(s) : SELAS BARTHELEMY ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-11-18;21ma01158 ?
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