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28/02/2005 | FRANCE | N°02NC00846

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4eme chambre - formation a 3, 28 février 2005, 02NC00846


Vu la requête, enregistrée le 30 juillet 2002, présentée pour M. Didier X demeurant ..., par Me Rio, avocat ;

Il demande à la Cour :

1') d'annuler le jugement en date du 27 juin 2002 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 19 décembre 2000 du ministre de l'intérieur lui notifiant le retrait de points de son permis de conduire, et celle en date du 19 janvier 2001 du préfet du Doubs portant notification du retrait de l'ensemble des points de son permis, lui ordonnant la remise dudit permis, e

t à ce qu'il soit enjoint au ministre de lui restituer son permis avec ...

Vu la requête, enregistrée le 30 juillet 2002, présentée pour M. Didier X demeurant ..., par Me Rio, avocat ;

Il demande à la Cour :

1') d'annuler le jugement en date du 27 juin 2002 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 19 décembre 2000 du ministre de l'intérieur lui notifiant le retrait de points de son permis de conduire, et celle en date du 19 janvier 2001 du préfet du Doubs portant notification du retrait de l'ensemble des points de son permis, lui ordonnant la remise dudit permis, et à ce qu'il soit enjoint au ministre de lui restituer son permis avec le capital de douze points ;

2') d'annuler ces décisions ;

3°) d'ordonner à l'administration de lui restituer dix sept points de son permis de conduire dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 277 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et 30 euros au titre des timbres fiscaux d'instance et d'appel ;

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors que le Tribunal n'a pas répondu aux moyens de droit tenant au défaut de paiement des amendes forfaitaires, à l'irrégularité d'une notification globale de retraits de points entraînant l'inopposabilité des décisions, et en légalité, il n'a pas été non plus répondu à ces moyens ;

- contrairement à ce qu'admet le Tribunal, l'administration n'a pas établi lui avoir remis un double des procès verbaux et le document complet d'information mentionnant l'existence du traitement automatisé des pertes de points, la possibilité de reconstitution des points par un stage, la possibilité d'accéder aux informations auprès de la préfecture ;

- le Tribunal donne une valeur erronée aux procès verbaux ;

Vu le jugement et les décisions attaqués ;

Vu enregistré le 28 janvier 2005, la production du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code pénal ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu le code de la route ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 janvier 2005 :

- le rapport de M. Job, président,

- et les conclusions de M. Wallerich, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant qu'au soutien de ses conclusions présentées devant le Tribunal administratif de Besançon, M. X a présenté un moyen tenant à l'irrégularité d'une notification globale des décisions portant retrait de points, les rendant inopposables ; que le jugement attaqué qui n'a pas statué sur ce moyen doit, dès lors, être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Besançon ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Considérant qu'en vertu de l'article L. 11-1 du code de la route repris depuis à l'article L. 223-1 du même code, le nombre de points affecté au permis de conduire est réduit de plein droit lorsqu' est établie, par le paiement d'une amende forfaitaire ou par une condamnation définitive, la réalité de l'infraction donnant lieu à retrait de points ; que le premier alinéa de l'article L. 11-3 du même code alors en vigueur, repris depuis à l'article L.223-3 de ce code, dispose : Lorsque l'intéressé est avisé qu'une des infractions mentionnées à l'article L. 11-1 a été relevée à son encontre, il est informé de la perte de points qu'il est susceptible d'encourir, de l'existence d'un traitement automatisé de ses points et de la possibilité pour lui d'exercer le droit d'accès. Ces mentions figurent sur le formulaire qui lui est communiqué ; que les dispositions législatives précitées sont reprises et précisées par celles des deux premiers alinéas de l'article R. 258 du même code figurant désormais à l'article R. 223-3 de ce code, selon lesquelles : Lors de la constatation d'une infraction, l'auteur de celle-ci est informé que cette infraction est susceptible d'entraîner la perte d'un certain nombre de points si elle est constatée par le paiement d'une amende forfaitaire ou par une condamnation devenue définitive./ Il est informé également de l'existence d'un traitement automatisé des pertes et reconstitutions de points et de la possibilité pour lui d'accéder aux informations le concernant. Ces mentions figurent sur le document qui lui est remis par l'agent verbalisateur ou communiqué par les services de police ou de gendarmerie ;

Considérant qu'il résulte des dispositions législatives et réglementaires précitées que l'administration ne peut légalement prendre une décision retirant des points affectés à un permis de conduire, à la suite d'une infraction dont la réalité a été établie, que si l'auteur de l'infraction s'est vu préalablement délivrer par elle un document contenant les informations prévues aux articles L. 223-3 et R. 223-3 de ce code, qui constituent une garantie essentielle lui permettant de contester la réalité de l'infraction et d'en mesurer les conséquences sur la validité de son permis ; qu'il appartient à l'administration d'apporter la preuve, par tous moyens, qu'elle a satisfait à cette obligation préalable d'information ;

Considérant que par un courrier du 19 décembre 2000 attaqué, le ministre de l'intérieur a informé, ou rappelé à M. X qu'à la suite des infractions au code de la route commises par ce dernier non contestées les 26 avril 1996 à Saint-Dié, 6 octobre 1998 à Latrecey, 23 août 1999 à Amancey, 3 novembre 1999 à Saint-Maximin et 6 avril 1999 à Le Val d'Ajol, ayant donné lieu à des jugements définitifs des 10 septembre 1996, 21 avril 1999, ou au paiement d'une amende forfaitaire, le nombre de douze points affectés à son permis de conduire avait été réduit de dix-sept points soit respectivement de 4 points, 4 points, 3 points, 3 points et 3 points l'amenant à zéro ; qu'il l'informait de ces pertes de points tandis que le préfet du Doubs, par sa décision en date du 19 janvier 2001 attaquée, l'informait de l'annulation de son permis de conduire et lui ordonnait de le restituer ;

Considérant, en premier lieu, qu'en ce qui concerne les infractions des 6 avril, 23 août et 3 novembre 1999, il ressort des pièces du dossier notamment de la production des documents administratifs en cause que, contrairement à ce qu'affirme M. X, ces infractions ont donné lieu de sa part aux règlements respectifs d'une somme de 600 francs par chèque à son nom, et des sommes de 600 francs et 450 francs en timbres - amende ; que si l'ensemble des mentions relatives aux informations à donner au contrevenant prévues à l'article R. 228 du code de la route alors en vigueur figuraient bien dans la carte lettre rédigée le 23 août 1999, en revanche, l'administration n'établit pas par la production des documents relatifs aux procès verbaux dressés les 6 avril et 3 novembre1999 qu'ait été porté à la connaissance de M. X l'ensemble des informations concernant la perte d'un certain nombre de points susceptible d'être encourue, l'existence d'un traitement automatisé des pertes et reconstitutions de points et de la possibilité pour lui d'accéder aux informations le concernant, les mentions portées dans des correspondances rédigées plus de deux ans après les faits n'étant pas de nature à établir l' information correcte du contrevenant ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'en ce qui concerne les infractions commises les 26 avril 1996 à Saint-Dié, et 6 octobre 1998 à Latrecey ayant donné lieu à jugements définitifs des juridictions pénales entraînant la perte de deux fois quatre points du permis de conduire, l'administration a produit les procès-verbaux datés des jours-même, portant chacun une mention par laquelle M. X reconnaît avoir reçu l'imprimé CERFA et avoir été avisé du nombre de points qui pourrait lui être retiré ; que les procès-verbaux indiquent expressément que la personne entendue a signé le carnet de déclarations ; que M. X ne conteste pas avoir signé le carnet de déclaration ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce et alors même que M. X soutient n'avoir pas reçu les informations prévues aux articles L. 11-3 et R. 258 du code de la route, il ressort des pièces du dossier que la preuve que l'administration a satisfait à cette obligation d'information est apportée ;

Considérant, en troisième lieu, que la légalité d'une décision s'apprécie au jour où elle est prise ; que la circonstance que M. X déclare n'avoir pris connaissance des décisions du ministre de l'intérieur lui retirant les dix-sept points de son permis de conduire qu'à l'occasion d'une notification unique est sans influence sur la légalité de chaque décision ministérielle ;

Considérant, en quatrième lieu, que si M. X soutient que la notification globale des décisions comportant retrait des points par courrier du 19 décembre 2000 serait incomplète dès lors qu'auraient été omises les mentions relatives à leur motivation, le moyen manque en fait dès lors que sont mentionnées les considérations de droit et les sanctions pénales justifiant de la réalité des infractions ainsi que leurs dates et le nombre de points retirés ;

Considérant, en cinquième lieu, que si M. X fait valoir qu'il ne lui a pas été remis un double des procès verbaux dressés, cette circonstance est sans influence sur la légalité des décisions de retrait de points dès lors qu'il ne conteste pas la signature qu'il a apposée sur les originaux de procès verbaux ;

Considérant, en sixième lieu, que M. X fait valoir que la loi du 10 juillet 1989 instituant le permis de conduire à points serait implicitement abrogée par les dispositions du code pénal telles qu'elles sont issues de la loi du 22 juillet 1992 dès lors que les dispositions portant retraits de points constituent soit une deuxième peine, soit une peine accessoire à la condamnation pénale, et que ces dispositions contreviennent à l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, d'une part, le retrait de points ne constituant pas une sanction pénale, le moyen tiré de la loi instituant le permis à point serait abrogée parce qu'elle serait incompatible avec les lois pénales qui instituent le principe de non-cumul des peines doit, en tout état de cause, être écarté ; que, d'autre part, il résulte des dispositions alors en vigueur des articles L. 11, R. 256 et R. 258 du code de la route que la décision de réduction du nombre de points intervient seulement lorsque la réalité de l'infraction est établie, soit par le paiement de l'amende, soit par la condamnation définitive prononcée par le juge pénal qui a statué sur tous les éléments de fait et de droit portés à sa connaissance ; qu'en outre, le conducteur est informé par l'autorité administrative, dès la constatation de l'infraction, de la perte de points qu'il peut encourir ; que cette perte de points ne peut intervenir qu'en cas de reconnaissance de responsabilité pénale, le cas échéant après appréciation par le juge judiciaire de la réalité de l'infraction et de son imputabilité, à la demande de la personne intéressée ; que, lorsque l'autorité administrative procède au retrait de points en appliquant le barème fixé à l'article R. 256, proportionné à la gravité des infractions, sa décision est soumise au contrôle du juge administratif ; qu'ainsi, M. X ne peut soutenir que ce dispositif doit être regardé comme ne respectant pas les stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est fondé qu'à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des décisions du ministre de l'intérieur portant retrait des points correspondant aux infractions qu'il a commises les 6 avril et 3 novembre 1999, la décision du préfet du Doubs en tant qu'elle annule son permis de conduire pour défaut de points et lui ordonne la restitution dudit permis de conduire ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. .

Considérant qu'il ressort de ce qui précède que le présent arrêt annule deux décisions du ministre de l'intérieur retirant deux fois trois points du permis de conduire de M. X qui comptait à la date de la décision du préfet du Doubs un solde négatif de dix-sept points sur les douze points que le permis comportait à l'origine ; qu'ainsi, à la date à laquelle le préfet a annulé le permis, celui-ci comptait encore un point ; que, dans ces conditions, il n'y a lieu d'ordonner au ministre de l'intérieur que de restituer un point au permis de conduire de M. X ; qu'eu égard à ce seul point restitué, il y a lieu d'ordonner au préfet du Doubs de restituer immédiatement à M. X son permis de conduire, sans préjudice le cas échéant, des conséquences de retraits de points qui seraient intervenus postérieurement à la date du 19 janvier 2001 ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner l'Etat à verser à M. X la somme globale de 1 000 euros tant en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative qu'au titre du remboursement des frais des timbres fiscaux d'instance et d'appel ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Besançon en date du 27 juin 2002 est annulé.

Article 2 : Les décisions du ministre de l'intérieur portant retrait sur le permis de conduire de M. X de deux fois trois points correspondant aux infractions commises les 6 avril et 3 novembre 1999, ensemble la décision du préfet du Doubs en date du 19 janvier 2001 annulant son permis de conduire pour défaut de points et lui ordonnant la restitution dudit permis de conduire sont annulées.

Article 3 : Il est enjoint au préfet du Doubs de restituer immédiatement son permis de conduire à M. X, ce sans préjudice des conséquences éventuelles de décisions comportant retraits de points postérieures à la date du 19 janvier 2001.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Besançon et des conclusions de sa requête sont rejetés.

Article 4 : L'Etat versera à M. X la somme de 1 000 euros (mille euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Didier X et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

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N° 02NC00846


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 02NC00846
Date de la décision : 28/02/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme FELMY
Rapporteur ?: M. Pascal JOB
Rapporteur public ?: M. WALLERICH
Avocat(s) : RIO

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2005-02-28;02nc00846 ?
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