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26/01/2023 | FRANCE | N°22MA00991

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 26 janvier 2023, 22MA00991


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2013, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1604269 du 7 février 2019, après avoir constaté un non-lieu à statuer partiel sur les conclusions présentées par M. B... à hauteur du dégrèvement prononcé en cours d'instance, le tribunal administratif de Nice a

rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la Cour avant renvoi ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2013, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1604269 du 7 février 2019, après avoir constaté un non-lieu à statuer partiel sur les conclusions présentées par M. B... à hauteur du dégrèvement prononcé en cours d'instance, le tribunal administratif de Nice a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la Cour avant renvoi :

Par une requête, enregistrée le 27 février 2019, M. B..., représenté par Me Sanchez, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 7 février 2019 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions en litige et des pénalités correspondantes ;

3°) de condamner l'Etat aux entiers dépens et de mettre à sa charge une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le " positionnement de l'administration " devant le tribunal administratif a fait obstacle à la tenue d'un procès équitable au sens de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la proposition de rectification qui lui a été adressée est insuffisamment motivée ;

- la proposition de rectification qui a été adressée à la société à responsabilité limitée (SARL) E...est insuffisamment motivée ;

- la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires n'a pas pu se prononcer sur l'imposition dans les résultats de la SARL E...d'une somme liée à l'achat d'un actif ;

- l'administration a implicitement mis en œuvre la procédure de répression des abus de droit ;

- dans la mesure où la proposition de rectification qui lui a été adressée est insuffisamment motivée, elle n'a pas valablement interrompu la prescription ;

- le crédit du compte courant d'associé ouvert à son nom dans les écritures de la SARL E..., pour un montant de 196 000 euros, est justifié par la vente à la société des parts de la copropriété d'un bateau ;

- l'application des intérêts de retard est en conséquence infondée ;

- l'administration n'était pas fondée à faire application de la majoration pour manquement délibéré.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 mai 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Par un arrêt n° 19MA00975 du 15 juillet 2020, la Cour a annulé le jugement du tribunal administratif de Nice, a déchargé M. B... des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales demeurant en litige, et a mis à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une décision n° 444025 du 28 mars 2022, le Conseil d'Etat a, sur pourvoi du ministre de l'économie, des finances et de la relance, annulé l'arrêt du 15 juillet 2020 et renvoyé l'affaire à la Cour.

Procédure devant la Cour après renvoi :

Par un mémoire, enregistré le 14 juin 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut aux mêmes fins que précédemment.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- et les conclusions de M. Ury, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL E..., dont M. B... est l'associé majoritaire et le gérant, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013, à l'issue de laquelle l'administration a estimé que l'inscription d'un crédit de 196 000 euros au compte courant d'associé de M. B... ne pouvait être regardée comme la contrepartie de la vente, au profit de cette société, de 49 % des parts de la copropriété d'un bateau dès lors que l'intéressé n'en n'était pas propriétaire. Cette inscription ayant été qualifiée de revenu distribué au sens du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, M. B... a été assujetti à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre de l'année 2013. Par un jugement du 7 février 2019, après avoir prononcé un non-lieu à statuer à hauteur d'un dégrèvement partiel intervenu en cours d'instance, le tribunal administratif de Nice a rejeté le surplus des conclusions de M. B... tendant à la décharge des impositions litigieuses. Par un arrêt n° 19MA00975 du 15 juillet 2020, la Cour, après avoir annulé le jugement du tribunal administratif de Nice, a déchargé M. B... des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales demeurant en litige. Par une décision n° 444025 du 28 mars 2022, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé cet arrêt au motif que la Cour a commis une erreur de droit en jugeant que l'administration n'établissait pas que la somme de 196 000 euros avait été mise à la disposition de M. B... et était ainsi constitutive de revenus distribués au motif de la nullité de la cession des parts, alors que la nullité de la vente ne faisait, en tout état de cause, pas obstacle à ce que M. B... soit regardé comme ayant eu la disposition de la somme en litige au titre de l'année 2013 dès lors qu'il n'établissait ni qu'il n'avait pas pu en avoir la disposition, ni que cette somme ne correspondait pas à la mise à disposition d'un revenu. Le Conseil d'Etat a renvoyé l'affaire devant la Cour.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (...) ". Ces stipulations ne peuvent être utilement invoquées devant le juge de l'impôt, qui ne statue pas en matière pénale et ne tranche pas des contestations sur des droits et obligations à caractère civil. En l'espèce, le litige soumis au tribunal ne portait que sur les impositions supplémentaires établies à l'issue du contrôle sur pièces des déclarations de M. B.... Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées du paragraphe 1. de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut, en tout état de cause, être utilement soulevé pour critiquer la régularité de la procédure de première instance.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs de fait et de droit sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler de façon utile ses observations.

4. La proposition de rectification adressée à M. B... le 10 juillet 2015 citait les dispositions de l'article 109-1.2° du code général des impôts, rappelait que les sommes inscrites au crédit d'un compte courant d'associé ont, sauf preuve contraire, le caractère de revenus et sont imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, et précisait les raisons pour lesquelles M. B... n'était pas copropriétaire du bateau et n'avait ainsi pu transmettre aucun droit de propriété à la société E.... Elle ajoutait que la vente des parts du bateau à cette société, qui n'a pas été déclarée en douane, en méconnaissance de l'article 231 du code des douanes, n'est pas opposable aux tiers, et indiquait qu'en conséquence la société n'a contracté aucune dette à l'égard de M. B..., de sorte que la somme de 196 000 euros portée au crédit de son compte courant d'associé constitue un revenu distribué. Par suite, cette proposition de rectification, qui mentionne par ailleurs les impôts concernés, l'année d'imposition et le montant des rectifications, est suffisamment motivée, sans qu'ait d'incidence à cet égard la circonstance que l'administration a indiqué en outre dans ses écritures devant le tribunal administratif, après avoir cité l'article L. 5114-1 du code des transports, qu'aucun acte de cession préalable à M. B... des parts du bateau n'avait été enregistré.

5. En deuxième lieu, si M. B... soutient que la proposition de rectification qui a été adressée à la SARL E... est insuffisamment motivée, et que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires n'a pas pu se prononcer sur l'imposition dans les résultats de cette société d'une somme liée à l'achat d'un actif, les irrégularités de la procédure de rectification suivie à l'encontre de la SARL E..., à les supposer même établies, sont sans incidence sur l'imposition personnelle de M. B..., en raison du principe d'indépendance des procédures de rectification menées à l'encontre de la société, d'une part, et de ses associés, d'autre part.

6. En troisième lieu, il ne résulte pas de l'instruction que l'administration, qui s'est bornée à estimer que seule Mme A..., compagne de M. B..., était propriétaire du bateau dont les parts ont été cédées à la SARL E..., ait entendu se prévaloir du caractère fictif de la cession des parts de ce bateau. Il suit de là que, pour établir les impositions contestées, l'administration ne s'est pas placée, même implicitement, sur le terrain de l'abus de droit et n'a pas privé M. B... des garanties qui s'attachent à la procédure de répression des abus de droit prévue par l'article L. 64 du livre des procédures fiscales.

En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :

7. Aux termes du 1 de l'article 109 du code général des impôts : " Sont considérés comme revenus distribués : / (...) 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices ".

8. Les sommes inscrites au crédit d'un compte courant d'associé d'une société soumise à l'impôt sur les sociétés sont, sauf preuve contraire, à la disposition de cet associé, alors même que l'inscription résulterait d'une erreur comptable involontaire, et ont donc, même dans une telle hypothèse, le caractère de revenus distribués, imposables entre les mains de cet associé dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers en vertu du 2º du 1 de l'article 109 du code général des impôts. Pour que l'associé échappe à cette imposition, il lui incombe de démontrer, le cas échéant, qu'il n'a pas pu avoir la disposition de ces sommes ou que ces sommes ne correspondent pas à la mise à disposition d'un revenu.

9. Si M. B... soutient que le crédit du compte courant d'associé ouvert à son nom dans les écritures de la SARL E..., pour un montant de 196 000 euros, est justifié par la vente à la société des parts de la copropriété du bateau, l'acte de vente de ces parts a été conclu le 10 décembre 2013 entre Mme ..., désignée comme propriétaire, et la société, et son article 3 précise que " La vente s'établit avec l'accord du premier propriétaire Lan ... qui reste majoritaire de la copropriété de la vedette avec 51 % de sa valeur ". Les documents annexés à ce contrat, à savoir un " protocole de cession entre Lan ... et Claude-Yves B... " daté du 10 décembre 2013 et un protocole de règlement de copropriété conclu entre Mme ... et la société E... le 5 décembre 2013, qui n'ont fait l'objet d'aucun enregistrement et n'ont donc pas date certaine, ne permettent pas de démontrer que M. B... serait devenu propriétaire des parts du bateau cédées à la SARL E.... Dans ces conditions, dès lors que les parts du navire ont été cédées à la SARL E...par Mme ..., leur cession n'est pas de nature à démontrer l'existence d'une dette de la société à l'égard de M. B.... Ce dernier ne démontre ni même n'allègue ne pas avoir eu la disposition de la somme portée au crédit de son compte courant ou que cette somme ne correspondrait pas à la mise à disposition d'un revenu. Par conséquent, la somme de 196 000 euros portée au crédit du compte courant ouvert au nom de M. B... dans les écritures de la SARL E...constituait un revenu distribué au sens de l'article 109-1.2° du code général des impôts, sans qu'ait d'incidence à cet égard les circonstances que l'administration n'a pas remis en cause l'écriture constatée dans la comptabilité de la SARL E...sur le fondement de l'article 38-2 du même code, qu'elle n'a pas critiqué la valeur des parts dont la société a fait l'acquisition, que l'acquisition des parts a conduit à l'entrée d'un élément à l'actif de la société et qu'il n'y a pas eu de désinvestissement. C'est dès lors à bon droit que l'administration a regardé la somme de 196 000 euros comme un revenu distribué imposable entre les mains de M. B....

En ce qui concerne les pénalités :

10. En premier lieu, il suit de ce qui a été dit précédemment que M. B... ne saurait demander par voie de conséquence de la décharge des impositions en litige la décharge des pénalités qui ont été appliquées.

11. En second lieu, aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt (...) entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) ".

12. Pour justifier l'application de la majoration pour manquement délibéré, l'administration a notamment relevé que M. B..., associé majoritaire et gérant de la SARL E..., ne pouvait ignorer qu'il ne pouvait transmettre la propriété des parts du navire à la société, et que ni l'intéressé ni Mme A..., qui sont concubins et ont une communauté d'intérêts, n'ont accompli de démarches afin de rendre opposable la transmission du droit de propriété sur le bateau. Par suite, elle justifie le caractère délibéré de l'insuffisance de déclaration et donc l'application de la majoration pour manquement délibéré.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Sur les frais liés au litige :

14. En premier lieu, la présente affaire n'a donné lieu à aucun dépens. Par suite, les conclusions présentées par la M. B... sur le fondement de l'article R. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

15. En second lieu, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à M. B... la somme qu'il réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

D É C I D E

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 12 janvier 2023, où siégeaient :

- Mme Paix, présidente,

- M. Platillero, président assesseur,

- Mme Mastrantuono, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 26 janvier 2023.

2

N° 22MA00991


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA00991
Date de la décision : 26/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-03-01-01-02 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. - Revenus distribués. - Notion de revenus distribués. - Imposition personnelle du bénéficiaire.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: Mme Florence MASTRANTUONO
Rapporteur public ?: M. URY
Avocat(s) : SANCHEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 12/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-01-26;22ma00991 ?
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