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04/04/2024 | FRANCE | N°23MA01208

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 3ème chambre, 04 avril 2024, 23MA01208


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 6 janvier 2023 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite d'office.



Par un jugement no 2301075 du 20 avril 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demand

e.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 16 mai 2023, Mme B.....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 6 janvier 2023 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite d'office.

Par un jugement no 2301075 du 20 avril 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 mai 2023, Mme B..., représenté par Me Fontana, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 20 avril 2023 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler l'arrêté du 6 janvier 2023 du préfet des Bouches-du-Rhône ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, sous astreinte de 100 euros par jour de retard de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", ou, subsidiairement, de réexaminer sa demande dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir, et, en tout état de cause, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours à compter de l'arrêt à intervenir sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ;

- l'état de santé de son fils A... nécessite un traitement médical dont le défaut est susceptible d'avoir des conséquences d'une extrême gravité ;

- un tel traitement n'est pas disponible dans son pays d'origine, l'Albanie ;

- l'arrêté méconnaît le premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- il méconnaît également les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône, qui n'a pas produit d'observations.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné M. Platillero, président assesseur, pour présider la formation de jugement, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Mérenne a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante albanaise, fait appel du jugement du 20 avril 2023 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 janvier 2023 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite d'office.

2. En premier lieu, le jugement attaqué a répondu au moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté contesté par des motifs appropriés, figurant aux point 3, qui ne sont pas contestés et qu'il convient d'adopter en appel.

3. En deuxième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

4. Mme B... est la mère d'un enfant né le 7 février 2021, âgé de près de deux ans à la date de l'arrêté attaqué, et atteint du syndrome de Down (aussi appelé trisomie 21), associé à des troubles légers de l'audition. Il résulte d'un certificat du 19 janvier 2023 que l'enfant est pris en charge dans un centre d'action médico-sociale quatre fois par semaine par une psychomotricienne, une kinésithérapeute, une puéricultrice et participe à un groupe thérapeutique dit " des petits explorateurs. " Ce même certificat précise que l'absence d'un tel suivi est susceptible d'affecter son développement intellectuel, langagier et " intégratif en société ". Si la requérante évoque d'autres pathologies susceptibles d'affecter les personnes atteintes du syndrome de Down, telles que la leucémie ou les troubles cardiaques, il ne résulte pas des pièces du dossier que l'enfant en question nécessite un traitement lié à de telles pathologies. Par ailleurs, la requérante produit de nombreux documents relatifs aux pathologies et traitements de son enfant en bas âge, sans préciser si l'absence de ces traitements aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité pour l'enfant, ni s'ils sont indisponibles en Albanie. Par un avis du 3 octobre 2022, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a estimé que si l'état de santé de l'enfant nécessite un traitement médical dont l'absence est susceptible d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut bénéficier d'un traitement approprié en Albanie.

5. Mme B... se réfère à une décision du Défenseur des droits du 20 février 2019, rendue après consultation de l'avocat du peuple de la République d'Albanie, concernant un enfant polyhandicapé dont l'état nécessitait un appareillage physique, ce qui ne correspond pas à la situation du fils de Mme B..., atteint du syndrome de Down ainsi qu'il a été dit. Elle évoque également différentes questions sans lien avec le litige, tel que le système général de protection sociale en Albanie, le régime de la responsabilité médicale en droit albanais, ou encore la situation et l'accueil des enfants atteints à titre principal d'un handicap physique, ainsi que leurs conditions d'accès à des dispositifs prothétiques. L'absence de professionnels spécialisés en kinésithérapie et en psychomotricité en Albanie ne ressort pas des documents produits. Il en va de même, à supposer qu'il s'agisse d'éléments déterminants pour le traitement du fils de Mme B..., pour les professionnels de la puériculture ou les activités équivalentes à celles du groupe " des petits explorateurs ". Par ailleurs, il ressort des pièces citées par Mme B..., en particulier du rapport de 2018 de la commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe suivant sa visite en Albanie, que les soins sont en principe gratuits en Albanie, et que le handicap d'un enfant ouvre droit à des prestations sociales spécifiques. Si Mme B... fait valoir que cette gratuité est fragilisée par la corruption des professionnels de santé, elle n'apporte pas d'éléments suffisants pour considérer que cette circonstance ferait obstacle au bénéfice de soins pour son enfant. Par suite, l'impossibilité pour l'enfant de bénéficier d'un traitement approprié en Albanie n'est pas établie.

6. Mme B... fait également référence, de façon plus large, à la situation des enfants handicapés en Albanie. Elle invoque d'autres éléments sans lien avec le litige, tels que les conséquences de la crise du Covid-19 sur les enfants en Albanie, ou encore les conditions de scolarisation des enfants handicapés, alors que l'enfant en question n'est pas en âge d'être scolarisé. Tant le rapport de la commissaire aux droits de l'homme de 2018 que la résolution du Parlement européen du 19 mai 2022 sur le rapport 2021 de la Commission concernant l'Albanie, citées par le requérant, saluent les progrès accomplis par l'Albanie à l'égard des personnes handicapées, en dépit des stigmatisations dont elles restent susceptibles de faire l'objet, en particulier dans le contexte de son processus d'adhésion à l'Union européenne, tout en émettant des recommandations restant à mener. Ainsi, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas insuffisamment tenu compte de l'intérêt supérieur de l'enfant, en méconnaissance des stipulations du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

7. Pour regrettables qu'elles soient, les discriminations dont seraient susceptibles de faire l'objet, le cas échéant, les enfants handicapés en Albanie ne constituent pas un traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En conséquence, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.

8. Mme B... déclare être arrivée en France en juillet 2021 en compagnie de son époux, également en situation irrégulière, et de leurs trois enfants, dont les deux aînés sont susceptibles d'être scolarisés en Albanie. Ce bref séjour en qualité de demandeur d'asile ne permet pas de considérer qu'elle aurait établi le centre de sa vie privée et familiale en France. Compte tenu de ces éléments, ainsi que de ceux vus aux points 4 à 7, le préfet n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de Mme B... au respect de sa vie privée et familiale, protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes raisons, l'arrêté contesté n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

9. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Sa requête doit donc être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et celles relatives aux frais non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B..., à Me Fontana et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée pour information au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 21 mars 2024, où siégeaient :

- M. Platillero, président-assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme C... et M. Mérenne, premiers conseillers.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 avril 2024.

2

No 23MA01208


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA01208
Date de la décision : 04/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PLATILLERO
Rapporteur ?: M. Sylvain MERENNE
Rapporteur public ?: M. URY
Avocat(s) : AARPI ALBISSER FONTANA TRÉDÉ

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-04;23ma01208 ?
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