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18/06/2009 | FRANCE | N°07NC00629

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 18 juin 2009, 07NC00629


Vu la requête, enregistrée le 24 mai 2007, présentée pour l'EURL SANTINI INGENIERIE, dont le siège social est sis 54 rue du Petit Montmarin à Vesoul (70000), par Me Huet ; l'EURL SANTINI INGENIERIE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0300342 du 27 mars 2007 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à ce que la procédure de concours restreint suivie par le Centre hospitalier intercommunal de la Haute-Saône Paul Morel pour l'attribution du marché de maîtrise d'oeuvre en vue de la construction d'un hôpital intercommunal soit

reconnue irrégulière, à ce que la décision du centre hospitalier rejet...

Vu la requête, enregistrée le 24 mai 2007, présentée pour l'EURL SANTINI INGENIERIE, dont le siège social est sis 54 rue du Petit Montmarin à Vesoul (70000), par Me Huet ; l'EURL SANTINI INGENIERIE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0300342 du 27 mars 2007 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à ce que la procédure de concours restreint suivie par le Centre hospitalier intercommunal de la Haute-Saône Paul Morel pour l'attribution du marché de maîtrise d'oeuvre en vue de la construction d'un hôpital intercommunal soit reconnue irrégulière, à ce que la décision du centre hospitalier rejetant l'offre du groupement dont elle était membre soit déclarée illégale et à la condamnation du centre hospitalier à lui verser une indemnité de 800 000 € ;

2°) de déclarer irrégulière l'attribution du marché de maîtrise d'oeuvre à l'équipe Groupe 6 du fait de la méconnaissance du règlement du concours ;

3°) de condamner le centre hospitalier à lui verser une somme de 700 000 € au titre du manque à gagner et une somme de 100 000 € au titre de la perte de notoriété ;

4°) de condamner le centre hospitalier à lui verser une somme de 5 000 € au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le tribunal administratif a omis de statuer sur le moyen tiré de la violation par le centre hospitalier de l'article 1er du règlement du concours ;

- le centre hospitalier ne pouvait légalement déclarer lauréat un candidat dont l'offre ne respectait pas les prescriptions du règlement du concours ; l'offre du lauréat retenu dépassait le seuil maximal fixé par le maître d'ouvrage pour l'enveloppe financière prévisionnelle;

- l'illégalité ayant entaché le choix du lauréat lui a directement causé un préjudice ;

- le groupement dont elle faisait partie ayant été déclaré co-lauréat avec l'équipe attributaire du marché avait des chances très sérieuses d'emporter celui-ci ;

- elle a droit à la réparation du manque à gagner et de la perte de notoriété qu'elle a subis ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les mémoires en défense, enregistrés les 22 octobre 2007 et 22 mai 2009, présentés pour le Centre hospitalier intercommunal de la Haute-Saône Paul Morel, représenté par son directeur, par Me Buès ; le centre hospitalier conclut au rejet de la requête et à la condamnation de l'EURL SANTINI INGENIERIE à lui verser une somme de 6 000 € au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; il soutient que :

- l'EURL SANTINI INGENIERIE n'a ni intérêt ni capacité à agir dans le cadre d'une action en indemnisation ;

- le moyen tiré de l'omission à statuer par le tribunal administratif manque en fait ;

- le dépassement allégué de l'enveloppe prévisionnelle par l'offre du groupement attributaire du marché résulte d'un simple redressement de cette offre estimé par la commission technique ; l'avis de la commission repose sur une simple estimation ;

- le groupement attributaire a confirmé son offre initiale qui ne dépassait pas le seuil fixé ;

- l'offre du groupement attributaire était conforme aux termes du règlement du concours ; c'est sur la base confirmée par le lauréat que le marché a été conclu ;

- le programme et l'enveloppe financière prévisionnelle définis avant tout commencement des avant-projets peuvent être précisés par le maître de l'ouvrage avant tout commencement des études de projet ;

- le groupement dont faisait partie l'EURL SANTINI INGENIERIE, qui n'avait recueilli qu'une seule voix, ne pouvait raisonnablement emporter le marché ;

- le montant des indemnités sollicitées n'est ni justifié ni réaliste ; la marge bénéficiaire avancée est excessive et n'est étayée par aucun document de comptabilité analytique ;

Vu l'ordonnance en date du 10 avril 2009 du président de la 3ème chambre fixant la clôture de l'instruction de la présente affaire au 15 mai 2009 à 16 heures ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 14 mai 2009, présenté pour l'EURL SANTINI INGENIERIE, qui conclut aux mêmes fins que sa requête et fait en outre valoir que :

- elle a intérêt et qualité à agir, en sa qualité de membre d'une équipe qui a été évincée d'un marché public ;

- le dépassement de 3 % de l'enveloppe financière par l'équipe lauréate n'est pas une simple estimation de la commission technique, mais résulte d'une analyse économique du projet ;

- le respect de l'enveloppe s'apprécie au jour de la délibération du jury et prend en compte les indices existants à cette date ;

- la marge qui aurait été dégagée se serait élevée à 610 039,76 € HT, à laquelle il faut ajouter la réduction des frais généraux de la société et la réduction des frais de transport, compte tenu de la proximité du chantier ; ainsi, le préjudice global peut être évalué à 700 000 € ;

Vu l'ordonnance en date du 15 mai 2009 par laquelle le président de la 3ème chambre a rouvert l'instruction de la présente affaire ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 mai 2009 :

- le rapport de M. Brumeaux , président,

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,

- et les observations de Me Blandin, du cabinet Michel Huet, avocat de l'EURL SANTINI INGENIERIE, et de Me Bauer, substituant Me Buès, avocat du Centre hospitalier intercommunal de la Haute-Saône ;

Vu les notes en délibéré, enregistrées le 29 mai 2009, produites pour le Centre hospitalier intercommunal de la Haute-Saône et pour l'EURL SANTINI INGENIERIE ;

Considérant qu'un concours restreint de maîtrise d'oeuvre pour l'attribution d'un marché d'architecture et d'ingénierie relatif à la construction d'un hôpital intercommunal à Vesoul a été organisé entre trois équipes de maîtrise d'oeuvre par le Centre hospitalier intercommunal de la Haute-Saône ; qu'après examen des offres dont l'anonymat n'avait pas été levé, le jury a, lors de sa réunion du 17 juin 2002, classé en premier rang le projet proposé par l'équipe Groupe 6 et, en deuxième rang, celui proposé par l'équipe Reichen et Robert ; qu'après avoir retenu comme co-lauréats ces deux équipes, la personne responsable du marché a engagé des négociations avec elles ; que le choix du Centre hospitalier intercommunal de la Haute-Saône s'est porté sur l'équipe Groupe 6 ; que l'EURL SANTINI INGENIERIE, qui faisait partie du groupement Reichen et Robert, interjette appel du jugement du 27 mars 2007 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande d'indemnisation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de l'irrégularité qui entacherait la procédure suivie pour l'attribution du marché de maîtrise d'oeuvre ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le centre hospitalier et tirée de l'irrecevabilité de la requête :

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que, contrairement à ce que soutient l'EURL SANTINI INGENIERIE, le tribunal administratif a répondu au moyen tiré de la méconnaissance de l'article 1er du règlement du concours en faisant valoir que le critère financier était classé au quatrième rang et que le dépassement constaté de l'enveloppe financière sur le projet de l'équipe Groupe 6 était de faible importance ; qu'ainsi, quel que soit au demeurant le bien-fondé de cette motivation, les premiers juges n'ont pas entaché leur décision d'irrégularité sur ce point ;

Sur les conclusions indemnitaires :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'attribution du marché :

Considérant, d'une part, qu'aux termes du II de l'article 74 du code des marchés publics, dans sa rédaction issue du décret du 7 mars 2001, alors applicable : Les marchés de maîtrise d'oeuvre sont passés selon les modalités suivantes : (...) 3) Au-delà de 200 000 € HT, la procédure du concours est obligatoire. Ce concours est un concours restreint organisé dans les conditions définies à l'article 71. Le marché est attribué par la personne responsable du marché ou, pour les collectivités territoriales, par l'assemblée délibérante. (...) ; qu'aux termes du 3 de l'article 71 du même code : Les prestations des candidats sont évaluées par le jury qui en vérifie la conformité au règlement du concours et en propose un classement fondé sur les critères indiqués dans l'avis d'appel à la concurrence. (...) ;

Considérant, d'autre part, que l'article 7.2 du règlement du concours précise que : Les projets seront jugés au regard des critères suivants, établis par ordre de priorité décroissant : conformité au programme et au règlement de concours, qualité architecturale et insertion dans le site, fonctionnalité du projet et efficacité, respect de l'enveloppe financière affectée aux travaux, technique de construction et pérennité des ouvrages, économie globale du projet (investissement, exploitation et maintenance) ; qu'aux termes de l'article 7.3 de ce règlement : 1) Le jury entend le conducteur d'opération rapporteur de la commission technique. (...) 3) Les prestations des candidats sont évaluées par le jury qui en vérifie la conformité au règlement de concours et en propose un classement fondé sur les critères indiqués dans l'avis d'appel public à la concurrence et rappelés ci-dessus (article 7.2) (...) ; que l'article 1er du règlement susmentionné dispose que : La part de l'enveloppe financière affectée aux travaux est évaluée à 51,7 millions d'euros HT (valeur janvier 2001). (...) Ce budget doit être considéré en valeur plafond, que les maîtres d'oeuvre ne devront pas dépasser quel qu'en soit le motif. ;

Considérant qu'il ressort des dispositions précitées du code des marchés publics et du règlement du concours que les prestations des candidats devaient respecter les conditions prévues par ce règlement et que le jury chargé d'évaluer ces prestations devait examiner notamment leur conformité audit règlement ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le montant prévisionnel des travaux du projet de l'équipe lauréate Groupe 6, arrêté à 53 285 350 € HT, et qui a été le montant auquel le marché a été effectivement conclu le 30 août 2002, était supérieur au montant de l'enveloppe financière fixé par le règlement du marché et qui avait été actualisé à 53 179 674 € le 24 mai 2002 par la commission technique à partir de l'index BT alors connu ; que le centre hospitalier ne saurait utilement invoquer la prise en compte de l'indice des prix du bâtiment fixé pour avril 2002, mais qui n'a été publié que le 2 août 2002 et n'était ainsi pas connu le 17 juin 2002, date de la délibération du jury, pour soutenir que ce projet respectait l'enveloppe financière affectée aux travaux ; qu'ainsi, si le projet répondait aux autres critères fixés par le règlement du concours, il ne respectait pas les dispositions susmentionnées de l'article 1er dudit règlement en vertu desquelles l'enveloppe financière prévue ne peut être dépassée pour quelque motif que ce soit ; que, quelles qu'aient pu être les qualités reconnues au projet lauréat lors de l'examen des offres auquel il a été procédé et quelle que soit l'importance du dépassement de l'enveloppe financière, il appartenait au jury de se conformer aux dispositions impératives du règlement du concours et, par voie de conséquence, d'exclure du classement cette prestation dès lors qu'elle ne répondait pas à l'une des conditions imposées aux candidat ; que si le Centre hospitalier intercommunal de la Haute-Saône fait valoir que le programme et l'enveloppe financière prévisionnelle, définis avant tout commencement des avant-projets, peuvent être précisés par le maître de l'ouvrage avant tout commencement des études de projet, cette règle, qui permet seulement au maître de l'ouvrage d'apporter avec la collaboration du maître d'oeuvre retenu des précisions au programme, ne doit pas apporter des modifications de nature à porter atteinte au principe d'égalité entre les concurrents ; que c'est ainsi à tort que les premiers juges ont estimé que l'offre de l'équipe Groupe 6 n'avait pas méconnu le règlement du concours et qu'ainsi la procédure d'attribution du marché n'était pas entachée d'irrégularité ;

En ce qui concerne le préjudice subi par l'EURL SANTINI INGENIERIE :

Considérant que lorsqu'une entreprise candidate à l'attribution d'un marché public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce dernier, il appartient au juge de vérifier d'abord si l'entreprise était ou non dépourvue de toute chance de remporter le marché ; que, dans l'affirmative, l'entreprise n'a droit à aucune indemnité ; que, dans la négative, elle a droit en principe au remboursement des frais qu'elle a engagés pour présenter son offre ; qu'il convient ensuite de rechercher si l'entreprise avait des chances sérieuses d'emporter le marché ; que, dans un tel cas, l'entreprise a droit à être indemnisée de son manque à gagner, incluant nécessairement, puisqu'ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de présentation de l'offre qui n'ont donc pas à faire l'objet, sauf stipulation contraire du contrat, d'une indemnisation spécifique ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction et notamment du procès-verbal de la réunion du jury en date du 17 juin 2002 que, sur les trois équipes admises auparavant à concourir, le projet présenté par l'équipe ultérieurement retenue par le maître d'ouvrage a recueilli 8 voix, et les deux autres, dont celui présenté par le groupement auquel appartenait la société requérante, chacun une voix ; que le jury ayant effectué un second vote pour départager ces deux derniers projets, celui-ci a obtenu 5 voix et l'autre, estimé néanmoins comporter un inconvénient majeur en termes de coût, 4 voix ; que si le projet présenté par le groupement dont l'EURL SANTINI INGENIERIE était membre avait été jugé offrir des perspectives intéressantes, le jury n'avait néanmoins noté que peu d'aspects positifs et avait retenu en revanche de nombreux aspects négatifs, dont certains considérés comme suscitant des réserves majeures, concernant notamment les aménagements extérieurs, l'absence d'éclairage naturel de certains locaux de travail et la conception du pôle mère-enfant ; que par suite, compte tenu de ces éléments, et quand bien même le projet retenu comportait également des aspects négatifs, la société requérante ne peut pas être regardée comme démontrant avoir été privée d'une chance sérieuse de l'emporter ; que la seule circonstance que le groupement auquel appartenait l'EURL SANTINI INGENIERIE ait été déclaré co-lauréat avec celui retenu ne saurait par ailleurs conduire à estimer qu'il avait nécessairement des chances sérieuses de l'emporter, dès lors que le maître d'ouvrage détient toujours la possibilité, en présence de projets estimés insatisfaisants, de mettre fin à la procédure d'attribution du marché ;

Considérant, en deuxième lieu, que si l'EURL SANTINI INGENIERIE, qui n'était pas dépourvue de toute chance de remporter le marché, est en droit d'obtenir le remboursement des frais exposés pour présenter son offre, elle n'établit pas ni même n'allègue que ces frais auraient excédé le montant de l'indemnité forfaitaire fixé à 115 500 € par l'article 8 du règlement de ce concours prévu pour chaque candidat ayant remis des prestations conformes ; que, par suite, les conclusions indemnitaires de l'EURL SANTINI INGENIERIE doivent être rejetées ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'EURL SANTINI INGENIERIE n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa requête ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le Centre hospitalier intercommunal de la Haute-Saône, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser au la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'EURL SANTINI INGENIERIE une somme de 1 500 € au titre des frais exposés par le Centre hospitalier intercommunal de la Haute-Saône et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de l'EURL SANTINI INGENIERIE est rejetée.

Article 2 : L'EURL SANTINI INGENIERIE versera au Centre hospitalier intercommunal de la Haute-Saône une somme de 1 500 € (mille cinq cents) au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'EURL SANTINI INGENIERIE et au Centre hospitalier intercommunal de la Haute Saône Paul Morel.

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N°07NC00629


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 07NC00629
Date de la décision : 18/06/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. VINCENT
Rapporteur ?: M. Michel BRUMEAUX
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : CABINET MICHEL HUET

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2009-06-18;07nc00629 ?
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