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12/06/2008 | FRANCE | N°07NC01692

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, Président de la cour, 12 juin 2008, 07NC01692


Vu la requête, enregistrée le 5 décembre 2007, présentée par Mlle Laila X demeurant ... ; Mlle X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0702183 du 13 novembre 2007 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à annuler l'arrêté de la préfète des Ardennes du 21 octobre 2007 décidant sa reconduite à la frontière ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision attaquée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1500 euros au titre de l

'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- en raison de ...

Vu la requête, enregistrée le 5 décembre 2007, présentée par Mlle Laila X demeurant ... ; Mlle X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0702183 du 13 novembre 2007 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à annuler l'arrêté de la préfète des Ardennes du 21 octobre 2007 décidant sa reconduite à la frontière ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision attaquée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- en raison de son transfert au centre de rétention de Paris, le dossier aurait dû être immédiatement transmis au Tribunal administratif de Paris ;
- le jugement est irrégulier en tant qu'il viole les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en ne la convoquant pas à l'audience publique et ce, contrairement à ce qu'indique le jugement ;
- son état nécessite une prise en charge médicale en milieu spécialisé dont le défaut peut avoir des conséquences graves et irrémédiables pour elle ;
- l'arrêté de reconduite à la frontière a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'elle vit habituellement en France depuis 7 années, soit depuis l'âge de 25 ans, qu'elle a coupé tous liens avec sa famille eu égard aux menaces qui pèsent sur elle pour avoir refusé le mariage arrangé par son père et qu'elle a reconstitué sur le territoire national une nouvelle vie ;
- son renvoi au Maroc, alors qu'elle en est partie pour échapper à un mariage forcé, lui fait assurément courir des risques réels de mauvais traitements et serait contraire à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit de l'asile ;
Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 mai 2008 :
- le rapport de M. Giltard, président de la Cour,

- et les conclusions de M. Wallerich, commissaire du gouvernement ;

Sur la compétence du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 312-2 du code de justice administrative : « (...) Lorsqu'il n'a pas été fait application de la procédure de renvoi prévue à l'article R. 351-3 et que le moyen tiré de l'incompétence territoriale du tribunal administratif n'a pas été invoqué par les parties avant la clôture de l'instruction de première instance, ce moyen ne peut plus être ultérieurement soulevé par les parties ou relevé d'office par le juge d'appel ou de cassation. » ;
Considérant qu'en application de ces dispositions, le moyen tiré de l'incompétence territoriale du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne soulevé en appel par Mlle X est irrecevable dès lors que ce moyen n'a pas été soulevé en première instance par les parties ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 776-10 du code de justice administrative relatif au contentieux des arrêtés de reconduite à la frontière : « Les parties doivent être averties par tous moyens de la date, de l'heure et du lieu de l'audience. » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'afin de notifier à Mlle AMAROUI sa convocation à l'audience en date du 13 novembre 2007 du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, au cours de laquelle a été examinée sa demande d'annulation de l'arrêté de la préfète des Ardennes ordonnant sa reconduite à la frontière, un agent du commissariat de police de Puteaux s'est présenté, à une seule reprise, le 10 novembre 2007, au domicile de l'intéressée ; qu'en l'absence de Mlle X, il est constant que ni l'avis d'audience, ni aucun message l'invitant à venir en prendre connaissance au commissariat de police n'a été déposé à son domicile ; que, dès lors, Mlle X n'a pas été dûment convoquée au sens des dispositions susvisées ; qu'il suit de là que le jugement du 13 novembre 2007 a été rendu au terme d'une procédure irrégulière ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions de la demande de Mlle X dirigées contre l'arrêté du 21 octobre 2007 de la préfète des Ardennes ;
Sur les conclusions dirigées contre la décision de reconduite à la frontière :

Sur le moyen relatif à l'état de santé :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4, 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. » ; qu'aux termes de l'article R. 511-1 du même code : « L'état de santé défini au 10° de l'article L. 511-4 est constaté dans les mêmes conditions que celles qui sont prévues aux deux premiers alinéas de l'article R. 313-22 » et qu'en vertu des dispositions de cet article R. 313-22, un avis est émis par le médecin inspecteur départemental de la santé publique, au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressé ;
Considérant que Mlle X, de nationalité marocaine, qui produit devant le juge un certificat médical du 14 mars 2006 faisant état d'un syndrome dépressif sévère, a, lors de son interpellation par les services de police le 20 octobre 2007, invoqué des problèmes de santé dont elle ne connaissait pas la nature et a indiqué qu'elle consultait un dermatologue ; qu'elle n'a pas demandé à bénéficier d'un examen médical ; qu'en l'absence d'éléments suffisamment précis sur la nature et la gravité des troubles dont souffrait l'intéressée, la préfète des Ardennes n'était pas tenue de faire application des dispositions précitées avant de prendre un arrêté de reconduite à l'encontre de Melle X ;

Sur le moyen tiré d'une atteinte à la vie privée et familiale :

Considérant que Mlle X, née en 1972, qui déclare être entrée en France en août 2000, est célibataire sans enfant et n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où vivent ses parents, un de ses frères et deux de ses soeurs ; que si elle fait valoir qu'elle est bien insérée en France et dispose d'une promesse d'embauche, il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier qu'eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté de la préfète des Ardennes ait porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et ait ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur les conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination :
Considérant que si Mlle X fait valoir qu'elle a quitté le Maroc pour échapper à un mariage forcé, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle serait exposée, en cas de retour dans son pays d'origine, à des risques pour sa vie ou sa liberté ou à des mauvais traitements ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mlle X n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 21 octobre 2007 de la préfète des Ardennes ordonnant sa reconduite à la frontière et fixant le Maroc comme pays de destination ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en date du 13 novembre 2007 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mlle X devant le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mlle Laila X et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

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N°07NC01692


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : Président de la cour
Numéro d'arrêt : 07NC01692
Date de la décision : 12/06/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. le Prés DANIEL GILTARD
Rapporteur public ?: M. WALLERICH
Avocat(s) : BOUDJELTI

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2008-06-12;07nc01692 ?
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