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07/11/2023 | FRANCE | N°23MA00640

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 07 novembre 2023, 23MA00640


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 23 novembre 2016 par laquelle le maire de Saint-Mitre-les-Remparts l'a affecté en qualité de chargé de mission, l'arrêté du 29 novembre 2016 lui retirant le bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire ainsi que les arrêtés du 29 novembre 2016 modifiant, respectivement, son indemnité d'exercice de missions des préfectures et son indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires.

Par un jugement n° 16100

77 du 4 février 2019, le tribunal administratif de Marseille a annulé ces décisions ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 23 novembre 2016 par laquelle le maire de Saint-Mitre-les-Remparts l'a affecté en qualité de chargé de mission, l'arrêté du 29 novembre 2016 lui retirant le bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire ainsi que les arrêtés du 29 novembre 2016 modifiant, respectivement, son indemnité d'exercice de missions des préfectures et son indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires.

Par un jugement n° 1610077 du 4 février 2019, le tribunal administratif de Marseille a annulé ces décisions et enjoint à la commune de Saint-Mitre-les-Remparts de réintégrer M. B... en qualité de responsable du " pôle public " et de reconstituer sa carrière, dans un délai d'un mois à compter de la notification de ce jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai.

Par un arrêt n° 19MA01612 du 30 juin 2020, la Cour, saisie de l'appel de la commune de Saint-Mitre-les-Remparts, a, d'une part, annulé l'article 2 de ce jugement lui enjoignant de réintégrer M. B... en qualité de responsable du " pôle public " et de reconstituer sa carrière, et, d'autre part, rejeté ces conclusions à fin d'injonction présentées devant le tribunal et le surplus des conclusions de la commune devant la Cour.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 6 mai et 2 septembre 2022, M. B..., représenté par Me Moreau, demande à la Cour, sur le fondement de l'article L. 911-4 du code de justice administrative :

1°) d'enjoindre à la commune de Saint-Mitre-les-Remparts, en exécution du jugement rendu par le tribunal administratif de Marseille le 4 février 2019 et confirmé par arrêt de la Cour du 30 juin 2020, de procéder à sa réintégration juridique et à un rappel de ses traitements, régime indemnitaire et nouvelle bonification indiciaire et de régulariser ses droits statutaires et sociaux, à compter du 23 novembre 2016, et ce, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Mitre-les-Remparts la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement en cause, qui impliquait sa réintégration juridique sur un emploi équivalent, comportant une rémunération et des responsabilités identiques à l'emploi qu'il occupait avant l'affectation censurée, n'a pas été entièrement exécuté par la commune qui, pour s'en abstenir, ne peut utilement invoquer sa position de congé de maladie ;

- la nouvelle affectation qui lui a été donnée, de nouveau sur un poste de chargé de mission, est entachée de la même illégalité que celle qui a été censurée par le tribunal et la Cour ;

- la commune ne justifie pas de la reconstitution de ses droits sociaux et à pension de retraite.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 6 août 2022 et le 13 octobre 2023, la commune de Saint-Mitre-les-Remparts, représentée en dernier lieu par Me Margaroli de la SELARL Drai associés, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de son auteur la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune fait valoir que :

- à titre principal, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions à fin d'injonction que la Cour a rejetées par son arrêt du 30 juin 2020, devenu irrévocable ;

- subsidiairement, la demande d'exécution est irrecevable car dépourvue de moyens et de conclusions, se heurtant à une décision de la commune, du 8 juillet 2022, devenue définitive et n'ayant donné lieu, préalablement, à aucune injonction de la juridiction administrative ;

- à titre très subsidiaire, les moyens de la requête ne sont pas fondés, alors que l'arrêté portant réintégration a été contesté par l'intéressé devant le tribunal administratif.

Par une ordonnance du 8 mars 2023, la présidente de la Cour a ouvert une procédure juridictionnelle en vue de prescrire les mesures d'exécution de l'arrêt n° 19MA01612 rendu le 30 juin 2020 par la cour administrative d'appel de Marseille.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Revert,

- les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique,

- et les observations de Me Moreau, représentant M. B... et de Me Bail, substituant Me Margaroli, représentant la commune de Saint-Mitre-les-Remparts.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 23 novembre 2016, le maire de Saint-Mitre-les-Remparts a affecté M. B..., attaché territorial, sur un poste de chargé de mission puis, par des arrêtés du 29 novembre 2016, lui a supprimé le bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire et a réduit ses indemnités forfaitaires pour travaux supplémentaires ainsi que son indemnité d'exercice de mission des préfectures. Par un jugement du 4 février 2019, le tribunal administratif de Marseille a annulé ces décisions et lui a enjoint de réintégrer M. B... en qualité de responsable du " pôle public " et de reconstituer sa carrière, dans un délai d'un mois à compter de la notification de ce jugement. Par un arrêt du 30 juin 2020, dont M. B... demande l'exécution, la Cour, saisie de l'appel de la commune de Saint-Mitre-les-Remparts, a, d'une part, annulé l'article 2 de ce jugement enjoignant à celle-ci de réintégrer M. B... en qualité de responsable du " pôle public " et de reconstituer sa carrière, et, d'autre part, rejeté ces conclusions à fin d'injonction présentées devant le tribunal et le surplus des conclusions de la commune devant la Cour.

2. Aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander à la juridiction, une fois la décision rendue, d'en assurer l'exécution. Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte. ".

Sur la recevabilité de la demande d'exécution :

3. L'annulation contentieuse de la décision ayant illégalement muté un agent public oblige l'autorité compétente à replacer l'intéressé, dans l'emploi qu'il occupait précédemment ou dans un emploi équivalent, et à reprendre rétroactivement les mesures nécessaires pour le placer dans une position régulière à la date de sa mutation, alors même que le jugement qui prononce cette annulation ne lui adresse pas d'injonction en ce sens et que, postérieurement à ce jugement, l'agent n'a pas adressé de demande à son administration.

4. Par suite et d'une part, si par son arrêt du 30 juin 2020, la Cour, constatant que le poste de responsable du " pôle public " occupé par M. B... avait été supprimé, a annulé le jugement du 4 février 2019 en ce qu'il a enjoint à la commune de Saint-Mitre-les-Remparts de le réintégrer en qualité de responsable du pôle public et de reconstituer sa carrière, une telle circonstance ne faisait pas obstacle à ce que, en exécution de ce jugement en ce qu'il annule le changement d'affectation de cet agent, celui-ci, qui n'avait pas déjà présenté une telle demande ni devant le tribunal ni devant la Cour, soit réintégré dans un emploi équivalent à son poste précédent. La commune ne peut donc utilement soutenir que les conclusions à fin d'injonction présentées par M. B... à l'appui de sa demande d'exécution de ce jugement confirmé par cet arrêt auraient été dépourvues d'objet dès leur introduction, ni par conséquent et en tout état de cause, qu'il n'y aurait plus lieu d'y statuer.

5. D'autre part, aux termes de l'article R. 911-3 du code de justice administrative : " Le délai de recours contentieux contre une décision administrative expresse refusant de prendre les mesures nécessaires à l'exécution d'une décision de la juridiction administrative est interrompu par une demande d'exécution présentée en application du présent livre jusqu'à la notification de la décision qui statue sur cette demande ". S'il résulte de l'instruction qu'en réponse à la demande formée le 27 janvier 2021 par M. B... et tendant à l'exécution du jugement du 4 février 2019 réformé par l'arrêt du 30 juin 2020, notamment par sa réintégration administrative et la reconstitution de sa carrière, le maire de Saint-Mitre-les-Remparts a opposé le 17 mars 2021 une décision expresse de refus, il ne résulte d'aucun des éléments de l'instance que cette décision aurait été régulièrement notifiée à l'intéressé. Ainsi, et en tout état de cause, la circonstance que celui-ci n'a pas contesté cette décision de refus d'exécuter le jugement avant de demander à la Cour l'exécution de celui-ci est sans incidence sur la recevabilité de cette demande.

Sur le bien-fondé de la demande :

6. D'abord, il résulte de ce qui a été dit aux points 3 et 4 que, bien que le jugement dont M. B... demande l'exécution ne comporte plus, en raison de sa réformation dans cette mesure par l'arrêt de la Cour du 30 juin 2020, d'injonction à la commune de le replacer dans l'emploi qu'il occupait préalablement à sa mutation illégale, l'annulation de cette mesure impliquait nécessairement qu'il soit replacé dans un emploi équivalent à ce précédent poste, présentant des responsabilités et une rémunération équivalentes, depuis la prise d'effet de la mesure censurée, soit le 1er décembre 2016. S'il est constant que du 12 octobre 2015 au 30 août 2017, puis à compter du 31 août 2017, M. B... a été placé successivement en congé de maladie ordinaire et en congé de longue durée pour troubles dépressifs, et qu'il a été déclaré inapte physiquement, de manière définitive et absolue, à tout emploi de la fonction publique par avis du comité médical du 23 septembre 2020 et de la commission de réforme du 16 mars 2021, et si cette invalidité fait obstacle à une reprise d'activité de l'agent, dans le cadre d'une réintégration effective d'un emploi conforme à son statut et équivalent à son précédent poste, il n'est ni établi ni même allégué que le requérant était atteint de cette inaptitude définitive et absolue à tout emploi de la fonction publique à la date de prise d'effet de son changement d'affectation annulé par le tribunal.

7. Ensuite, l'arrêté du maire de Saint-Mitre-les-Remparts du 3 août 2022, pris pour l'exécution du jugement du 4 février 2019, affecte M. B..., sous l'autorité de la directrice générale des services, sur un poste de chargé de mission en charge de l'évaluation des politiques publiques de la commune, qui dépourvu de toute fonction d'encadrement, s'apparente manifestement au poste sur lequel l'intéressé a été illégalement affecté par l'arrêté du 23 novembre 2016 annulé par ce jugement comme manifestant un harcèlement moral de son employeur. Un tel arrêté procède ainsi d'un défaut manifeste d'équivalence entre l'emploi occupé par l'agent avant son éviction et celui dans lequel il est affecté. Ainsi, la commune ne peut utilement se prévaloir de cette dernière affectation pour soutenir avoir exécuté ce jugement dans cette mesure. Il y a donc lieu d'enjoindre à la commune de Saint-Mitre-les-Remparts de replacer juridiquement M. B... dans un emploi conforme à son cadre d'emplois et équivalent, en niveaux de responsabilités et de rémunération, au poste de responsable du " pôle public " qu'il occupait avant son éviction illégale, à compter du 1er décembre 2016, la commune ne justifiant ni même n'alléguant ne pas disposer d'un tel emploi à cette date. Au cas d'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

8. Enfin, l'annulation prononcée par le jugement du 4 février 2019 et confirmée par l'arrêt du 30 juin 2020 impliquait également que la commune reprenne rétroactivement les mesures nécessaires pour le placer dans une position régulière à la date de sa mutation. Au nombre de ces mesures ne peuvent figurer des rappels de traitement et de nouvelle bonification indiciaire, compte tenu de la règle du service fait. Cette annulation implique en revanche la reconstitution de ses droits statutaires, sociaux et à pension. Contrairement à ce qu'affirme la commune, il ne résulte pas du bulletin de paie de M. B... pour le mois de juillet 2018 qu'à cette date elle aurait procédé à cette reconstitution. Il y a donc lieu d'enjoindre à la commune de reconstituer les droits sociaux et à pension de M. B..., qu'elle doit replacer juridiquement dans un emploi équivalent à celui de responsable de pôle public à compter du 1er décembre 2016, au titre de la période, ainsi que l'intéressé le demande lui-même, allant de cette date jusqu'au 1er janvier 2019. Au cas d'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais d'instance :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, au titre des frais exposés par la commune de Saint-Mitre-les-Remparts et non compris dans les dépens. En revanche, en application de ces dispositions, et dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de cette commune la somme de 1 500 euros que demande M. B... au titre de ses frais d'instance.

DECIDE :

Article 1er : Il est enjoint à la commune de Saint-Mitre-les-Remparts de replacer juridiquement M. B... dans un emploi conforme à son cadre d'emplois, et équivalent, en niveaux de responsabilité et de rémunération, au poste de responsable du " pôle public " qu'il occupait avant son éviction illégale, à compter du 1er décembre 2016, et de reconstituer ses droits statutaires, sociaux et à pension pour la période du 1er décembre 2016 au 1er janvier 2019.

Article 2 : La commune de Saint-Mitre-les-Remparts versera à M. B... la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de M. B... et les conclusions de la commune de Saint-Mitre-les-Remparts tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la commune de Saint-Mitre-les-Remparts.

Délibéré après l'audience du 17 octobre 2023, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Martin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2023.

N° 23MA006402


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA00640
Date de la décision : 07/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exécution décision justice adm

Analyses

37-05 Juridictions administratives et judiciaires. - Exécution des jugements.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: M. Michaël REVERT
Rapporteur public ?: Mme BALARESQUE
Avocat(s) : MCL AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-11-07;23ma00640 ?
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