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28/12/2023 | FRANCE | N°23MA01601

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 28 décembre 2023, 23MA01601


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nice, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 13 février 2023 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination, et, d'autre part, d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour.



Par un jugement n° 2301268

du 30 mai 2023, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.





Procédure devant la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nice, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 13 février 2023 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination, et, d'autre part, d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 2301268 du 30 mai 2023, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 26 juin 2023, Mme B..., représentée par Me Binder, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 30 mai 2023 du tribunal administratif de Nice ;

2°) d'annuler l'arrêté du Préfet des Alpes-Maritimes du 13 février 2023 ;

3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour, dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de cinquante euros par jour de retard ; à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer, si son dossier est complet, un récépissé de demande de titre de séjour, sous astreinte de cinquante euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Sur la décision portant refus de titre de séjour :

- elle est insuffisamment motivée, et entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ;

- elle est entachée d'un défaut de base légale, dès lors que le préfet aurait dû fonder sa décision sur l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré du défaut de base légale ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, au regard des articles L. 313-7, L. 313-18 1° et L. 313-5-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- elle méconnait les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation sur ses conséquences sur sa situation personnelle.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée, et entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et d'une erreur manifeste d'appréciation.

Sur la décision fixant le pays de sa destination :

- elle est illégale par voie d'exception d'illégalité de la décision portant obligations de quitter le territoire français.

La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Portail a été entendu au cours de l'audience publique.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... B..., de nationalité algérienne, a sollicité le renouvellement de son titre de séjour, portant la mention " étudiant ". Elle relève appel du jugement du 30 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 13 février 2023 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande de renouvellement de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de sa destination.

Sur la régularité du jugement :

2. A l'appui de sa demande tendant à l'annulation de la décision du 13 février 2023 par laquelle le préfet des Alpes-Maritimes lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, Mme B... soutenait que l'arrêté contesté était entaché d'un défaut de base légale, à défaut pour le préfet d'avoir fondé sa décision sur l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 applicable en l'espèce. Le tribunal ne s'est pas prononcé sur ce moyen, qui n'était pas inopérant et qui était visé dans le jugement attaqué. Par suite, son jugement doit être annulé, en ce qu'il statue sur les conclusions tendant à l'annulation de cette décision.

3. Il y a lieu de statuer par la voie de l'évocation sur les conclusions dirigées contre la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour, et par l'effet dévolutif de l'appel sur le surplus des conclusions de la requête relatives aux décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination.

Sur la décision portant refus de séjour :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. (...) ". Selon l'article L. 211-5 de ce même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

5. La décision de refus de séjour contestée comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde, retrace le parcours de Mme B... en France, rappelle ses conditions de séjour sur le territoire français, sa situation privée et familiale, et son cursus universitaire en France. Dès lors, le moyen tiré de ce que cette décision serait insuffisamment motivée doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de ce que le préfet des Alpes-Maritimes n'aurait pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle et familiale doit également être écarté.

6. En second lieu, si Mme B... soutient que l'arrêté contesté serait illégal pour être dépourvu de base légale, dès lors que le préfet des Alpes-Maritimes aurait dû fonder sa décision sur l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, il ressort des pièces du dossier que cet accord figure dans les visas de l'arrêté contesté, de même que le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions, ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas fondé sa décision sur l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Par suite, le moyen tiré du défaut de base légale doit être écarté.

7. En troisième lieu, et d'une part, Mme B... ne peut utilement se prévaloir des dispositions articles L. 313-7, L. 313-18 et L. 313-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, désormais codifiées aux articles L. 422-1 du même code, dès lors que ces dispositions ne s'appliquent pas aux ressortissants algériens. En effet, l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié régit d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France, ainsi que les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés et leur durée de validité. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet des Alpes-Maritimes aurait commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions ne peut qu'être écarté comme inopérant.

8. D'autre part, aux termes du premier alinéa du Titre III du Protocole annexé au premier avenant à l'accord franco-algérien: " Les ressortissants algériens qui suivent un enseignement, un stage ou font des études en France et justifient de moyens d'existence suffisants (...) reçoivent, sur présentation, soit d'une attestation de préinscription ou d'inscription dans un établissement d'enseignement français, soit d'une attestation de stage, un certificat de résidence valable un an, renouvelable et portant la mention étudiant ou stagiaire. ".

9. Le renouvellement du titre de séjour délivré sur le fondement des dispositions précitées de l'accord franco-algérien est subordonné à la justification par l'intéressé de la réalité et du sérieux de ses études.

10. Mme B... soutient qu'elle remplit les conditions fixées par les dispositions précitées de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, pour obtenir le renouvellement de son titre de séjour, dès lors qu'elle est inscrite dans un établissement d'enseignement supérieur et qu'elle fait état d'une prise en charge et de revenus suffisants. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que Mme B... est entrée en France le 7 septembre 2018 pour ses études. Elle a été ajournée, au titre de l'année universitaire 2018-2019, de sa première année de licence d'anglais. Elle a été inscrite, au titre des années universitaires 2019-2020 et 2020-2021, en première année de BTS. Elle a été ajournée au terme de sa deuxième année de BTS au titre de l'année universitaire 2021-2022 et y a été inscrite au titre de l'année universitaire 2022-2023. Si elle soutient qu'elle a été fortement impactée par la crise sanitaire, pour l'obtention de ses diplômes, elle n'apporte aucun élément au soutien de cette allégation. Dans ces conditions, le préfet a pu à bon droit, au regard des éléments dont il dispose, considérer que le sérieux des études de l'intéressée n'est pas établi. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du protocole annexé à l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 doit être écarté.

11. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".

12. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... est entrée en France en 2018, qu'elle est célibataire et sans enfants. Si elle se prévaut de sa présence en France depuis cinq ans, elle ne fait pas état d'une intégration socio-professionnelle particulière. Si elle se prévaut de fortes attaches familiales et amicales en France, elle ne l'établit pas, malgré la durée de son séjour en France, laquelle ne suffit pas par elle-même à démontrer l'existence de telles attaches. En outre, Mme B... n'établit pas être dépourvue de toute attache familiale dans son pays d'origine. Dans ces conditions, le préfet des Alpes-Maritimes, en lui refusant le renouvellement de son titre de séjour, n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels ce refus a été pris. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée méconnaîtrait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation sur les conséquences de la décision sur sa situation doit être écarté.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

13. Pour les mêmes motifs que ceux invoqués aux points 4 et 11 du présent arrêt, les moyens tirés de l'insuffisante motivation et de la méconnaissance des dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.

Sur la décision fixant le pays de sa destination :

14. Il résulte de tout ce qui précède que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas entaché d'illégalité. Par suite, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision fixant le pays de sa destination doit être écarté.

15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du Préfet des Alpes-Maritimes du 13 février 2023. Ses conclusions à fins d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent également être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2301268 du 30 mai 2023 du tribunal administratif de Nice est annulé.

Article 2 : La demande de première instance de Mme B... et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 14 décembre 2023 où siégeaient :

- M. Portail, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. Claudé-Mougel, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 décembre 2023

2

N° 23MA01601

nb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23MA01601
Date de la décision : 28/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: M. Philippe PORTAIL
Rapporteur public ?: M. QUENETTE
Avocat(s) : BINDER Coralie

Origine de la décision
Date de l'import : 28/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-28;23ma01601 ?
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