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19/06/2023 | FRANCE | N°20MA03197

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 19 juin 2023, 20MA03197


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Les Travaux du Midi a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la commune d'Aix-en-Provence à lui verser la somme de 414 438,98 euros toutes taxes comprises au titre des travaux supplémentaires qu'elle a réalisés dans le cadre de l'exécution de son marché, assortie des intérêts moratoires capitalisés au taux contractuellement convenu à compter du 20 juin 2015 et de condamner la commune à lui verser la somme de 40 euros au titre des frais de recouvrement.

Par un ju

gement n° 1710038 du 30 juin 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Les Travaux du Midi a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la commune d'Aix-en-Provence à lui verser la somme de 414 438,98 euros toutes taxes comprises au titre des travaux supplémentaires qu'elle a réalisés dans le cadre de l'exécution de son marché, assortie des intérêts moratoires capitalisés au taux contractuellement convenu à compter du 20 juin 2015 et de condamner la commune à lui verser la somme de 40 euros au titre des frais de recouvrement.

Par un jugement n° 1710038 du 30 juin 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 28 août 2020 et 24 mai 2022, la société Les Travaux du Midi, représentée par Me Engelhard, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 30 juin 2020 ;

2°) de condamner la commune d'Aix-en-Provence à lui verser la somme de 414 438,98 euros toutes taxes comprises au titre des travaux supplémentaires qu'elle a réalisés dans le cadre de l'exécution de son marché, assortie des intérêts moratoires capitalisés au taux contractuellement convenu à compter du 20 juin 2015 et de condamner la commune à lui verser la somme de 40 euros au titre des frais de recouvrement ;

3°) de mettre à la charge de la commune d'Aix-en-Provence la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a dû changer de système constructif et abandonner la précontrainte des voiles béton par post tension en vue d'assurer la rigidité des voiles béton par la mise en œuvre des ferraillages supplémentaires, non prévus à son marché mais indispensables afin que l'ouvrage soit conforme aux règles de l'art pour un montant supplémentaire à hauteur de 158 816,33 euros hors taxes ;

- la mise en œuvre de ferraillages supplémentaires indispensables à la solidité de l'ouvrage, ne permettant pas l'utilisation de bétons classiques, elle a dû utiliser un béton de type auto-plaçant 55, plus onéreux et en plus grande quantité, pour un coût supplémentaire de 30 801,06 euros hors taxes ;

- elle a dû procéder à des études supplémentaires pour un coût de 65 518 euros hors taxes ;

- il s'est avéré indispensable de réaliser des travaux supplémentaires modificatifs en accrochant chaque brise-soleil sur des platines métalliques en acier galvanisé non prévus au marché pour un coût total de 82 923,40 euros hors taxes ;

- il y a lieu de condamner la commune d'Aix-en-Provence à lui verser au titre de ces travaux supplémentaires une somme totale de 345 365,82 hors taxes, soit 414 438,98 toutes taxes comprises et d'assortir cette condamnation d'intérêts moratoires au taux contractuellement convenu à compter du 20 juin 2015, date de sa demande de paiement final qu'elle a remise au maître d'œuvre ;

- la motivation des premiers juges pour refuser de considérer que les travaux en cause revêtaient le caractère de travaux supplémentaires est contraire à la jurisprudence.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 21 mars 2022 et 4 juillet 2022, la commune d'Aix-en-Provence, représentée par Mes Ortega et Louis :

1°) à titre principal, conclut au rejet de la requête ;

2°) à titre subsidiaire, conclut à la condamnation solidaire des membres du groupement conjoint de maîtrise d'œuvre, composé des sociétés Gulizzi Architecte, Lamoureux Ricciotti Ingénierie, PLB Énergie Conseil, Artec 64 et SEBA Méditerranée, à la garantir de l'intégralité des sommes qui seraient mises à la charge ;

3°) et en tout état de cause, demande à la Cour de mettre à la charge de la société Les Travaux du Midi la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête est irrecevable, faute pour la société appelante d'avoir introduit de réclamation préalable dans les conditions et formes stipulées par le marché du 30 octobre 2013 ;

- aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 21 février 2023 et les 19 et 25 avril 2023, la société Gulizzi Architecte, représentée par Me Melloul, dans le dernier état de ses écritures :

1°) à titre principal, conclut au rejet de l'appel diligenté à son encontre ;

2°) à titre subsidiaire, conclut au rejet de toute demande de condamnation à son encontre ;

3°) à titre infiniment subsidiaire, conclut à la condamnation de la société Les Travaux du Midi à la relever et garantir de toute éventuelle condamnation ;

4°) et en tout état de cause, demande à la Cour de mettre à la charge de la commune d'Aix-en-Provence ou tout succombant la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- l'appel en garantie de la commune d'Aix-en-Provence est irrecevable dès lors qu'elle n'était pas partie dans le jugement attaqué ;

- aucune faute ne peut être retenue contre elle, en tant que maître d'œuvre.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 mars 2023, la société PLB Énergie Conseil, représentée par Me Bouty :

1°) à titre principal, conclut au rejet de l'appel en garantie de la commune d'Aix-en-Provence ;

2°) à titre subsidiaire, demande à la Cour de condamner solidairement les sociétés Gulizzi Architecte et Lamoureux Ricciotti Ingénierie, bureau d'études structures, à la relever et garantir de toute éventuelle condamnation ;

3°) et en tout état de cause, demande à la Cour de mettre à la charge de la commune d'Aix-en-Provence ou tout succombant la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'il n'est démontré aucune faute quelconque à son encontre.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 avril 2023, la société ARTEC 64, représentée par Me Capinero :

1°) à titre principal, conclut au rejet de l'appel en garantie de la commune d'Aix-en-Provence ;

2°) à titre subsidiaire, conclut au rejet de toute demande de condamnation à son encontre ;

3°) à titre infiniment subsidiaire, demande à la Cour de condamner la société Les Travaux du Midi à la relever et garantir de toute éventuelle condamnation ;

4°) et en tout état de cause, demande à la Cour de mettre à la charge de tout succombant la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- il n'est démontré aucune faute quelconque à son encontre ;

- aucun des moyens soulevés dans la requête n'est fondé ;

- la société Les Travaux du Midi doit être condamnée à la garantir dès lors qu'en sa qualité de professionnelle, elle était qualifiée pour émettre toute remarque sur la conception du projet avant la réalisation du projet.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 avril 2023, la société Lamoureux Ricciotti Ingénierie, représentée par Me Capinero :

1°) à titre principal, conclut au rejet de l'appel diligenté à son encontre ;

2°) à titre subsidiaire, conclut au rejet de toute demande de condamnation à son encontre ;

3°) à titre infiniment subsidiaire, demande à la Cour de condamner la société Les Travaux du Midi à la relever et garantir de toute éventuelle condamnation ;

4°) et en tout état de cause, demande à la Cour de mettre à la charge de tout succombant la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- il n'est démontré aucune faute quelconque à son encontre ;

- aucun des moyens soulevés dans la requête n'est fondé ;

- la société Les Travaux du Midi doit être condamnée à la garantir dès lors qu'en sa qualité de professionnelle, elle était qualifiée pour émettre toute remarque sur la conception du projet avant la réalisation du projet.

Par un courrier du 20 février 2023, la SCP BR Associés, liquidatrice judiciaire de la société SEBA Méditerranée, indique que cette société a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire/liquidation judiciaire clôturée par jugement du tribunal du commerce du 4 octobre 2019.

Un courrier du 23 mars 2023 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.

Par ordonnance du 9 mai 2023, la clôture de l'instruction a été fixée à sa date d'émission en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Les parties ont été informées, par courrier du 1er juin 2023, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité de l'appel en garantie de la société PLB Énergie Conseil dans l'hypothèse où sa situation ne serait pas aggravée par le présent arrêt.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux issu de l'arrêté du 8 septembre 2009 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Isabelle Ruiz, rapporteure,

- les conclusions de M. François Point, rapporteur public,

- et les observations de Me Engelhard, pour la société Les Travaux du Midi, et de Me Louis, pour la commune d'Aix-en-Provence.

Considérant ce qui suit :

1. La commune d'Aix-en-Provence a confié à la société Les Travaux du Midi, selon acte d'engagement du 30 octobre 2013, le lot n° 1 " gros œuvre " d'un marché portant sur la construction d'une maison des arts martiaux et d'escrime pour un montant total de 1 959 765 euros hors taxes, porté par avenant à la somme de 1 966 257,75 euros hors taxes. La réception des travaux est intervenue le 31 mars 2015 avec réserves. La société Les Travaux du Midi a adressé son décompte final faisant apparaître une demande de rémunération complémentaire à hauteur de 554 354,98 euros toutes taxes comprises, demande rejetée par le maître d'ouvrage. Par courrier du 6 juillet 2015, la commune, maître d'ouvrage, a notifié à la société Les Travaux du Midi le décompte général du marché établi par le maître d'œuvre à hauteur de 1 966 257,75 euros hors taxes, soit 2 359 509,30 euros toutes taxes comprises. Par courrier du 18 septembre suivant, la société Les Travaux du Midi a retourné au maître d'ouvrage le décompte général signé avec réserves auquel était joint un mémoire en réclamation tendant au versement d'une rémunération supplémentaire de 554 354,98 euros toutes taxes comprises. Elle a ensuite saisi le Comité consultatif interrégional de règlement amiable des différends et litiges en matière de marchés publics, lequel a émis l'avis le 21 septembre 2017 de verser à la société requérante une somme de 190 000 euros hors taxes au titre des travaux supplémentaires. La commune d'Aix-en-Provence ayant refusé de suivre cet avis, la société Les Travaux du Midi a alors saisi le tribunal administratif de Marseille d'une demande tendant à sa condamnation à lui verser la somme de 414 438,98 euros toutes taxes comprises au titre des travaux supplémentaires qu'elle estime avoir réalisés. Par le jugement du 30 juin 2020, le tribunal administratif a rejeté cette demande. La société Les Travaux du Midi fait appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement :

2. Si la société Les Travaux du Midi entend remettre en cause la régularité du jugement attaqué en se fondant sur ce que les premiers juges, en refusant comme ils l'ont fait de reconnaître le caractère de travaux supplémentaires aux travaux dont elle réclamait l'indemnisation, auraient adopté une motivation contraire à la jurisprudence, un tel moyen tend en réalité à contester l'appréciation du tribunal et ne peut être utilement soulevé à l'appui de la remise en cause de la régularité du jugement.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Dans le cas où le titulaire d'un marché public de travaux conclu à prix global et forfaitaire réalise des études, démolitions, terrassements ou constructions qui excèdent, par leurs caractéristiques, les prestations contractuellement prévues, ces travaux modificatifs ou supplémentaires doivent être rémunérés sur la base des prix du marché, à la condition que la réalisation de ces prestations supplémentaires ait été prescrite par un ordre de service régulier, ou, à défaut, qu'il soit établi que ces prestations supplémentaires étaient indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art.

4. L'article 1.3 du cahier des clauses techniques particulières applicables au marché stipule que " L'Entrepreneur reconnaît avoir contrôlé et reconnu les lieux, avoir estimé les difficultés qu'il pourrait rencontrer ainsi que l'importance des travaux à exécuter. Il ne pourra donc se prévaloir d'un manque de connaissance des lieux et conditions d'exécution de son marché. Le présent CCTP renseigne sur la qualité, les dimensions éventuelles quand elles ne font pas l'objet de plans particuliers ou notes accessoires, de l'emplacement des ouvrages à exécuter. La description n'a pas de caractère limitatif, l'entreprise est tenue d'exécuter sans exception ni réserve tous les travaux que la profession exige pour que les ouvrages soient livrés finis et complets. Tous les ouvrages faisant l'objet des prestations de son lot seront obligatoirement réalisés en conformité avec les normes et règlements en vigueur. [...] / L'entrepreneur retenu sera tenu de par ses connaissances professionnelles de suppléer toutes omissions ou insuffisances qui auraient pu se glisser dans l'établissement des documents. Il ne pourra de ce fait prétendre à aucune modification, que ce soit au niveau technique ou au niveau du montant de son offre. Il lui appartiendra de signaler au Maître d'Œuvre les omissions ou insuffisances constatées avant notification de la commande. Toute omission décelée après cette notification ne pourra entraîner de modification du montant de celle-ci. [...] / De même, les quantités indiquées dans ce document ne sont données qu'à titre indicatif, dans le but d'améliorer la compréhension, sans se substituer au travail de l'entreprise qui doit apprécier par elle-même toutes les quantités. ". Aux termes de l'article 1.5 du même cahier, relatif au cadre de décomposition du prix global et forfaitaire : " Il est rappelé que les quantités établies par la Maîtrise d'œuvre et apparaissant dans le cadre de décomposition du prix global et forfaitaire, joint au présent dossier, sont données à titre indicatif. L'Entreprise se doit de vérifier les quantités qui lui incombent et de remplir le cadre de décomposition du prix global et forfaitaire fourni par le Maître d'Œuvre. Si après vérification, il y est constaté un problème de quantités, l'entreprise doit apporter les compléments ou modifications éventuelles qu'elle juge nécessaire dans un document séparé. ". Enfin, aux termes de son article 2.5, relatif aux matériaux mis en œuvre : " Il est rappelé que la qualité des bétons vus devra être exemplaire. L'architecte reste seul juge de leur qualité et pourra ordonner leur démolition si le résultat n'est pas jugé satisfaisant ".

S'agissant de la fin de non-recevoir opposée en défense :

5. La commune d'Aix-en-Provence soutient que le mémoire de réclamation présenté par la société Les Travaux du Midi était non conforme aux stipulations de l'article 50.1.1 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) Travaux selon lequel " Dans son mémoire en réclamation, le titulaire expose les motifs de son différend, indique, le cas échéant, les montants de ses réclamations et fournit les justifications nécessaires correspondant à ces montant ", en se fondant sur la circonstance que le mémoire ne comportait pas de pièces justificatives à l'appui de sa réclamation. Toutefois, si ces stipulations exigent des justifications de nature à expliciter les sommes réclamées en leurs principe et montant, elles n'exigent pas le versement de pièces justificatives. Dès lors que le mémoire en réclamation de la société appelante est précis et détaillé sur chacune des sommes réclamées, il doit être regardé comme comportant des éléments de justification suffisants. Par suite, la fin de non-recevoir opposée en défense doit être écartée.

S'agissant du maintien des voiles bétons :

6. L'article 2-6-6 du cahier des clauses techniques particulières Lot n° 01 Gros œuvre stipule que " la pré-contrainte intérieure par post-tension utilisée dans la construction de l'ouvrage doit respecter les exigences définies dans les normes... les dimensionnements des unités de précontraintes fournis dans les plans joints seront repris par le bureau d'études de l'entreprise, notamment en fonction du choix du procédé de construction et dans le cadre des études d'exécution ".

7. La société appelante réclame la rémunération des coûts générés, d'une part, par des ferraillages supplémentaires qu'elle a dû installer sur les voiles bétons du bâtiment et, d'autre part, par la nécessité d'utiliser un béton de qualité et en quantités supérieures par rapport à ce qui était initialement prévu. Elle sollicite également le paiement d'études de faisabilité complémentaires pour un montant total de 262 442,82 euros hors taxes. Pour justifier que lui soient rémunérés au titre des travaux supplémentaires ces montants, elle fait valoir qu'elle a dû abandonner le système de précontrainte des voiles béton par post tension initialement prévu par les pièces contractuelles en raison du refus de l'architecte de prévoir des joints entre les voiles afin de pouvoir réaliser la mise en tension et que le nouveau dispositif qu'elle a été contrainte de mettre en place en remplacement a nécessité, afin d'exécuter les travaux dans le respect des règles de l'art, des quantités non prévues dans la décomposition du prix global et forfaitaire.

8. Il résulte de l'instruction que d'un côté, le maître d'œuvre soutient que " la suppression du joint de dilatation (prévue depuis le début du projet) ou encore la forme des voiles (pourtant bien rectilignes) n'ont strictement rien à voir avec le sujet : la pose de gaine, l'enfilement de câbles dans ces gaines, puis leur mise en tension peuvent se faire sans obstacle " et que " pendant le cours des études et du chantier, [la société Les Travaux du Midi] n'a jamais fait état d'une impossibilité voire même d'une quelconque difficulté à mettre en œuvre cette précontrainte ". Mais, de l'autre côté, est versé dans la présent instance le courrier d'un cabinet d'expertise faisant état notamment du refus du maître d'œuvre de réaliser un ou des joints de dilation sur le bloc Nord et de l'impossibilité de maintenir dans le cadre du coulage d'un voile de toute hauteur, des gaines à incorporer pour la post-contrainte dans les voiles pignons du bloc Nord positionnées au niveau du plancher intermédiaire. Est également produit l'avis rendu le 5 octobre 2017 par le Comité consultatif de règlement amiable des différends relatifs aux marchés publics qui considère que la méthode par post contrainte prévue lors du dépôt des offres s'est révélée impraticable et que la commune reconnaissait un surcoût dans la conduite des travaux indépendant de la volonté de l'entreprise. Ainsi, au regard de ces éléments contradictoires, la Cour n'est pas en mesure de déterminer si la méthode initialement prévue devait ou non être impérativement modifiée pour des raisons d'impossibilités ou contraintes techniques.

S'agissant de la pose des brise-soleils :

9. L'article 3.4.7. du cahier des clauses techniques particulières Lot n° 01 Gros œuvre daté de juillet 2013 relatif aux brise-soleils architectonique en béton armé stipule que : " Ils peuvent être coulés en place ou préfabriqués en atelier. / Les brise-soleils sont essentiellement autoporteurs sur toute leur hauteur (ou longueur), hormis en façade Sud pour lequel la structure porteuse des caillebotis peut jouer le rôle de butons de stabilisation horizontale. / De même, au droit de la faille, les brise-soleils horizontaux sont repris par trois files de traverses en béton aspect, parement et finition identiques). Toujours au droit de la faille, les brise-soleils verticaux Est et Ouest, sont stabilisés en tête par un système de butons inox. / La prestation comprend également : / • tous les dispositifs de fixations mécaniques ou de clavetage en place, / • les connexions sur gros œuvre ou sur fondations (semelles, longrines, soubassement ou prolongement de dallage) / • les éléments de contreventement et de stabilisation (butons façade Sud et au-dessus de la faille) et de reprise des efforts (poutres au-dessus de la faille) / • le dispositif de libre dilatation des poutres de reprise au droit de la faille. Les composants seront très soignés et soumis à l'approbation de l'architecte. / Pour les coffrages des éléments préfabriqués ou coulés en place : / - Les coffrages seront neufs et réalisés à partir de matériaux permettant d'obtenir les calepinages, teintes et aspects de parements et de surface souhaités par l'Architecte / - ils seront exempts de salissures, traces de rouille / - Les produits de décoffrages seront adaptés pour un état de parement sans défauts (les produits d'origine minérale seront évités), les décoffrants seront des produits de synthèse pulvérisés. / - Les coffrages seront soigneusement nettoyés pour éliminer tout ce qui peut constituer une source de salissure ou d'altération du béton (boulons, ligatures, déchets végétaux, etc.). / - Les coffrages seront très soigneusement étanchés pour éviter les pertes d'eau de laitances. / - Les écarteurs de banches seront soigneusement calepinés en accord avec l'Architecte. / - Il ne sera pas admis de ragréage sur ces ouvrages / - le parement sera de type P4 / - Il sera prévu, si nécessaire, l'emploi de matrices élastomères ou silicone et inserts mannequin. / Les bétons : /- Les bétons feront l'objet d'une formulation spéciale, adaptée au résultat recherché (définition de la granulométrie et du type d'agrégats utilisés) / - Dans tous les cas, l'aspect, le parement et la finition devront être proches de ceux des bétons des voiles de façade coulée en place. Si nécessaire, utilisation de béton autoplaçant (évitant la vibration et les phénomènes de ségrégation). / - La fluidité du béton permettra d'éviter tout bullage, quelques soient les conditions de mise en œuvre (ajout d'additif et utilisation de bétons spéciaux). / L'ensemble de l'ouvrage des brise-soleils fera l'objet d'une présentation spécifique de la part de l'entreprise : méthodologie de moulage, coulage, transport, protection, montage, échantillons, note de calculs etc... à soumettre à l'avis des maîtres d'œuvre. / Une attention particulière sera apportée à la protection des ouvrages, y compris pour le conditionnement au transport et avant livraison, inclus la passivation des armatures en attente si risque de coulure de rouille, etc... / Finition / Lasure anti-graffiti toute hauteur pour les parements visibles. / Mode de métré / Béton : Mètre cube (m³) / E... : Kilogramme (Kg) / Coffrages : Mètre carré (m²) / B... : unité (U) / Revêtement anti-graffiti : Mètre carré (m²) C... de reprise : forfait (Ens) / Dispositifs de fixation et de stabilisation : (Ens) / Localisation / Suivant les plans, coupes et façades plans d'architecte. ".

10. La société Les Travaux du Midi chiffre le coût de ses travaux qui ont dû être réalisés en raison de la modification du système de pose des brise-soleils à 82 923,40 euros hors taxes. Elle soutient que le joint de structure dit sec initialement prévu au marché ne permettait pas d'assurer la pérennité des brise-soleils et qu'elle a dû installer des platines en acier galvanisé et renoncer à la pose de ces voiles en un ensemble regroupant quatre brise-soleils et procéder à leur pose à l'unité. Il résulte de l'instruction et notamment du même courrier du cabinet d'expertise cité au point 8 que ce dernier considère que le principe initial, incompatible avec la demande architecturale de suppression des joints visibles de reprise et de coulage, a conduit aux dispositions proposées et acceptées. La commune fait valoir que la société appelante a fait le choix de modifier la mise au point technique, méthodologique et architecturale de la pose dans le but d'optimiser à son profit les coûts et les cadences d'installation. Ainsi, au regard de ces éléments contradictoires, la Cour n'est pas en mesure de déterminer si la méthode initialement prévue devait ou non être impérativement modifiée pour des raisons d'impossibilités ou contraintes techniques.

11. En présence de ces incertitudes, il y a lieu, pour la Cour, de prescrire, sur le fondement de l'article R. 625-2 du code de justice administrative, un avis technique destiné à lui préciser, au vu d'un examen des éléments produits, d'une part, si le changement du système de précontrainte des voiles béton par post tension initialement prévu et la modification du système de pose des brise-soleils étaient nécessités par des impossibilités ou contraintes techniques et, d'autre part, dans l'affirmative, si les coûts exposés par la société Les Travaux du Midi étaient justifiés par ces modifications de système.

D É C I D E :

Article 1er : Il sera, avant de statuer sur la requête de la société Les Travaux du Midi, demandé un avis technique à M. D... A..., tel qu'indiqué au point 11.

Article 2 : Le consultant accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-3 à R. 621-6, R. 621-10 à R. 621-12-1, R. 621-14 et R. 625-2 du code de justice administrative.

Article 3 : L'avis sera consigné par écrit et transmis à la Cour dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas statué par le présent arrêt sont réservés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Les Travaux du Midi, à la commune d'Aix-en-Provence, aux sociétés Gulizzi Architecte, Lamoureux Ricciotti Ingénierie, PLB Énergie Conseil et Artec 64 et à M. D... A....

Délibéré après l'audience du 5 juin 2023, où siégeaient :

- M. Alexandre Badie, président de chambre,

- M. Renaud Thielé, président assesseur,

- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 juin 2023.

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N° 20MA03197


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA03197
Date de la décision : 19/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05-01-02-01 Marchés et contrats administratifs. - Exécution financière du contrat. - Rémunération du co-contractant. - Indemnités. - Travaux supplémentaires.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: Mme Isabelle RUIZ
Rapporteur public ?: M. POINT
Avocat(s) : SELARL BLUM - ENGELHARD - DE CAZALET

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-06-19;20ma03197 ?
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