La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/11/2023 | FRANCE | N°23MA00996

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 03 novembre 2023, 23MA00996


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 19 septembre 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2210553 du 14 mars 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la requête de M. B....

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 20 avril 2

023, et un mémoire enregistré le 4 mai 2023, M. B..., représenté par Me Gilbert, demande à la Cour ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 19 septembre 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2210553 du 14 mars 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la requête de M. B....

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 20 avril 2023, et un mémoire enregistré le 4 mai 2023, M. B..., représenté par Me Gilbert, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 14 mars 2023 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler l'arrêté du 19 septembre 2022 du préfet des Bouches-du-Rhône ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer sa situation et de lui délivrer un titre de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, à charge pour son conseil de renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;

- l'arrêté attaqué méconnaît les stipulations de l'article 6-4) de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public ;

- l'arrête litigieux a été pris en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- il méconnaît les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant et de l'article 24 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

Le préfet des Bouches-du-Rhône, à qui la procédure a été communiquée, n'a pas produit de mémoire.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 juin 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Chenal-Peter.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., de nationalité algérienne, né le 11 mai 1990, a sollicité, le 12 mai 2022, un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français sur le fondement du 4) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié. Par un arrêté du 19 septembre 2022, le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. L'intéressé relève appel du jugement du 14 mars 2023 du tribunal administratif de Marseille qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, l'arrêté préfectoral contesté du 19 septembre 2022, pris en l'ensemble de ses décisions, mentionne les éléments de faits propres à la situation personnelle et familiale de M. B..., et énonce l'ensemble des considérations de droit sur lesquelles il est fondé. Il est ainsi suffisamment motivé au regard des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté attaqué doit être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / (...) / 4. Au ressortissant algérien ascendant direct d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il exerce même partiellement l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins. Lorsque la qualité d'ascendant direct d'un enfant français résulte d'une reconnaissance de l'enfant postérieure à la naissance, le certificat de résidence d'un an n'est délivré au ressortissant algérien que s'il subvient à ses besoins depuis sa naissance ou depuis au moins un an (...) ". Ces stipulations ne privent pas l'autorité compétente du pouvoir qui lui appartient de refuser à un ressortissant algérien la délivrance du certificat de résidence d'un an lorsque sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public.

4. M. B... est le père d'une enfant de nationalité française, née le 24 janvier 2021 à Marseille, issue de son union avec sa compagne, Mme C..., de nationalité française. Pour rejeter la demande d'admission au séjour présentée par M. B... en qualité de parent d'enfant français, sur le fondement des stipulations du 4) de l'article 6 de l'accord franco-algérien, le préfet des Bouches-du-Rhône a estimé que la présence en France de l'intéressé constituait une menace pour l'ordre public.

5. Il ressort des pièces du dossier, d'une part, que M. B... a été condamné, par un jugement en date du 20 avril 2021 du tribunal correctionnel de Marseille, à une peine d'un an d'emprisonnement assortie du sursis probatoire pendant deux ans pour des faits de violence suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours par une personne étant ou ayant été conjoint, concubin ou partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité, commis le 16 avril 2021, cette condamnation ayant également été assortie de mesures de contrôle, d'obligation de soins et d'interdiction de paraître au domicile de la victime. Si le requérant se prévaut du caractère isolé de ces faits, ils sont, par leur nature même, d'une particulière gravité, et ont été commis seulement sept mois après le début de la vie commune, et moins de trois mois après la naissance de l'enfant du couple, le 24 janvier 2021. Par ailleurs, si le requérant fait valoir qu'il regrette ces faits, qu'il est régulièrement suivi par le service pénitentiaire d'insertion et de probation des Bouches-du-Rhône ainsi qu'au titre d'une prise en charge spécialisée de son addiction au cannabis et que, par un jugement du 25 mars 2022, le juge de l'application des peines du tribunal judiciaire de Marseille a ordonné la mainlevée de l'interdiction de paraître au domicile de Mme C..., à la demande de cette dernière, en vue de reprendre la vie commune avec le requérant, l'ensemble de ces circonstances ne sauraient retirer aux faits en cause leur caractère récent et d'une particulière gravité. D'autre part, si la décision en litige est motivée en outre par la circonstance que M. B... serait également défavorablement connu du fichier de TAJ, et que le préfet des Bouches-du-Rhône ne justifie pas une telle affirmation, il ressort des pièces du dossier qu'il aurait pris la même décision s'il n'avait retenu que les faits de violence conjugale en cause. Dans ces conditions, en estimant que la présence en France de M. B... constituait une menace pour l'ordre public, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas commis d'erreur d'appréciation en refusant, pour ce motif, de lui délivrer un certificat de résidence sur le fondement des stipulations de l'article 6-4) de l'accord franco-algérien.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

7. Si M. B... déclare résider de manière continue sur le territoire français depuis le 3 juin 2017, il n'établit pas, par les pièces qu'il produit, sa résidence habituelle sur le territoire national avant le mois de septembre 2020, date à laquelle il a emménagé avec Mme C.... S'il fait valoir que la vie commune avec cette dernière et leur fille, née le 24 janvier 2021 n'aurait jamais cessé, dès lors que le second enfant du couple est décédé le 16 février 2022, deux jours après sa naissance, le requérant ne justifie au mieux d'une reprise de la vie commune qu'à compter du 25 mars 2022, date du jugement ordonnant la mainlevée de l'interdiction judiciaire précitée. En outre, il est constant qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales en Algérie où résident ses parents et ses cinq frères et sœurs et où il a vécu jusqu'à l'âge de 27 ans selon ses déclarations. Enfin, le requérant ne justifie pas d'une intégration socio-professionnelle notable sur le territoire français. Dans ces conditions, eu égard à la durée et aux conditions du séjour en France de M. B... et eu égard à ce qui a été dit au point 5, l'arrêté attaqué n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

8. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article 3 paragraphe 1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. (...) ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

9. Le requérant soutient qu'il s'occupe de sa fille, de nationalité française, âgée de vingt mois à la date de l'arrêté attaqué et que l'arrêté en litige impliquerait nécessairement de la séparer de son père. Toutefois, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et des articles 7 et 24. 2 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ne peuvent qu'être écartés.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 septembre 2022 du préfet des Bouches-du-Rhône.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

11. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. B... n'implique aucune mesure d'exécution. Il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions à fin d'injonction de M. B....

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, tout ou partie de la somme que le conseil de M. B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Gilbert et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 20 octobre 2023, où siégeaient :

- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,

- Mme Vincent, présidente assesseure,

- Mme Marchessaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 novembre 2023.

N° 23MA00996 2

fa


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA00996
Date de la décision : 03/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme CHENAL-PETER
Rapporteur ?: Mme Anne-Laure CHENAL-PETER
Rapporteur public ?: M. GUILLAUMONT
Avocat(s) : GILBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-11-03;23ma00996 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award