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12/06/2023 | FRANCE | N°22MA01244

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 12 juin 2023, 22MA01244


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Culture Consulting a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 7 février 2020 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) lui a infligé une contribution spéciale d'un montant de 35 400 euros et une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement d'un montant de 4 248 euros, de la décharger des contributions mises à sa charge par cette décision, et à titre subsidiaire, de réduire à une so

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Culture Consulting a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 7 février 2020 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) lui a infligé une contribution spéciale d'un montant de 35 400 euros et une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement d'un montant de 4 248 euros, de la décharger des contributions mises à sa charge par cette décision, et à titre subsidiaire, de réduire à une somme de 500 euros le montant de la contribution spéciale mise à sa charge et de la décharger des sommes mises à sa charge pour le surplus.

Par un jugement n° 2005369 du 16 mars 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 28 avril 2022, sous le n° 22MA01244, la SARL Culture Consulting, représentée par Me Dixsaut, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 16 mars 2022 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) à titre principal, d'annuler la décision du 7 février 2020 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration lui a infligé une contribution spéciale d'un montant de 35 400 euros et une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement d'un montant de 4 248 euros ;

3°) de la décharger des contributions mises à sa charge par cette décision ;

4°) à titre subsidiaire, de réduire à une somme de 500 euros le montant de la contribution spéciale mise à sa charge et de la décharger des sommes mises à sa charge pour le surplus ;

5°) de mettre à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration une somme de 4 000 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La SARL Culture Consulting soutient que :

- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH) ;

- le défaut de communication " dans un délai raisonnable avant l'audience " du sens des conclusions du rapporteur public dans une forme suffisamment détaillée rend le jugement irrégulier ;

- la décision attaquée n'est pas motivée en fait ;

- elle a été prise en méconnaissance du principe du contradictoire dès lors que le procès-verbal d'infraction ne lui a pas été communiqué lors de la procédure administrative préalable ;

- le courrier du 18 décembre 2019 l'invitant à présenter ses observations n'a pas été reçu par un de ses représentants, la qualité du signataire de l'accusé de réception n'étant d'ailleurs pas précisée ;

- ce courrier ne l'a pas invitée à présenter ses observations orales et ne l'a pas informée de la possibilité de se faire assister d'un conseil et de demander la communication de son dossier ;

- un troisième exemplaire de ce rapport ne lui a pas été adressé, en méconnaissance de l'article L. 8113-7 du code du travail ;

- les agents de police ont pénétré de manière illicite dans son local professionnel en violation de l'article 8 de la CEDH ;

- ils ont procédé à des contrôles d'identité discriminatoires des deux salariés concernés en violation des articles 6 et 14 de la CEDH ;

- les faits reprochés ne sont pas matériellement établis dès lors que les deux travailleurs contrôlés n'avaient pas la qualité de salariés et ne se trouvaient pas en situation de subordination à son égard ;

- le montant des sanctions prononcées est disproportionné, eu égard à la gravité des faits constatés, à sa situation financière et à la situation personnelle de son dirigeant gravement malade, en méconnaissance de l'article L. 8253-1 du code du travail.

La requête a été transmise à l'OFII qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Prieto,

- les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public,

- et les observations de Me Dixsaut, représentant la société Culture Consulting.

Considérant ce qui suit :

1. La société Culture Consulting, qui exerce diverses activités dans le domaine de l'art et des transactions immobilières, a fait l'objet le 5 décembre 2017 d'une opération de contrôle par les services de police, à l'issue de laquelle a été constaté par procès-verbal l'emploi d'un ressortissant algérien et d'un ressortissant marocain dépourvus de titres les autorisant à séjourner et à travailler en France et dont l'embauche n'avait pas été préalablement déclarée aux organismes sociaux. Par une décision du 20 juin 2018, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à la charge de cette société une somme globale de 39 648 euros au titre de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail et de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, auquel s'est substitué l'article L. 822-2 du même code. A la suite de l'annulation de cette décision par un jugement n° 1806927 du tribunal administratif de Marseille du 26 novembre 2019, une nouvelle décision du directeur général de l'OFII du 7 février 2020 a infligé à la société Culture Consulting des contributions spéciale et forfaitaire d'un montant global identique. Le recours gracieux formé par la société a été rejeté par une décision du 6 juillet 2020. La société Culture Consulting a demandé au tribunal administratif de Marseille, à titre principal, d'annuler la décision du 7 février 2020 et de la décharger des contributions en résultant et, à titre subsidiaire, de réduire à une somme de 500 euros le montant de la contribution spéciale mise à sa charge et de la décharger des sommes mises à sa charge pour le surplus. La société Culture Consulting relève appel du jugement du 16 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 711-3 du code de justice administrative : " Si le jugement de l'affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, le sens de ces conclusions sur l'affaire qui les concerne. ".

3. La société appelante soutient que le défaut de communication dans un délai raisonnable avant l'audience du sens des conclusions du rapporteur public dans une forme suffisamment détaillée entache le jugement attaqué d'irrégularité.

4. En vertu des dispositions précitées, les parties ou leurs mandataires doivent être mis en mesure de connaître, dans un délai raisonnable avant l'audience, l'ensemble des éléments du dispositif de la décision que le rapporteur public compte proposer à la formation de jugement d'adopter, à l'exception de la réponse aux conclusions qui revêtent un caractère accessoire. En revanche, s'il appartient au rapporteur public de préciser, en fonction de l'appréciation qu'il porte sur les caractéristiques de chaque dossier, les raisons qui déterminent la solution qu'appelle, selon lui, le litige, la communication de ces informations préalablement à l'audience n'est toutefois pas prescrite à peine d'irrégularité de la décision.

5. En l'espèce, le rapporteur public ayant porté à la connaissance des parties, avant la tenue de l'audience, le sens des conclusions qu'il envisageait de prononcer dans les termes suivants : "Rejet au fond", une telle mention, qui permettait de connaître la position du rapporteur public satisfait aux prescriptions de l'article R. 711-3 du code de justice administrative.

6. En second lieu, contrairement à ce que soutient la société requérante, les premiers juges ont répondu au point 9 du jugement attaqué au moyen tiré de ce que la pénétration illicite des forces de police dans ses locaux constituerait une violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en estimant qu'un tel moyen était inopérant. Par suite, le moyen invoqué tiré d'une omission à statuer doit être écarté.

7. Il résulte de ce qui précède que la société Culture Consulting n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué est irrégulier.

Sur le bien-fondé du jugement :

8. En premier lieu, aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, désormais repris à l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " (...) doivent être motivées les décisions qui (...) infligent une sanction ". Aux termes de l'article 3 de cette loi, désormais repris à l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". Il résulte de ces dispositions qu'une décision qui met à la charge d'un employeur la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui fondent cette sanction. En l'espèce, la décision prise le 7 février 2020 par le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration mentionnait les textes applicables du code du travail et du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la date des faits litigieux, précise le nom des deux étrangers à l'origine de l'application de la contribution spéciale et de la contribution forfaitaire, ainsi que le montant des sommes dues. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette décision doit être écarté.

9. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (...) ". Par ailleurs, l'article 14 prohibe les discriminations dans les droits protégés par la Convention.

10. Ces stipulations ne sont applicables, en principe, qu'aux procédures contentieuses suivies devant les juridictions lorsqu'elles statuent sur des accusations en matière pénale et ne peuvent être invoquées pour critiquer la régularité d'une procédure administrative, alors même qu'elle conduirait au prononcé d'une sanction. Il ne peut en aller autrement que dans l'hypothèse où la procédure d'établissement de cette sanction pourrait, eu égard à ses particularités, emporter des conséquences de nature à porter atteinte de manière irréversible au caractère équitable d'une procédure ultérieurement engagée devant le juge. Mais tel n'est pas le cas lorsque les éléments du dossier peuvent être débattus notamment devant le juge de plein contentieux opérant un entier contrôle. L'ensemble des renseignements détenus par l'administration, et notamment le procès-verbal de contrôle du 5 décembre 2017, pouvaient de nouveau être discutés devant le juge administratif de pleine juridiction, qui opère un entier contrôle sur les sanctions prononcées, garantissant ainsi le caractère équitable de la procédure. En l'espèce, il ne résulte pas de l'instruction que la procédure d'établissement de la contribution spéciale aurait emporté à l'égard de la société intéressée des conséquences de nature à porter atteinte de manière irréversible au caractère équitable de la procédure contentieuse ultérieurement engagée devant le juge alors que la contribution spéciale a été prononcée au terme d'une procédure administrative lui ayant permis de faire valoir ses observations avant la fixation définitive de son quantum et qu'elle a pu saisir le juge d'un recours de pleine juridiction. Dans ces conditions, les moyens invoqués fondés sur la violation des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et tirés de la violation du principe du contradictoire, de la nature discriminatoire du contrôle d'identité, de l'absence de modulation de la contribution et de la non-proportionnalité de la sanction doivent être écartés.

11. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. / (...) ". Aux termes de l'article L. 122-2 du même code : " Les mesures mentionnées à l'article L. 121-1 à caractère de sanction ne peuvent intervenir qu'après que la personne en cause a été informée des griefs formulés à son encontre et a été mise à même de demander la communication du dossier la concernant ".

12. Par ailleurs, aux termes du premier alinéa de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France ". Et aux termes de l'article L. 8271-17 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Outre les agents de contrôle de l'inspection du travail mentionnés à l'article L. 8112-1, les agents et officiers de police judiciaire, les agents de la direction générale des douanes sont compétents pour rechercher et constater, au moyen de procès-verbaux transmis directement au procureur de la République, les infractions aux dispositions de l'article 8251-1 relatif à l'emploi d'un étranger non autorisé à travailler et de l'article L. 8251-2 interdisant le recours aux services d'un employeur d'un étranger non autorisé à travailler. / (...) ". Aux termes de l'article R. 8253-3 du même code : " Au vu des procès-verbaux qui lui sont transmis en application de l'article L. 8271-17, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration indique à l'employeur, par lettre recommandée avec avis de réception ou par tout autre moyen permettant de faire la preuve de sa date de réception par le destinataire, que les dispositions de l'article L. 8253-1 sont susceptibles de lui être appliquées et qu'il peut présenter ses observations dans un délai de quinze jours ". Aux termes de l'article R. 8253-4 du même code : " A l'expiration du délai fixé, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration décide, au vu des observations éventuelles de l'employeur, de l'application de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1, la liquide et émet le titre de perception correspondant. La créance est recouvrée par le comptable public compétent comme en matière de créances étrangères à l'impôt et au domaine ".

13. Si ni les articles L. 8253-1 et suivants du code du travail, ni l'article L. 8271-17 du même code ne prévoient expressément que le procès-verbal constatant l'infraction aux dispositions de l'article L. 8251-1 relatif à l'emploi d'un étranger non autorisé à travailler en France, et fondant le versement de la contribution spéciale, soit communiqué au contrevenant, le respect du principe général des droits de la défense suppose, s'agissant des mesures à caractère de sanction, ainsi d'ailleurs que le précise désormais l'article L. 122-2 du code des relations entre le public et l'administration que la personne en cause soit informée, avec une précision suffisante et dans un délai raisonnable avant le prononcé de la sanction, des griefs formulés à son encontre et mise à même de demander la communication des pièces au vu desquelles les manquements ont été retenus. Par suite, l'OFII est tenu d'informer l'intéressé de son droit de demander la communication du procès-verbal d'infraction sur la base duquel ont été établis les manquements qui lui sont reprochés.

14. En l'espèce, il résulte de l'instruction que le directeur général de l'OFII a, par un courrier du 18 décembre 2019, notifié à la société requérante le 23 décembre 2019, informé celle-ci que les dispositions de l'article L. 8253-1 du code du travail et de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, auquel s'est substitué l'article L. 822-2 du même code, étaient susceptibles de lui être appliquées et qu'elle pouvait présenter ses observations dans un délai de quinze jours. Ce courrier était accompagné du procès-verbal du 5 décembre 2017 constatant l'infraction aux dispositions de l'article L. 8251-1 relatif à l'emploi d'un étranger non autorisé à exercer une activité salariée en France et servant de fondement à la décision litigieuse. L'administration a produit l'accusé de réception, revêtu de la signature du destinataire, établissant que ce courrier a été distribué le 23 décembre 2019 suivant à l'adresse postale de la société. Si celle-ci soutient que le signataire de l'accusé de réception n'était pas son représentant et que la signature y figurant diffère de celle apposée sur l'accusé de réception de la décision contestée, elle ne conteste pas que le courrier lui notifiant cette dernière décision lui est effectivement parvenu à la même adresse, 31 avenue de Ségur à Paris. Par ailleurs, la société requérante, qui se borne à contester la qualité du signataire de l'accusé de réception du courrier du 18 décembre 2019, n'apporte aucun élément utile à l'appui de ses allégations. Dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme ayant procédé à la notification régulière du courrier en litige.

15. La société appelante ne saurait se prévaloir de la circonstance que le courrier du 18 décembre 2019 ne l'a pas informée de façon spécifique de la possibilité de présenter des observations orales dès lors que l'administration n'était pas tenue d'apporter une telle précision. En outre, alors que la société a effectivement obtenu communication du procès-verbal d'infraction du 5 décembre 2017 qui était joint à ce courrier, elle n'est pas fondée a soutenir qu'elle n'aurait pas été mise à même de demander la communication de son dossier. Enfin, si la société fait valoir qu'elle n'a pas été informée de la possibilité de se faire assister par un conseil, aucune disposition ni aucun principe n'imposait à l'OFII d'informer expressément la société de la possibilité de se faire assister par un conseil. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des principes du contradictoire et des droits de la défense doivent être écartés.

16. En quatrième lieu, la recherche et la constatation de l'infraction d'emploi d'un étranger démuni d'une autorisation de travail sont régies par les dispositions précitées des articles L. 8271-17 et R. 8253-3 du code du travail. Dès lors, la société requérante ne saurait utilement se prévaloir des dispositions des articles L. 243-7 et suivants du code de la sécurité sociale, qui ne sont pas applicables à la constatation de cette infraction, pour soutenir qu'un rapport aurait dû être établi par l'agent de contrôle. De même, la société Culture Consulting ne saurait se prévaloir des dispositions de l'article L. 8113-7 du code du travail, qui n'est pas davantage applicable à la constatation de cette infraction, pour soutenir qu'un troisième exemplaire du rapport de l'agent de contrôle aurait dû lui être transmis.

17. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

18. Si le droit au respect du domicile que ces stipulations protègent s'applique également, dans certaines circonstances, aux locaux où des professionnels exercent leurs activités, il doit être concilié avec les finalités légitimes du contrôle, par les autorités publiques, du respect des règles qui s'imposent à ces professionnels dans l'exercice de leurs activités. Le caractère proportionné de l'ingérence que constitue la mise en œuvre, par une autorité publique, de ses pouvoirs de visite et de contrôle des locaux professionnels résulte de l'existence de garanties effectives et appropriées, compte tenu, pour chaque procédure, de l'ampleur et de la finalité de ces pouvoirs.

19. Si la société appelante soutient que les agents de police ont pénétré de manière illicite dans son local professionnel en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les garanties mentionnées au point 10 du présent arrêt doivent être regardées comme proportionnées à l'ingérence en cause. Par suite, la société appelante n'est pas fondée à soutenir que les visites domiciliaires réalisées dans le cadre de l'enquête ont été mises en œuvre en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

20. En sixième lieu, il appartient au juge administratif, lorsqu'il est saisi comme juge de plein contentieux d'une contestation portant sur une sanction prononcée sur le fondement de l'article L. 8253-1 du code du travail, d'examiner tant les moyens tirés des vices propres de la décision de sanction que ceux mettant en cause le bien-fondé de cette décision et de prendre, le cas échéant, une décision qui se substitue à celle de l'administration. Celle-ci doit s'apprécier, au vu notamment des observations éventuelles de l'employeur, si les faits sont suffisamment établis et, dans l'affirmative, s'ils justifient l'application de cette sanction administrative, au regard de la nature et de la gravité des agissements et des circonstances particulières à la situation de l'intéressé. Le juge peut, de la même façon, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, tant s'agissant du manquement que de la proportionnalité de la sanction, maintenir la contribution, au montant fixé de manière forfaitaire par l'article L. 8251-1, le premier alinéa de l'article L. 8253-1 et l'article R. 8253-2 du code du travail, ou en décharger l'employeur.

21. Il résulte de l'instruction, notamment du procès-verbal de constatation d'infraction dressé le 5 décembre 2017 par les services de police judiciaire, qui fait foi jusqu'à preuve contraire, que deux personnes, M. E... C... et M. F... B..., se trouvaient en action de travail dans un local commercial de la société requérante à Marseille, sous la surveillance de l'épouse du gérant qui a déclaré, lors de son audition du même jour, qu' " ils ont commencé à travailler ce matin vers 9h00 et ils devaient terminer vers 12h00 ". En outre, M. D... A..., gérant de la société Culture Consulting, a reconnu, lors de son audition du 5 décembre 2017, " avoir employé des ouvriers en les payant en espèces sans autres formes de déclarations ". Dans ces conditions, l'attestation établie, le 8 février 2018 par M. C..., selon laquelle celui-ci aurait pris l'initiative de proposer ses services à la société en qualité d' " auto-entrepreneur ", le 28 novembre 2017, et aurait proposé de s'adjoindre les services de M. B..., le 5 décembre 2017, n'est pas de nature à contredire utilement les constatations effectuées dans le procès-verbal établi le 5 décembre 2017, qui permettent d'établir une relation de travail entre la société requérante et les deux salariés étrangers contrôlés. Les déclarations effectuées par M. C... et par M. B... lors de leurs auditions, selon lesquelles leur employeur ne connaissait pas leur situation irrégulière, ne remettent pas davantage en cause l'existence d'une relation salariale avec la société requérante. A cet égard, les circonstances que ces salariés, qui étaient dépourvus de titre de séjour et d'autorisation de travail en France, auraient été employés pendant une courte durée et que le gérant de la société ignorait leur situation irrégulière sont sans incidence sur la matérialité des infractions constatées, dès lors notamment qu'il incombait à l'employeur de s'assurer de leur nationalité et, s'il s'avérait qu'ils étaient étrangers, de vérifier leur autorisation de travail sur le territoire national. Par suite, c'est sans commettre d'erreur d'appréciation que le directeur général de l'OFII a pu infliger à la société requérante les contributions spéciale et forfaitaire en litige.

22. En dernier lieu, les dispositions précitées de l'article L. 8253-1 du code du travail et celles de l'article R. 8253-2 n'autorisent l'administration à minorer le montant de la contribution spéciale que dans le cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger sans titre mentionné à l'article R. 8252-6. Il résulte de l'instruction que la société requérante a commis, d'une part, les infractions d'emploi de deux ressortissants étrangers dépourvus d'autorisations de travail et de titres de séjour et, d'autre part, l'infraction de travail dissimulé dès lors que ces étrangers n'ont pas fait l'objet d'une déclaration préalable à l'embauche auprès des organismes sociaux. Dans ces conditions, le directeur général de l'OFII a fait une exacte application des dispositions de l'article L. 8253-1 du code du travail en considérant que la société requérante ne pouvait se voir appliquer le montant minoré au titre du non-cumul d'infractions. Par ailleurs, il n'est ni établi, ni même allégué, que la société Culture Consulting aurait versé à ses salariés, dans le délai de trente jours prévu par l'article L. 8252-4 du code du travail, l'intégralité des salaires et indemnités prévus par l'article L. 8252-2 du même code. Il s'ensuit que la société requérante ne saurait utilement se prévaloir des circonstances tenant à la faible durée de l'emploi des salariés, à sa situation financière difficile, au demeurant non établie, ainsi qu'à la maladie de son gérant. Par suite, le moyen tiré de ce que le montant des contributions réclamées serait excessif et méconnaîtrait l'article L. 8253-1 du code du travail ainsi que l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

23. Par ailleurs, eu égard au principe d'indépendance des procédures administrative et pénale, la circonstance que l'épouse du gérant de la société requérante n'ait fait l'objet que d'un rappel à la loi, le 8 décembre 2017, pour les faits de défaut de déclaration préalable aux organismes sociaux de l'emploi de M. E... C... et de M. F... B..., est sans incidence sur la fixation du montant des contributions spéciale et forfaitaire mises à la charge de la société.

24. Il résulte de tout ce qui précède, que la société Culture Consulting n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

25. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ". Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'OFII, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que la société appelante demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL Culture Consulting est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Culture Consulting et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Délibéré après l'audience du 26 mai 2023, où siégeaient :

- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,

- Mme Ciréfice, présidente assesseure,

- M. Prieto, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 juin 2023.

N° 22MA01244 2

bb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA01244
Date de la décision : 12/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-06-02-02 Étrangers. - Emploi des étrangers. - Mesures individuelles. - Contribution spéciale due à raison de l'emploi irrégulier d'un travailleur étranger.


Composition du Tribunal
Président : Mme CHENAL-PETER
Rapporteur ?: M. Gilles PRIETO
Rapporteur public ?: M. GUILLAUMONT
Avocat(s) : DIXSAUT

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-06-12;22ma01244 ?
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