La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/03/2023 | FRANCE | N°22MA01760

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 27 mars 2023, 22MA01760


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... a demandé au tribunal administratif de Nice, par une requête enregistrée sous le n° 2004230, d'annuler la décision par laquelle le préfet des Alpes-Maritimes a implicitement rejeté sa demande de titre de séjour du 9 mars 2020 réceptionnée le 11 mars 2020 et, par une requête enregistrée sous le n° 2201036, d'annuler l'arrêté du 24 janvier 2022 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes lui a expressément refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territo

ire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... a demandé au tribunal administratif de Nice, par une requête enregistrée sous le n° 2004230, d'annuler la décision par laquelle le préfet des Alpes-Maritimes a implicitement rejeté sa demande de titre de séjour du 9 mars 2020 réceptionnée le 11 mars 2020 et, par une requête enregistrée sous le n° 2201036, d'annuler l'arrêté du 24 janvier 2022 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes lui a expressément refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement du 19 mai 2022, le tribunal administratif de Nice a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête n° 2004230 et rejeté celles de la requête n° 2201036.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête enregistrée le 22 juin 2022, régularisée le 23 juin 2022, sous le n° 22MA01760, M. E... D..., représenté par Me Jaidane, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2004230 et 2201036 rendu le 19 mai 2022 par le tribunal administratif de Nice ensemble la décision implicite de rejet de sa demande de titre de séjour du 9 mars 2020 et l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 24 janvier 2022 portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours ;

2°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, avec délivrance, dans cette attente, d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 2 000 euros qui sera versée à son conseil en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique sous réserve de sa renonciation au bénéfice de l'indemnité d'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- la commission du titre de séjour aurait dû être consultée en application des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il a une résidence habituelle en France de plus de dix ans ;

- les décisions attaquées portent une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'intérêt supérieur de ses enfants a été méconnu ;

- la circulaire du 28 novembre 2012 a été méconnue.

La procédure a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit d'observations.

II. Par une requête enregistrée le 20 septembre 2022 sous le n° 22MA02495, M. E... D..., représenté par Me Jaidane, demande à la Cour :

1°) de surseoir à l'exécution de ce jugement ;

2°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de procéder au réexamen de sa situation dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, avec délivrance, dans cette attente, d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 2 000 euros qui sera versée à son conseil en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique sous réserve de sa renonciation au bénéfice de l'indemnité d'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- le jugement attaqué, qui rend possible l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français en date du 24 janvier 2022, est susceptible d'entraîner des conséquences difficilement réparables ;

- il soulève des moyens sérieux d'annulation à l'encontre dudit jugement.

La procédure a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit d'observations.

M. D... a été admis, dans les deux procédures, au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décisions du 30 septembre 2022.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le pacte international relatif aux droits civils et politiques du 19 décembre 1966 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience en application de l'article R. 732-1 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties le jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., de nationalité tunisienne, serait, selon ses dires, entré en France en 2009. Il a présenté, par lettre du 9 mars 2020, réceptionnée le 11 mars suivant, une demande de titre de séjour auprès des services de la préfecture des Alpes-Maritimes. Une décision implicite de rejet est, dans un premier temps, née. Par arrêté en date du 24 janvier 2022, le préfet des Alpes-Maritimes a expressément rejeté la demande de titre de séjour de l'intéressé, assorti son refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et fixé le pays de destination. Par jugement n° 2004230 et 2201036 du 19 mai 2022, le tribunal administratif de Nice a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de M. D... dirigées contre la décision implicite de rejet susmentionnée et rejeté les conclusions dirigées contre l'arrêté du 24 janvier 2022. M. D... interjette appel de ce jugement dans le cadre de la requête enregistrée sous le n°22MA01760 et, par sa requête enregistrée sous le n° 22MA02495, demande à la Cour de surseoir à l'exécution dudit jugement.

2. Les requêtes susvisées n° 22MA01760 et 22MA02495, présentées pour M. D... sont dirigées contre le même jugement, présentent à juger les mêmes questions et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu, dès lors, de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur les conclusions de la requête N° 22MA01760 :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1./ Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. / Les modalités d'application du présent article sont définies par décret en Conseil d'Etat. "

4. Si M. D... fait valoir qu'il réside régulièrement en France depuis l'année 2009, il se borne, ainsi que l'ont à juste titre relevé les premiers juges, à produire, avant 2020, des documents épars et peu diversifiés constitués essentiellement de factures et de quelques ordonnances qui attestent tout au plus d'une résidence ponctuelle en France. Ainsi, l'intéressé ne justifiant pas d'une résidence habituelle en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté du 24 janvier 2022, lequel s'est substitué à la décision implicite de rejet précédemment née, le préfet des Alpes-Maritimes n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour. Par ailleurs, dès lors qu'un étranger ne détient aucun droit à l'exercice par le préfet de son pouvoir de régularisation, il ne peut utilement se prévaloir, sur le fondement de ces dispositions, des orientations générales contenues dans la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 pour l'exercice de ce pouvoir. Il suit de là que le moyen précité doit être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. S'il est constant que M. D... est marié, depuis le 10 août 2014, avec Mme A... C..., laquelle est titulaire d'une carte de séjour pluriannuelle valable jusqu'au 5 février 2023, et que le couple a eu, avant l'arrêté du 24 janvier 2022, deux enfants nés en France les 3 juin 2015 et 5 avril 2019, la communauté de vie entre époux n'est pas suffisamment établie au titre des années 2016 à 2020, le dossier faisant apparaître des adresses parfois distinctes pour Mme C... (44 boulevard Paul Montel puis 5 rue du Général Laperrine à Nice) et M. D... (44 avenue de la Californie puis 2 avenue René Boylesve à Nice). Par ailleurs, s'il ressort également des pièces du dossier que le père ainsi que deux frères du requérant résident régulièrement en France, l'intéressé, qui ne produit au demeurant pas la copie de son livret de famille, ne conteste pas le fait, mentionné par le préfet des Alpes-Maritimes dans l'arrêté attaqué, que sa mère demeure toujours en Algérie, pays dans lequel il n'est, dès lors, pas dépourvu de toutes attaches familiales. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

8. Si M. D... fait valoir que l'intérêt supérieur de ses jeunes enfants, nés et scolarisés en France, a été méconnu, il ne fait état d'aucun élément qui ferait obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue en Tunisie, pays dont tous les membres ont la nationalité en dépit de la circonstance que son épouse soit détentrice d'un titre de séjour en France depuis une période au demeurant indéterminée. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté. Pour les mêmes motifs doit également, en tout état de cause, être écarté le moyen tiré de la méconnaissance des articles 24 du pacte international relatif aux droits civils et politiques et 24 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

9. Il résulte de ce qui précède que les conclusions aux fins d'annulation du jugement du tribunal administratif de Nice du 19 mai 2022 ainsi que, par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'annulation de la décision implicite de rejet née sur la demande du 9 mars 2020 et de l'arrêté du 24 janvier 2022, aux fins d'injonction et au titre des frais d'instance doivent être rejetées.

Sur les conclusions de la requête n° 22MA02495 :

10. Dès lors qu'il est statué sur la requête de M. D... dirigée contre le jugement du 19 mai 2022 du tribunal administratif de Nice, les conclusions de l'intéressé tendant au sursis à exécution de ce même jugement deviennent sans objet. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le requérant au titre des frais d'instance.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions aux fins de sursis à exécution et d'injonction de la requête n°22MA02495.

Article 2 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 13 mars 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- Mme Vincent, présidente-assesseure,

- M. Merenne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 mars 2023.

N°s 22MA01760 - 22MA0249502


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA01760
Date de la décision : 27/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: Mme Aurélia VINCENT
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : JAIDANE

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-03-27;22ma01760 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award