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02/03/2009 | FRANCE | N°08NC00498

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 02 mars 2009, 08NC00498


Vu enregistré le 1er avril 2008, le recours présenté par le PREFET DU HAUT-RHIN. Le PREFET DU HAUT-RHIN demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0706020 en date du 21 février 2008 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté en date du 11 décembre 2007 par lequel il a refusé à Mme X un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire et fixant le pays de destination de la reconduite, l'a enjoint de délivrer à Mme X, sous quinzaine, un titre de séjour mention vie privée et familiale, a mis à sa charge la somme de mille eu

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Vu enregistré le 1er avril 2008, le recours présenté par le PREFET DU HAUT-RHIN. Le PREFET DU HAUT-RHIN demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0706020 en date du 21 février 2008 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté en date du 11 décembre 2007 par lequel il a refusé à Mme X un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire et fixant le pays de destination de la reconduite, l'a enjoint de délivrer à Mme X, sous quinzaine, un titre de séjour mention vie privée et familiale, a mis à sa charge la somme de mille euros au titre de l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme X devant le Tribunal administratif de Strasbourg ;

Le PREFET DU HAUT-RHIN soutient que c'est à tort que le tribunal a annulé ses décisions dans la mesure où l'intéressée, qui peut remplir les conditions propres au regroupement familial, a présenté une demande dilatoire d'asile avant d'épouser celui qu'elle fréquentait depuis cinq ans ; qu'aucune réelle menace ou considération humanitaire ne permet d'user des dispositions de l'article L. 411-5 du CESEDA ; que sa décision ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales eu égard aux conditions de séjour de l'intéressée et des liens qu'elle conserve, contrairement à ce qu'affirme le tribunal, en Turquie ; que les craintes qui pourraient justifier de l'application des stipulations de l'article 3 de ladite convention ne sont pas établies par le seul fait du mariage préparé avant l'arrivée sur le territoire, avec un étranger auquel a été reconnu le statut de réfugié ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les pièces du dossier ;

Vu enregistré le 27 janvier 2009, le mémoire en défense présenté pour Mme Tulay X, demeurant ... par Me Aydin-Izouli, avocat, tendant au rejet du recours, à ce qu'il soit enjoint au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer un titre de séjour « vie privée et familiale » sous quinzaine à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 2 000 euros au titre l'article

L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que les moyens du recours sont infondés, que le préfet n'a pas exécuté le jugement qui lui ordonnait de délivrer un titre de séjour ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 février 2009 :

- le rapport de M. Job, président,

- les observations de Me Karimi, avocate de Mme Gunes,

- et les conclusions de M. Wallerich, rapporteur public ;

Considérant qu'en application de l'article L. 511-1 I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui dispose que : - I. - L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa. L'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation. (...). L'étranger dispose, pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, d'un délai d'un mois à compter de sa notification. Passé ce délai, cette obligation peut être exécutée d'office par l'administration. (...). » , le PREFET DU HAUT-RHIN, par décision du 11 décembre 2007 a refusé à Mme Gunes le titre de séjour sollicité, assortissant celui-ci d'une obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi ; qu'au motif que la décision portant refus de séjour violait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le tribunal a annulé les décisions par le jugement attaqué ;

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui» ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mlle Z a fait la connaissance puis a fréquenté M. Gunes en Turquie, le pays dont ils sont ressortissants ; que M. Gunes ayant, quitté ce pays pour bénéficier, en France, du statut de réfugié, l'intéressée, qui avait maintenu des contacts téléphoniques fréquents avec lui, est venue le rejoindre en avril 2006 lors d'une entrée irrégulière sur le territoire, à l'âge de dix neuf ans, puis l'a épousé le 29 juillet suivant ; que, si lors de son entrée sur le territoire, Mlle a immédiatement sollicité l'asile territorial, ni l'Office français de protection des réfugiés et apatrides par décision du 30 octobre 2006, ni la commission du recours des réfugiés le 28 novembre 2007 n'ont trouvé dans les faits qu'elle alléguait, matière à l'octroi du bénéfice de ce statut ; que, nonobstant son mariage programmé avec M. Gunes puis réalisé trois mois après son entrée en France, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de la durée et des conditions de son séjour sur le territoire, de la possibilité pour son mari de solliciter un regroupement familial, de la présence en Turquie de l'ensemble des familles, le rejet le

11 décembre 2007 de la demande de titre de séjour n'a pas porté à ses droits au respect de sa vie privée et familiale, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que dans ces conditions, le PREFET DU HAUT-RHIN est fondé à soutenir que dans les circonstances de l'espèce, le tribunal a fait une application erronée des dispositions conventionnelles sus-mentionnées ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme Gunes devant le Tribunal administratif de Strasbourg ;

Considérant, d'une part, que la décision portant refus de séjour comporte les considérations de droit et les circonstances de faits qui la motivent ; que le moyen tiré d'une motivation insuffisante de la décision manque en fait ;

Considérant, d'autre part, que le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'appui d'un recours contre une décision portant refus de séjour ;

Considérant, enfin, que l'appréciation qu'a faite le préfet des circonstances de l'espèce ne révèle pas d'erreur manifeste d'appréciation de la situation de Mme Gunes ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :

Considérant, d'une part, qu'en vertu des dispositions de l'article L. 511-1 CESEDA ci-dessus mentionnées la décision portant obligation de quitter le territoire n'ont pas à être motivées ; que le moyen tiré de l'absence de cette motivation est infondé ;

Considérant, d'autre part, qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision portant refus de séjour n'est pas fondé ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

Considérant que si Mme Gunes se prévaut des risques qu'elle encourrait en cas de retour en Turquie pour soutenir que la décision qui la renvoie dans son pays d'origine viole les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, elle ne l'établit ni par les pièces du dossier, ni par la seule circonstance de son mariage célébré en France avec un compatriote admis au statut de réfugié ;

Considérant qu'il résulte de ce tout ce qui précède que le PREFET DU HAUT-RHIN est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué qui doit être annulé, le Tribunal administratif de Strasbourg a annulé ses décisions du 11 décembre 2007, l'a enjoint de délivrer à Mme Gunes un titre de séjour mention vie privée et familiale, et a mis à la charge de l'Etat, la somme de mille euros au titre de l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Sur les conclusions incidentes :

Considérant qu'en tout état de cause, il résulte de ce qui précède que les conclusions présentées par Mme Gunes tendant à ce qu'il soit enjoint au PREFET DU HAUT-RHIN de lui délivrer un titre de séjour « vie privée et familiale » sous quinzaine à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante verse à

Mme Gunes, la somme qu'elle réclame au titre desdites dispositions ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 0706020 du 21 février 2008 du Tribunal administratif de Strasbourg est annulé.

Article 2 : La demande de Mme Gunes présentée devant le Tribunal administratif de Strasbourg et les conclusions qu'elle présente devant la Cour sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire et à Mme Tulay Gunes.

Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.

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08NC00498


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08NC00498
Date de la décision : 02/03/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. JOB
Rapporteur ?: M. Pascal JOB
Rapporteur public ?: M. WALLERICH
Avocat(s) : AYDIN IZOULI

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2009-03-02;08nc00498 ?
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