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09/04/2009 | FRANCE | N°08NC00154

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 09 avril 2009, 08NC00154


Vu la requête, enregistrée le 31 janvier 2008, présentée pour M. Dominique X, demeurant ..., par la SCP d'avocats Delhomme-Bregou et Associés ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0402037-0500789 du 4 décembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ses demandes tendant, d'une part, à annuler la décision en date du 19 octobre 2004 par laquelle le directeur général de la Chambre de commerce et d'industrie de Reims-Epernay a prononcé son licenciement pour insuffisance professionnelle ainsi que la décision implicite par

laquelle le directeur général de la chambre de commerce et d'industrie...

Vu la requête, enregistrée le 31 janvier 2008, présentée pour M. Dominique X, demeurant ..., par la SCP d'avocats Delhomme-Bregou et Associés ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0402037-0500789 du 4 décembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ses demandes tendant, d'une part, à annuler la décision en date du 19 octobre 2004 par laquelle le directeur général de la Chambre de commerce et d'industrie de Reims-Epernay a prononcé son licenciement pour insuffisance professionnelle ainsi que la décision implicite par laquelle le directeur général de la chambre de commerce et d'industrie de Reims-Epernay a rejeté son recours gracieux en date du 16 décembre 2004 et à ordonner sa réintégration avec reconstitution de carrière à compter du 19 octobre 2004 sous astreinte de 1 000 € par jour de retard et, d'autre part, à condamner la Chambre de commerce et d'industrie de Reims-Epernay à lui verser l'ensemble des salaires dus à compter de la date de son éviction jusqu'au jour de sa réintégration, une indemnité complémentaire de 100 000 € destinée à réparer l'intégralité du préjudice subi du fait des conséquences de la rupture abusive de son contrat, une indemnité compensatrice de 4 793,55 € en remboursement des frais d'aménagement de son logement de fonction, la somme de 200 000 € au titre du préjudice moral subi, et, enfin, une somme de 5 000 € au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) d'annuler la décision en date du 19 octobre 2004 par laquelle le directeur général de la Chambre de commerce et d'industrie de Reims-Epernay a prononcé son licenciement pour insuffisance professionnelle, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;

3°) d'enjoindre la Chambre de commerce et d'industrie de Reims-Epernay de le réintégrer à son poste de directeur avec reconstitution de carrière, sous astreinte de 100 € par jours de retard à compter de la notification de la décision à intervenir ;

4°) de condamner la Chambre de commerce et d'industrie de Reims-Epernay à lui verser l'ensemble des salaires dus à compter de la date de son éviction jusqu'au jour de sa réintégration, la somme de 1 000 € pour rupture abusive du contrat, la somme de 4 793,55 € en remboursement des frais d'aménagement de son logement de fonction exposés en pure perte, et la somme de 200 000 € au titre du préjudice moral subi ;

5°) de condamner la Chambre de commerce et d'industrie de Reims-Epernay à lui verser une somme de 2 000 € au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- les premiers juges ont commis une erreur de droit et une erreur dans la qualification juridique des faits en estimant que les entretiens des 27 avril et 16 juin 2004, préalables à l'engagement de la procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle, avaient respecté les prescriptions de l'article 34 du statut du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie ;

- les premiers juges ont commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant que son insuffisance professionnelle était établie, les objectifs fixés ayant été atteints ;

- son licenciement, abusif, est donc fautif et de nature à lui ouvrir droit à réparation, pour un montant global de 304 793,55 € ;

Vu le jugement et les décisions attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 30 mai 2008, présenté pour la Chambre de commerce et d'industrie de Reims-Epernay par Me Revault d'Allonnes ; la Chambre de commerce et d'industrie de Reims-Epernay conclut au rejet de la requête ;

Elle fait valoir que :

- les trois entretiens d'évaluation qui ont eu lieu durant le stage probatoire de M. X ont donné lieu à des observations critiques sur sa manière de travailler ;

- les deux entretiens préalables au licenciement de M. X ont été conduits conformément aux dispositions de l'article 34 du statut des personnels des chambres de commerce et d'industrie ;

- les objectifs professionnels fixés à M. X, qui entraient dans le cadre de la définition de son poste, n'ont pas été atteints ou l'ont été avec retard ou partiellement, ou ont dû être réalisés par d'autres agents ;

- ni le harcèlement moral ni le préjudice dont M. X se prévaut ne sont établis ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 26 décembre 2008, présenté pour M. X, qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;

Il soutient en outre que :

- aucun manquement ne lui a été reproché durant sa période de stage ;

- il a atteint les objectifs qui étaient réalisables ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 27 février 2009, présenté pour M. X, qui précise l'évolution de sa situation personnelle consécutivement à son licenciement ;

Vu l'ordonnance du président de la troisième chambre de la Cour fixant la clôture de l'instruction de la présente instance au 2 mars 2009 à 16 heures ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 52-1311 du 10 décembre 1952 relative à l'établissement obligatoire d'un statut du personnel administratif des chambres d'agriculture, de commerce et des métiers ;

Vu le décret n° 91-739 du 18 juillet 1991 relatif aux chambres de commerce et d'industrie, aux chambres régionales de commerce et d'industrie, à l'assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie et aux groupements interconsulaires ;

Vu l'arrêté du 25 juillet 1997 relatif au statut du personnel de l'assemblée française de commerce et d'industrie, des chambres régionales de commerce et d'industrie, des chambres de commerce et d'industrie et des regroupements consulaires ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 mars 2009 :

- le rapport de M. Favret, premier conseiller ;

- les observations de Me Revault d'Allonnes, avocat de la Chambre de commerce et d'industrie de Reims-Epernay ;

- et les conclusions de M. Collier, rapporteur public ;

Considérant que M. X a été recruté à compter du 2 décembre 2002 par la Chambre de commerce et d'industrie de Reims-Epernay en qualité de directeur de Reims Management School (RMS), puis titularisé, après un stage probatoire, à compter du 2 décembre 2003 ; que, le 19 octobre 2004, la Chambre de commerce et d'industrie de Reims-Epernay lui a notifié son licenciement pour insuffisance professionnelle ; que, par recours gracieux en date du 16 décembre 2004, M. X a demandé au directeur général de la Chambre de commerce et d'industrie de Reims-Epernay de revenir sur cette décision, de le réintégrer dans ses fonctions et de réparer le préjudice subi ; qu'une décision implicite de rejet est née du silence gardé sur cette réclamation ;

Sur la légalité du licenciement pour insuffisance professionnelle :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. X, directeur de Reims Management School, était agent titulaire soumis au statut du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie, établi en application des dispositions de la loi susvisée du 10 décembre 1952 ; que, dès lors, il avait la qualité d'agent public ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi susvisée du 10 décembre 1952 : La situation du personnel administratif des chambres d'agriculture, des chambres de commerce et des chambres de métiers de France est déterminée par un statut établi par des commissions paritaires nommées, pour chacune de ces institutions, par le ministre de tutelle ; qu'aux termes l'article 33 du statut du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie : La cessation de fonctions de tout agent titulaire ne peut intervenir que dans les conditions suivantes : (...) 4°) Par licenciement pour insuffisance professionnelle, après avis de la commission paritaire compétente (...) ; qu'aux termes l'article 34 du même statut : En application de l'article 33 quatrièmement, l'introduction d'un dossier de licenciement pour insuffisance professionnelle devant la commission paritaire locale doit avoir respecté la procédure suivante : / - le salarié doit avoir été convoqué au moins deux fois au préalable par le directeur général ou le responsable hiérarchique que celui-ci aura désigné. Ces rencontres font l'objet d'un compte-rendu écrit mettant en évidence : les faits caractérisant l'insuffisance professionnelle, les objectifs fixés au cours de l'entretien et les moyens à mettre en oeuvre pour remédier à la situation, les échéances calendaires auxquelles seront constatées ou non les améliorations de la situation. / - La commission paritaire locale, lors de sa tenue, possèdera l'ensemble des éléments constitutifs du dossier établi à l'issue des divers entretiens lui permettant d'émettre son avis (...) ; qu'il ressort des pièces du dossier que si M. X a été convoqué, les 27 avril et 16 juin 2004, à deux entretiens au cours desquels le directeur général de la Chambre de commerce et d'industrie de Reims-Epernay lui a reproché des insuffisances professionnelles et lui a assigné plusieurs objectifs, la lettre de convocation au premier entretien précise qu'il s'agit d'obtenir des explications rentrant dans le cadre normal de reporting régulier de votre activité à transmettre à la direction générale ; qu'un tel libellé ne pouvait conduire M. X à regarder ledit entretien comme étant le premier entretien préalable à l'engagement de la procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle, prévu par l'article 34 du statut ; que, dans ces conditions, et quand bien même la lettre de convocation au deuxième entretien souligne qu'il a pour objet l'examen ensemble des conditions de la poursuite de votre collaboration , ce qui, contrairement à ce que soutient le requérant, constitue une indication propre à faire apparaître l'intention de son employeur d'introduire à son encontre une procédure de licenciement, la réunion de la commission paritaire locale n'a pas été précédée de deux entretiens répondant aux prescriptions de l'article 34 précité ; qu'il s'ensuit que M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que les prescriptions précitées de l'article 34 du statut du personnel administratif n'avaient pas été méconnues et, par suite, à demander l'annulation, d'une part, du jugement du 4 décembre 2007 du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, d'autre part, de la décision litigieuse du 19 octobre 2004, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;

Sur les effets de l'annulation :

Considérant qu'en cas d'annulation par le juge de l'excès de pouvoir d'une mesure illégale d'éviction, l'agent doit être regardé comme n'ayant jamais été évincé de son emploi et cette annulation a pour effet de replacer l'agent dans la situation administrative où il se trouvait avant l'intervention de la mesure contestée ; que si l'administration, si elle s'y croit fondée, a la possibilité en cas d'annulation pour vice de procédure ou vice de forme de prendre une nouvelle mesure d'éviction, en tenant compte des irrégularités relevées par le juge, l'annulation pour excès de pouvoir, quel qu'en soit le motif, d'une décision d'éviction illégale oblige l'autorité compétente à réintégrer juridiquement l'agent à la date de son éviction, à prendre rétroactivement les mesures nécessaires pour reconstituer sa carrière si besoin est et le placer dans une position régulière ; que l'administration doit également de sa propre initiative procéder au rétablissement de l'agent dans ses droits sociaux, s'agissant notamment du paiement de la part patronale des cotisations de sécurité sociale, ainsi que dans ses droits à pension en procédant à la régularisation des cotisations afférentes à la période d'éviction, laquelle est, en vertu de la reconstitution, assimilée à des services effectifs au sens de la législation sur les pensions pour l'ouverture du droit à pension et la liquidation de la pension ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X a fait valoir ses droits à la retraite à compter du 1er avril 2007 ; qu'il s'ensuit que ses conclusions tendant à enjoindre la chambre de commerce et d'industrie de le réintégrer à son poste de directeur ne peuvent qu'être rejetées ; qu'aucune stipulation de son contrat de travail ne prévoyant une quelconque progression de carrière, l'intéressé ne peut pas davantage prétendre à une reconstitution de sa carrière ; qu'en revanche, l'annulation du licenciement de M. X implique la réintégration juridique de l'intéressé à compter de la date de son éviction et la reconstitution de ses droits sociaux et à pension de retraite, comme précisé ci-dessus, et ce jusqu'au 1er avril 2007, date de son admission à la retraite ; qu'il y a lieu d'enjoindre la Chambre de commerce et d'industrie de Reims-Epernay de procéder aux mesures qui précèdent dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions indemnitaires :

Considérant, en premier lieu, que si le requérant ne peut, en l'absence de service fait, prétendre au rappel de son traitement, il est toutefois fondé à demander à la chambre de commerce et d'industrie la réparation du préjudice qu'il a réellement subi du fait de son licenciement pour insuffisance professionnelle intervenu selon une procédure irrégulière ; qu'il convient cependant, pour fixer l'indemnité à laquelle il a droit, de tenir compte notamment de l'importance respective des irrégularités entachant la décision litigieuse et des insuffisances relevées à la charge de M. X, lesquelles sont établies, contrairement à ce qu'il soutient ; qu'il résulte en effet de l'instruction que l'intéressé ne procédait pas à une information régulière de sa hiérarchie sur son activité, ne donnait pas suite à certaines des instructions reçues et n'est pas parvenu à atteindre la plupart des objectifs qui lui étaient assignés ; que l'intéressé n'établit par ailleurs ni avoir subi un préjudice moral du fait de son licenciement, ni que les frais exposés pour l'aménagement de son logement de fonction étaient nécessaires pour le rendre habitable ; qu'eu égard à ce qui précède, il serait fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce en condamnant la Chambre de commerce et d'industrie à payer au requérant une indemnité de 25 000 € ;

Sur les conclusions au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la Chambre de commerce et d'industrie de Reims-Epernay à verser à M. X une somme de 1 500 € sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du 4 décembre 2007 du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est annulé.

Article 2 : La décision du 19 octobre 2004 par laquelle le directeur général de la Chambre de commerce et d'industrie de Reims-Epernay a prononcé le licenciement de M. X est annulée, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

Article 3 : La Chambre de commerce et d'industrie de Reims-Epernay est condamnée à payer à M. X une indemnité de 25 000 €.

Article 4 : La Chambre de commerce et d'industrie de Reims-Epernay est enjointe, dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt, de prononcer la réintégration juridique de M. X à compter de la date d'effet de son licenciement et au rétablissement de ses droits sociaux, et notamment de ses droits à pension, conformément aux motifs exposés

ci-dessus.

Article 5 : La Chambre de commerce et d'industrie de Reims-Epernay versera à M. X une somme de 1 500 € au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions de M. X est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. Dominique X et à la Chambre de commerce et d'industrie de Reims-Epernay.

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N°08NC00154


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08NC00154
Date de la décision : 09/04/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. VINCENT
Rapporteur ?: M. Jean-Marc FAVRET
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : SCP DELHOMME BREGOU ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2009-04-09;08nc00154 ?
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