La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/11/2022 | FRANCE | N°20MA04639

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 21 novembre 2022, 20MA04639


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par un déféré, enregistré le 11 octobre 2019, la préfète de la Corse-du-Sud a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté du 12 avril 2019 par lequel le maire de Conca a délivré à Mme A... un permis de construire une maison individuelle d'habitation sur un terrain cadastré section B n° 1186 situé au lieudit Tarco.

Par un jugement n°1901347 du 15 octobre 2020, le tribunal administratif de Bastia a annulé l'arrêté du 12 avril 2019.

Procédure devant la Cour :
<

br>Par une requête et un mémoire, enregistrés les 15 décembre 2020 et 16 septembre 2021, Mme B... A....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par un déféré, enregistré le 11 octobre 2019, la préfète de la Corse-du-Sud a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté du 12 avril 2019 par lequel le maire de Conca a délivré à Mme A... un permis de construire une maison individuelle d'habitation sur un terrain cadastré section B n° 1186 situé au lieudit Tarco.

Par un jugement n°1901347 du 15 octobre 2020, le tribunal administratif de Bastia a annulé l'arrêté du 12 avril 2019.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 15 décembre 2020 et 16 septembre 2021, Mme B... A..., représentée par Me Susini, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 15 octobre 2020 ;

2°) de rejeter le déféré de la préfète de la Corse-du-Sud ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé, les premiers juges n'ayant pas caractérisé l'extension de l'urbanisation prohibée par les dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme et du PADDUC ;

- les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions des articles L. 121-8 et L. 121-13 du code de l'urbanisme sont inopérants en l'espèce ; seules les dispositions du PADDUC sont directement opposables aux autorisations d'urbanisme ;

- le permis litigieux ne méconnaît pas les dispositions des articles L. 121-8 et L. 121-13 du code de l'urbanisme ; le projet en cause ne constitue pas une extension de l'urbanisation dès lors, qu'eu égard au tissu urbain existant, il n'étend pas le périmètre bâti et n'entraîne pas de densification sensible du nombre des constructions.

Des mises en demeure ont été adressées le 4 juillet 2022 à la préfète de la Corse-du-Sud et à la commune de Conca, qui n'ont pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la cour a désigné Mme Vincent, présidente assesseure de la 5ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience au cours de laquelle ont été entendus :

- le rapport de Mme C... ;

- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public ;

- les observations de Me Stuart représentant Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 12 avril 2019, le maire de Conca a délivré à Mme A... un permis de construire une maison individuelle d'habitation sur un terrain cadastré section B n° 1186 situé au lieudit Tarco. Mme A... relève appel du jugement du 15 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Bastia a, sur déféré de la préfète de la Corse-du-Sud, annulé cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Contrairement à ce que soutient l'appelante, le tribunal administratif a précisé, aux points 4 à 9 du jugement attaqué, les motifs pour lesquels le permis de construire litigieux méconnaît les dispositions des articles L. 121-8 et L. 121-13 du code de l'urbanisme. Il est, dès lors, suffisamment motivé.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code de l'urbanisme : " Les dispositions du présent chapitre déterminent les conditions d'utilisation des espaces terrestres, maritimes et lacustres : / 1° Dans les communes littorales définies à l'article L. 321-2 du code de l'environnement ; (...) ". Aux termes de l'article L. 121-3 de ce code : " Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute personne publique ou privée pour l'exécution de tous travaux, constructions (...) ". Aux termes de l'article L. 4424-11 du code général des collectivités territoriales : " I. - Le plan d'aménagement et de développement durable de Corse peut préciser les modalités d'application, adaptées aux particularités géographiques locales, du chapitre Ier du titre II du livre Ier du code de l'urbanisme sur les zones littorales et du chapitre II du titre II du livre Ier du même code sur les zones de montagne. / Les dispositions du plan qui précisent ces modalités sont applicables aux personnes et opérations qui sont mentionnées, respectivement, aux articles L. 121-3 et L. 122-2 dudit code. ".

4. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative chargée de se prononcer sur une demande d'autorisation d'occupation ou d'utilisation du sol mentionnée à l'article L. 121-3 du code de l'urbanisme, de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de la conformité du projet avec les dispositions du code de l'urbanisme particulières au littoral, telles que précisées, le cas échéant, par les dispositions du plan d'aménagement et de développement durable de Corse, sous réserve que ces dernières soient suffisamment précises et compatibles avec ces mêmes dispositions.

5. Dès lors, contrairement à ce que soutient l'appelante, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions des articles L. 121-8 et L. 121-13 du code de l'urbanisme sont opérants à l'encontre de l'arrêté litigieux.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique : " L'extension de l'urbanisation se réalise en continuité avec les agglomérations et villages existants./ Dans les secteurs déjà urbanisés autres que les agglomérations et villages identifiés par le schéma de cohérence territoriale et délimités par le plan local d'urbanisme, des constructions et installations peuvent être autorisées, en dehors de la bande littorale de cent mètres, des espaces proches du rivage et des rives des plans d'eau mentionnés à l'article L. 121-13, à des fins exclusives d'amélioration de l'offre de logement ou d'hébergement et d'implantation de services publics, lorsque ces constructions et installations n'ont pas pour effet d'étendre le périmètre bâti existant ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti. Ces secteurs déjà urbanisés se distinguent des espaces d'urbanisation diffuse par, entre autres, la densité de l'urbanisation, sa continuité, sa structuration par des voies de circulation et des réseaux d'accès aux services publics de distribution d'eau potable, d'électricité, d'assainissement et de collecte de déchets, ou la présence d'équipements ou de lieux collectifs. / L'autorisation d'urbanisme est soumise pour avis à la commission départementale de la nature, des paysages et des sites. Elle est refusée lorsque ces constructions et installations sont de nature à porter atteinte à l'environnement ou aux paysages ". Le III de l'article 42 de la même loi prévoit que : " Jusqu'au 31 décembre 2021, des constructions et installations qui n'ont pas pour effet d'étendre le périmètre du bâti existant, ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti, peuvent être autorisées avec l'accord de l'autorité administrative compétente de l'Etat, après avis de la commission départementale de la nature des paysages et des sites, dans les secteurs mentionnés au deuxième alinéa de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction résultant de la présente loi, mais non identifiés par le schéma de cohérence territoriale ou non délimités par le plan local d'urbanisme en l'absence de modification ou de révision de ces documents initiée postérieurement à la publication de la présente loi ". Le V du même article précise que les mots " en continuité avec les agglomérations et villages existants " - qui remplacent les mots : " soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement " s'appliquent " sans préjudice des autorisations d'urbanisme délivrées avant la publication de la présente loi ". Cette modification de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme ne s'applique pas " aux demandes d'autorisation d'urbanisme déposées avant le 31 décembre 2021 ni aux révisions, mises en compatibilité ou modifications de documents d'urbanisme approuvées avant cette date ". Enfin, aux termes de l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme : " L'extension limitée de l'urbanisation des espaces proches du rivage ou des rives des plans d'eau intérieurs désignés au 1° de l'article L. 321-2 du code de l'environnement est justifiée et motivée dans le plan local d'urbanisme, selon des critères liés à la configuration des lieux ou à l'accueil d'activités économiques exigeant la proximité immédiate de l'eau. (...) ".

7. La loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique ayant été publiée au Journal officiel de la République française du 24 novembre 2018 et la présente demande de permis de construire ayant été déposée le 21 février 2019, les dispositions du V citées au point 6 sont applicables en l'espèce.

8. D'une part, il résulte des dispositions du premier alinéa de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa version applicable en l'espèce, que l'extension de l'urbanisation doit se réaliser, dans les communes littorales, soit en continuité avec les agglomérations et les villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement. Constituent des agglomérations ou des villages où l'extension de l'urbanisation est possible, au sens et pour l'application de ces dispositions, les secteurs déjà urbanisés caractérisés par un nombre et une densité significatifs de constructions.

9. D'autre part, le deuxième alinéa de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, ouvre la possibilité, dans les autres secteurs urbanisés qui sont identifiés par le schéma de cohérence territoriale et délimités par le plan local d'urbanisme, à seule fin de permettre l'amélioration de l'offre de logement ou d'hébergement et l'implantation de services publics, de densifier l'urbanisation, à l'exclusion de toute extension du périmètre bâti et sous réserve que ce dernier ne soit pas significativement modifié. En revanche, aucune construction ne peut être autorisée, même en continuité avec d'autres, dans les espaces d'urbanisation diffuse éloignés de ces agglomérations et villages. Il ressort des dispositions de ce 2e alinéa de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme que les secteurs déjà urbanisés qu'elles mentionnent se distinguent des espaces d'urbanisation diffuse par, entre autres, la densité de l'urbanisation, sa continuité, sa structuration par des voies de circulation et des réseaux d'accès aux services publics de distribution d'eau potable, d'électricité, d'assainissement et de collecte de déchets, ou la présence d'équipements ou de lieux collectifs. Par ailleurs, le III de l'article 42 de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique autorise, par anticipation, jusqu'au 31 décembre 2021 et sous réserve de l'accord de l'Etat, les constructions qui n'ont pas pour effet d'étendre le périmètre du bâti existant, ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti dans les secteurs déjà urbanisés non encore identifiés par le schéma de cohérence territoriale ou non délimités par le plan local d'urbanisme.

10. Le plan d'aménagement et de développement durable de Corse (PADDUC), qui précise, en application du I de l'article L. 4424-11 du code général des collectivités territoriales, les modalités d'application des dispositions citées ci-dessus, prévoit que, dans le contexte géographique, urbain et socioéconomique de la Corse, une agglomération est identifiée selon des critères tenant au caractère permanent du lieu de vie qu'elle constitue, à l'importance et à la densité significative de l'espace considéré et à la fonction structurante qu'elle joue à l'échelle de la micro-région ou de l'armature urbaine insulaire, et que, par ailleurs, un village est identifié selon des critères tenant à la trame et la morphologie urbaine, aux indices de vie sociale dans l'espace considéré et au caractère stratégique de celui-ci pour l'organisation et le développement de la commune.

11. Le PADDUC prévoit par ailleurs que les espaces proches du rivage sont identifiés en mobilisant des critères liés à la distance par rapport au rivage de la mer, la configuration des lieux, en particulier la covisibilité avec la mer, la géomorphologie des lieux et les caractéristiques des espaces séparant les terrains considérés de la mer, ainsi qu'au lien paysager et environnemental entre ces terrains et l'écosystème littoral. En outre, le PADDUC prévoit que le caractère limité de l'extension doit être déterminé en mobilisant des critères liés à l'importance du projet par rapport à l'urbanisation environnante, à son implantation par rapport à cette urbanisation et au rivage, et aux caractéristiques et fonctions du bâti ainsi que son intégration dans les sites et paysages.

12. En revanche, contrairement à ce que soutient l'appelante, aucune disposition du PADDUC ne prévoit que, pour l'application de l'article L. 121-8 et lorsqu'est en jeu la délivrance d'une autorisation individuelle, l'extension de l'urbanisation au sens de ces dispositions devrait s'entendre comme pouvant seulement résulter d'une expansion significative et non d'une simple construction nouvelle.

13. Les prescriptions du PADDUC mentionnées aux points 10 et 11 apportent des précisions et sont compatibles avec les dispositions du code de l'urbanisme citées au point 6.

14. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet est situé à environ 200 mètres du rivage et n'en est séparé que par quelques constructions. Par ailleurs, la covisibilité de ce terrain avec la mer n'est pas discutée par les parties. Ainsi, il constitue un espace proche du rivage, au sens des dispositions du code de l'urbanisme citées ci-dessus telles que précisées par le PADDUC, dans lequel les constructions nouvelles ne peuvent être autorisées qu'en continuité avec les agglomérations et villages existants ou en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement, à la condition en outre que l'extension de l'urbanisation qu'elles entraînent soit limitée, justifiée et motivée dans le plan local d'urbanisme, selon des critères liés à la configuration des lieux ou à l'accueil d'activités économiques exigeant la proximité immédiate de l'eau.

15. Il ressort également des pièces du dossier, en particulier des photographies aériennes produites par l'appelante, que le terrain d'assiette du projet se situe au sein du lieu-dit Tarco, à plusieurs kilomètres du village de Conca, dans un secteur caractérisé par la présence de vastes espaces naturels, de maisons individuelles d'habitation et de résidences de tourisme implantées de façon éparse. La parcelle litigieuse, majoritairement boisée, est entourée de terrains eux-mêmes laissés à l'état naturel et boisés, à l'exception des parcelles situées à l'Est de ce terrain sur lesquelles sont implantées des constructions à usage touristique. Dans ces conditions, contrairement à ce que soutient l'appelante, l'arrêté litigieux, qui autorise une construction dans un espace d'urbanisation diffuse, éloigné des villages et des agglomérations, constitue une extension de l'urbanisation prohibée par les dispositions des articles L. 121-8 et L. 121-13 du code de l'urbanisme. La circonstance que des permis de construire aient été délivrés à proximité du terrain d'assiette du projet antérieurement à l'arrêté litigieux est par ailleurs sans incidence sur la légalité de ce dernier.

16. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a annulé l'arrêté du 12 avril 2019 par lequel le maire de Conca lui a délivré un permis de construire une maison individuelle d'habitation sur un terrain cadastré section B n° 1186 situé au lieudit Tarco. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la commune de Conca.

Copie en sera adressée pour information au préfet de la Corse-du-Sud.

Délibéré après l'audience du 7 novembre 2022, où siégeaient :

- Mme Vincent, présidente,

- M. Mérenne, premier conseiller,

- Mme Balaresque, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2022.

N°20MA04639 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA04639
Date de la décision : 21/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VINCENT
Rapporteur ?: Mme Claire BALARESQUE
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : SCP AMIEL-SUSINI

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-11-21;20ma04639 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award