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12/06/2008 | FRANCE | N°07NC01371

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, Président de la cour, 12 juin 2008, 07NC01371


Vu la requête, enregistrée le 3 octobre 2007, présentée par le PREFET DE LA MARNE ; le PREFET DE LA MARNE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0701827 en date du 31 août 2007 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé son arrêté du 28 août 2007 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Moussa X et l'a condamné à verser la somme de 900 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le Tribunal administr

atif de Châlons-en-Champagne ;

Il soutient que l'arrêté de reconduite à la f...

Vu la requête, enregistrée le 3 octobre 2007, présentée par le PREFET DE LA MARNE ; le PREFET DE LA MARNE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0701827 en date du 31 août 2007 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé son arrêté du 28 août 2007 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Moussa X et l'a condamné à verser la somme de 900 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;

Il soutient que l'arrêté de reconduite à la frontière pris à l'encontre de M. X ne méconnaît pas l'article 3-1 de la convention de New-York relative aux droits de l'enfant dès lors que les deux filles de l'intéressé ne risquent pas d'être excisées en cas de retour au Mali, ce pays ayant lancé un vaste programme visant à interdire la pratique de l'excision ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 11 décembre 2007, présenté pour M. X par Me Miravete qui conclut au rejet de la requête du PREFET DE LA MARNE, à l'annulation de l'arrêté de reconduite à la frontière pris à l'encontre de M. X et à la condamnation de l'Etat au paiement de la somme de 1500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :

- ses deux filles âgées de 4 ans et 9 mois courant des risques élevés de subir une mutilation génitale féminine en cas de retour au Mali, l'arrêté de reconduite à la frontière méconnaît l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ;

- sa reconduite à la frontière porterait atteinte tant à sa vie familiale qu'à sa vie privée dans la mesure où résidant en France depuis 1988 et rejoint par son épouse en 1999, il est le seul à faire l'objet d'une mesure d'éloignement alors que lui et sa femme sont les parents de quatre enfants nés et scolarisés en France ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 15 janvier 2008, complété le 14 mars 2008 et confirmé le 14 avril 2008, présenté par le PREFET DE LA MARNE qui conclut comme précédemment et fait valoir que :

- la pratique de l'excision est combattue au Mali et que de nombreuses associations humanitaires sont financées et soutenues par le gouvernement afin de prendre en charge les familles refusant de soumettre leurs filles à cette pratique ;

- l'ensemble de la famille de M. X étant d'origine malienne, sa femme résidant irrégulièrement sur le territoire français et ayant également fait l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière en date du 19 juin 2000, M. X ne démontre pas être dans l'impossibilité de reconstituer sa cellule familiale dans son pays d'origine ;

Vu le mémoire en réponse, enregistré le 8 février 2008 et complété les 13 mars et 18 avril 2008, présenté pour M. X par Me Miravete qui conclut comme précédemment et fait valoir que la reconnaissance du statut de réfugié politique à Mme X par une décision de l'OFPRA du 25 janvier 2008 est de nature à justifier l'annulation de l'arrêté de reconduite à la frontière sur le fondement tant de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant que sur celui de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits l'homme et des libertés fondamentales ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;


Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 mai 2008 :

- le rapport de M. Giltard, Président de la Cour,

- les observations de Me Miravete, avocat de M. X,

- et les conclusions de M.Wallerich, commissaire du gouvernement ;
Sur le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 :
Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : « Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale » ; qu'il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;
Considérant que M. et Mme X, de nationalité malienne, sont les parents de quatre enfants nés en France ; que l'exécution de l'arrêté attaqué aurait pour effet, soit de priver leurs enfants de la présence de leur père pour le cas où ils resteraient en France aux côtés de leur mère, en situation irrégulière à la date de l'arrêté pris à l'encontre de son mari mais n'ayant pas fait l'objet d'une mesure d'éloignement et s'étant d'ailleurs vu reconnaître le statut de réfugié politique le 25 janvier 2008 par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, soit de les priver de la présence de leur mère s'ils accompagnaient l'intéressé dans son pays d'origine, alors qu'il n'est pas établi que Mme X pourrait les y rejoindre ; que, dès lors, M. X est fondé à soutenir que l'arrêté attaqué a été pris en méconnaissance des stipulations précitées ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE LA MARNE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé l'arrêté du 28 août 2007 par lequel il a décidé la reconduite à la frontière de M. X ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser à M. X une somme de 1500 euros au titre des frais exposés par celui-ci et non compris dans les dépens ;










D E C I D E :



Article 1er : La requête du PREFET DE LA MARNE est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à M. X une somme de 1500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire et à M. X.

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N° 07NC01371


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : Président de la cour
Numéro d'arrêt : 07NC01371
Date de la décision : 12/06/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. le Prés DANIEL GILTARD
Rapporteur public ?: M. WALLERICH
Avocat(s) : SCP MIRAVETE CAPELLI MICHELET

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2008-06-12;07nc01371 ?
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