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29/11/2007 | FRANCE | N°06NC00286

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 29 novembre 2007, 06NC00286


Vu la requête enregistrée le 20 février 2006, complétée par mémoire enregistré le 14 février 2007, présentée pour la SOCIETE BRICORAMA FRANCE, dont le siège est situé ZAC espace Saint-Louis à Roanne (42300), par Me Cayla-Destrem, avocat ; la SOCIETE BRICORAMA FRANCE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement en date du 19 décembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de la commission départementale d'équipement commercial, du 15 septembre 2004, autorisant l'implantation d'un maga

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Vu la requête enregistrée le 20 février 2006, complétée par mémoire enregistré le 14 février 2007, présentée pour la SOCIETE BRICORAMA FRANCE, dont le siège est situé ZAC espace Saint-Louis à Roanne (42300), par Me Cayla-Destrem, avocat ; la SOCIETE BRICORAMA FRANCE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement en date du 19 décembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de la commission départementale d'équipement commercial, du 15 septembre 2004, autorisant l'implantation d'un magasin Leroy Merlin sur le territoire de la commune de Morchwiller-le-Bas ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ladite décision ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et des sociétés Leroy Merlin France et SA l'Immobilière Leroy Merlin le paiement de la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a estimé irrecevable sa demande ;

- la commission départementale d'équipement commercial s'est réunie dans des conditions irrégulières ;

- la motivation de la décision, bien qu'abondante, ne répond pas aux critères posés par l'article L. 720-3 du code de commerce ;

- la décision aura pour conséquence d'entraîner un gaspillage des équipements commerciaux et un écrasement du petit commerce ; le déséquilibre ainsi créé ne sera pas compensé par des effets positifs ;

- la délimitation de la zone de chalandise a été sciemment limitée de façon à exclure une zone dans laquelle est implantée un magasin à l'enseigne Leroy Merlin ; la commission départementale n'a pas été en mesure d'apprécier l'impact prévisible du projet dans la zone de chalandise ;


Vu le jugement et la décision attaqués ;


Vu le mémoire en défense, enregistré le 4 janvier 2007, présenté pour la SA Leroy Merlin et la SA l'Immobilière Leroy Merlin, par la SELARL Soler-Couteaux/Llorens, avocats ; la SA conclut :

- au rejet de la requête ;

- à ce que soit mise à la charge de la société BRICORAMA FRANCE la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elles soutiennent que le tribunal a rejeté à tort comme irrecevable la demande ; la participation à la séance de la commission départementale d'équipement commercial du représentant du syndicat mixte pour le schéma de cohérence territoriale de la région mulhousienne est régulière ; les dispositions législatives et réglementaires applicables en matière d'équipement commercial n'imposent pas, à peine d'illégalité, une désignation nominative des membres de la commission ; le secrétaire général de la préfecture du Haut-Rhin a pu régulièrement présider la séance ; le projet autorisé n'est pas susceptible de porter atteinte, dans la zone de chalandise intéressée, à l'équilibre entre les différentes formes de commerce ; s'il devait en être jugé autrement, les effets positifs attendus du projet sont de nature à compenser largement ses éventuels inconvénients ;



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de commerce ;

Vu la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 modifiée ;

Vu le décret n° 93-306 du 9 mars 1993 modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 novembre 2007 :

- le rapport de Mme Guichaoua, premier conseiller,

- les observations de Me Cayla-Destrem, avocat de la SOCIETE BRICORAMA France, et de Me Bronner, de la Selarl Soler-Couteaux, Llorens, avocat de la SA Leroy Merlin,

- et les conclusions de Mme Steinmetz-Schies, commissaire du gouvernement ;


Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L. 720-10 du code de commerce, alors applicable, que le recours préalable obligatoire devant la commission nationale d'équipement commercial qu'elles organisent, est réservé aux seules personnes mentionnées dans ledit article ; que les tiers qui n'y sont pas mentionnés sont, dès lors, recevables à saisir directement la juridiction administrative d'une contestation relative à une autorisation accordée par la commission départementale ; qu'ainsi, en rejetant comme irrecevable, du fait de l'absence de recours préalable, la demande présentée par la SOCIETE BRICORAMA FRANCE contre la décision de la commission départementale d'équipement commercial du Haut-Rhin du 15 septembre 2004 autorisant l'implantation d'un magasin à l'enseigne Leroy Merlin sur la commune de Morschwiller-le-Bas, le Tribunal administratif de Strasbourg a entaché d'irrégularité le jugement attaqué du 19 décembre 2005 ;

Considérant qu'il y a lieu, en conséquence, d'annuler ledit jugement et, par la voie de l'évocation, de statuer immédiatement sur la demande présentée par la SOCIETE BRICORAMA FRANCE devant le Tribunal administratif de Strasbourg ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet du Haut-Rhin :

Sur la légalité externe de la décision attaquée :

En ce qui concerne la composition de la commission départementale d'équipement commercial :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 720-8 du code de commerce alors applicable : «I. - La commission départementale d'équipement commercial est présidée par le préfet (…) II. - Dans les départements autres que Paris, elle est composée : 1° Des trois élus suivants : a) Le maire de la commune d'implantation ; b) Le président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'aménagement de l'espace et de développement dont est membre la commune d'implantation ou, à défaut, le conseiller général du canton d'implantation ; c) Le maire de la commune la plus peuplée de l'arrondissement, autre que la commune d'implantation (…)» ; qu'aux termes de l'article 10 du décret du 9 mars 1993, alors en vigueur, relatif à l'exploitation commerciale de certains établissements : «Pour chaque demande d'autorisation, un arrêté préfectoral fixe la composition de la commission» ; qu'aux termes de l'article 11 du même décret : «Les membres de la commission sont tenus de remplir un formulaire destiné à la déclaration des intérêts qu'ils détiennent et des fonctions qu'ils exercent dans une activité économique. Aucun membre ne peut siéger s'il n'a remis au président de la commission ce formulaire dûment rempli» ; qu'enfin, l'article 22 de ce décret dispose que : «Dans le délai d'un mois à compter de la date d'enregistrement d'une demande d'autorisation, les membres de la commission départementale d'équipement commercial reçoivent, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, communication de cette demande accompagnée : - de l'arrêté préfectoral fixant la composition de la commission (…)» ;

Considérant, en premier lieu, que les dispositions précitées n'imposent pas au préfet, au stade de l'arrêté fixant la composition de la commission, de désigner nominativement ceux des membres de la commission qui sont suffisamment identifiés par la désignation de leur fonction ou de leur mandat ; que l'arrêté du 23 juin 2004 du préfet du Haut-Rhin fixant la composition de la commission départementale d'équipement commercial chargée d'examiner le projet présenté par la SA Leroy Merlin France a désigné ses membres en mentionnant, pour les maires ou président d'établissement public de coopération intercommunale, leurs fonctions ou mandats ; que ce mode de désignation est régulier ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 2 du décret du 24 juin 1950 alors applicable : «En cas d'absence ou d'empêchement d'un préfet… le secrétaire général de la préfecture assure l'administration du département» ; qu'en vertu de cette disposition, le secrétaire général exerce de plein droit, dans les cas de vacance, d'absence ou d'empêchement qu'elle vise, l'ensemble des pouvoirs dévolus au préfet, y compris celui qu'il tient de l'article L. 720-8 du code de commerce d'assurer la présidence de la commission départementale d'équipement ; que la SOCIETE BRICORAMA FRANCE, sur qui repose la charge de la preuve, n'établit pas l'absence d'empêchement du préfet du Haut-Rhin qui rendrait illégale la présidence de la commission par le secrétaire général de la préfecture ;

Considérant, en troisième lieu, que les représentants de la Chambre de commerce et d'industrie Sud Alsace Mulhouse et de la Chambre de métiers d'Alsace disposaient de mandats établis respectivement le 6 septembre et le 26 août 2004 par les présidents de chacun de ces organismes ; que la participation d'un élu membre du syndicat mixte pour le schéma de cohérence territoriale, au lieu et place d'un représentant du comité d'agglomération de Mulhouse Sud Alsace, n'affecte pas la régularité de la composition de la commission dès lors qu'il n'est pas contesté que la commune d'implantation est membre dudit syndicat et que celui-ci détient la compétence en matière d'aménagement de l'espace et de développement économique ;

En ce qui concerne la régularité de la convocation des membres de la commission :

Considérant qu'aux termes de l'article 23 du décret du 9 mars 1993 susvisé, alors en vigueur : «Huit jours au moins avant la réunion, les membres titulaires ou suppléants de la commission départementale d'équipement commercial reçoivent, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, communication de l'ordre du jour, accompagné des rapports d'instruction de la direction départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ainsi que, le cas échéant, des avis de la chambre de commerce et d'industrie et de la chambre de métiers sur l'étude d'impact, du rapport et des conclusions de l'enquête publique ainsi que de l'avis exprimé par la commission départementale de l'action touristique.» ; qu'il ressort des pièces du dossier que les membres de la commission qui ont accusé réception de leur convocation à la réunion du 7 septembre 2004, entre le 9 et le 19 août 2004, ont reçu le rapport du service instructeur ; que les avis des chambres consulaires n'étaient pas exprimés par écrit ; que si le rapport et les conclusions de l'enquête publique n'ont pas été adressés aux membres de la commission, cette seule circonstance n'est pas de nature à entacher d'irrégularité la procédure suivie dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les membres de la commission n'aient pas pu se prononcer en toute connaissance de cause ; que, par suite, les moyens tirés de la tardiveté et de l'irrégularité de la convocation ne sont pas fondés ;

En ce qui concerne le contenu du dossier de la demande :

Considérant, d'une part, que la société Leroy-Merlin a justifié, dans le dossier de la demande, disposer de l'autorisation des propriétaires des terrains pour déposer une demande au titre de l'équipement commercial ; que, dans ces conditions, le pétitionnaire justifiait, à la date de la décision attaquée, du titre l'habilitant à construire, conformément aux dispositions de l'article 18 du décret du 9 mars 1993 ;

Considérant, d'autre part, que contrairement à ce que soutient la SOCIETE BRICORAMA FRANCE, le dossier présenté par la SA Leroy-Merlin comporte l'ensemble des éléments visés à l'article 18-1 du décret du 9 mars 1993, alors en vigueur ;

En ce qui concerne la motivation de la décision :

Considérant que la commission départementale d'équipement commercial, qui n'était pas tenue de se prononcer au regard de l'ensemble des critères énumérés à l'article L. 720-3, alors applicable, du code de commerce, a suffisamment motivé la décision contestée en analysant notamment l'impact du projet au regard de la densité de la zone de chalandise, des conditions d'exercice de la concurrence, des prévisions de création d'emplois et de l'aménagement du territoire ;

En ce qui concerne l'étendue de la zone de chalandise :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'en excluant de la zone de chalandise la commune de Belfort qui, en termes d'accès, est plus éloignée de l'équipement autorisé que les communes incluses dans la zone, la société Leroy-Merlin n'a pas inexactement défini ladite zone et a ainsi mis la commission départementale d'équipement commercial à même d'apprécier les effets du projet au regard des critères fixés aux articles L. 720-1 et suivants du code de commerce, alors applicables ;


Sur la légalité interne :

Considérant que, pour l'application des dispositions combinées de l'article 1er de la loi du 27 décembre 1973 et des articles L. 720-1 à L. 720-3 du code de commerce alors en vigueur, il appartient aux commissions d'équipement commercial, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, d'apprécier si un projet soumis à autorisation est de nature à compromettre, dans la zone de chalandise intéressée, l'équilibre recherché par le législateur entre les diverses formes de commerce et, dans l'affirmative, de rechercher si cet inconvénient est compensé par des effets positifs du projet appréciés, d'une part, en tenant compte de sa contribution à l'emploi, à l'aménagement du territoire, à la concurrence, à la modernisation des équipements commerciaux et, plus généralement, à la satisfaction des besoins des consommateurs et, d'autre part, en évaluant son impact sur les conditions de circulation et de stationnement aux abords du site envisagé ;

Considérant que l'équipement autorisé par la décision attaquée porte sur la création, sur la commune de Morschwiller-le-Bas, d'un magasin à l'enseigne Leroy-Merlin d'une surface de vente de 10 000 m², spécialisé dans les articles de bricolage, jardinage et équipement de la maison ; qu'il ressort des pièces du dossier que cette création aura pour effet de porter la densité de la zone de chalandise en grandes surfaces spécialisées dans le même type de distribution, à un niveau supérieur aux moyennes nationale et départementale, fût-ce de manière limitée ; que, dans ces conditions, l'autorisation contestée est de nature à compromettre, dans la zone de chalandise, l'équilibre recherché par le législateur entre les différentes formes de commerce ;

Considérant, toutefois, que le projet qui permettra la réhabilitation d'une friche industrielle à l'abandon depuis le début des années 1960, située à proximité de la ZUP des Coteaux, à Mulhouse, couverte par un dispositif de zone franche urbaine, doit se traduire par la création, dans un secteur où le taux de chômage avoisine les 10 % de la population, de 120 emplois directs auxquels s'ajouteront 58 emplois liés à la réalisation des travaux de rénovation et d'aménagement des locaux ; que l'implantation de l'enseigne Leroy-Merlin permettra de rééquilibrer la concurrence, jusqu'alors quasi-inexistante, entre enseignes de dimensions comparables ; que la société Leroy-Merlin qui a développé un partenariat avec différents intervenants institutionnels pour la formation et l'emploi, s'est, en outre, engagée à acheter 20 % des produits référencés auprès des fournisseurs locaux ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'en autorisant l'implantation contestée, la commission départementale d'équipement commercial du Haut-Rhin n'a pas méconnu les objectifs fixés par les dispositions législatives applicables ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE BRICORAMA FRANCE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par la décision attaquée, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;


Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, des sociétés Leroy Merlin France et SA l'Immobilière Leroy Merlin, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, la somme que la SOCIETE BRICORAMA FRANCE demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SOCIETE BRICORAMA FRANCE le paiement à la société Leroy-Merlin France de la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;


DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 19 décembre 2005 est annulé.

Article 2 : La demande de la SOCIETE BRICORAMA présentée devant le Tribunal administratif de Strasbourg est rejetée.

Article 3 : La SOCIETE BRICORAMA FRANCE versera à la société Leroy-Merlin France la somme de 1 000 euros (mille euros) en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE BRICORAMA FRANCE, à la société Leroy-Merlin France et SA L'immobilière Leroy-Merlin et au ministre de l'économie des finances et de l'emploi.

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N° 06NC00286


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 06NC00286
Date de la décision : 29/11/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MAZZEGA
Rapporteur ?: Mme Marie GUICHAOUA
Rapporteur public ?: Mme STEINMETZ-SCHIES
Avocat(s) : CAYLA-DESTREM

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2007-11-29;06nc00286 ?
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