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06/02/2023 | FRANCE | N°21MA03252

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 06 février 2023, 21MA03252


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté du 14 mai 2019 par lequel le maire de Cauro a refusé de lui délivrer un permis de construire une maison sur la parcelle cadastrée section D n° 763, au lieudit Ciormolo, ensemble la décision du 4 juillet 2019 par laquelle la préfète de la Corse-du-Sud a refusé de lui délivrer un certificat de permis tacite.

Par un jugement n° 1901185 du 22 juin 2021, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

Procédu

re devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 3 août 2021 et 18 oct...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté du 14 mai 2019 par lequel le maire de Cauro a refusé de lui délivrer un permis de construire une maison sur la parcelle cadastrée section D n° 763, au lieudit Ciormolo, ensemble la décision du 4 juillet 2019 par laquelle la préfète de la Corse-du-Sud a refusé de lui délivrer un certificat de permis tacite.

Par un jugement n° 1901185 du 22 juin 2021, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 3 août 2021 et 18 octobre 2022, M. B... A..., représenté par la SCP Romani-Clada-Maroselli-Armani, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bastia du 22 juin 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 14 mai 2019, ensemble la décision du 4 juillet 2019 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Cauro une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- à la suite de l'expiration du sursis à statuer qui avait été opposé le 6 mars 2017 à sa demande de permis de construire, il a réitéré sa demande par courrier recommandé du 19 mars 2019 ; il était donc bénéficiaire d'un permis de construire tacite lorsqu'il a reçu notification le 21 mai 2019 de l'arrêté du 14 mai 2019 ;

- l'arrêté du 14 mai 2019 qui retire ce permis de construire tacite est illégal faute d'avoir été précédé d'une procédure contradictoire ;

- il est entaché d'une insuffisance de motivation ;

- il est entaché d'erreur de droit dès lors que l'annulation du plan local d'urbanisme de la commune de Cauro par le jugement du tribunal administratif de Bastia du 14 mars 2019 a remis en vigueur le plan d'occupation des sols précédemment applicable qui prévoyait que la parcelle litigieuse était située en zone constructible ;

- le motif de refus tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme est illégal dès lors que le projet se situe en continuité d'un groupe d'habitations existant ; il est entouré de constructions ;

- le motif de refus tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 122-10 du code de l'urbanisme est illégal dès lors que la parcelle terrain d'assiette du projet a une pente supérieure à 15%, une faible superficie et est dépourvue de caractère agricole.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 26 juillet et 4 novembre 2022, la commune de Cauro, représentée par Me Nesa, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge du requérant la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure préalable à l'arrêté du 14 mai 2019 est nouveau en appel et par suite irrecevable ; il est en outre inopérant, le maire étant en situation de compétence liée ;

- la requête n'est pas fondée par les autres moyens qu'elle soulève.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 septembre 2022, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'elle n'est pas fondée par les moyens qu'elle soulève.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience au cours de laquelle ont été entendus :

- le rapport de Mme C... ;

- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le 5 décembre 2016, M. A... a déposé, en mairie de Cauro, une demande de permis de construire une maison sur la parcelle cadastrée section D n° 763, au lieudit Ciormolo. Par un arrêté du 6 mars 2017, le maire de Cauro a sursis à statuer sur cette demande pour une durée de deux ans. Par un courrier du 18 mars 2019, reçu par la commune le 20 mars 2019, M. A... a confirmé au maire sa demande de permis de construire. Par un arrêté du 14 mai 2019, le maire de Cauro a refusé de lui délivrer ledit permis. Par un courrier du 29 mai 2019, M. A... a exercé un recours gracieux à l'encontre de cet arrêté et sollicité la délivrance d'un certificat de permis tacite. Par un courrier du 4 juillet 2019, la préfète de la Corse-du-Sud a informé l'intéressé qu'il ne pouvait se prévaloir d'un permis tacite. M. A... relève appel du jugement du 22 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du maire de Cauro du 14 mai 2019 et de la décision de la préfète de la Corse-du-Sud du 4 juillet 2019.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne les conclusions dirigées contre l'arrêté du 14 mai 2019 :

2. En premier lieu, le tribunal administratif a écarté le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision contestée par des motifs appropriés, figurant au point 8 du jugement attaqué, qu'il convient d'adopter en appel.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 424-1 du code de l'urbanisme : " Le sursis à statuer doit être motivé et ne peut excéder deux ans. L'autorité compétente ne peut, à l'expiration du délai de validité du sursis ordonné, opposer à une même demande d'autorisation un nouveau sursis fondé sur le même motif que le sursis initial. Si des motifs différents rendent possible l'intervention d'une décision de sursis à statuer par application d'une disposition législative autre que celle qui a servi de fondement au sursis initial, la durée totale des sursis ordonnés ne peut en aucun cas excéder trois ans. A l'expiration du délai de validité du sursis à statuer, une décision doit, sur simple confirmation par l'intéressé de sa demande, être prise par l'autorité compétente chargée de la délivrance de l'autorisation, dans le délai de deux mois suivant cette confirmation. Cette confirmation peut intervenir au plus tard deux mois après l'expiration du délai de validité du sursis à statuer. Une décision définitive doit alors être prise par l'autorité compétente pour la délivrance de l'autorisation, dans un délai de deux mois suivant cette confirmation. A défaut de notification de la décision dans ce dernier délai, l'autorisation est considérée comme accordée dans les termes où elle avait été demandée ". L'article R. 424-10 du code de l'urbanisme précise que : " La décision accordant ou refusant le permis ou s'opposant au projet faisant l'objet d'une déclaration préalable est notifiée au demandeur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception postal. (...) ".

4. En application de ces dispositions, le demandeur d'un permis de construire auquel a été opposé un sursis à statuer n'est réputé être titulaire d'un permis tacite que lorsqu'aucune décision ne lui a été notifiée avant l'expiration d'un délai de deux mois suivant la confirmation de sa demande de permis de construire effectuée à l'expiration du délai de validité du sursis à statuer. Cette notification doit être regardée comme étant intervenue à la date à laquelle le pli a été présenté pour la première fois à son adresse.

5. En l'espèce, il ressort des pièces produites par le requérant lui-même que le pli lui notifiant l'arrêté du 14 mai 2019 a été présenté pour la première fois à son domicile le 17 mai 2019, soit dans le délai de deux mois suivant la réception par la commune, le 20 mars 2019, de la confirmation de sa demande de permis de construire. Dès lors, l'arrêté du 14 mai 2019 du maire de Cauro constitue un refus de permis de construire et non le retrait d'un permis tacite. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure préalable au retrait ne peut qu'être écarté comme inopérant.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 122-2 du code de l'urbanisme : " Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute personne publique ou privée pour l'exécution de tous travaux, constructions, défrichements, plantations, aménagements, installations et travaux divers (...) " et aux termes de l'article L. 122-5 du même chapitre de ce code : " L'urbanisation est réalisée en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants, sous réserve de l'adaptation, du changement de destination, de la réfection ou de l'extension limitée des constructions existantes, ainsi que de la construction d'annexes, de taille limitée, à ces constructions, et de la réalisation d'installations ou d'équipements publics incompatibles avec le voisinage des zones habitées ".

7. Il résulte des dispositions précitées, d'une part, qu'il appartient à l'autorité administrative chargée de se prononcer sur une demande d'autorisation d'occupation ou d'utilisation du sol mentionnée à l'article L. 122-2 du code de l'urbanisme de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de la conformité du projet aux dispositions du code de l'urbanisme particulières à la montagne et, d'autre part, que l'urbanisation en zone de montagne, sans être autorisée en zone d'urbanisation diffuse, peut être réalisée non seulement en continuité avec les bourgs, villages et hameaux existants, mais également en continuité avec les " groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants " et qu'est ainsi possible l'édification de constructions nouvelles en continuité d'un groupe de constructions traditionnelles ou d'un groupe d'habitations qui, ne s'inscrivant pas dans les traditions locales, ne pourrait être regardé comme un hameau. L'existence d'un tel groupe suppose plusieurs constructions qui, eu égard notamment à leurs caractéristiques, à leur implantation les unes par rapport aux autres et à l'existence de voies et de réseaux, peuvent être perçues comme appartenant à un même ensemble. Pour déterminer si un projet de construction réalise une urbanisation en continuité par rapport à un tel groupe, il convient de rechercher si, par les modalités de son implantation, notamment en termes de distance par rapport aux constructions existantes, ce projet sera perçu comme s'insérant dans l'ensemble existant (CE, 2 octobre 2019, N° 418666, aux T.)

8. Le plan d'aménagement et de développement durable de la Corse (PADDUC), qui peut préciser les modalités d'application de ces dispositions en application du I de l'article L. 4424-11 du code général des collectivités territoriales, adopté par la délibération n° 15/235 AC du 2 octobre 2015 de l'assemblée de Corse, prévoit qu'un bourg est un gros village présentant certains caractères urbains, qu'un village est plus important qu'un hameau et comprend ou a compris des équipements ou lieux collectifs administratifs, culturels ou commerciaux, et qu'un hameau est caractérisé par sa taille, le regroupement des constructions, la structuration de sa trame urbaine, la présence d'espaces publics, la destination des constructions et l'existence de voies et équipements structurants. Ces prescriptions apportent des précisions et sont compatibles avec les dispositions du code de l'urbanisme particulières à la montagne. En revanche, le PADDUC se borne à rappeler les critères mentionnés ci-dessus et permettant d'identifier un groupe de constructions traditionnelles ou d'habitations existants et d'apprécier si une construction est située en continuité des bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants.

9. Il ressort des pièces du dossier, en particulier des photographies et plans parcellaires versés au dossier par le requérant, que le terrain d'assiette du projet, majoritairement boisé, est entouré de parcelles pour la plupart demeurées à l'état naturel. Les quelques habitations éparses implantées sur des parcelles alentour, éloignées les unes les autres d'une centaine de mètres, ne peuvent, eu égard à leur faible nombre et à leur implantation au milieu d'une vaste zone naturelle composée d'espaces boisés et de terres agricoles, être perçues comme appartenant à un même ensemble susceptible d'être assimilé à un groupe de constructions existant. Dans ces conditions, ainsi que l'a relevé le tribunal, le projet ne peut être regardé comme s'insérant en continuité d'un ensemble de constructions existant. La circonstance que le terrain d'assiette du projet se situe en zone constructible du plan d'occupation des sols de la commune, remis en vigueur à la suite de l'annulation du plan local d'urbanisme par un jugement du tribunal administratif de Bastia du 14 mars 2019, est par ailleurs sans incidence sur l'appréciation de la continuité de l'urbanisation et partant sur la conformité du projet aux dispositions précitées de l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme telles que précisées par le PADDUC. Le moyen tiré de l'inexacte application de ces dispositions doit, par suite, être écarté.

10. Aux termes de l'article L. 122-10 du code de l'urbanisme : " Les terres nécessaires au maintien et au développement des activités agricoles, pastorales et forestières, en particulier les terres qui se situent dans les fonds de vallée, sont préservées. La nécessité de préserver ces terres s'apprécie au regard de leur rôle et de leur place dans les systèmes d'exploitation locaux. Sont également pris en compte leur situation par rapport au siège de l'exploitation, leur relief, leur pente et leur exposition ".

11. Ainsi qu'il a été dit au point 9, le terrain d'assiette du projet, majoritairement boisé, se situe dans une vaste zone à dominante agricole et boisée. Il ressort également des pièces du dossier que ce terrain est classé en zone A du plan local d'urbanisme en cours d'élaboration par la commune. Si le requérant conteste le caractère nécessaire au maintien et au développement des activités agricoles, pastorales et forestières de ce terrain, il n'apporte aucun élément probant au soutien de ses allégations, en se bornant à soutenir, sans l'établir, que la pente de ce terrain serait supérieure à 15% et en produisant des avis de taxe foncière mentionnant en base des " terres non agricoles ". Dans ces conditions, le moyen tiré de l'inexacte application des dispositions précitées de l'article L. 122-10 du code de l'urbanisme doit être écarté.

En ce qui concerne les conclusions dirigées contre la décision du 4 juillet 2019 :

12. Contrairement à ce que soutient le requérant et ainsi qu'il a été dit au point 5, il n'a pas obtenu de permis tacite à la suite de la confirmation de sa demande de permis de construire. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 424-13 du code de l'urbanisme aux termes desquelles " en cas de permis tacite ou de non-opposition à un projet ayant fait l'objet d'une déclaration, l'autorité compétente en délivre certificat sur simple demande du demandeur, du déclarant ou de ses ayants droit " ne peut, dès lors et en tout état de cause, qu'être écarté.

13. Il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a refusé de faire droit à sa demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 14 mai 2019 par lequel le maire de Cauro a refusé de lui délivrer un permis de construire, ensemble la décision du 4 juillet 2019 par laquelle la préfète de la Corse-du-Sud a refusé de lui délivrer un certificat de permis tacite.

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Cauro, qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, verse à M. A... une quelconque somme au titre des frais qu'il a exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... une somme de 2 000 euros en application de ces mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : M. A... versera à la commune de Cauro la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à la commune de Cauro et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie sera adressée pour information au préfet de la Corse-du-Sud.

Délibéré après l'audience du 23 janvier 2023, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- Mme Vincent, présidente-assesseure,

- Mme Balaresque, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 février 2023.

N° 21MA03252 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA03252
Date de la décision : 06/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-025-02-01-01 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire. - Nature de la décision. - Octroi du permis. - Permis tacite. - Point de départ du délai à l'expiration duquel naît un permis tacite.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: Mme Claire BALARESQUE
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : NESA

Origine de la décision
Date de l'import : 12/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-02-06;21ma03252 ?
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