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24/03/2023 | FRANCE | N°21MA01457

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 24 mars 2023, 21MA01457


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet des Alpes-Maritimes a déféré devant le tribunal administratif de Nice comme prévenues d'une contravention de grande voirie prévue et réprimée par l'article L. 2132-3 du code général de la propriété des personnes publiques la société civile immobilière (SCI) Cap Rochers et Mme B... C..., sur le fondement d'un procès-verbal de contravention de grande voirie du 30 mai 2017 constatant l'occupation du domaine public maritime, au droit du lieu-dit " F... ", à Roquebrune Cap-Martin (Alpes-Mariti

mes), par des canalisations de pompage et de rejet et des plateformes de périmè...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet des Alpes-Maritimes a déféré devant le tribunal administratif de Nice comme prévenues d'une contravention de grande voirie prévue et réprimée par l'article L. 2132-3 du code général de la propriété des personnes publiques la société civile immobilière (SCI) Cap Rochers et Mme B... C..., sur le fondement d'un procès-verbal de contravention de grande voirie du 30 mai 2017 constatant l'occupation du domaine public maritime, au droit du lieu-dit " F... ", à Roquebrune Cap-Martin (Alpes-Maritimes), par des canalisations de pompage et de rejet et des plateformes de périmètres irréguliers d'une superficie totale de 47 m².

Par un jugement n° 1703325 du 16 février 2021, ce tribunal a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions tendant à la condamnation de la SCI Cap Rochers et de Mme C... au paiement d'une amende, et a enjoint à ces dernières de procéder à la démolition des installations et ouvrages mentionnés dans le procès-verbal dans un délai de quatre mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et à verser à l'Etat la somme de 114,44 euros au titre des frais d'établissement du procès-verbal.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 18 avril et 5 mai 2021, la SCI Cap Rochers et Mme C..., représentées par Me Audoin, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 16 février 2021 du tribunal administratif de Nice ;

2°) de les relaxer des poursuites engagées à leur encontre ;

3°) de constater, si nécessaire, par voie d'exception, l'illégalité des décisions de mise en demeure et refus de renouvellement des 8 juin 2010 et 9 décembre 2015 refusant à la SCI Cap Rochers le renouvellement de son autorisation d'occuper le domaine public et fondant les poursuites ;

4°) de rejeter les demandes de l'Etat de remise en l'état et de démolition des ouvrages et toutes les demandes de l'Etat ;

5°) le cas échéant, de retenir et soulever l'absence de matérialité des faits et le caractère infondé des poursuites et surseoir à statuer pour poser une question préjudicielle au juge judiciaire ayant pour objet la propriété de la SCI Cap Rochers ;

6°) le cas échéant, ordonner un transport sur les lieux ;

7°) le cas échéant, enjoindre à l'Etat de reprendre une relation contractuelle avec la SCI Cap Rochers et, si nécessaire, délivrer une autorisation à la SCI pour maintenir ses installations ;

8°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- le jugement est irrégulier dans la mesure où les premiers juges ont statué ultra petita en invoquant des dispositions du code général de la propriété des personnes publiques que le préfet n'a pas invoquées ;

- le tribunal administratif a jugé à tort irrecevables leurs conclusions reconventionnelles tendant à l'annulation des décisions du 8 juin 2010 et 9 décembre 2015 refusant à la SCI le renouvellement de son autorisation d'occupation du domaine public maritime ;

- le tribunal administratif a jugé à tort irrecevable l'exception d'illégalité de la décision du 9 décembre 2015 ;

- le tribunal administratif a considéré de manière erronée qu'elles ne pouvaient invoquer l'illégalité du refus d'autorisation du 8 juin 2010 ;

- le tribunal administratif a estimé à tort que l'autorité de la chose jugée attachée à son précédent jugement de relaxe du 16 juillet 2015 ne s'opposait pas à la condamnation prononcée ;

- le tribunal administratif a estimé à tort que le procès-verbal de contravention de grande voirie était régulier nonobstant son imprécision et la circonstance que l'agent verbalisateur s'est rendu sur la propriété de la SCI sans son accord ;

- le procès-verbal ne leur a pas été régulièrement notifié ;

- le tribunal administratif a estimé illégalement qu'il n'y avait pas lieu de surseoir à statuer dans l'attente d'une décision du juge judiciaire sur la propriété des terrains en litige et que l'occupation du domaine public maritime était matériellement constituée ;

- l'Etat n'a pas produit de projet de délimitation ;

- les installations litigieuses ne sont pas situées sur le domaine public et la matérialité des faits n'est pas établie ;

- le tribunal administratif a refusé de manière erronée de tenir compte de la rupture d'égalité avec les propriétaires des villas voisines, de ce que les installations ont été autorisées pendant de nombreuses années et réalisées dans le respect des règles alors en vigueur, et de ce que des prescriptions pourraient être imposées pour réduire l'impact des installations sur l'environnement ;

- les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ;

- le tribunal administratif a fixé un délai insuffisant de quatre mois pour remettre en état toutes les installations qui ne tient pas compte des circonstances exceptionnelles liées à l'épidémie de Covid-19.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 mai 2022, la ministre de la transition écologique et la ministre de la mer concluent au rejet de la requête.

Elles soutiennent que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public,

- et les observations de Me Audoin, représentant la SCI Cap Rochers et Mme C....

Une note en délibéré présentée par Me Audouin, pour les requérantes a été enregistrée le 14 mars 2023.

Considérant ce qui suit :

1. Après qu'un procès-verbal de contravention de grande voirie eut été dressé le 30 mai 2017, le préfet des Alpes-Maritimes a déféré la SCI Cap Rochers et Mme C..., représentante légale de la société, comme prévenues d'une contravention de grande voirie prévue et réprimée par l'article L. 2132-3 du code général de la propriété des personnes publiques, devant le tribunal administratif de Nice qui, par un jugement du 16 février 2021, les a condamnées, d'une part, à procéder à la démolition de canalisations de pompage et de rejet ainsi que de plusieurs plateformes de périmètre irrégulier d'une superficie totale de 47 m² installées sur le domaine public maritime dans un délai de quatre mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et, d'autre part, à verser à l'Etat la somme de 114,44 euros au titre des frais d'établissement du procès-verbal. La SCI Cap Rochers et Mme C..., dont la requête à fin de sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Nice a été rejetée par un arrêt de la cour administrative de Marseille du 1er octobre 2021, relèvent appel des articles 2 à 5 de ce jugement.

Sur la régularité du jugement :

2. Si les appelantes soutiennent que les premiers juges ont statué ultra petita en invoquant des dispositions du code général de la propriété des personnes publiques que le préfet n'avait pas invoquées, il ressort du point 6 du jugement attaqué que les premiers juges ont cité les dispositions législatives et réglementaires applicables aux biens relevant du domaine public et aux contraventions de grande voirie. Ce faisant, les premiers juges, dont l'office en matière de contravention de grande voirie est de se prononcer sur l'infraction, ne peuvent être regardés comme ayant statué ultra petita.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la recevabilité des conclusions tendant à l'annulation des refus d'autorisation d'occupation temporaire :

3. En matière de contravention de grande voirie, les personnes poursuivies ne peuvent, à l'occasion des poursuites dont elles font l'objet, présenter des demandes reconventionnelles. Ainsi, la SCI Cap Rochers et Mme C... ne sont pas recevables, comme l'a jugé à bon droit le tribunal, à demander l'annulation des décisions des 8 juin 2010 et 9 décembre 2015 par lesquelles le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de leur accorder des autorisations d'occupation temporaire du domaine public maritime. Par suite, les conclusions à fin d'annulation de ces décisions de refus d'autorisation d'occupation du domaine public ne peuvent, à supposer qu'elles aient été maintenues en appel, qu'être rejetées.

En ce qui concerne l'exception tirée de l'illégalité des décisions du 8 juin 2010 et du 9 décembre 2015 :

4. L'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure que si cette dernière décision a été prise pour l'application du premier acte ou s'il en constitue la base légale. S'agissant d'un acte non réglementaire, l'exception n'est recevable que si l'acte n'est pas devenu définitif à la date à laquelle elle est invoquée, sauf dans le cas où l'acte et la décision ultérieure constituent les éléments d'une même opération complexe, l'illégalité dont l'acte serait entaché pouvant être dans un tel cas invoquée en dépit du caractère définitif de cet acte.

5. Par courrier du 9 décembre 2015, notifié aux contrevenantes le 11 décembre 2015 et suite au jugement n° 1304445 du 16 juillet 2015 précité, le préfet des Alpes-Maritimes a décidé de renouveler son refus d'accorder une autorisation d'occupation temporaire à la SCI Cap Rochers et l'a mise en demeure de démolir quatre plates-formes avec amorce de sentiers et d'escalier (40 m²) et d'enlever deux canalisations de 125 mm de diamètre. Cette décision du 9 décembre 2015, qui contient l'indication des délais et voies de recours, s'est nécessairement substituée au précédent refus d'autorisation d'occupation du domaine en date du 8 juin 2010. Si les requérantes contestent en appel le fait que la signature apposée sur l'accusé de réception soit celle de la gérante de la société, elles n'apportent aucun élément de nature à établir que le signataire n'aurait pas eu qualité pour recevoir ce courrier au nom et pour le compte de la SCI. S'il est soutenu par ailleurs que Mme C..., poursuivie à titre personnel, n'a pas été destinataire de la notification de la décision du 9 décembre 2015, portant refus de renouvellement, ledit refus, qui a été opposé à la SCI titulaire de l'autorisation initiale n'avait pas à être adressé à Mme C..., personne physique distincte de la personne morale et qui a été poursuivie en qualité de gérante de la société et non à titre personnel. Il est constant que la décision du 9 décembre 2015 étant devenue définitive, à la date à laquelle les contrevenantes ont présenté leurs écritures en défense dans le cadre des poursuites engagées en vertu du procès-verbal de contravention de grande voirie dressé le 30 mai 2017, ces dernières ne sont plus recevables à exciper l'illégalité de la décision du 9 décembre 2015 dans la mesure où, par ailleurs, les poursuites ne peuvent être regardées ni comme trouvant leur fondement dans cette décision ni comme constituant les éléments d'une même opération complexe.

6. Les appelantes ne peuvent utilement, pour les mêmes motifs, invoquer l'illégalité du précédent refus du préfet des Alpes-Maritimes du 8 juin 2010.

En ce qui concerne l'autorité de la chose jugée qui s'attache au jugement n° 1304445 du 16 juillet 2015 :

7. Aux termes de l'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous (...) ", aux termes de son article L. 2132-3 : " Nul ne peut bâtir sur le domaine public maritime ou y réaliser quelque aménagement ou quelque ouvrage que ce soit sous peine de leur démolition, de confiscation des matériaux et d'amende. / Nul ne peut en outre, sur ce domaine, procéder à des dépôts ou à des extractions, ni se livrer à des dégradations ", et, aux termes de son article L. 2132-2 : " Les contraventions de grande voirie sont instituées par la loi ou par décret, selon le montant de l'amende encourue, en vue de la répression des manquements aux textes qui ont pour objet, pour les dépendances du domaine public n'appartenant pas à la voirie routière, la protection soit de l'intégrité ou de l'utilisation de ce domaine public, soit d'une servitude administrative mentionnée à l'article L. 2131-1. / Elles sont constatées, poursuivies et réprimées par voie administrative. ".

8. Par un jugement n° 1304445 du 16 juillet 2015, le tribunal administratif de Nice a relaxé la SCI Cap Rochers des poursuites engagées par le préfet des Alpes-Maritimes par une contravention de grande voirie dressée le 21 novembre 2012. Ce jugement est devenu définitif et se trouve revêtu de l'autorité de la chose jugée. Toutefois, si la SCI Cap Rochers et Mme C... soutiennent que ce jugement fait obstacle à toute action de l'Etat et que les poursuites engagées par la contravention de grande voirie du 30 mai 2017 méconnaissent l'autorité de la chose jugée, le tribunal, dans son jugement du 16 juillet 2015, a relaxé la contrevenante des poursuites engagées à son encontre au motif que la décision du préfet des Alpes-Maritimes en date du 20 décembre 2012 refusant d'accorder une autorisation d'occupation du domaine public était illégale en raison d'un défaut de motivation. Eu égard à ce motif d'annulation, il était loisible à l'administration d'engager de nouvelles poursuites sur le fondement des dispositions précitées du code général de la propriété des personnes publiques en cas de maintien des installations en litige, sans autorisation, sur le domaine public maritime. Dès lors, la SCI Cap Rochers et Mme C... ne sont pas fondées à soutenir que la nouvelle contravention de grande voirie serait intervenue en méconnaissance de l'autorité de la chose jugée qui s'attache au jugement du 16 juillet 2015 susmentionné. Le moyen présenté en ce sens doit, ainsi, être écarté.

En ce qui concerne le procès-verbal de contravention de grande voirie du 30 mai 2017 :

9. Le procès-verbal du 30 mai 2017 mentionne la présence sur le domaine public maritime, d'une part, de canalisations de pompage et de rejet d'un diamètre de 125 millimètres et, d'autre part, de plateformes de périmètre irrégulier en béton avec accès par des amorces de sentier. Sont annexés à ce procès-verbal un plan des ouvrages qui avait été remis par la SCI Cap Rochers à l'appui de sa demande de renouvellement d'autorisation d'occupation temporaire du 6 février 2007, quatorze photographies des ouvrages, ainsi qu'un plan cadastral de la zone. Il mentionne, par ailleurs, précisément le lieu d'implantation des installations en litige et l'identité des contrevenants. Par suite, le moyen tiré du défaut de précision du procès-verbal doit être écarté comme manquant en fait.

10. Les appelantes ne peuvent par ailleurs utilement soutenir, à supposer même cette circonstance établie, que l'agent verbalisateur se serait rendu sur la parcelle privée AB 81, propriété de la SCI, sans l'accord de celle-ci pour dresser son constat.

11. Enfin, contrairement à ce que soutiennent les appelantes, il ressort des pièces du dossier qu'elles ont bien reçu notification du procès-verbal de contravention de grande voirie le 30 juin 2017.

En ce qui concerne la propriété du terrain d'assiette des installations litigieuses :

12. Aux termes de l'article L. 2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques : " Le domaine public maritime naturel de L'Etat comprend : / 1° Le sol et le sous-sol de la mer entre la limite extérieure de la mer territoriale et, côté terre, le rivage de la mer. / Le rivage de la mer est constitué par tout ce qu'elle couvre et découvre jusqu'où les plus hautes mers peuvent s'étendre en l'absence de perturbations météorologiques exceptionnelles ; (...) / 3° Les lais et relais de la mer (...) / b) Constitués à compter du 1er décembre 1963. (...) / Les terrains soustraits artificiellement à l'action du flot demeurent compris dans le domaine public maritime naturel sous réserve des dispositions contraires d'actes de concession translatifs de propriété légalement pris et régulièrement exécutés. ". Aux termes des dispositions de l'article L. 2111-5 du même code : " Les limites du rivage sont constatées par l'Etat en fonction des observations opérées sur les lieux à délimiter ou des informations fournies par des procédés scientifiques. Le projet de délimitation du rivage est soumis à enquête publique. L'acte administratif portant délimitation du rivage est publié et notifié aux riverains. Les revendications de propriété sur les portions de rivage ainsi délimitées se prescrivent par dix ans à dater de la publication. Le recours contentieux à l'encontre de l'acte de délimitation suspend ce délai. Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application du présent article, notamment les formalités propres à mettre les riverains en mesure de formuler leurs observations, ainsi que la liste des procédés scientifiques visés au premier alinéa du présent article. Ce décret détermine également les conditions dans lesquelles sont fixées la limite transversale de la mer à l'embouchure des cours d'eau et la limite des lais et relais de la mer. ".

13. Il appartient au juge administratif de se prononcer sur l'existence, l'étendue et les limites du domaine public, même en l'absence d'acte administratif délimitant ledit domaine, sauf à renvoyer à l'autorité judiciaire la solution d'une question préjudicielle lorsque, à l'appui de la contestation, sont invoqués des titres de propriété dont l'examen soulève une difficulté sérieuse.

14. Pour constater que l'infraction, à caractère matériel, d'occupation irrégulière du domaine public, est constituée, le juge de la contravention de grande voirie doit déterminer, au vu des éléments de fait et de droit pertinents, si la dépendance concernée relève du domaine public. S'agissant du domaine public maritime, le juge doit appliquer les critères fixés par l'article L. 2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques et n'est pas lié par les termes d'un arrêté, à caractère déclaratif, de délimitation du domaine public maritime, adopté sur le fondement du décret du 29 mars 2004 relatif à la procédure de délimitation du rivage de la mer, des lais et relais de la mer et des limites transversales de la mer à l'embouchure des fleuves et rivières.

15. S'il est fait grief à l'Etat de ne pas avoir produit de projet de délimitation du domaine public maritime, aucune disposition législative ou réglementaire ne lui impose de produire un tel projet et rien n'interdisait au préfet d'apporter au cours de l'instance, en complément du procès-verbal, un plan de bornage du 18 novembre 1977, dès lors que ce document a été soumis au contradictoire.

16. Dans le procès-verbal de contravention de grande voirie du 30 mai 2017, l'agent assermenté a relevé la présence sur le domaine public maritime, d'une part, de canalisations de pompage et de rejet d'un diamètre de 125 millimètres et, d'autre part, de plateformes de périmètre irrégulier en béton avec accès par des amorces de sentier. Sont annexés à ce procès-verbal un plan des ouvrages qui avait été remis par la SCI Cap Rochers à l'appui de sa demande de renouvellement d'autorisation d'occupation temporaire du 6 février 2007, quatorze photographies des ouvrages, ainsi qu'un plan cadastral de la zone.

17. Les annexes du procès-verbal du 30 mai 2017, ainsi que les pièces produites par le préfet des Alpes-Maritimes à l'appui de ses écritures, et notamment le plan topographique de la F... faisant application du plan de bornage établi par M. A... E..., géomètre expert, le 18 novembre 1977, permettent d'attester la présence sur le domaine public maritime de quatre plateformes situées d'ouest en est en aval des bornes nos 15 et 14, nos 11 et 10, nos 9 et 8 et nos 4 et 3, ainsi qu'une partie des canalisations en aval de la cabine de pompage, entre les plateformes nos 3 et 2. Le compte-rendu photographique de la visite complémentaire du 30 mars 2018, par lequel les installations concernées ont été photographiées et rapportées sur un plan faisant apparaître la délimitation du domaine public maritime établissent, en outre, que le préfet des Alpes-Maritimes n'a pas dressé de contravention de grande voirie s'agissant, d'une part, de la cabine de pompage, et, d'autre part, de la plateforme située hors du domaine public maritime, en amont de la borne n° 6. Les requérantes soutiennent que les canalisations en litige ne sont pas implantées sur le domaine public maritime mais le surplombent avant de plonger dans la mer et ne font nullement obstacle à son utilisation. Si la partie la plus avale de la prise d'eau de mer semble effectivement être au-dessus du sol sans le toucher, il ressort toutefois des documents graphiques et des photos que certaines parties de la canalisation, entre la station de pompage et la zone de pompage, reposent sur les rochers en quatre points d'ancrage en maçonnerie.

18. S'il n'est pas précisé explicitement dans le procès-verbal combien de plateformes et lesquelles sont concernées par la contravention de grande voirie, il ressort toutefois des pièces du dossier que, par la lettre du 9 décembre 2015, notifiée le 11 décembre 2015 et citée dans le procès-verbal, le préfet des Alpes-Maritimes a mis en demeure les contrevenantes d'enlever les canalisations et de détruire quatre plateformes, de sorte que les ouvrages litigieux situés sur le domaine public maritime et dont la démolition est demandée sont clairement identifiés.

19. Il résulte de ce qui a été dit aux points 16 à 18 que l'existence d'une emprise irrégulière sur le domaine public maritime par les installations visées par la contravention de grande voirie doit être regardée comme établie. Ces installations étant situées sur le domaine public maritime, les conclusions des requérantes tendant à ce qu'il soit sursis à statuer dans l'attente d'une décision de l'autorité judiciaire appelée à connaître d'une question préjudicielle relative au droit de propriété sur les terrains en cause, et alors qu'au surplus la SCI Cap Rochers n'établit pas, en tout état de cause, par l'acte notarié du 4 janvier 1961 versé au dossier disposer d'un titre de propriété sur les installations en litige, doivent être écartées. Enfin, contrairement à ce qu'allèguent les requérantes, ainsi qu'il a été dit au point 17, la cabine de pompage ne fait pas, en tout état de cause, l'objet de poursuites dans le cadre de la contravention grande voirie en litige. La demande de sursis à statuer dans l'attente d'une décision judiciaire sur la propriété de cet ouvrage est, dès lors et comme l'ont jugé à bon droit les premiers juges, sans objet.

En ce qui concerne la présence d'ouvrages similaires sur des propriétés voisines et la circonstance que les installations ont été autorisées pendant de nombreuses années :

20. Les requérantes soutiennent que d'autres villas proches disposeraient d'installations analogues et que leurs propriétaires n'auraient pas fait l'objet de poursuites. Toutefois, au regard du bien-fondé de la contravention de grande voirie, les requérantes ne peuvent utilement se prévaloir de la méconnaissance du principe d'égalité des citoyens devant la loi.

21. Au regard du bien-fondé de la contravention de grande voirie, les requérantes ne peuvent davantage utilement soutenir que l'autorisation d'occupation temporaire a été renouvelée bien que le site soit classé depuis 1974 et sans que l'Etat y voit d'objection, que les installations ont été autorisées pendant de nombreuses années et réalisées dans le respect des règles alors en vigueur, que des prescriptions pourraient être imposées pour réduire l'impact des installations sur l'environnement.

En ce qui concerne la méconnaissance des stipulations de l'article 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

22. Il ressort de l'autorisation d'origine, et notamment de son article 6, que les autorisations domaniales étaient délivrées depuis l'origine sous condition de précarité. Dès lors, un propriétaire riverain du rivage et titulaire d'une telle autorisation ne dispose d'aucune espérance légitime de pouvoir conserver la propriété des installations édifiées sur le domaine public. La préoccupation de s'assurer de la conformité de l'affectation du domaine public ainsi constitué à l'utilité publique ou à d'autres objectifs légitimes, tirés notamment du libre accès au rivage de la mer, de la protection de l'environnement ou de l'aménagement du territoire justifie que la puissance publique décide de ne pas renouveler de telles autorisations. Dans ces conditions, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la destruction des biens qu'elle a été autorisée à édifier sur le domaine public maritime méconnaîtrait les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne le délai de remise en état des lieux prescrit par le tribunal :

23. Le juge administratif, lorsqu'il fait droit à une demande tendant à la libération d'une dépendance du domaine public irrégulièrement occupée, enjoint à l'occupant de libérer les lieux sans délai, une telle injonction prenant effet à compter de la notification à la personne concernée de la décision du juge. Si l'injonction de libérer les lieux est assortie d'une astreinte, laquelle n'est alors pas régie par les dispositions du livre IX du code de justice administrative, l'astreinte court à compter de la date d'effet de l'injonction, sauf à ce que le juge diffère le point de départ de l'astreinte dans les conditions qu'il détermine. Lorsqu'il a prononcé une telle astreinte, il incombe au juge de procéder à sa liquidation, en cas d'inexécution totale ou partielle ou d'exécution tardive de l'injonction. Il peut toutefois modérer ou supprimer l'astreinte provisoire, même en cas d'inexécution de la décision juridictionnelle.

24. Les requérantes soutiennent qu'il est matériellement impossible de prévoir les travaux et faire venir une entreprise dans le délai de quatre mois prescrit par le tribunal, lequel n'a pas tenu compte des circonstances exceptionnelles liées à l'épidémie de Covid-19 alors même que la gérante de la société, qui est italienne, s'est trouvée bloquée en Italie, suite à cette épidémie. Toutefois, la démolition n'imposait pas la présence sur place de Mme C... et l'épidémie de Covid-19 ne faisait pas obstacle à l'intervention d'une entreprise pour la réalisation des travaux. Par suite, le moyen doit être écarté.

25. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner un transport sur les lieux, que la SCI Cap Rochers et Mme C... ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nice leur a enjoint de procéder à la démolition des installations et ouvrages mentionnés dans le procès-verbal dans un délai de quatre mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et à verser à l'Etat la somme de 114,44 euros au titre des frais d'établissement du procès-verbal.

Sur les frais liés au litige :

26. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SCI Cap Rochers et de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Cap Rochers, à Mme B... C... et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Délibéré après l'audience du 10 mars 2023, où siégeaient :

- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,

- Mme Ciréfice, présidente assesseure,

- M. Prieto, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 mars 2023.

2

N° 21MA01457

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA01457
Date de la décision : 24/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux répressif

Analyses

24-01-03-01 Domaine. - Domaine public. - Protection du domaine. - Contraventions de grande voirie.


Composition du Tribunal
Président : Mme CHENAL-PETER
Rapporteur ?: Mme Virginie CIREFICE
Rapporteur public ?: M. GUILLAUMONT
Avocat(s) : AUDOUIN

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-03-24;21ma01457 ?
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