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16/02/2006 | FRANCE | N°05NC01037

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3eme chambre - formation a 3, 16 février 2006, 05NC01037


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 3 août 2005, présentée pour l'ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG, dont le siège est 100 A. de Suffren à Paris (75015), par la SCP Champetier de Ribes - Spitzer, avocat ;

L'ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG demande à la Cour :

1°) de réformer l'ordonnance n° 0500431 en date du 12 juillet 2005 prise par le président du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en ce qu'elle le condamne à verser à Mme Chantal X une indemnité provisionnelle de 20 000 € à valoir sur la réparation du préjudice subi par suite de la tr

ansfusion sanguine pratiquée le 29 juillet 1981 au centre hospitalier de Troyes ...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 3 août 2005, présentée pour l'ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG, dont le siège est 100 A. de Suffren à Paris (75015), par la SCP Champetier de Ribes - Spitzer, avocat ;

L'ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG demande à la Cour :

1°) de réformer l'ordonnance n° 0500431 en date du 12 juillet 2005 prise par le président du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en ce qu'elle le condamne à verser à Mme Chantal X une indemnité provisionnelle de 20 000 € à valoir sur la réparation du préjudice subi par suite de la transfusion sanguine pratiquée le 29 juillet 1981 au centre hospitalier de Troyes ;

2°) à titre principal,

- de dire et juger que les demandes formées par Mme X se heurtent à des contestations sérieuses quant à l'imputabilité de la contamination aux transfusions ;

- de débouter Mme X de ses demandes et la condamner à lui rembourser les fonds versés en exécution de l'ordonnance attaquée, outre intérêts ;

- de condamner Mme X à lui verser une somme de 1 525 € HT au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

3°) à titre subsidiaire,

- de constater que Mme X ne justifie pas de son état de santé hépatique six mois après la fin de son traitement ;

- de dire et juger que les demandes formées par Mme X se heurtent à des contestations sérieuses ;

- de débouter Mme X de ses demandes et la condamner à lui rembourser les fonds versés en exécution de l'ordonnance attaquée, outre intérêts ;

- de condamner Mme X à lui verser une somme de 1 525 € HT au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) à défaut,

- de réduire de façon substantielle l'indemnisation sollicitée ;

- de dire et juger que la garantie à fournir par Mme X doit être une garantie bancaire et couvrir l'intégralité de l'indemnité allouée ;

L'ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG soutient que :

- l'ordonnance doit être réformée en ce que le juge des référés s'est jugé compétent pour apprécier le lien de causalité entre les transfusions invoquées par Mme X et sa contamination par le virus de l'hépatite C ;

- il appartient au demandeur d'apporter tous éléments utiles permettant de présumer que sa contamination a une origine transfusionnelle, ce que ne fait pas la requérante ;

- l'obligation est sérieusement contestable et ne peut donc relever de la compétence du juge des référés, dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier de manière évidente que la cause de la contamination est transfusionnelle ;

- l'ordonnance mentionne d'ailleurs que l'origine de la contamination ne peut être établie avec certitude ;

- l'imputabilité de la contamination ne revêt aucun caractère, certain, direct et exclusif comme en attestent les termes mêmes de l'expert qui retracent la complexité de l'histoire médicale de Mme X ;

- contrairement aux affirmations du juge des référés, Mme X présente des antécédents susceptibles de l'avoir exposée à une contamination ;

- la possibilité qu'elle ait été contaminée par voie transfusionnelle est minime ;

- en tout état de cause, le montant allouée à la requérante s'apparente davantage à une indemnisation au fond qu'à une provision ;

- c'est à tort que l'ordonnance a été rendue avant l'expiration du délai de six mois après l'arrêt du traitement de l'hépatite ;

- les moyens fondant la demande d'indemnisation provisionnelle au titre du préjudice professionnel, du préjudice fonctionnel, du pretium doloris et du préjudice spécifique de contamination soulèvent de nombreuses incertitudes et ne pouvaient être retenus dans le cadre d'une procédure en référé ;

- subsidiairement, la caution fournie doit être une caution bancaire de manière à lui assurer la certitude de pouvoir recouvrer les fonds et porter sur l'intégralité de la provision allouée ;

- les débours sollicités par la caisse primaire d'assurance maladie, qui font l'objet de contestations sérieuses, ne peuvent relever du juge des référés ;

- la demande de frais irrépétibles formée par la caisse primaire d'assurance maladie doit être rejetée ;

Vu l'ordonnance attaquée ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 18 août 2005, présenté pour Mme Chantal X, par le Cabinet Vaissiere, avocat, tendant au rejet de la requête et, en conséquence, à déclarer l'ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG responsable de la contamination et, par la voie de l'appel incident, à ce que la Cour :

- condamne l'ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG à lui verser, à titre de provision, les sommes de 46 980 € au titre de l'incapacité temporaire totale, de 68 880 € au titre de l'incapacité fonctionnelle, de 13 000 € au titre du pretium doloris et 400 000 € au titre du préjudice spécifique de contamination ;

- ordonne une mesure d'expertise complémentaire aux fins de déterminer le taux d'incapacité permanente partielle provisoire ;

- annule l'article 3 de l'ordonnance mettant à sa charge la constitution d'une garantie et, subsidiairement, en réduise le montant ;

- rejette la demande de l'ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG quant à l'exigence de la caution bancaire ;

- à titre subsidiaire, ordonne une expertise complémentaire, et à la condamnation de l'ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG à lui verser une somme de 4 500 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Mme X soutient que :

- le simple fait que l'obligation soit contestée par le défendeur ne rend pas l'obligation sérieusement contestable ;

- la contamination étant présumée imputable au centre de transfusion, le demandeur doit rapporter les éléments laissant supposer que la contamination a pour origine une transfusion sanguine et à l'établissement de prouver l'innocuité des produits transfusés, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, dès lors que les experts concluent à la causalité entre les transfusions subies au centre hospitalier universitaire de Troyes et la contraction du virus ;

- l'ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG cherche à renverser la charge de la preuve en voulant démontrer contre toute évidence que Mme X a été contaminée avant sa transfusion ;

- elle est endroit d'obtenir une provision étant donné la gravité des préjudices subis ;

- le juge des référés n'a pas statué comme il aurait dû le faire sur la demande d'expertise complémentaire en vue d'évaluer le taux d'IPP ;

- en tout état de cause, c'est au mois à compter de septembre 1993, ou à tout le moins, à compter de novembre 1999 que le taux d'ITP doit être fixé de manière certaine à 40 % ;

- le pretium doloris est élevé ;

- elle est en droit d'être indemnisée du préjudice spécifique résultant de la contamination qui induit une réduction de son espérance de vie, la crainte des souffrances ainsi que des perturbations dans sa vie familiale, sociale et professionnelle ;

- le principe même de la constitution d'une garantie est contestable dès lors qu'il est rapporté que l'obligation de l'ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG est incontestable ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 janvier 2006 :

- le rapport de Mme Monchambert, président,

- les observations de Me Bouard, pour la SCP Champetier de Ribes - Spitzer, avocat de l'ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG, et de Me Petit du Cabinet Vaissiere, avocat de Mme X,

- et les conclusions de M. Tréand, commissaire du gouvernement ;

Sur l'existence d'une obligation non sérieusement contestable :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : «Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie» ;

Considérant qu'aux termes de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé : «En cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion ou cette injection n'est pas à l'origine de la contamination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Le doute profite au demandeur. Cette disposition est applicable aux instances en cours n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable» ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient au demandeur, non seulement de faire état d'une éventualité selon laquelle sa contamination par le virus de l'hépatite C provient d'une transfusion, mais d'apporter un faisceau d'éléments conférant à cette hypothèse, compte tenu de toutes les données disponibles, un degré suffisamment élevé de vraisemblance ; que si tel est le cas, la charge de la preuve contraire repose sur le défendeur ; que ce n'est qu'au stade où le juge, au vu des éléments produits successivement par ces parties, forme sa conviction que le doute profite au demandeur ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise ordonnée par le président du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, que Mme X, hospitalisée à la fin du mois de juillet 1981 au centre hospitalier de Troyes dans le cadre du suivi médical de sa grossesse en raison d'un ictère, a reçu le 1er août 1981, des transfusions de dérivés sanguins fournis par le poste de transfusion de Troyes, dont l'innocuité n'a pu être totalement établie ; qu'en 1989, une hépatite à virus C a été diagnostiquée chez cette dernière ; que si l'Etablissement requérant fait valoir que Mme X présente des antécédents susceptibles de l'avoir exposée à une contamination, ses allégations formulées de façon générale ne sont pas suffisantes pour remettre en cause le lien de causalité hautement probable entre les transfusions dont Mme X a bénéficié et sa contamination par le virus de l'hépatite C ; que, dans ces conditions, ainsi que l'a estimé le juge des référés du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne qui a statué dans les limites de sa compétence, l'existence de l'obligation dont Mme X se prévaut à l'encontre de l'ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG peut être regardée comme non sérieusement contestable ;

Sur le montant de la provision accordée et sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise :

Considérant que, eu égard à l'importance des séquelles résultant pour Mme X de la contamination dont elle a été victime telles qu'elles sont notamment décrites dans le rapport d'expertise, celle-ci est fondée à soutenir que le juge des référés a fait une insuffisante appréciation de la créance dont elle est titulaire en l'évaluant à la somme de 20 000 euros et à obtenir que le montant de la provision qui lui a été allouée soit portée à la somme de 50 000 euros ; que l'ordonnance attaquée doit être réformée en ce sens ;

Sur la constitution de garantie :

Considérant, d'une part, que pour demander l'annulation des dispositions de l'ordonnance attaquée qui a assorti le versement de la provision à la constitution d'une garantie bancaire de 10 000 euros, l'ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG se borne à invoquer sans le moindre commencement de preuve ne pas être dans la certitude de pouvoir recouvrer les fonds ; qu'en revanche, Mme X est fondée à soutenir que le principe même de la constitution d'une garantie est contestable ; que l'ordonnance attaquée doit être réformée en ce sens ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions susvisées font obstacle à ce que l'ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG, partie perdante, puisse se voir allouer les sommes qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner l'ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG à payer à Mme X la somme de 1 000 € à ce titre ;

DÉCIDE :

Article 1er : La provision de 20 000 euros que l'ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG a été condamné à verser à Mme X est portée à 50 000 euros.

Article 2 : L'ordonnance en date du 12 juillet 2005 du président du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est réformée en ce qu'elle a de contraire à l'article précédent.

Article 3 : L'article 3 de l'ordonnance susvisée est annulé.

Article 4 : La requête de l'ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG et le surplus des conclusions incidentes de Mme X sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG, à Mme Chantal X, à la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône et à la compagnie d'assurances Axa France.

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N° 05NC01037


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 05NC01037
Date de la décision : 16/02/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LEDUCQ
Rapporteur ?: Mme Sabine MONCHAMBERT
Rapporteur public ?: M. TREAND
Avocat(s) : CABINET VAISSIERE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2006-02-16;05nc01037 ?
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