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19/11/2007 | FRANCE | N°07NC00158

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 19 novembre 2007, 07NC00158


Vu la requête, enregistrée le 1er février 2007, présentée pour M. Nabil X, demeurant ..., par Me Bigot ;

M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0606385 en date du 29 décembre 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 décembre 2006 par lequel le préfet du Bas-Rhin a décidé sa reconduite à la frontière ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ladite décision ;

3°) de constater que le magistrat délégué par le pré

sident du Tribunal administratif de Strasbourg a omis de statuer sur sa demande d'admission à l'aide j...

Vu la requête, enregistrée le 1er février 2007, présentée pour M. Nabil X, demeurant ..., par Me Bigot ;

M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0606385 en date du 29 décembre 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 décembre 2006 par lequel le préfet du Bas-Rhin a décidé sa reconduite à la frontière ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ladite décision ;

3°) de constater que le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Strasbourg a omis de statuer sur sa demande d'admission à l'aide juridictionnelle provisoire lors de l'audience du 29 décembre 2006 et, par conséquent, de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire pour la première instance ;

4°) de statuer ce que de droit quant aux frais d'instance ;

M. X soutient que :

- en l'absence d'une délégation de signature, le secrétaire général de la préfecture n'avait pas le pouvoir de signer l'arrêté ;

- en l'absence d'urgence, le préfet aurait pu attendre l'expiration de la procédure contentieuse engagée contre le refus de délivrance d'un certificat de résidence pour prendre la mesure d'éloignement ;

- il n'a eu connaissance qu'au cours d'audience de l'avis du médecin inspecteur de la santé du 20 septembre 2006 et d'un avis postérieur ;

- lesdits avis ne remplissent pas les conditions imposées par l'article 7-5 du décret du 30 juin 1946, dès lors qu'ils ne font aucune référence aux informations recueillies quant aux possibilités de soins appropriées en Algérie et ne précisent pas si son état de santé lui permet de voyager sans risque vers ce pays ;

- en l'absence d'une possibilité effective de soins appropriés en Algérie, l'arrêté de reconduite à la frontière méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- entré en France en 2003, puis rejoint par ses enfants, pour y retrouver sa mère malade et cinq de ses frères et soeurs, ses liens personnels et familiaux avec la France sont de nature à justifier la délivrance d'un certificat de résidence en application de l'article 6-5° de l'accord franco-algérien modifié ;

- pour la même raison, le préfet du Bas-Rhin ne pouvait décider sa reconduite à la frontière sans méconnaître son droit au respect à une vie privée et familiale normale ;

- l'exécution de l'arrêté de reconduite à la frontière aurait sur ses deux enfants des conséquences contraires aux stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 23 avril 2007, présenté par le préfet du Bas-Rhin, qui soutient qu'aucun des moyens présentés par l'intéressé n'est fondé et conclut au rejet de la requête ;

Vu, en date du 8 juin 2007, la décision du président du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de Grande Instance de Nancy admettant M. X au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 octobre 2007 :

- le rapport de M.Giltard, président de la Cour ;

- et les conclusions de M. Wallerich, commissaire du gouvernement ;

Sur le moyen tiré du vice d'incompétence :

Considérant que l'arrêté attaqué en date du 21 décembre 2006 a été signé par M. Raphaël Y, secrétaire général de la préfecture du Bas-Rhin, qui bénéficiait d'une délégation du préfet du Bas-Rhin du 1er septembre 2006, portant, notamment, sur tous actes, arrêtés et décisions, régulièrement publiée au recueil des actes administratifs du département le jour même ; que M. X n'est donc pas fondé à soutenir que l'arrêté a été signé par une autorité incompétente ;

Sur le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision de refus de renouvellement du certificat de résidence algérien du 3 novembre 2006 :

En ce qui concerne la violation de l'article 6-5° de l'accord franco-algérien de 1968 :

Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : « Le certificat de résidence d'un an portant la mention « vie privée et familiale » est délivré de plein droit : 5° Au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité algérienne, marié avec une compatriote, dont il est séparé, et père de trois enfants, est entré en France, où vivent sa mère et cinq de ses frères et soeurs, en mai 2003 à l'âge de 44 ans ; que deux de ses enfants, âgés de 9 et 12 ans, l'ont ensuite rejoint et sont scolarisés à Strasbourg ; que si M. X fait valoir qu'il veut rester en France pour s'occuper de sa mère, âgée de 75 ans et malade, et qu'il a des liens affectifs forts avec ses frères et soeurs, il n'est pas dépourvu d'attaches familiales en Algérie où vivent deux de ses frères ; qu'il ne résulte pas de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et surtout de la durée et des conditions de séjour de M. X en France, que la décision du préfet du Bas-Rhin en date du 3 novembre 2006 a porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels a été prise ladite décision ; qu'il n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 6-5° de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

En ce qui concerne la violation de l'article 6-7° de l'accord franco-algérien de 1968 :

Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : « Le certificat de résidence d'un an portant la mention « vie privée et familiale » est délivré de plein droit : (…) 7° Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays » ; qu'aux termes de l'arrêté du 8 juillet 1999 relatif aux conditions d'établissement des avis médicaux concernant les étrangers malades : « Article 3 : (…) Le médecin agrée ou le praticien hospitalier établit un rapport (…). Ce rapport médical est transmis, sous pli confidentiel, au médecin inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales dont relève la résidence de l'intéressé (…). Article 4 : Au vu de ce rapport médical et des informations dont il dispose, le médecin inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales émet un avis précisant : - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; - si l'intéressé peut effectivement ou non bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire ; - et la durée prévisible du traitement. Il indique, en outre, si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers son pays de renvoi. Cet avis est transmis au préfet par le directeur départemental des affaires sanitaires et sociales » ;

Considérant que si M. X soutient qu'il aurait dû obtenir la communication des divers éléments médicaux sur la base desquels le préfet du Bas-Rhin s'est fondé pour prendre sa décision du 3 novembre 2006, aucune disposition législative ou réglementaire n'en impose la communication préalablement à une telle décision ; qu'ainsi, l'avis formulé par le médecin inspecteur de santé publique du 20 septembre 2006 a pu être régulièrement produit pour la première fois à l'audience du Tribunal administratif de Strasbourg le 29 décembre 2006 dès lors que le requérant et son avocat, qui étaient présents à l'audience, ont été mis en mesure d'en prendre connaissance et de faire part de leurs observations ;

Considérant que si le requérant invoque le caractère incomplet de l'avis du médecin inspecteur de santé publique qui ne fait pas mention de la possibilité pour lui de voyager sans risque vers son pays d'origine, il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier, et notamment des certificats médicaux présentés par l'intéressé, que l'état de santé de M. X pouvait susciter des interrogations sur sa capacité à supporter ce voyage ; qu'ainsi, en se fondant sur un avis du médecin inspecteur de santé publique qui ne comportait pas une telle indication, la décision de refus de certificat de résidence algérien n'a pas été prise suivant une procédure irrégulière ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet du Bas-Rhin, qui disposait des éléments nécessaires quant à la situation de l'intéressé, n'a pas commis une erreur d'appréciation dans l'application de l'article 6-7° de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

Considérant que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision de refus du certificat de résidence algérien du préfet du Bas-Rhin en date du 3 novembre 2006 n'est pas fondé ;

Sur le moyen tiré de l'impossibilité pour le préfet du Bas-Rhin de prendre une mesure d'éloignement :

Considérant que la circonstance que M. X a formé un recours pour excès de pouvoir le 1er février 2007 au Tribunal administratif de Strasbourg contre la décision de refus de renouvellement du certificat de résidence algérien du 3 novembre 2006 ne fait pas obstacle à ce que le préfet du Bas-Rhin décide sa reconduite à la frontière ;

Sur le moyen tiré de la violation de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :

Considérant qu' aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : 10º L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi » ;

Considérant que, selon le praticien du centre médico-psychologique qui suit M. X, celui-ci présente des troubles dépressifs et anxieux pour lesquels il consulte régulièrement le centre et est médicalement suivi ; qu'il ressort notamment de l'avis du médecin inspecteur de santé publique en date du 20 septembre 2006 que le défaut de prise en charge médicale de l'intéressé pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; qu'il appartient dès lors à l'autorité administrative de démontrer qu'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans le pays de renvoi ; que si M. X soutient qu'il ne peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, il ressort de l'avis précité, qui n'avait pas à mentionner expressément l'ensemble des informations recueillies, qu'eu égard tant à la nature de l'affection du requérant qu'au traitement qu'il a déjà suivi en France, la poursuite de ses soins pour une durée de six mois peut être prise en charge par les praticiens médicaux et par les instances sanitaires d'Algérie ; que la circonstance qu'il ne disposerait d'aucune ressource financière en Algérie et ne pourrait pas y trouver un emploi pour payer ses soins est sans incidence sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière ; qu'ainsi, l'arrêté de reconduite à la frontière du préfet du Bas-Rhin ne méconnaît pas les dispositions précitées ;

Sur le moyen tiré de la violation de la vie privée et familiale :

Considérant que l'argumentation de M. X à l'appui du moyen tiré de la violation de sa vie privée et familiale à l'encontre de l'arrêté de reconduite à la frontière est la même que celle soulevée au titre de la violation de l'article 6-5° de l'accord franco-algérien ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment des conditions de séjour de M. X en France, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté du préfet du Bas-Rhin en date du 21 décembre 2006 n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels a été pris ledit arrêté ; qu'il n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 :

Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : « Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale » ;

Considérant qu'il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; qu'eu égard à la possibilité pour M. X d'emmener ses deux enfants avec lui en Algérie, ainsi qu'à la circonstance que leur mère ne vit pas en France, l'arrêté attaqué n'a pas méconnu les stipulations précitées ;

Sur les frais de procédure :

Considérant, en tout état de cause, qu'il n'appartient pas au juge d'appel d'accorder l'aide juridictionnelle provisoire pour l'instance engagée devant le premier juge ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté en date du 21 décembre 2006 par lequel le préfet du Bas-Rhin a ordonné sa reconduite à la frontière ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Nabil X et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement.

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N° 07NC00158


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 07NC00158
Date de la décision : 19/11/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. le Prés Daniel GILTARD
Rapporteur public ?: M. WALLERICH
Avocat(s) : NERRY BIGOT TECHEL NUNGE PETTOVICH DERRENDINGER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2007-11-19;07nc00158 ?
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