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21/03/2005 | FRANCE | N°98NC02333

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4eme chambre - formation a 3, 21 mars 2005, 98NC02333


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 12 novembre 1998, complétée par des mémoires enregistrés les 15 juillet 1999, 24 septembre 1999, 17 octobre 1999 et 19 octobre 2004, présentée pour LA POSTE, représentée par le directeur de La Poste du Bas-Rhin, ayant son siège 4 avenue de La Liberté à Strasbourg Cedex (67074), par Me Techel avocat ;

LA POSTE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement en date du 17 septembre 1998 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 26 juin 1997 du directeur de LA POSTE prononçant le lice

nciement de Mlle X, l'a condamnée à verser à Mlle X une indemnité égale aux t...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 12 novembre 1998, complétée par des mémoires enregistrés les 15 juillet 1999, 24 septembre 1999, 17 octobre 1999 et 19 octobre 2004, présentée pour LA POSTE, représentée par le directeur de La Poste du Bas-Rhin, ayant son siège 4 avenue de La Liberté à Strasbourg Cedex (67074), par Me Techel avocat ;

LA POSTE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement en date du 17 septembre 1998 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 26 juin 1997 du directeur de LA POSTE prononçant le licenciement de Mlle X, l'a condamnée à verser à Mlle X une indemnité égale aux traitements qu'elle aurait perçus depuis le 7 octobre 1994 jusqu'au jour de sa réintégration, diminués des revenus de substitution perçus le cas échéant, enfin enjoint au directeur de LA POSTE du Bas-Rhin de reconstituer la carrière de Mlle X à compter du 7 octobre 1994 ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mlle X devant le Tribunal administratif Strasbourg ;

3°) de condamner Mlle X à lui verser une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le rapport d'expertise de M. Y se contente de reprendre les termes de l'expertise privée Kehr, ne motive pas l'avis émis sur les horaires de travail et est en contradiction avec tous les avis médicaux antérieurs ;

- l'état de santé de Mlle X, dont la démarche est purement revendicative, n'était pas incompatible avec la reprise du travail sur le poste aménagé proposé et elle devait donc reprendre son activité en application de l'article 42 du décret du 14 mars 1986 ;

- les souhaits horaires exprimés relevaient de considérations personnelles et n'ont été présentés que pour les besoins de la procédure puisqu'elle réclamait les horaires brigades en 1992 ;

- compte-tenu de ses qualifications et aptitudes limitées, LA POSTE ne peut pas proposer d'autres emplois et horaires de travail à Mlle X qui s'est révélée inapte à occuper un poste de guichet ;

- le poste de tri correspond le mieux à ses aptitudes ;

- LA POSTE lui a depuis proposé un poste conforme à son aptitude physique qu'elle a refusé le 19 juillet 1999 sur le conseil de son médecin traitant ;

- l'exécution du jugement ne pouvait pas être assurée avant le 15 octobre 2004, date à laquelle Mlle X a enfin transmis le justificatif demandé concernant des revenus de remplacement ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu les mémoires en défense enregistrés les 12 mars 1999, 4 octobre 1999, 17 novembre 1999 et 18 octobre 2004, présentés pour Mlle Francine X, élisant domicile ..., par Me Torro, avocat ;

Mlle X demande à la Cour :

- d'une part, de rejeter la requête susvisée ;

- d'autre part, par la voie du recours incident, de condamner LA POSTE à lui verser, le cas échéant, une indemnité égale aux traitements qu'elle aurait perçus depuis le 7 octobre 1994 jusqu'au jour de sa réintégration, moins ses revenus de substitution, également une somme de 46 364,62 euros à titre de réparation des entiers préjudices subis jusqu'au 31 mai 1996, d'enjoindre à LA POSTE de lui reconstituer sa carrière à compter du 7 octobre 1994, enfin, de la condamner à lui verser une somme de 6 098 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- en application de l'article 63 de la loi statutaire du 11 janvier 1984, les fonctionnaires ont droit à un poste adapté en cas d'altération de leur état physique ;

- les avis émis par le comité médical et le comité médical supérieur sont irréguliers dès lors que ces instances n'ont pas procédé à l'examen de son dossier médical, qu'elle n'a pas été convoquée avec le médecin de son choix et que les avis ne sont pas motivés ;

- c'est le comité de réforme et non le comité médical qui était compétent pour statuer sur son aptitude ;

- la décision prononçant son licenciement n'est pas motivée, ne comporte pas de date d'effet et l'avis préalable de la C.A.P. ne lui a pas été communiqué ;

- elle a bien occupé un poste de guichetier-courrier en 1991-1993 ;

- LA POSTE s'obstine à refuser de lui proposer des postes sédentaires et comportant des horaires aménagés conformes aux indications de l'expert judiciaire ;

- elle a bien fourni les documents utiles pour le calcul de son indemnité mais LA POSTE a refusé, de mauvaise foi, d'en tenir compte ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'ordonnance en date du 27 septembre 2004 par laquelle la clôture de l'instruction a été fixée à la date du 20 octobre 2004 puis celle du 22 octobre 2004 par laquelle elle a été fixée au 24 novembre 2004 ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

Vu le décret n° 84-1051 du 30 novembre 1984 ;

Vu le décret n°86-442 du 14 mars 1986 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 février 2005 :

- le rapport de M. Devillers, premier conseiller,

- les observations de Me Derrendinger, avocate de LA POSTE,

- et les conclusions de M. Wallerich, commissaire du gouvernement ;

Considérant que Mlle X, agent d'exploitation de LA POSTE, a été radiée des cadres pour abandon de poste le 22 septembre 1995 en raison de nombreux congés pour maladie qualifiés d'abusifs ; que cette décision a été retirée le 9 janvier 1996, puis suivie d'une décision de licenciement le 27 juin 1997 pour refus de réintégrer sans motif valable à l'issue d'un congé maladie , précédée de l'avis favorable de la commission administrative paritaire le 23 avril 1997 ; que Mlle X a demandé au Tribunal administratif de Strasbourg l'annulation de ces deux décisions, l'indemnisation du préjudice subi et le prononcé d'une injonction à l'encontre de LA POSTE aux fins de reconstitution de sa carrière à compter du 7 octobre 1994, date de la première radiation des cadres ; que par le jugement du 17 septembre 1998 dont il est demandé l'annulation, le Tribunal a pris acte du retrait de la décision de radiation des cadres du 22 septembre 1995 pour abandon de poste, annulé la décision de licenciement du 26 juin 1997 pour erreur d'appréciation de l'état de santé de Mlle X, condamné LA POSTE à l'indemniser pour les pertes de salaires subies depuis le 7 octobre 1994 jusqu'au jour de sa réintégration et lui a enjoint de procéder à la reconstitution de sa carrière depuis la même date ;

Sur les conclusions de la requête de LA POSTE :

Considérant qu'aux termes de l'article 63 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : Lorsque les fonctionnaires sont reconnus, par suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions, le poste de travail auquel ils sont affectés est adapté à leur état physique. Lorsque l'adaptation du poste de travail n'est pas possible, ces fonctionnaires peuvent être reclassés dans des emplois d'un autre corps s'ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes... ; qu'aux termes de l'article 1er du décret du 30 novembre 1984 pris en application de l'article 63 de la loi du 11 janvier 1984 : Lorsqu'un fonctionnaire n'est plus en mesure d'exercer ses fonctions, de façon temporaire ou permanente, et si les nécessités de service ne permettent pas un aménagement des conditions de travail, l'administration, après avis du médecin de prévention, dans l'hypothèse où l'état de ce fonctionnaire n'a pas rendu nécessaire l'octroi d'un congé de maladie, ou du comité médical, si un tel congé a été accordé, peut affecter ce fonctionnaire dans un emploi de son grade, dans lequel les conditions de service sont de nature à permettre à l'intéressé d'assurer les fonctions correspondantes ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mlle X a refusé en 1994 et 1995 les postes qui lui ont été proposés en raison de leur ergonomie, impliquant outre le port de charges ou la station debout, des horaires fractionnés, de 6h15 à 9h puis de 16h à 19h, l'obligeant à emprunter des transports en commun mal supportés ; que les avis successifs émis par le Comité médical les 9 janvier 1995, 6 février 1995 et 1er avril 1996, ainsi que celui rendu par le Comité médical supérieur le 24 septembre 1996 ont conclu à l'aptitude de l'intéressée et au caractère abusif des congés maladie ; que, toutefois, dans son rapport remis au tribunal le 27 mars 1998, l'expert judiciaire a estimé, d'une part, que pouvait être retenu au titre d'un accident de service du 22 février 1986 une incapacité permanente partielle de 15 % dont 5 % imputables à l'état antérieur, en excluant les accidents des 19 juillet 1983 et 25 novembre 1991, d'autre part, que Mlle X était apte physiquement à reprendre le travail, à condition que ce soit sur un poste aménagé de type sédentaire excluant tout effort de soulèvement, toute station debout prolongée et de type horaires aménagés, soit sans pause excessive lors de l'intermède de travail, pour lui éviter un double trajet de transport en commun sources de rachialgies ; qu'au demeurant, l'expertise réalisée postérieurement au jugement par un médecin agréé le 23 janvier 1999, en vue de préciser les capacités exactes de travail a confirmé une nécessité d'adaptation du poste de travail, soit avec dispense du port de charges, de mouvements de flexion-extension ou rotations répétitives du rachis lombaire, des stations debout limitées à 15 mn, soit un travail en position assise exclusivement, type tri du courrier ; que dans ces conditions, c'est par une exacte appréciation des circonstances de l'espèce que les premiers juges ont pu estimer que les postes proposés à Mlle X n'étaient pas conformes à son aptitude physique et annuler le licenciement prononcé pour ce motif ; que les conclusions de LA POSTE tendant à l'annulation du jugement susvisé doivent donc être rejetées ;

Sur les conclusions incidentes de Mlle X :

En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :

Considérant que Mlle X, qui n'a au demeurant jamais saisi la Cour d'une demande d'exécution du jugement ne critique pas celui-ci en ce qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de ses prétentions indemnitaires ; qu'elle fait valoir que LA POSTE ne lui a pas versé les indemnités fixées par le Tribunal et conclut à nouveau à ce que la Cour condamne, le cas échéant, LA POSTE à lui verser les mêmes montants ; qu'il résulte toutefois de l'instruction qu'en réponse aux courriers successifs de LA POSTE lui demandant de préciser le montant des revenus de remplacement perçus, sinon d'attester sur l'honneur en avoir reçu aucun, Mlle X s'est contentée d'attester n'avoir perçu aucun salaire ou d'adresser un avis de non-imposition et a attendu le mois d'octobre 2004 pour retourner l' attestation demandée de non-perception de revenus de remplacement ; que dans ces conditions, elle n'est pas fondée à se plaindre du fait que LA POSTE n'a pas, jusqu'à cette date, procédé au versement des indemnités qui lui sont dues ;

En ce qui concerne les conclusions à fin d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ;

Considérant que par le jugement attaqué, le tribunal a condamné LA POSTE à verser à Mlle X une indemnité égale aux traitements qu'elle aurait perçus depuis le 7 octobre 1994 jusqu'au jour de sa réintégration ; que Mlle X demande le versement des indemnités ainsi fixées par le tribunal à compter du 7 octobre 1994 jusqu'au jour où un poste correspondant à ses aptitudes physiques a pu lui être proposé ; qu' il résulte de l'instruction que LA POSTE lui a proposé le 12 juillet 1999 un poste conforme aux exigences de l'expert et du tribunal, comportant trois fonctions successives d'inscription, de tri et de cabine, sans port de charges lourdes, en position assise, avec des horaires de 6h à 12H50 du lundi au vendredi et de 6H à 12h40 un samedi sur deux, n'impliquant pas de faire deux trajets domicile-travail par jour ; qu'ainsi l'indemnisation est due jusqu'au 12 juillet 1999, date à laquelle Mlle X devait réintégrer son emploi ; qu'il y a donc lieu de condamner LA POSTE à verser l'indemnité fixée par le tribunal jusqu'au 12 juillet 1999 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui a été énoncé ci-dessus que Mlle a droit à la reconstitution de sa carrière et au versement de son traitement diminué des revenus qu'elle a pu percevoir du 7 octobre 1994 au 12 juillet 1999 ; qu'il y a lieu d'ordonner à LA POSTE de procéder à cette reconstitution dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner LA POSTE à payer à Mlle X une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que Mlle X, qui n'est pas la partie perdante, soit condamnée à verser à LA POSTE la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de LA POSTE est rejetée.

Article 2 : L'indemnité due à Mlle X en application du jugement susvisé du Tribunal administratif de Strasbourg sera calculée sur la période du 7 octobre 1994 au 12 juillet 1999 ; Mlle X est renvoyée devant LA POSTE aux fins que soit déterminé le montant de ladite indemnité.

Article 3 : Il est enjoint à LA POSTE de procéder à la reconstitution de la carrière de Mlle X du 7 octobre 1994 au 12 juillet 1999 dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : LA POSTE est condamnée à verser à Mlle X la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mlle X est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mlle Francine X et à LA POSTE.

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98NC02333


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 98NC02333
Date de la décision : 21/03/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme FELMY
Rapporteur ?: M. Pascal DEVILLERS
Rapporteur public ?: M. WALLERICH
Avocat(s) : NERRY-BIGOT-TECHEL-NUNGE-

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2005-03-21;98nc02333 ?
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