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21/11/2023 | FRANCE | N°22MA01373

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 21 novembre 2023, 22MA01373


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté de communes de la Vallée de l'Ubaye Serre-Ponçon (CCVUSP) a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler la décision du 6 mars 2020 par laquelle le préfet des Alpes-de-Haute-Provence a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'article 1er de l'arrêté préfectoral du 6 décembre 2019, portant rectification du montant de la dotation d'intercommunalité allouée au titre de l'année 2015 et à la réformation de cet arrêté, et au versement d'une somme de 99 502 eu

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté de communes de la Vallée de l'Ubaye Serre-Ponçon (CCVUSP) a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler la décision du 6 mars 2020 par laquelle le préfet des Alpes-de-Haute-Provence a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'article 1er de l'arrêté préfectoral du 6 décembre 2019, portant rectification du montant de la dotation d'intercommunalité allouée au titre de l'année 2015 et à la réformation de cet arrêté, et au versement d'une somme de 99 502 euros au titre de cette dotation, et d'autre part de condamner l'Etat à lui verser une somme de 99 502 euros au titre de cette dotation.

Par un jugement n° 2003118 du 16 mars 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 12 mai 2022, la communauté de communes de la Vallée de l'Ubaye Serre-Ponçon, représentée par Me Rey, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 2003118 rendu le 16 mars 2022 par le tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler la décision du 6 mars 2020 par laquelle le préfet des Alpes-de-Haute-Provence a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'article 1er de l'arrêté préfectoral du 6 décembre 2019, portant rectification du montant de la dotation d'intercommunalité allouée au titre de l'année 2015 et à la réformation de cet arrêté, et au versement d'une somme de 99 502 euros au titre de cette dotation ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 99 502 euros correspondant à la différence entre la somme qui doit lui être versée au titre de cette dotation et celle qu'elle a reçue le 13 décembre 2019 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat les entiers dépens ainsi que la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

L'établissement public soutient que :

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, le montant de la dotation à prendre en compte au titre de l'année 2014 pour l'application du plafonnement de 120%, n'est pas la dotation avant abattement pour contribution au redressement des finances publiques, mais la dotation perçue, conformément à l'article L. 5211-33 du code général des collectivités territoriales ;

- la méthode de calcul retenue par le préfet puis par le tribunal pour déterminer la rectification de la dotation d'intercommunalité pour l'année 2015 méconnaît les textes et la note d'information du ministre de l'intérieur du 13 mai 2015, le montant de cette rectification devant être de 217 684 euros ;

- c'est à tort que le tribunal a opposé à sa contestation du montant de la dotation d'intercommunalité qui lui a été attribué pour les années 2012 à 2014, l'autorité relative de chose jugée attachée à son jugement du 13 août 2020 ayant rejeté des conclusions présentant un objet différent ;

- le jugement est irrégulier pour ne pas s'être prononcé, en conséquence de l'erreur précédente, sur ses moyens tirés de la nécessaire comparaison des montants bonifiés qui lui sont dus, de l'inapplicabilité de la jurisprudence " Czabaj ", de l'inopposabilité de la prescription quadriennale et de la responsabilité pour faute de l'Etat ;

- en procédant à cette comparaison, la somme qui lui est due en réparation de l'illégalité fautive commise par l'Etat, au titre de laquelle aucune tardiveté ni aucune prescription ne peuvent lui être opposées, est de 99 502 euros.

La requête de la communauté de communes de la Vallée de l'Ubaye Serre-Ponçon a été communiquée au ministre de l'intérieur et des outre-mer qui n'a pas produit d'observations.

Par une ordonnance du 29 août 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 septembre 2023, à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Revert,

- les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique,

- et les observations de Me Tabarly, substituant Me Rey, représentant la communauté de communes de la Vallée de l'Ubaye Serre-Ponçon.

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 17 octobre 2017, devenu définitif, le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision du 15 janvier 2015 par laquelle le préfet des Alpes-Haute-Provence a informé le président de la communauté de communes de la Vallée de l'Ubaye de l'inéligibilité de cet établissement public à la dotation globale de fonctionnement (DGF) bonifiée, prévue à l'article L. 5214-23-1 du code général des collectivités territoriales, au titre de l'année 2015. Le 12 janvier 2018, la présidente de la communauté de communes de la Vallée de l'Ubaye Serre-Ponçon (CCVUSP) qui vient aux droits de la communauté de communes de la Vallée de l'Ubaye, a demandé au préfet, en exécution de ce jugement, de reconnaître l'éligibilité de cet établissement public de coopération intercommunale à la DGF bonifiée à compter du 6 décembre 2006 et de régulariser le versement de cette dotation pour les années 2012 à 2016. Par un arrêté du 17 janvier 2018, pris pour l'exécution du jugement, le préfet a reconnu l'éligibilité de la CCVUSP à la DGF bonifiée pour la seule année 2015 et a décidé de lui verser à ce titre une somme complémentaire de 118 182 euros par un arrêté du 6 décembre 2019. Par un jugement du 16 mars 2022, dont la CCVUSP relève appel, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 6 mars 2020 par laquelle le préfet des Alpes-de-Haute-Provence a rejeté son recours gracieux contre cet arrêté du 6 décembre 2019 et à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 99 502 euros au titre de la bonification de la dotation pour 2015.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. D'une part, pour écarter l'argumentation développée par la CCVUSP au soutien de sa demande, et tendant à discuter le montant de la dotation d'intercommunalité qui lui a été attribué pour les années 2012 à 2014, le tribunal s'est fondé sur l'exception de chose jugée, opposée expressément par le préfet, et tirée du jugement rendu par le tribunal le 13 août 2020, ayant rejeté ses conclusions tendant à l'attribution d'une dotation globale de fonctionnement bonifiée au titre des années 2012 à 2014. Après avoir accueilli cette exception, le tribunal a déduit que la CCVUSP ne pouvait utilement se prévaloir de la circonstance que le montant de la dotation d'intercommunalité pour l'année 2014, à prendre en compte pour le calcul de la dotation devant lui être attribuée pour l'année 2015, aurait dû intégrer la bonification à laquelle elle estime être éligible. Ainsi, l'appelante ne peut valablement prétendre que les premiers juges, qui ont écarté son argumentation comme inopérante, auraient à tort omis de se prononcer sur le bien-fondé de celle-ci consistant à invoquer la nécessaire comparaison des montants des dotations d'intercommunalité perçues depuis 2012, augmentés de la bonification qu'elle aurait dû percevoir selon elle depuis cette même date, et partant à remettre en cause la légalité des décisions prises à ce titre par le préfet sur cette période.

3. D'autre part, dans la mesure où les conclusions indemnitaires de la communauté de communes, fondées sur la responsabilité de l'Etat du fait de l'illégalité fautive entachant la décision du 6 mars 2020, ont été rejetées par le tribunal par voie de conséquence du rejet au fond des conclusions tendant à l'annulation de cette décision et à la condamnation de l'Etat à lui verser le surcroît de bonification de dotation d'intercommunalité qu'elle estime lui être dû au titre de l'année 2015, c'est sans entacher son jugement d'irrégularité que le tribunal ne s'est pas prononcé sur la faute ainsi invoquée par la communauté de communes au soutien de sa demande indemnitaire.

4. Enfin, dès lors que le tribunal a rejeté au fond les conclusions pécuniaires et indemnitaires de la communauté de communes, celle-ci n'est pas fondée à se plaindre de ce qu'il ne s'est pas prononcé sur ses moyens consistant à dénier la prescription des créances qu'elle invoquait et la tardiveté de ses conclusions et moyens dirigés contre les décisions relatives à la dotation d'intercommunalité au titre des années antérieures à 2015.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne le cadre juridique applicable :

5. Les dispositions de l'article L. 5214-23-1 du code général des collectivités territoriales permettent aux communautés de communes faisant application des dispositions de l'article 1609 nonies C du code général des impôts, sous des conditions de population, de localisation géographique, de composition et d'exercice de compétences dont il est constant qu'elles sont remplies en l'espèce, d'être éligibles à la dotation prévue au quatrième alinéa du II de l'article L. 5211-29. Aux termes de cet alinéa, dans sa rédaction applicable en 2015 :

" A compter de 2011, la dotation par habitant de la catégorie des communautés de communes qui remplissent les conditions visées à l'article L. 5214-23-1 du présent code est majorée d'une somme lui permettant d'atteindre 34,06 euros ". Selon le quatrième alinéa du I de l'article L. 5211-33 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " A compter de 2012, une communauté de communes ou une communauté d'agglomération qui ne change pas de catégorie de groupement après le 1er janvier de l'année précédant celle au titre de laquelle la dotation d'intercommunalité est perçue ne peut bénéficier d'une attribution par habitant au titre de la dotation d'intercommunalité supérieure à 120 % du montant perçu au titre de l'année précédente ". Aux termes du dernier alinéa du même article, dans sa rédaction alors applicable : " Pour le calcul des garanties et des plafonnements, la dotation à prendre en compte au titre de l'année précédente est celle calculée avant application des minorations prévues à l'article L. 5211-28 ". Enfin, il résulte des dispositions de l'article L. 5211-28 du même code, dans sa rédaction alors applicable, que la dotation d'intercommunalité pour l'année 2014 est minorée des montants dus au titre de la contribution de l'établissement au redressement des finances publiques (CRFP) pour l'année 2014.

En ce qui concerne les moyens de l'appelante :

6. En premier lieu, et d'une part, en soutenant, à l'appui de sa demande, que le montant de la dotation d'intercommunalité pour l'année 2014, à prendre en compte pour le calcul de la dotation devant lui être attribuée pour l'année 2015, aurait dû intégrer la bonification à laquelle elle estime être éligible, et qu'il devait d'ailleurs en être ainsi pour les années précédentes, la communauté de communes doit être regardée comme excipant de l'illégalité des décisions par lesquelles le préfet des Alpes-de-Haute-Provence a refusé de lui attribuer la dotation bonifiée pour l'année 2014 et pour les années précédentes.

7. D'autre part, la décision par laquelle l'autorité compétente arrête le montant de la dotation d'intercommunalité due à une communauté de communes pour une année donnée, après prise en compte de son éligibilité à la dotation bonifiée au titre de cette même année, n'est pas prise pour l'application de la décision ayant le même objet, intervenue au titre de l'année précédente, ni ne trouve son fondement dans celle-ci, alors même que, en application des dispositions du quatrième alinéa du I de l'article L. 5211-33 du code général des collectivités territoriales, citées au point 5, l'attribution par habitant au titre de la dotation d'intercommunalité ne peut être supérieure à 120 % du montant perçu au titre de l'année précédente.

8. Il suit de là que l'exception d'illégalité de la décision fixant le montant de la dotation d'intercommunalité due à la communauté de communes au titre l'année 2014 est inopérante au soutien de ses conclusions tendant à l'annulation du refus du préfet des Alpes-de-Haute-Provence du 6 mars 2020 de revaloriser sa dotation bonifiée au titre de l'année 2015 à hauteur de 217 684 euros et à la condamnation de l'Etat à lui verser cette somme. Il en va de même de sa contestation portant sur les années précédentes.

9. En deuxième lieu, il résulte des termes mêmes de l'article L. 5211-33 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction applicable à l'année en litige, que pour calculer l'attribution par habitant de la dotation d'intercommunalité due à compter du 1er janvier 2012 à une communauté de communes qui n'a pas changé de catégorie de groupement après le 1er janvier de l'année précédant celle au titre de laquelle cette dotation est perçue, par application du plafonnement à 120 % du montant perçu à ce titre l'année précédente, cette dernière dotation à prendre en compte est celle calculée avant application des minorations prévues à l'article L. 5211-28, dont les montants dus au titre de la contribution de l'établissement au redressement des finances publiques pour l'année 2014. Par suite la communauté de communes n'est pas fondée à prétendre que, pour l'application de l'écrêtement de 120 % à la dotation à lui attribuer pour 2015, le préfet des Alpes-de-Haute-Provence aurait commis une erreur de droit en prenant en compte une dotation d'intercommunalité d'un montant de 590 948 euros attribuée à l'établissement pour l'année 2014, avant application d'une minoration de 65 469 euros au titre de la contribution au redressement des finances publiques.

10. En troisième lieu, pour les mêmes raisons que celles énoncées au point précédent, le moyen tiré d'une erreur de calcul qui aurait été commise par le préfet pour déterminer la dotation par habitant au titre de l'année 2014 à retenir pour calculer la bonification au titre de

l'année 2015, ne peut qu'être écarté.

11. En quatrième lieu, l'appelante ne démontre pas, au terme d'un calcul de la dotation d'intercommunalité à retenir pour l'année 2014, qu'elle a effectué en soustrayant à celle-ci notamment la contribution au redressement des finances publiques, en méconnaissance de l'article L. 5211-33 du code général des collectivités territoriales ainsi qu'il a été dit au point 9, que la bonification de dotation qui lui était acquise en tout état de cause pour 2015 n'excédait pas le plafond des 120 % prescrit par ces mêmes dispositions.

12. En cinquième lieu, le montant de 217 684 euros retenu par le préfet comme bonification due à la communauté de communes pour 2015, conformément à la méthode de calcul de la dotation de base prescrite par la note d'information du 13 mai 2015 relative à la dotation d'intercommunalité des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre pour l'exercice 2015, vaut avant application à cette dotation de l'écrêtement de 120 % prévu à l'article L. 5211-33 du code général des collectivités territoriales. Ainsi et en tout état de cause l'appelante n'est pas fondée à soutenir que la décision préfectorale en litige méconnaîtrait une telle méthode.

13. En dernier lieu, dès lors que le présent arrêt rejette au fond les conclusions de la communauté de communes tendant à l'annulation de la décision du préfet du 6 mars 2020 et à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 99 502 euros, correspondant selon elle au surcroît de bonification de dotation d'intercommunalité qui lui resterait dû, il y a lieu de rejeter par voie de conséquence ses conclusions indemnitaires tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la même somme en réparation des conséquences de la prétendue illégalité fautive de l'arrêté du 6 décembre 2019 et de la décision du 6 mars 2020, au titre de laquelle l'appelante ne se prévaut pas d'illégalités distinctes de celles invoquées dans ses autres conclusions.

14. Il résulte de tout ce qui précède que la communauté de communes de la Vallée de l'Ubaye Serre-Ponçon n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal a, bien que par d'autres motifs, rejeté sa demande. Sa requête d'appel doit donc être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la communauté de communes de la Vallée de l'Ubaye Serre-Ponçon est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté de communes de la Vallée de l'Ubaye Serre-Ponçon et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-de-Haute-Provence.

Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Martin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2023.

N° 22MA013732


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA01373
Date de la décision : 21/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

135-05-06-03 Collectivités territoriales. - Coopération. - Finances des organismes de coopération. - Ententes et institutions intercommunales.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: M. Michaël REVERT
Rapporteur public ?: Mme BALARESQUE
Avocat(s) : SELARL ITINERAIRES AVOCATS CADOZ - LACROIX - REY - VERNE

Origine de la décision
Date de l'import : 25/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-11-21;22ma01373 ?
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