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26/05/2023 | FRANCE | N°22MA02798

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 7ème chambre, 26 mai 2023, 22MA02798


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



L'association " collectif vélos en ville ", a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 14 mai 2020 par laquelle la présidente de la métropole Aix-Marseille-Provence a implicitement rejeté sa demande du 10 février 2020 tendant à la mise en place d'itinéraires cyclables sur l'intégralité du boulevard de la Blancarde à Marseille.



Par un jugement n° 2005246 du 15 septembre 2022, le tribunal administratif de Marseille a annul

é la décision du 14 mai 2020, en tant qu'elle refuse la réalisation d'aménagements cyclables supplé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association " collectif vélos en ville ", a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 14 mai 2020 par laquelle la présidente de la métropole Aix-Marseille-Provence a implicitement rejeté sa demande du 10 février 2020 tendant à la mise en place d'itinéraires cyclables sur l'intégralité du boulevard de la Blancarde à Marseille.

Par un jugement n° 2005246 du 15 septembre 2022, le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision du 14 mai 2020, en tant qu'elle refuse la réalisation d'aménagements cyclables supplémentaires sur le boulevard de la Blancarde à Marseille, entre la rue Jeanne de Chantal et la rue Cadolive, a enjoint à la métropole Aix-Marseille-Provence, dans un délai de six mois à compter de la notification de la présente décision, de procéder aux aménagements cyclables sur cette portion du boulevard de la Blancarde et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête et un mémoire enregistrés le 15 novembre 2022 et le 7 avril 2023, sous le n° 22MA02798, la métropole Aix-Marseille-Provence, représentée par Me Seban, demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 2005246 du 15 septembre 2022 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) de rejeter l'intégralité de la demande de première instance de l'association " collectif vélos en ville " ;

3°) de mettre à la charge de l'association la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- la requête est irrecevable, faute de qualité pour agir de son président ;

- à l'occasion de la réalisation ou la rénovation d'une voie urbaine, des itinéraires cyclables doivent être mis en place, sous réserve que les besoins et contraintes de la circulation les rendent possibles ;

- la configuration des lieux, sa topographie, les caractéristiques de la circulation et l'affectation de la zone peuvent être de nature à caractériser une impossibilité de réaliser un itinéraire cyclable continu ;

- les emprises disponibles ne permettent pas la réalisation de pistes cyclables dans les deux sens ;

- l'interprétation des premiers juges est erronée et fait peser sur la Métropole des sujétions qui excèdent ce qui est réalisable en matière d'aménagement ;

- le moyen tiré de la méconnaissance des prévisions du " plan vélo " et du plan de déplacements urbains est imprécis ;

- la décision attaquée n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Par des mémoires en défense enregistrés le 7 mars et le 24 avril 2023, l'association " collectif vélos en ville ", représentée par Me Candon, conclut au rejet de la requête de la métropole Aix-Marseille-Provence et à ce que soit mis à sa charge de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par la métropole Aix-Marseille-Provence n'est fondé.

II. Par une requête, enregistrée le 15 novembre 2022 sous le n° 22MA02797, la métropole Aix-Marseille-Provence, représentée par Me Seban, demande à la Cour de surseoir à l'exécution du jugement n° 2005246 du 15 septembre 2022 du tribunal administratif de Marseille.

Elle soutient que :

- l'exécution du jugement attaqué aura des conséquences difficilement réparables ;

- la requête est irrecevable, faute de qualité pour agir de son président ;

- à l'occasion de la réalisation ou la rénovation d'une voie urbaine, des itinéraires cyclables doivent être mis en place, sous réserve que les besoins et contraintes de la circulation les rendent possibles ;

- la configuration des lieux, sa topographie, les caractéristiques de la circulation et l'affectation de la zone peuvent être de nature à caractériser une impossibilité de réaliser un itinéraire cyclable continu ;

- les emprises disponibles ne permettent pas la réalisation de pistes cyclables dans les deux sens ;

- l'interprétation des premiers juges est erronée et fait peser sur la Métropole des sujétions qui excèdent ce qui est réalisable en matière d'aménagement ;

- le moyen tiré de la méconnaissance des prévisions du " plan vélo " et du plan de déplacements urbains est imprécis ;

- la décision attaquée n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 8 mars 2023, l'association " collectif vélos en ville ", représentée par Me Candon, conclut à ce qu'il soit statué sur la requête en annulation, ce qui impliquera un non-lieu à statuer dans la présente instance.

Elle fait valoir que :

- aucun des moyens soulevés par la métropole Aix-Marseille-Provence dans sa requête d'annulation n'est fondé ;

- la métropole n'établit pas les conséquences difficilement réparables qui résulteraient selon elle de l'exécution du jugement attaqué.

La clôture d'instruction a été fixée au 31 mars 2023 par une ordonnance du 9 mars 2023.

Un mémoire enregistré le 7 avril 2023 présenté pour la métropole Aix-Marseille-Provence n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Prieto,

- les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public,

- et les observations de Me Delescluse, substituant Me Seban, représentant la Métropole Aix-Marseille-Provence et de Me Candon, représentant l'association " collectif vélos en ville ".

Considérant ce qui suit :

1. Les deux requêtes susvisées sont dirigées contre le même jugement. Par suite, il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

2. L'association " collectif vélos en ville " a contesté les modalités d'aménagement cyclable lors de la réalisation de la requalification du boulevard de la Blancarde à Marseille, et a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 14 mai 2020 par laquelle la métropole Aix-Marseille-Provence a implicitement refusé de mettre en place des aménagements cyclables supplémentaires sur l'intégralité de ce boulevard.

3. La métropole Aix-Marseille-Provence relève appel du jugement n° 2005246 du 15 septembre 2022 du tribunal administratif de Marseille en tant qu'il a annulé cette décision du 14 mai 2020, en tant qu'elle refuse la réalisation d'aménagements cyclables supplémentaires sur le boulevard de la Blancarde à Marseille, entre la rue Jeanne de Chantal et la rue Cadolive et en tant qu'il lui a enjoint, dans un délai de six mois à compter de la notification de la présente décision, de procéder aux aménagements cyclables sur cette portion du boulevard de la Blancarde.

Sur la régularité du jugement :

4. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Il ressort du jugement attaqué que les premiers juges ont cité les textes dont ils ont fait application, précisé les motifs de fait et de droit retenus et ont suffisamment répondu à l'ensemble des moyens invoqués par la métropole Aix-Marseille-Provence en défense. Le tribunal a ainsi motivé son jugement de manière à permettre aux parties d'en critiquer le bien-fondé. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement serait insuffisamment motivé doit être écarté.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

5. Il ressort des statuts de l'association " collectif vélos en ville ", et en particulier de leur article 13, que " le conseil d'administration (...) autorise son président à ester en justice par vote à la majorité des deux tiers des membres composant le conseil d'administration. ". En outre, il résulte du compte-rendu du conseil d'administration de cette association, qui s'est tenu le 12 février 2020, ainsi que de l'extrait des délibérations du même jour, que ses neuf membres présents ont voté à l'unanimité pour l'introduction d'un recours gracieux puis d'un recours contentieux en vue de contester l'absence ou l'insuffisance d'aménagement cycliste lors de la requalification du boulevard de la Blancarde à Marseille. Dans ces conditions, alors même que cette délibération ne désigne pas expressément son président pour représenter l'association à cette occasion, celui-ci avait nécessairement qualité, au vu de ses statuts, pour introduire une telle action en justice et par suite, pour former au nom de celle-ci, un recours pour excès de pouvoir à l'encontre de la décision du 14 mai 2020, devant le tribunal administratif de Marseille. Par suite la fin de non-recevoir opposée par la métropole Aix-Marseille-Provence doit être écartée.

Sur le bien-fondé du jugement :

6. Aux termes de l'article L. 228-2 du code de l'environnement, dans sa rédaction issue de l'article 61 de la loi du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités : " A l'occasion des réalisations ou des rénovations des voies urbaines, à l'exception des autoroutes et voies rapides, doivent être mis au point des itinéraires cyclables pourvus d'aménagements prenant la forme de pistes, de bandes cyclables, de voies vertes, de zones de rencontre ou, pour les chaussées à sens unique à une seule file, de marquages au sol, en fonction des besoins et contraintes de la circulation. Lorsque la réalisation ou la rénovation de voie vise à créer une voie en site propre destinée aux transports collectifs et que l'emprise disponible est insuffisante pour permettre de réaliser ces aménagements, l'obligation de mettre au point un itinéraire cyclable peut être satisfaite en autorisant les cyclistes à emprunter cette voie, sous réserve que sa largeur permette le dépassement d'un cycliste dans les conditions normales de sécurité prévues au code de la route. Le type d'aménagement de ces itinéraires cyclables doit tenir compte des orientations du plan de mobilité, lorsqu'il existe. ".

7. Il résulte de ces dispositions que l'itinéraire cyclable dont elles imposent la mise au point à l'occasion de la réalisation ou de la rénovation d'une voie urbaine doit être réalisé sur l'emprise de la voie ou le long de celle-ci, en suivant son tracé, par la création de pistes, ou bandes cyclables, de voies vertes, de zones de rencontre ou, pour les chaussées à sens unique à une seule file, d'un marquage au sol permettant la coexistence de la circulation des cyclistes et des véhicules automobiles. Une dissociation partielle de l'itinéraire cyclable et de la voie urbaine ne saurait être envisagée, dans une mesure limitée, que lorsque la configuration des lieux l'impose au regard des besoins et contraintes de la circulation.

En ce qui concerne le tronçon du boulevard de la Blancarde situé entre la rue Jeanne de Chantal et le boulevard Louis Botinelly :

8. Il ressort des pièces du dossier que la métropole Aix-Marseille-Provence a choisi d'aménager cette partie du boulevard de la Blancarde, qui est une voie urbaine, en deux voies de circulation partagée pour les automobiles, bus et vélos, des places de stationnement et enfin des trottoirs. Aucun itinéraire cycliste n'est prévu sur ce tronçon, ni par une piste ou bande cyclable, ni par une zone de rencontre. La métropole justifie ce choix en faisant valoir que les contraintes de circulation, l'étroitesse de la voie et de ses accotements, le dynamisme commerçant et le caractère résidentiel du quartier rendant impossible un tel aménagement, et qu'une zone limitée à 30 kilomètres par heure a été néanmoins mise en place. Toutefois, cette " zone 30 " n'est pas au nombre des aménagements énumérés par l'article L. 228-2 précité du code de l'environnement et il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intégralité des places de stationnement transférées d'un côté à l'autre de la voie aient été indispensables à l'aménagement de ce boulevard, ni que les dimensions de la voie rendaient impossible un aménagement pour les cyclistes, quel qu'il soit. Dans ces conditions, ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal, et alors qu'aucun itinéraire alternatif n'a été prévu à l'intention de ces derniers, le refus opposé par la métropole à la demande d'aménagement d'itinéraires cyclables sur cette portion méconnaît l'article L. 228-2 du code de l'environnement.

En ce qui concerne le tronçon du boulevard de la Blancarde situé entre le boulevard Louis Botinelly et la rue Cadolive :

9. Il ressort des pièces du dossier que la métropole Aix-Marseille-Provence a choisi d'aménager ce tronçon du boulevard de la Blancarde en deux voies de circulation, des trottoirs ainsi qu'une piste cyclable unidirectionnelle en montée. Pour justifier l'absence d'aménagement cyclable en descente, la métropole fait valoir l'étroitesse de l'emprise de la voie et de ses accotements, mesurée à une largeur totale de 11,90 mètres, et se prévaut sur ce point de l'étude du centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement, qui privilégie les pistes cyclables en montée afin de réduire les effets négatifs du différentiel de vitesse entre les véhicules à moteurs et les bicyclettes, ainsi que de la recommandation selon laquelle la largeur des trottoirs devrait être supérieure à 1,80 mètres. Toutefois, la métropole n'établit pas que les dimensions de la voie et les besoins et contraintes de la circulation empêchaient un aménagement conforme, dans les deux sens de circulation, aux exigences précitées de l'article L. 228-2 du code de l'environnement, qui confèrent un caractère obligatoire aux aménagements cyclables dès lors qu'une voie urbaine est réalisée ou rénovée. Par suite, en ce qui concerne ce tronçon, la décision du 14 mai 2020 méconnaît également l'article L. 228-2 du code de l'environnement.

10. Enfin, si la métropole Aix-Marseille-Provence soutient que l'injonction prononcée par le tribunal, visant à ce qu'elle procède à l'aménagement d'un itinéraire cyclable sur le boulevard de la Blancarde, dans chaque sens de circulation, entre la rue Jeanne de Chantal et la rue Cadolive, dans un délai de six mois, aurait pour effet de créer des sujétions qui excèdent ce qui est réalisable en matière d'aménagement, elle n'établit pas une telle allégation, dès lors qu'elle ne justifie pas, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, avoir étudié l'ensemble des possibilités offertes par l'article L. 228-2 du code de l'environnement en la matière, et rappelées au point 7.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la métropole Aix-Marseille-Provence n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a annulé sa décision du 14 mai 2020, en tant qu'elle refuse la réalisation d'aménagements cyclables supplémentaires sur le boulevard de la Blancarde à Marseille, entre la rue Jeanne de Chantal et la rue Cadolive et lui a enjoint de procéder aux aménagements cyclables sur cette portion du boulevard de la Blancarde.

Sur les conclusions aux fins de sursis à exécution :

12. Par le présent arrêt, la Cour se prononce sur les conclusions aux fins d'annulation du jugement du tribunal administratif de Marseille du 15 septembre 2022. Les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à exécution de ce même jugement sont donc devenues sans objet. Il n'y a dès lors plus lieu d'y statuer.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la métropole Aix-Marseille-Provence tendant à leur application et dirigées contre l'association " collectif vélos en ville ", qui n'est pas partie perdante. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire application de ces mêmes dispositions et de mettre à la charge de la métropole Aix-Marseille-Provence le versement à l'association " collectif vélos en ville " de la somme de 1 500 euros au titre des frais d'instance.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 22MA02797 de la métropole Aix-Marseille-Provence à fin de sursis à exécution du jugement du 15 septembre 2022 du tribunal administratif de Marseille.

Article 2 : La requête n° 22MA02798 et le surplus des conclusions de la requête n° 22MA02797 de la métropole Aix-Marseille-Provence sont rejetés.

Article 3 : La métropole Aix-Marseille-Provence versera à l'association " collectif vélos en ville " la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'association " collectif vélos en ville " et à la métropole Aix-Marseille-Provence.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 12 mai 2023, où siégeaient :

- Mme Chenal-Peter, présidente de la chambre,

- Mme Ciréfice, présidente assesseure,

- M. Prieto, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 26 mai 2023.

N° 22MA02797, 22MA02798 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA02798
Date de la décision : 26/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

71-01-007 Voirie. - Composition et consistance. - Pistes cyclables.


Composition du Tribunal
Président : Mme CHENAL-PETER
Rapporteur ?: M. Gilles PRIETO
Rapporteur public ?: M. GUILLAUMONT
Avocat(s) : CANDON;CANDON;SEBAN ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-05-26;22ma02798 ?
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