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17/06/2010 | FRANCE | N°09NC00750

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 17 juin 2010, 09NC00750


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 20 mai 2009, présentée pour la , représentée par son maire, demeurant en cette qualité à l'Hôtel de Ville, Le Bourg à Courmont (70400), par Me Gasse ;

La demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0700870 du 19 mars 2009 du Tribunal administratif de Besançon en tant qu'il a limité à 50 % la part de responsabilité de l'entreprise Patrick Sage dans la survenue des désordres affectant le bâtiment de l'ancienne mairie ;

2°) de condamner l'entreprise Patrick Sage à lui verser la somme de 172 000 eur

os au titre du coût actualisé des travaux de remise en état du bâtiment, 11 000 euros ...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 20 mai 2009, présentée pour la , représentée par son maire, demeurant en cette qualité à l'Hôtel de Ville, Le Bourg à Courmont (70400), par Me Gasse ;

La demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0700870 du 19 mars 2009 du Tribunal administratif de Besançon en tant qu'il a limité à 50 % la part de responsabilité de l'entreprise Patrick Sage dans la survenue des désordres affectant le bâtiment de l'ancienne mairie ;

2°) de condamner l'entreprise Patrick Sage à lui verser la somme de 172 000 euros au titre du coût actualisé des travaux de remise en état du bâtiment, 11 000 euros au titre des frais actualisés de maîtrise d'oeuvre, 6 473 euros au titre des frais d'honoraires de l'entreprise Est Expertises et 12 600 euros au titre de la perte de loyers ;

3°) de mettre à la charge de l'entreprise Patrick Sage une somme de 4 000 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- l'entreprise Patrick Sage est entièrement responsable des désordres affectant le bâtiment de l'ancienne mairie : la commune n'a donné aucune instruction précise à l'entreprise et n'avait pas de connaissance technique du site ; l'expert ne fait pas de reproche à la commune et ne se prononce pas précisément sur la cause du sinistre ; rien ne permet d'affirmer qu'il aurait fallu réaliser une étude de sol et recourir à un architecte pour des opérations aussi banales que la réalisation d'un drainage, d'un parking et d'une rampe d'accès pour handicapés ; l'effondrement de la façade résulterait plutôt d'une erreur de l'entreprise qui a creusé la tranché trop près du bâtiment ;

- c'est à tort que le tribunal a appliqué un coefficient de vétusté de 30 % ; seul le rez-de-chaussée était vétuste ; le reste de l'immeuble accueillait les locataires de la mairie ;

- c'est à tort que le tribunal a déduit la somme de 15 069,98 euros versée par la compagnie Generali, qui ne finançait que des travaux d'urgence dont le coût n'est pas repris dans le décompte ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 8 avril 2010, présenté pour l'entreprise Patrick Sage par Me Teboul, qui conclut :

1°) au rejet de la requête de la ;

2°) par voie d'appel incident, à la réformation du jugement en tant qu'il a fixé à 50 % sa part de responsabilité dans la survenue des désordres affectant le bâtiment de l'ancienne mairie ;

3°) à la condamnation de la à lui rembourser les sommes trop perçues par elle en exécution du jugement ;

4°) subsidiairement, à la confirmation du jugement en ce qui concerne le quantum et à la fixation du préjudice de la commune à la somme de 12 328,34 euros ;

5°) à ce que soit mise à la charge de la une somme de 1 000 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle fait valoir que :

- sa part de responsabilité doit être limitée à 20 % du montant des dommages subis par la commune : la responsabilité de la commune est en effet très largement engagée, d'abord, en sa qualité de maître d'ouvrage professionnel et de maître d'oeuvre, ensuite, parce qu'elle a défini l'emplacement et la profondeur de la fouille, et, enfin, parce qu'elle ne l'a pas avisée de l'importance des eaux qui se trouvaient dans le sol, de la mauvaise qualité du sol et de la fragilité du mur enterré de son bâtiment ; elle a exécuté des travaux conformément à ce qui lui a été indiqué par la commune ; la faute consistant à ne pas s'être assuré que la situation du bâtiment ne nécessitait pas une étude technique plus approfondie ne peut être imputée qu'au maître d'oeuvre ; le drain et le terrassement ne pouvaient être exécutés qu'au pied du mur arrière, pour permettre l'évacuation de l'eau pluviale qui humidifiait le mur ; elle a effectué les travaux en qualité de simple exécutant et en respectant les règles de l'art ;

- compte tenu de sa part de responsabilité, la commune a, avant jugement, été indemnisée de la totalité de son préjudice ; l'entreprise a exécuté le jugement en réglant la somme de 55 006,06 euros le 2 septembre 2009 ;

- l'ensemble des travaux de reconstruction a été exécuté par la commune ;

- la commune ne peut prétendre qu'à l'indemnisation de la valeur vénale de son bien, dès lors que sa réparation excède cette valeur vénale ; une valeur vénale ne doit pas être calculée par rapport à la valeur qu'un bien pourrait avoir, mais par rapport à celle qu'il a à la date du dommage ; cette valeur vénale peut être fixée à 55 800 euros, l'expert et son sapiteur n'ayant fourni aucun calcul selon la méthode de la surface pondérée ;

- la commune doit être déboutée concernant les frais de maîtrise d'oeuvre ;

- la commune ne doit aucun honoraire à son expert d'assuré ;

- la commune doit lui rembourser un trop perçu d'un montant de 548,92 euros ;

Vu le mémoire en réplique, enregistrée le 21 mai 2010, présentée pour la , qui conclut aux mêmes fins que sa requête et à ce que l'entreprise Patrick Sage soit condamnée à lui verser une somme de 19 600 euros au titre de la perte de loyers ;

Elle soutient en outre que :

- il n'était pas question de creuser la tranchée au pied du mur du bâtiment comme l'affirme l'entreprise Sage ;

- il appartenait à l'entreprise de lui conseiller, le cas échéant, de recourir à un maître d'oeuvre ou à un architecte ;

Vu le mémoire, enregistré le 25 mai 2010, présenté pour l'entreprise Patrick Sage ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 mai 2010 :

- le rapport de M. Favret, premier conseiller,

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,

- et les observations de Me Gasse, avocat de la , et de Me Niango, substituant Me Teboul, avocat de l'entreprise Patrick Sage ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 4 juin 2010, présentée pour l'entreprise Patrick Sage ;

Considérant que la a souhaité réhabiliter le bâtiment de l'ancienne mairie en réalisant une aire de parking et une rampe d'accueil pour personnes handicapées ; que l'entreprise Patrick Sage a établi à sa demande, le 29 novembre 2001, un devis concernant les travaux de terrassement de la partie arrière du bâtiment destinée au parc de stationnement des véhicules, avec mise en place d'un drainage destiné à empêcher le ruissellement des eaux pluviales en provenance du talus voisin ; que la commune ayant donné son accord le 18 février 2002, les travaux ont débuté le même jour ; que l'entreprise a creusé une tranchée de deux mètres de profondeur au pied du mur arrière ; que la façade arrière et le plancher de l'étage se sont alors partiellement effondrés ; que, par jugement en date du 19 mars 2009, le Tribunal administratif de Besançon a condamné l'entreprise Patrick Sage à verser à la commune la somme de 53 425,83 euros au titre des désordres affectant le bâtiment de l'ancienne mairie, après avoir considéré que la responsabilité de l'entreprise devait être limitée à 50 % du préjudice subi ; que la relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à ses conclusions indemnitaires, cependant que, par voie d'appel incident, l'entreprise Patrick Sage conclut à la réduction de sa part de responsabilité et du préjudice indemnisable ;

Sur les responsabilités :

Considérant, en premier lieu, que la circonstance que l'entreprise Patrick Sage ait finalement effectué en avril 2010 les travaux correspondant au devis susrappelé du

29 novembre 2001 et que ceux-ci auraient été reçus sans réserves est sans incidence sur le droit de la d'obtenir réparation des conséquences dommageables de l'exécution défectueuse de ces mêmes travaux en 2002 ;

Considérant, en second lieu, qu'il ressort de termes du devis estimatif du 29 novembre 2001 élaboré par l'entreprise Patrick Sage que celui-ci comportait l'empierrement et le goudronnage d'une surface de 1 000 m² à l'arrière du bâtiment de l'ancienne mairie, correspondant à une aire de stationnement des véhicules, ainsi que la fourniture et pose de drainage périphérique avec fourniture de galets jusqu'au terrain naturel ; que la désignation des travaux à accomplir comportait ainsi la réalisation de ce drainage à la périphérie de l'aire de stationnement et nullement au pied du mur arrière du bâtiment ; que la responsabilité contractuelle de l'entreprise Patrick Sage, qui a creusé la tranchée à l'origine de l'effondrement du mur arrière du bâtiment, est ainsi engagée ; que, toutefois, la , qui fait elle-même valoir sans être contredite que l'effondrement de la façade résulterait d'une erreur grossière de l'employé de l'entreprise, qui aurait agi hors du contrôle de son employeur en réalisant la tranchée trop prêt du bâtiment et hors la présence du maire, a elle-même commis une faute en ne se faisant pas représenter sur le chantier lors du démarrage des travaux ; qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce en fixant les responsabilités respectives de la , petite commune dépourvue de services techniques, et de l'entreprise Patrick Sage, spécialisée dans les démolitions et adductions d'eau et travaillant habituellement pour le compte de la commune, à 20 % et à 80 % ;

Sur le montant du préjudice :

Considérant, en premier lieu, que le préjudice subi par la résultant du coût de reconstruction de l'immeuble endommagé doit être évalué à la date à laquelle les désordres sont connus dans toute leur étendue et peuvent faire l'objet de travaux de reprise ; qu'en l'espèce, le préjudice doit être évalué le 14 septembre 2004, date de dépôt du rapport de l'expert qui a fixé le coût des travaux de remise en état du bâtiment à la somme de 148 881,62 euros et les frais de maîtrise d'oeuvre correspondants à la somme de 9 501 euros ; que la , qui a réalisé les travaux postérieurement, n'est pas fondée à demander la réévaluation de ces sommes respectivement à 172 000 euros et à 11 000 euros, dès lors qu'elle n'établit pas avoir été confrontée à des obstacles techniques ou financiers qui l'auraient mise dans l'impossibilité de faire procéder aux réparations nécessaires dès le dépôt du rapport de l'expert ;

Considérant, en deuxième lieu, que c'est par une exacte appréciation de l'état dudit bâtiment que les premiers juges ont appliqué à la somme précitée de 148 881,62 euros un abattement pour vétusté de 30 %, dès lors que, si l'immeuble était dans un état correct et d'ailleurs loué en partie, il était vieux de plus d'un siècle ; que le préjudice indemnisable au titre du coût des travaux s'établit ainsi à la somme de 104 217, 13 euros, inférieure à la valeur vénale de l'immeuble concerné, fixée par l'expert soit à 116 250 euros en retenant un revenu locatif annuel de 10 000 €, soit à 130 000 € selon la méthode d'évaluation dite par surface pondérée en retenant un prix de 900 euros au mètre carré tenant compte de la nature de la construction, de son entretien et de la localisation de l'immeuble à proximité du pôle industriel de Sochaux-Monbéliard ; que l'entreprise Patrick Sage ne conteste pas pertinemment cette valeur, en se fondant, pour demander que la valeur vénale de l'immeuble soit fixée à la somme de 55 800 euros, sur des bases de calcul erronées, reposant sur le montant du loyer acquitté par l'occupant de l'immeuble, dont il est constant qu'il était, pour des raisons sociales, très inférieur à celui couramment pratiqué pour des immeubles de cette nature ; que si l'entreprise Patrick Sage ajoute que l'évaluation effectuée par l'expert n'a pas été arrêtée à partir de termes de comparaison correspondant à des transactions effectivement intervenues et que l'ancienne salle de classes occupant le rez-de-chaussée ne peut être valorisée au même niveau que l'appartement du premier étage, elle n'apporte aucun élément précis tendant à faire apparaître que les sommes de 116 250 € ou de 130 000 € seraient excessives ;

Considérant, en troisième lieu, que la ne dispose pas de services techniques ; que c'est ainsi à juste titre que le tribunal a estimé que la réalisation des travaux de remise en état du bâtiment nécessitait le paiement de frais de maîtrise d'oeuvre, pour un montant évalué à 9 501,49 euros ; que le tribunal a pu à bon droit englober dans le préjudice indemnisable de la commune le coût de l'expertise amiable réalisée par Est Expertises pour un montant de 6 473 euros, dès lors que celle-ci s'est avérée utile à l'établissement des responsabilités et à l'appréciation du préjudice subi ; que la perte de loyer résultant de l'effondrement du mur en cause s'élève en dernier lieu à la somme de 19 600 euros ; qu'ainsi, le préjudice global de la commune requérante doit être fixé à 139 791,62 euros ;

Considérant enfin que, comme le soutient la , il n'y a pas lieu, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal , de déduire de cette somme la somme de 15 069,98 euros versée par la compagnie Generali, correspondant à des travaux d'urgence destinés à préserver la stabilité de l'ouvrage avant toute reconstruction de ce dernier, et consistant en l'étaiement de la charpente et la démolition des murs intérieurs et extérieurs ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'eu égard au partage de responsabilité précédemment indiqué, la somme devant être mise à la charge de l'entreprise Sage s'élève à 111 833,31 euros ; que le jugement doit être réformé en ce sens ; que l'appel incident de l'entreprise Patrick Sage et le surplus des conclusions de la doivent ainsi être rejetés ;

Sur les conclusions au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'entreprise Patrick Sage une somme de 1 500 euros à verser à la au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces même dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la , qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que l'entreprise Patrick Sage demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La somme de 53 425,83 € que l'entreprise Patrick Sage a été condamnée à payer à la par le jugement du Tribunal administratif de Besançon en date du 19 mars 2009 est portée à 111 833,31 €.

Article 2 : Le jugement du 19 mars 2009 du Tribunal administratif de Besançon est réformé en ce qu'il est contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'entreprise Patrick Sage versera à la une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la est rejeté, ainsi que l'appel incident de l'entreprise Patrick Sage et ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la et à l'entreprise Patrick Sage.

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09NC00750


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09NC00750
Date de la décision : 17/06/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. VINCENT
Rapporteur ?: M. Jean-Marc FAVRET
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : SCP GASSE-CARNEL-GASSE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2010-06-17;09nc00750 ?
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