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26/05/2005 | FRANCE | N°01NC00092

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3eme chambre - formation a 3, 26 mai 2005, 01NC00092


Vu I) la requête, enregistrée au greffe les 26 et 29 juin 2001 sous le n° 01NC00092, complétée par les mémoires enregistrés les 6 et 9 avril 2001, 18 février 2002 et 25 avril 2005, présentée pour les HÔPITAUX UNIVERSITAIRES DE STRASBOURG, dont le siège est fixé 1, place de l'hôpital BP 426 67 091 Strasbourg Cedex (67091), par Me Le Prado, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation ;

Les HÔPITAUX UNIVERSITAIRES DE STRASBOURG demandent à la Cour d'annuler le jugement n° 971595 en date du 21 novembre 2000 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg les a,

à la demande de M. X, déclarés responsables du préjudice subi par celui...

Vu I) la requête, enregistrée au greffe les 26 et 29 juin 2001 sous le n° 01NC00092, complétée par les mémoires enregistrés les 6 et 9 avril 2001, 18 février 2002 et 25 avril 2005, présentée pour les HÔPITAUX UNIVERSITAIRES DE STRASBOURG, dont le siège est fixé 1, place de l'hôpital BP 426 67 091 Strasbourg Cedex (67091), par Me Le Prado, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation ;

Les HÔPITAUX UNIVERSITAIRES DE STRASBOURG demandent à la Cour d'annuler le jugement n° 971595 en date du 21 novembre 2000 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg les a, à la demande de M. X, déclarés responsables du préjudice subi par celui-ci du fait de l'absence d'information sur les risques liés à l'intervention qu'il a subie le 21 septembre 1992 et, en réplique aux écritures de M. X, le rejet de ses conclusions ;

Les HÔPITAUX UNIVERSITAIRES DE STRASBOURG soutiennent que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé au regard des conclusions dont le tribunal avait été saisi ;

- il mentionne que le conseiller délégué a tranché l'affaire alors qu'il fait état d'une composition collégiale ;

- c'est à tort que le tribunal a retenu un défaut d'information du malade sur les risques de l'intervention alors que les praticiens se sont conformés aux obligations qui étaient les leurs en 1992 ;

- une telle application rétroactive de la jurisprudence est contraire au principe du procès équitable prévu à l'article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- en toute hypothèse, il n'existait aucune alternative thérapeutique à l'intervention qu'a subie M. X ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les mémoires, enregistrés les 2 mars, 12 juin et 23 octobre 2001, présentés pour M. X par Me Heinrich, avocat, tendant au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à la condamnation des HÔPITAUX UNIVERSITAIRES DE STRASBOURG à lui verser une somme de 240 000 F, avec intérêts de droit à compter du 5 décembre 1996, en réparation du préjudice subi à la suite de l'intervention du 21 septembre 1992, à la réalisation d'une nouvelle expertise médicale et à la condamnation des HÔPITAUX UNIVERSITAIRES DE STRASBOURG à lui verser une somme de 30 000 F en application de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

M. X soutient que :

- le tribunal a retenu à tort la seule erreur d'information alors qu'il y a une faute résultant du défaut tant de surveillance que de moyens médicaux mis en oeuvre ;

- les HÔPITAUX UNIVERSITAIRES DE STRASBOURG ne peuvent s'exonérer de leur obligation d'information en invoquant la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- les HÔPITAUX UNIVERSITAIRES DE STRASBOURG ne démontrent pas le caractère inéluctable de l'intervention, comme en témoigne le fait que l'intervention sur le genou droit n'a pas été réalisée et ainsi qu'en atteste l'absence d'urgence ;

- le dossier infirmier établit que le diagnostic du syndrome des loges pouvait être posé dès le 22 septembre 1992 avec l'obligation de réopérer d'urgence ;

- il y a eu au moins 24 heures de retard dans la pose du diagnostic post-opératoire ;

- l'expert commis n'a pas pris connaissance des dossiers infirmier et médical de l'intéressé ;

- il aurait été possible de poser le diagnostic en temps voulu si le service avait pratiqué des mesures de pression par capteur ;

- l'exposant supporte une incapacité permanente partielle de 20 % assortie d'un pretium doloris et d'un préjudice esthétique important ;

- il y a lieu de procéder à une nouvelle expertise compte tenu des insuffisances de la première ;

Vu le mémoire, enregistré le 12 avril 2001, présenté par le ministre de l'éducation nationale ; le ministre conclut au rejet de la requête des HÔPITAUX UNIVERSITAIRES DE STRASBOURG ;

Il soutient que l'Etat est fondé à solliciter du tiers responsable le remboursement des prestations maintenues à l'un de ses agents consécutivement à un accident, ainsi que l'indemnisation des frais engagés, soit une somme 203 924,85 F ;

Vu II) la requête, enregistrée au greffe le 12 février 2002 sous le n° 02NC00172, complétée par les mémoires enregistrés les 14 mars et 14 octobre 2002, présentée pour M. Bernard , élisant domicile ..., par Me Heinrich, avocat ; M. demande à la Cour d'annuler le jugement n° 971595 en date du 8 janvier 2002 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la condamnation des Hôpitaux universitaires de Strasbourg à lui verser une somme de 240 000 F en réparation du préjudice subi par celui-ci du fait de l'intervention qu'il a subie le 21 septembre 1992 ;

M. soutient que l'expert n'a jamais conclu à l'absence d'alternative thérapeutique et s'est borné à un classement qualitatif des thérapies susceptibles d'être proposées ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 26 mars 2002, présenté par le ministre de l'éducation nationale ; le ministre conclut, dans l'hypothèse où la responsabilité des Hôpitaux universitaires de Strasbourg serait retenue, à leur condamnation à lui verser une somme de 31 088 euros à raison du remboursement des prestations maintenues à M. consécutivement à l'accident, ainsi que l'indemnisation des frais engagés ;

Vu le mémoire en défense, présenté pour les Hôpitaux universitaires de Strasbourg par Me Le Prado, tendant au rejet de la requête de M. ;

Les Hôpitaux universitaires de Strasbourg soutiennent que :

- sur la faute médicale, il y a lieu de reprendre les observations présentées à l'appui de son recours n° 01NC00092 ;

- en admettant même qu'il y ait une insuffisante information, ce défaut n'est pas à l'origine d'une perte de chance irréparable ;

- il découle de l'expertise qu'il n'existait pas d'autres alternatives moins risquées que l'intervention pratiquée ;

- en l'absence de tout traitement, l'état du malade ne pouvait que s'aggraver ;

- en tout état de cause, la fraction du préjudice correspondant à la perte de chance devrait être très faible et tout au plus fixée à 1/5ème ;

- il y aurait lieu, dans cette hypothèse, de procéder à un complément d'expertise pour évaluer définitivement le préjudice, ce que n'a pu faire l'expert ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 mai 2005 :

- le rapport de Mme Monchambert, président ;

- et les conclusions de M. Tréand, commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes susvisées des HOPITAUX UNIVERSITAIRES DE STRASBOURG et de M. sont relatives aux conséquences d'une même intervention chirurgicale ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Sur les conclusions dirigées contre le jugement du 21 novembre 2000 :

Sur la régularité du jugement :

Considérant que le jugement attaqué, s'il fait mention d'une formation composée de trois magistrats, mentionne que la décision est rendue par le conseiller délégué ; que ces mentions contradictoires vicient la régularité de la décision et sont de nature à entraîner l'annulation du jugement attaqué ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. devant le Tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'elle concerne la responsabilité des HOPITAUX UNIVERSITAIRES DE STRASBOURG ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par les HOPITAUX UNIVERSITAIRES DE STRASBOURG :

Considérant que la demande d'indemnisation présentée par M. a été rejetée par une décision implicite acquise le 6 avril 1997 ; qu'en application de l'article 5 de la loi du 11 juillet 1979, M. a demandé aux HOPITAUX UNIVERSITAIRES DE STRASBOURG de lui communiquer les motifs de cette décision implicite de rejet ; que les HOPITAUX UNIVERSITAIRES DE STRASBOURG ont répondu à cette demande, en confirmant, par une décision explicite motivée en date du 25 avril 1997, le rejet de sa demande d'indemnisation ; que la requête de M. a été enregistrée le 18 juin 1997, devant le Tribunal administratif de Strasbourg, soit dans le délai de recours contentieux ; que, par suite, les HOPITAUX UNIVERSITAIRES DE STRASBOURG ne sont pas fondés à soutenir que la requête de M. serait tardive ;

Sur la responsabilité des HOPITAUX UNIVERSITAIRES DE STRASBOURG :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment des rapports d'expertise ordonnés en première instance, que M. a subi le 21 septembre 1992 au service d'orthopédie de l'hôpital Hautepierre de Strasbourg une ostéotomie tibiale ; qu'à la suite de cette opération, il a présenté un syndrome des loges qui a nécessité une seconde intervention qui a été réalisée le 23 septembre 1992 ; que, toutefois, cette seconde intervention n'a pas permis d'arrêter l'évolution des lésions nerveuses dont souffre M. qui présente, par suite, un déficit fonctionnel de la cheville gauche et ressent des douleurs séquellaires liées à l'atteinte neurologique et musculaire du membre ;

Considérant, en premier lieu, que si M. soutient qu'en phase post-opératoire, l'équipe médicale a posé avec 24 heures de retard le diagnostic de syndrome des loges, il résulte du rapport d'expertise que le syndrome était débutant lors de l'intervention du 23 septembre 1992, ainsi que l'établit l'absence de nécrose musculaire, et s'était déclaré au plus tôt six heures auparavant ; qu'il ne saurait donc être reproché à l'équipe médicale, qui avait mis en place une surveillance constante du malade, de n'avoir décidé l'intervention chirurgicale de décompression que le 23 septembre 1992 ; que si M. fait valoir qu'aucun examen par capteur de pression n'a été effectué au signalement des douleurs qu'il ressentait, il ne résulte pas de l'instruction qu'un tel examen, qui ne constitue qu'une aide au diagnostic dans les cas douteux, aurait modifié les conditions de la seconde intervention pratiquée en urgence ;

Considérant, en second lieu, que lorsque l'acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l'art, comporte des risques connus de décès ou d'invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé ; que si cette information n'est pas requise en cas d'urgence, d'impossibilité ou de refus du patient d'être informé, la seule circonstance que les risques ne se réalisent qu'exceptionnellement ne dispense pas les praticiens de leur obligation ; que ces conclusions sont, contrairement à ce que soutiennent les HOPITAUX UNIVERSITAIRES DE STRASBOURG, applicables au présent litige sans porter atteinte aux garanties que tiennent les justiciables des stipulations de l'article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales relatives au droit au procès équitable ; qu'il résulte de l'instruction que le syndrome des loges est une complication rare mais connue susceptible d'intervenir dans la phase post-opératoire d'une ostéotomie tibiale ; que M. soutient ne pas en avoir été informé avant l'intervention qui lui a été proposée ; que si les HOPITAUX UNIVERSITAIRES DE STRASBOURG allèguent avoir procédé oralement à cette information, cette circonstance n'est pas, à elle seule, de nature à rapporter la preuve qui incombe en la matière au centre hospitalier que le patient a été informé de l'existence du risque de syndrome des loges antérieurement à l'intervention du 21 septembre 1992 ; que, par suite, M. est fondé à soutenir que les HOPITAUX UNIVERSITAIRES DE STRASBOURG ont commis une faute susceptible d'engager leur responsabilité à son encontre ;

Sur les conclusions dirigées contre le jugement du 8 janvier 2002 :

Sur les conclusions de M. :

Considérant que si le défaut d'information constitue une faute susceptible d'engager la responsabilité des HOPITAUX UNIVERSITAIRES DE STRASBOURG, il résulte du rapport d'expertise qu'eu égard aux douleurs croissantes ressenties par M. et qui ne pouvaient aller qu'en s'aggravant, l'état de santé de l'intéressé nécessitait une intervention visant à palier l'affection du genou gauche dont il souffrait depuis plusieurs années ; qu'en outre, eu égard notamment à son jeune âge, la pose d'une prothèse s'avérait inappropriée ; qu'ainsi, en l'absence d'alternative thérapeutique à l'opération proposée, la faute commise par les HOPITAUX UNIVERSITAIRES DE STRASBOURG n'a pas entraîné, dans les circonstances de l'espèce, de perte de chance pour M. de se soustraire aux conséquences de ladite opération ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise, M. n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 8 janvier 2002, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la condamnation des HOPITAUX UNIVERSITAIRES DE STRASBOURG ;

Sur la demande du ministre de l'éducation nationale :

Considérant que le ministre n'invoque à l'appui de sa demande que des moyens déjà présentés devant le Tribunal administratif de Strasbourg ; que ces moyens doivent être écartés par adoption des motifs retenus par les premiers juges dans leur décision du 8 janvier 2002 ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées sur ce fondement par M. ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg du 21 novembre 2000 est annulé.

Article 2 : Le surplus des conclusions des HOPITAUX UNIVERSITAIRES DE STRASBOURG, les conclusions de M. et celles du ministre de l'éducation nationale sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié aux HOPITAUX UNIVERSITAIRES DE STRASBOURG, à M. , à la caisse primaire d'assurance maladie de Strasbourg et au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

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N° 01NC00092


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 01NC00092
Date de la décision : 26/05/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LEDUCQ
Rapporteur ?: Mme Sabine MONCHAMBERT
Rapporteur public ?: M. TREAND
Avocat(s) : HEINRICH ; HEINRICH ; HEINRICH

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2005-05-26;01nc00092 ?
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