La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/08/2006 | FRANCE | N°02NC01353

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2eme chambre - formation a 3, 04 août 2006, 02NC01353


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 24 décembre 2002, complétée par un mémoire enregistré le 1er juillet 2003, présentée pour la Société CROSSAIR, dont le siège est CH-4002 à Bale (4002), SUISSE, par Me Jean-Luc Demarche, avocat du Groupement strasbourgeois d'avocats ; la Société CROSSAIR demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9807021-9903580-0200863-0202429 en date du 19 novembre 2002 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes tendant à la décharge des cotisations à la taxe professionnelle mises à sa charge a

u titre des années 1991 à 1996 et des années 2000 et 2001, dans les rôles de...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 24 décembre 2002, complétée par un mémoire enregistré le 1er juillet 2003, présentée pour la Société CROSSAIR, dont le siège est CH-4002 à Bale (4002), SUISSE, par Me Jean-Luc Demarche, avocat du Groupement strasbourgeois d'avocats ; la Société CROSSAIR demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9807021-9903580-0200863-0202429 en date du 19 novembre 2002 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes tendant à la décharge des cotisations à la taxe professionnelle mises à sa charge au titre des années 1991 à 1996 et des années 2000 et 2001, dans les rôles des communes de Saint-Louis et Hessingue ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

Elle soutient que :

- la procédure est irrégulière pour défaut de motivation des notifications qui lui ont été adressées, ne permettant pas de distinguer les bases de taxation entre l'activité exonérée et l'activité considérée comme taxable par l'administration ;

- le tribunal administratif ne s'est pas prononcé sur ce moyen ;

- ses activités de maintenance des appareils et de formation des pilotes, exercées dans le secteur suisse de l'aéroport de Bâle-Mulhouse, assimilable à un aéroport suisse, sont connexes à son activité principale d'exploitation des aéronefs en trafic international et doivent, au même titre que celle-ci, bénéficier d'un dégrèvement d'office en application de l'article 8 de la convention fiscale franco-suisse de 1966 ;

- seules les activités annexes sont soumises au droit français en vertu de l'article 12 de l'annexe 2 à la convention de 1949 relative à la construction et à l'exploitation de l'aéroport de Bâle-Mulhouse, et non les activités en litige qui sont connexes à l'activité d'exploitation des aéronefs en trafic international, soumises au seul droit suisse ;

- l'imposition à la taxe professionnelle de ces activités connexes ne serait pas conforme au statut binational de l'aéroport, au but de la convention franco-suisse de 1949 et au contenu de la convention de Chicago et du code français de l'aviation civile ;

- ces activités doivent être regardées comme accessoires et marginales par rapport à son activité principale et doivent être soumises au même régime fiscal que celle-ci en application du principe qui veut que l'accessoire suit le principal ;

- le droit fiscal français ne lui avait jamais été appliqué jusque là ;

- elle ne peut être imposée en France à défaut de texte spécifique ;

- une lettre de Mme X, secrétaire d'Etat au budget, en date du 17 janvier 2002, adressée à M. Jean-Marie Y, député, prévoit la mise en place d'un groupe de travail sur cette question ;

- la position de l'administration est contredite par le décret du 20 août 1998 qui ordonne le dégrèvement d'office de taxe professionnelle pour toute entreprise exploitant des aéronefs en trafic international et dont le siège est en Suisse ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 16 mai 2003, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, tendant au rejet de la requête, par le motif qu'aucun des moyens présentés par la Société CROSSAIR n'est fondé ;

Vu le mémoire, enregistré le 1er août 2003, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention franco-suisse du 4 juillet 1949 relative à la construction et à l'exploitation de l'aéroport de Bâle-Mulhouse à Blotzheim ;

Vu la convention fiscale franco-suisse du 9 septembre 1966, publiée par décret n° 67-879 du 13 septembre 1967, modifiée par avenant du 22 juillet 1997, publié par décret n° 98-747 du 20 août 1998 ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 juin 2006 :

- le rapport de M. Montsec, président,

- et les conclusions de Mme Rousselle, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la société de droit helvétique CROSSAIR, dont le siège social est à Bâle (Suisse), exerce des activités de transport aérien international à partir d'installations dont elle dispose dans le secteur suisse de l'aéroport de Bâle-Mulhouse, situé sur le territoire français ; que la Société CROSSAIR a été soumise à la taxe professionnelle au titre des années 1991 à 1996, 2000 et 2001, dans les rôles des communes de Saint-Louis et Hessingue ; que, suite au dégrèvement partiel de ces cotisations, accordé par des décisions du 3 septembre 1999, du 9 septembre 1999 et du 12 juin 2002, la Société CROSSAIR ne se trouve plus assujettie à la taxe professionnelle, pour les années en cause, que pour ses activités de formation de pilotes et d'entretien d'appareils pour le compte de tiers ; que la Société CROSSAIR, devenue la société SWISS INTERNATIONAL AIR LINES AG, fait régulièrement appel du jugement en date du 19 novembre 2002 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté le surplus de ses demandes tendant à la décharge des cotisations à la taxe professionnelle auxquelles elle reste ainsi assujettie au titre des années 1991 à 1996, 2000 et 2001 ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant qu'en première instance, dans trois des quatre demandes soumises par la Société CROSSAIR au Tribunal administratif de Strasbourg, que celui-ci a jointes, relatives aux cotisations à la taxe professionnelle restant à sa charge au titre des années 1995, 1996, 2000 et 2001, ladite société faisait valoir que «en accordant un dégrèvement partiel, l'administration a entendu imposer d'office l'activité (…) de maintenance des avions et de formation des pilotes au profit de tiers» et que «l'administration fiscale ne motive aucunement les bases de cette taxation (…), ne propose et ne justifie d'aucun critère permettant de distinguer les bases de taxation entre l'activité exonérée et l'activité selon l'administration taxable» ; que, toutefois, la société requérante ne pouvait utilement faire valoir une telle insuffisance de motivation des décisions de dégrèvement partiel intervenues au cours de la procédure contentieuse ; que ce moyen, ainsi exprimé, étant inopérant, le Tribunal administratif de Strasbourg n'a pas entaché son jugement d'irrégularité en s'abstenant d'y répondre ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant, qu'ainsi qu'il est dit ci-dessus, l'éventuelle insuffisance de motivation des décisions de dégrèvement partiel intervenues avant et après l'introduction des demandes devant le tribunal administratif ne saurait avoir d'influence sur la régularité de la procédure d'imposition ;

Sur le principe de l'assujettissement de la Société CROSSAIR à la taxe professionnelle :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 6 de la Convention franco-suisse du 4 juillet 1949 relative à la construction et à l'exploitation de l'aéroport de Bâle-Mulhouse à Blotzheim : «La législation et la réglementation françaises sont seules applicables dans l'enceinte de l'aéroport, sauf les dérogations expresses apportées à ce principe par la présente Convention et ses annexes» ; qu'aux termes de l'article 14 de l'annexe II à cette même convention, tel que modifié suite à un échange de notes des 20 juillet et 21 novembre 1960, publiées par décret du 19 octobre 1961 : «1. Les conditions d'application des impôts et taxes français à la charge de l'aéroport, des compagnies de navigation aérienne et des entreprises chargées de l'exécution de travaux immobiliers pour l'aéroport, feront l'objet d'un accord entre les deux gouvernements (…)» ;

Considérant qu'il résulte des stipulations précitées de l'article 6 de ladite convention que les compagnies de navigation aérienne, même si elles exercent leur activité dans le secteur douanier suisse de l'aéroport de Bâle-Mulhouse, qui est entièrement situé sur le territoire français, sont, sauf dérogation expresse, soumises à la législation et la réglementation françaises ; qu'aucune stipulation de la convention ou de ses annexes ne prévoit l'application dérogatoire de la loi fiscale suisse aux entreprises exerçant une activité dans ce secteur de l'aéroport ; que les stipulations précitées de l'article 14 de l'annexe II à cette même convention, qui prévoient un accord entre la France et la Suisse sur les conditions d'application des impôts et taxes français à la charge, notamment, des compagnies de navigation aériennes, n'ont ni pour objet ni pour effet de subordonner à l'intervention d'un tel accord l'assujettissement de ces compagnies à la loi fiscale française ; que la circonstance que la convention confie, par ailleurs, aux autorités suisses des prérogatives particulières dans le secteur douanier suisse de l'aéroport, en matière notamment de réglementation commerciale et de polices des frontières et sanitaire, n'est pas, en elle-même, de nature à faire échec à l'application de la loi fiscale française dans ledit secteur ; qu'il s'ensuit que ce sont les dispositions de la loi fiscale française qui trouvent à s'y appliquer, en matière notamment de taxe professionnelle, sous réserve des stipulations de la Convention fiscale franco-suisse du 9 septembre 1966 modifiée ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 1447 du code général des impôts : «I. La taxe professionnelle est due chaque année par les personnes physiques ou morales qui exercent à titre habituel une activité professionnelle non salariée (…)» ; qu'aux termes de l'article 1448 du même code : «La taxe professionnelle est établie suivant la capacité contributive des redevables, appréciée d'après des critères économiques en fonction de l'importance des activités exercées par eux sur le territoire de la collectivité bénéficiaire ou dans la zone de compétence de l'organisme concerné» ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention fiscale franco-suisse du 9 septembre 1966, dans sa rédaction résultant de l'avenant du 22 juillet 1997, applicable, en vertu des stipulations de l'article 21 de la convention «aux impositions non encore acquittées pour lesquelles un litige est en cours» : «(…) Nonobstant les dispositions de l'article 2 : / a) Une entreprise qui a son siège de direction effective en Suisse et qui exploite des aéronefs en trafic international est dégrevée d'office de la taxe professionnelle due en France à raison de cette exploitation (…)» ; que les stipulations précitées de l'article 8 de la convention fiscale franco-suisse présentent un caractère dérogatoire et doivent être d'interprétation stricte ; qu'il en résulte que les compagnies aériennes dont le siège de direction effective est situé en Suisse demeurent assujetties à la taxe professionnelle, dans les conditions de droit commun, à raison des activités qu'elles exercent en France et qui ne relèvent pas du transport international par aéronefs de biens et de personnes ;

Considérant qu'ainsi qu'il est dit ci-dessus, la Société CROSSAIR ne reste soumise à la taxe professionnelle que pour ce qui concerne ses activités de formation de pilotes et de maintenance d'appareils effectuées pour le compte de tiers ; qu'en se bornant à soutenir que la fourniture desdites activités à des tiers serait nécessaire pour des motifs de rentabilité économique et s'inscrirait dans une politique globale de l'entreprise en matière de communication, d'image et de recherche, la société requérante n'établit pas que les activités en cause ne sont qu'accessoires et connexes par rapport à ses activités de transport aérien international et devraient pour ce motif être soumises au même régime fiscal ; que, dès lors, sans que la société requérante puisse utilement invoquer les stipulations de la convention de Chicago et les dispositions du code français de l'aviation civile, qui sont sans portée dans le présent litige, c'est à bon droit que l'administration fiscale française a soumis les activités de formation et maintenance réalisées par la Société CROSSAIR pour le compte de tiers à la taxe professionnelle ;

En ce qui concerne le bénéfice de l'interprétation de la loi fiscale par l'administration :

Considérant que la circonstance que la Société CROSSAIR n'avait pas été soumise antérieurement à la loi fiscale française pour ses activités exercées dans le secteur suisse de l'aéroport de Bâle-Mulhouse ne constitue pas une prise de position formelle de l'administration dont elle peut se prévaloir sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales ; que la Société CROSSAIR ne peut davantage se prévaloir d'une réponse ministérielle à M. Z, député, en date du 2 novembre 1998, qui ne donne pas une interprétation d'un texte fiscal qui lui a été appliqué ; qu'enfin, elle ne peut utilement invoquer le contenu d'une lettre non publiée du secrétaire d'Etat au budget, en date du 19 janvier 2002, qui ne concerne que la taxe sur la valeur ajoutée et est, en tout état de cause, postérieure aux années d'imposition en litige ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la Société CROSSAIR n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué en date du 19 novembre 2002, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté le surplus de ses demandes tendant à la décharge des cotisations à la taxe professionnelle auxquelles elle restait assujettie au titre des années 1991 à 1996 et des années 2000 et 2001, pour ses activités de formation de pilotes et de maintenance d'appareils pour le compte de tiers ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la Société CROSSAIR est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SWISS INTERNATIONAL AIR LINES AG (ANCIENNEMENT CROSSAIR) et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

6

N° 02NC01353


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 02NC01353
Date de la décision : 04/08/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : Mme FELMY
Rapporteur ?: M. Pierre MONTSEC
Rapporteur public ?: Mme ROUSSELLE
Avocat(s) : GROUPEMENT STRASBOURGEOIS D'AVOCATS G.S.A. ; GROUPEMENT STRASBOURGEOIS D'AVOCATS G.S.A. ; GROUPEMENT STRASBOURGEOIS D'AVOCATS G.S.A.

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2006-08-04;02nc01353 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award