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09/01/2023 | FRANCE | N°21MA01177

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 09 janvier 2023, 21MA01177


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté du 28 février 2019 par lequel le maire de Porto-Vecchio a refusé de lui délivrer un permis de construire une maison avec piscine et garage sur la parcelle cadastrée section A n° 1209, au lieudit " Pascialella ", ainsi que l'avis conforme défavorable du préfet de la Corse-du-Sud en date du 7 février 2019.

Par un jugement n°1900521 du 26 janvier 2021, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

Procédure

devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 24 mars 2021 et 18 oct...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté du 28 février 2019 par lequel le maire de Porto-Vecchio a refusé de lui délivrer un permis de construire une maison avec piscine et garage sur la parcelle cadastrée section A n° 1209, au lieudit " Pascialella ", ainsi que l'avis conforme défavorable du préfet de la Corse-du-Sud en date du 7 février 2019.

Par un jugement n°1900521 du 26 janvier 2021, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 24 mars 2021 et 18 octobre 2022, M. A... B..., représenté par Me Jean-Meire, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 26 janvier 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 28 février 2019 ;

3°) d'enjoindre au maire de Porto-Vecchio de procéder au réexamen de sa demande dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de cinquante euros par jour de retard à compter d'un délai de deux mois ;

4°) de mettre à la charge de la commune une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'avis conforme défavorable de la préfète de la Corse-du-Sud du 7 février 2019 et l'arrêté du 28 février 2019 du maire de Porto-Vecchio sont entachés d'erreur de droit, en l'absence d'instruction de sa demande sur le fondement du III de l'article 42 de la loi du 23 novembre 2018, alors qu'il avait sollicité le bénéfice de ces dispositions ;

- le projet en cause est conforme aux dispositions du III de l'article 42 de la loi du 23 novembre 2018 dès lors qu'il se situe en dehors de la bande littorale de cent mètres, des espaces proches du rivage et des rives des plans d'eau mentionnés à l'article L. 121-13, qu'il s'insère au sein d'un secteur déjà urbanisé, le village de Pascialella, qu'il vise uniquement à améliorer l'offre de logement, qu'il ne porte pas atteinte à l'environnement ou aux paysages et qu'il n'étend pas le périmètre bâti ;

- le projet en cause ne méconnaît pas les dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme telles que précisées par le PADDUC, dès lors qu'il se situe en continuité du secteur de Pascialella, qui peut être qualifié de village ou à tout le moins de zone déjà urbanisée au sens de ces dispositions.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 juillet 2022, la commune de Porto-Vecchio, représentée par Me Gilliocq, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge du requérant la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête sont infondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 septembre 2022, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête sont infondés.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la cour a désigné Mme Vincent, présidente assesseure de la 5ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... relève appel du jugement du 26 janvier 2021 en tant que le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation, pour excès de pouvoir, de l'arrêté du maire de Porto-Vecchio du 28 février 2019 refusant de lui délivrer un permis de construire une maison avec piscine et garage sur la parcelle cadastrée section A n°1209, au lieudit " Pascialella ".

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 422-6 du code de l'urbanisme : " En cas d'annulation par voie juridictionnelle ou d'abrogation d'une carte communale, d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu, ou de constatation de leur illégalité par la juridiction administrative ou l'autorité compétente et lorsque cette décision n'a pas pour effet de remettre en vigueur un document d'urbanisme antérieur, le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale recueille l'avis conforme du préfet sur les demandes de permis ou les déclarations préalables postérieures à cette annulation, à cette abrogation ou à cette constatation ". En application de ces dispositions, compte tenu de l'annulation pour excès de pouvoir de la délibération du 30 juillet 2009 du conseil municipal de Porto-Vecchio approuvant le plan local d'urbanisme, prononcée par un jugement du tribunal administratif de Bastia du 20 mai 2011, le maire de Porto-Vecchio a recueilli, avant de prendre l'arrêté de refus de permis de construire contesté, l'avis du préfet de la Corse-du-Sud, lequel a émis, le 7 février 2019, un avis défavorable sur la demande de permis de construire présentée par M. B.... Ce dernier doit être regardé comme soutenant, par voie d'exception, que cet avis est entaché d'illégalité.

3. Aux termes de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique : " L'extension de l'urbanisation se réalise en continuité avec les agglomérations et villages existants./ Dans les secteurs déjà urbanisés autres que les agglomérations et villages identifiés par le schéma de cohérence territoriale et délimités par le plan local d'urbanisme, des constructions et installations peuvent être autorisées, en dehors de la bande littorale de cent mètres, des espaces proches du rivage et des rives des plans d'eau mentionnés à l'article L. 121-13, à des fins exclusives d'amélioration de l'offre de logement ou d'hébergement et d'implantation de services publics, lorsque ces constructions et installations n'ont pas pour effet d'étendre le périmètre bâti existant ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti. Ces secteurs déjà urbanisés se distinguent des espaces d'urbanisation diffuse par, entre autres, la densité de l'urbanisation, sa continuité, sa structuration par des voies de circulation et des réseaux d'accès aux services publics de distribution d'eau potable, d'électricité, d'assainissement et de collecte de déchets, ou la présence d'équipements ou de lieux collectifs. / L'autorisation d'urbanisme est soumise pour avis à la commission départementale de la nature, des paysages et des sites. Elle est refusée lorsque ces constructions et installations sont de nature à porter atteinte à l'environnement ou aux paysages ". Le III de l'article 42 de la même loi prévoit que : " Jusqu'au 31 décembre 2021, des constructions et installations qui n'ont pas pour effet d'étendre le périmètre du bâti existant, ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti, peuvent être autorisées avec l'accord de l'autorité administrative compétente de l'Etat, après avis de la commission départementale de la nature des paysages et des sites, dans les secteurs mentionnés au deuxième alinéa de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction résultant de la présente loi, mais non identifiés par le schéma de cohérence territoriale ou non délimités par le plan local d'urbanisme en l'absence de modification ou de révision de ces documents initiée postérieurement à la publication de la présente loi ". Le V du même article précise que les mots " en continuité avec les agglomérations et villages existants " - qui remplacent les mots : " soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement " s'appliquent " sans préjudice des autorisations d'urbanisme délivrées avant la publication de la présente loi ". Cette modification de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme ne s'applique pas " aux demandes d'autorisation d'urbanisme déposées avant le 31 décembre 2021 ni aux révisions, mises en compatibilité ou modifications de documents d'urbanisme approuvées avant cette date ".

4. La loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique ayant été publiée au Journal officiel de la République française du 24 novembre 2018 et la présente demande de permis de construire ayant été déposée le 27 décembre 2018, les dispositions du III de l'article 42 de la loi du 23 novembre 2018 sont applicables en l'espèce.

5. D'une part, il résulte des dispositions du premier alinéa de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa version applicable en l'espèce, que l'extension de l'urbanisation doit se réaliser, dans les communes littorales, soit en continuité avec les agglomérations et les villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement. Constituent des agglomérations ou des villages où l'extension de l'urbanisation est possible, au sens et pour l'application de ces dispositions, les secteurs déjà urbanisés caractérisés par un nombre et une densité significatifs de constructions.

6. D'autre part, le deuxième alinéa de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, ouvre la possibilité, dans les autres secteurs urbanisés qui sont identifiés par le schéma de cohérence territoriale et délimités par le plan local d'urbanisme, à seule fin de permettre l'amélioration de l'offre de logement ou d'hébergement et l'implantation de services publics, de densifier l'urbanisation, à l'exclusion de toute extension du périmètre bâti et sous réserve que ce dernier ne soit pas significativement modifié. En revanche, aucune construction ne peut être autorisée, même en continuité avec d'autres, dans les espaces d'urbanisation diffuse éloignés de ces agglomérations et villages. Il ressort des dispositions de ce 2e alinéa de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme que les secteurs déjà urbanisés qu'elles mentionnent se distinguent des espaces d'urbanisation diffuse par, entre autres, la densité de l'urbanisation, sa continuité, sa structuration par des voies de circulation et des réseaux d'accès aux services publics de distribution d'eau potable, d'électricité, d'assainissement et de collecte de déchets, ou la présence d'équipements ou de lieux collectifs. Par ailleurs, le III de l'article 42 de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique autorise, par anticipation, jusqu'au 31 décembre 2021 et sous réserve de l'accord de l'Etat, les constructions qui n'ont pas pour effet d'étendre le périmètre du bâti existant, ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti dans les secteurs déjà urbanisés non encore identifiés par le schéma de cohérence territoriale ou non délimités par le plan local d'urbanisme.

7. Le plan d'aménagement et de développement durable de Corse (PADDUC), qui précise, en application du I de l'article L. 4424-11 du code général des collectivités territoriales, les modalités d'application des dispositions citées ci-dessus, prévoit que, dans le contexte géographique, urbain et socioéconomique de la Corse, une agglomération est identifiée selon des critères tenant au caractère permanent du lieu de vie qu'elle constitue, à l'importance et à la densité significative de l'espace considéré et à la fonction structurante qu'elle joue à l'échelle de la micro-région ou de l'armature urbaine insulaire, et que, par ailleurs, un village est identifié selon des critères tenant à la trame et la morphologie urbaine, aux indices de vie sociale dans l'espace considéré et au caractère stratégique de celui-ci pour l'organisation et le développement de la commune.

8. Les prescriptions du PADDUC mentionnées ci-dessus apportent des précisions et sont compatibles avec les dispositions du premier alinéa de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme citées au point 3.

9. En premier lieu, ainsi que l'a jugé le tribunal, il ressort des pièces du dossier, notamment des vues aériennes produites par le requérant, que si le lieudit " Pascialella ", distant de plusieurs kilomètres du centre de Porto-Vecchio, compte une cinquantaine d'habitations, il ne se caractérise pas par une densité significative de constructions. En outre, il n'est ni établi ni même allégué qu'au regard de la trame, de la morphologie urbaine, d'indices de vie sociale et de son caractère stratégique pour l'organisation et le développement de la commune de Porto-Vecchio, cet espace serait constitutif d'une agglomération ou d'un village au sens des dispositions citées ci-dessus du code de l'urbanisme, telles que précisées par les prescriptions du PADDUC. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 128-1 du code de l'urbanisme ne peut qu'être écarté.

10. En deuxième lieu, les dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme ne s'appliquent, ainsi qu'elles le précisent expressément, que dans des secteurs identifiés par le schéma de cohérence territoriale et délimités par le plan local d'urbanisme. Ainsi qu'il a été rappelé au point 2, à la date de l'arrêté contesté, la commune de Porto-Vecchio ne disposait pas d'un plan local d'urbanisme. Les dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 128-1 du code de l'urbanisme n'étaient donc pas applicables à la demande présentée par M. B....

11. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment des vues aériennes produites par le requérant, que le terrain d'assiette du projet, qui se situe en bordure du lieu-dit Pascialella, s'ouvre au Nord-Ouest sur un vaste espace boisé vierge de toute construction. La construction projetée, qui, contrairement à ce que soutient le requérant, ne se situe pas au sein d'une dent creuse aurait donc nécessairement pour effet d'étendre le périmètre du bâti existant du lieu-dit Pascialella. Dès lors, cette construction, qui ne remplit pas les conditions prévues par les dispositions transitoires du III de l'article 42 de la loi du 23 novembre 2018 précitées, ne pouvait être autorisée sur le fondement de ces dispositions. Par suite, les moyens tirés de l'erreur de droit et de l'erreur d'appréciation dans l'application de ces dispositions dont serait entaché l'avis conforme défavorable de la préfète de la Corse-du-Sud doivent être écartés.

12. Il résulte de ce qui précède, alors qu'en tout état de cause les moyens dirigés contre l'arrêté du maire pris sur avis conforme du préfet sont inopérants, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du maire de Porto-Vecchio du 28 février 2019 refusant de lui délivrer un permis de construire une maison avec piscine et garage sur la parcelle cadastrée section A n°1209, au lieudit " Pascialella ". Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Porto-Vecchio, qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, la somme demandée par M. B... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... la somme demandée par la commune de Porto-Vecchio en application de ces dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête présentée par M. B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Porto-Vecchio en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la commune de Porto-Vecchio.

Copie en sera adressée pour information au préfet de la Corse-du-Sud.

Délibéré après l'audience du 19 décembre 2022, où siégeaient :

- Mme Vincent, présidente,

- M. Mérenne, premier conseiller,

- Mme Balaresque, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 janvier 2023.

N° 21MA01177 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA01177
Date de la décision : 09/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Urbanisme et aménagement du territoire - Règles générales d'utilisation du sol - Règles générales de l'urbanisme - Prescriptions d'aménagement et d'urbanisme - Régime issu de la loi du 3 janvier 1986 sur le littoral.

Urbanisme et aménagement du territoire - Règles générales d'utilisation du sol - Règles générales de l'urbanisme - Prescriptions d'aménagement et d'urbanisme - Schéma d'aménagement de la Corse.


Composition du Tribunal
Président : Mme VINCENT
Rapporteur ?: Mme Claire BALARESQUE
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : SCP D'AVOCATS CGCB et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-01-09;21ma01177 ?
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