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23/09/2010 | FRANCE | N°09NC01717

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 23 septembre 2010, 09NC01717


Vu la requête sommaire, enregistrée au greffe de la Cour le 23 novembre 2009, et le mémoire complémentaire, enregistré le 8 février 2010, présentés pour Mme Chantal A, demeurant ..., par Mes Chalon- Substelny ; Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0602319 du 24 septembre 2009 du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à la réparation de son préjudice pour harcèlement moral ;

2°) de condamner la chambre de métiers et de l'artisanat des Ardennes à lui verser une somme de 50 000 euros en ré

paration de son préjudice ;

3°) de mettre à la charge de la chambre de métiers ...

Vu la requête sommaire, enregistrée au greffe de la Cour le 23 novembre 2009, et le mémoire complémentaire, enregistré le 8 février 2010, présentés pour Mme Chantal A, demeurant ..., par Mes Chalon- Substelny ; Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0602319 du 24 septembre 2009 du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à la réparation de son préjudice pour harcèlement moral ;

2°) de condamner la chambre de métiers et de l'artisanat des Ardennes à lui verser une somme de 50 000 euros en réparation de son préjudice ;

3°) de mettre à la charge de la chambre de métiers et de l'artisanat des Ardennes une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient qu'elle a fait l'objet d'un harcèlement moral de la part de son employeur ; elle a produit des attestations de personnes ayant travaillé avec elle et relatant des faits précis permettant de présumer une situation de harcèlement moral ; le tribunal a été trop exigeant en matière de charge de la preuve ; elle a subi une atteinte à sa santé du fait du non respect de la loi Evin relative au tabagisme, car elle a dû subir la fumée de sa supérieure hiérarchique, dont le bureau jouxtait le sien, alors qu'elle avait des problèmes de santé ; ses conditions de travail étaient vexatoires ; sa supérieure lui imposait de nombreuses évaluations, refusait systématiquement de signer ses feuilles de congés, avait rayé son nom de la liste électorale du collège du personnel de maîtrise, l'avait obligée à reprendre l'ensemble des écritures comptables, lui faisait des remarques désobligeantes, lui avait interdit sans raison l'accès des réunions de la commission des finances à partir de 2002 et la traitait comme une élève ; sa charge de travail était trop importante pour qu'elle puisse y faire face ; elle a été placée en congé sans solde à partir de 2007, à la suite de l'avis d'inaptitude du 11 avril 2007, aucun reclassement ne lui ayant été proposé ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les pièces, enregistrées le 1er mars 2010, présentées pour Mme A ;

Vu les mémoires en défense, enregistrés les 7 et 13 avril 2009, présentés pour la chambre de métiers et de l'artisanat des Ardennes par Me Pruvot ; la chambre de métiers et de l'artisanat des Ardennes conclut au rejet de la requête de Mme A et à ce que soit mise à la charge de Mme A une somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle fait valoir que :

- Mme A n'a pas fait l'objet d'un harcèlement moral : pour les agents publics, la charge de la preuve du harcèlement allégué pèse sur celui qui affirme en être victime ; la demande de temps partiel de l'intéressée a été satisfaite en mai 2002 ; c'est pour convenance personnelle que Mme A a sollicité en décembre 2002 sa mise en disponibilité, qui lui a été accordée et prolongée à sa demande à deux reprises ; Mme A a suivi de nombreuses formations au cours de son parcours professionnel et a eu une évolution normale de carrière et de rémunération ; sa charge de travail n'était pas excessive ; elle n'a pas subi des évaluations répétées et une des pièces qu'elle produit pour établir ses dires à ce niveau est un faux ; l'évaluation effectuée par le secrétaire général et sa supérieure directe est plutôt favorable à la requérante ; les autres agents font aussi l'objet d'évaluations ; sa supérieure n'a rejeté une demande de congé de Mme A qu'une seule fois en huit ans, parce qu'il y avait des échéances à respecter ; la requérante n'établit pas ses dires concernant la tenue de la comptabilité et la nécessité dans laquelle elle se serait trouvée de refaire son travail à de nombreuses reprises ; c'est le secrétaire général, et non sa supérieure, qui a rayé le nom de l'intéressée de la liste électorale du collège du personnel de maîtrise, après avoir constaté une erreur ; n'étant pas membre de la commission des finances, Mme A n'avait pas droit à participer à ses réunions ; les attestations produites par la requérante sont de pure complaisance ; plusieurs agents attestent n'avoir observé aucune anomalie dans les relations de travail de Mme A ; les ennuis de santé de l'intéressée ne sont pas imputables à son milieu professionnel ; Mme A ne s'est jamais plainte de ses conditions de travail avant de saisir le juge ;

- Mme A ne saurait soutenir avoir été victime d'un tabagisme passif : elle ne s'en est jamais plainte quand elle était en poste et n'a jamais fait savoir que des raisons médicales imposaient de la soustraire au tabagisme passif ; il était interdit de fumer dans les bureaux ; sa supérieure fumait à la fenêtre ou sortait fumer, et ne fume plus depuis 2002 ; la chambre a fait réaliser des travaux de calfeutrage en avril 1998 pour isoler le bureau de l'intéressée des émanations de fumées en provenance des bureaux voisins ; des attestations contredisent les dires de la requérante ; Mme A rejoignait spontanément des fumeurs pendant la pause ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 15 juin 2010, présenté pour Mme A, qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire complémentaire en défense, enregistré le 8 juillet 2010, présenté pour la chambre de métiers et de l'artisanat des Ardennes, qui conclut dans le sens de ses précédentes écritures ;

Vu les pièces, enregistrées le 9 août 2010, présentées pour Mme A ;

Vu le mémoire complémentaire en défense, enregistré le 16 août 2010, présenté pour la chambre de métiers et de l'artisanat des Ardennes, qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures, par les mêmes moyens, et à ce que la somme à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative soit portée à 10 000 euros ;

Vu l'ordonnance du président de la 3ème chambre de la Cour, fixant la clôture de l'instruction au 20 août 2010 à 16 heures ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 septembre 2010 ;

- le rapport de M. Favret, premier conseiller,

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,

- et les observations de Me Chalon, avocat de Mme A, et Me Lacourt, pour la SCP Pruvot-Antony-Dupuis, avocat de la chambre de métiers et de l'artisanat des Ardennes ;

Vu la note en délibéré produite le 15 septembre 2010 pour Mme A ;

Sur les conclusions de Mme A tendant à la réparation de son préjudice pour harcèlement moral :

Considérant qu'aux termes de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 susvisée : Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits ou à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : 1° le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements. 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus. Les dispositions du présent article sont applicables aux agents non titulaires de droit public ;

En ce qui concerne le tabagisme passif allégué :

Considérant que si Mme A, exerçant depuis le 18 mai 1992 les fonctions de secrétaire comptable et titularisée le 3 juin 1994, soutient qu'elle a dû subir en permanence la fumée de cigarette de sa supérieure hiérarchique directe, Mlle B, dont le bureau jouxtait le sien, alors qu'elle avait des problèmes de santé connus de sa hiérarchie, il résulte de l'instruction, d'une part, que la chambre de métiers et de l'artisanat des Ardennes a fait réaliser des travaux de calfeutrage en avril 1998 pour isoler le bureau de l'intéressée des émanations de fumées en provenance des bureaux voisins, d'autre part, que la requérante, qui rejoignait parfois spontanément des fumeurs pendant la pause, se s'est jamais plainte auprès de sa hiérarchie d'avoir été victime d'un tabagisme passif ;

En ce qui concerne les autres griefs allégués :

Considérant que si Mme A soutient également que Mlle B lui imposait de nombreuses évaluations, il n'est pas contesté que l'ensemble du personnel en faisait l'objet ; qu'au demeurant, il résulte de l'instruction que les évaluations de l'intéressée ne lui étaient pas particulièrement défavorables ; que la seule circonstance, au demeurant non établie, que Mlle B refusait systématiquement de signer les feuilles de congés de la requérante et l'obligeait constamment sans motif sérieux à reprendre l'ensemble des écritures comptables, n'est pas de nature à caractériser une situation de harcèlement moral ; qu'il n'est pas établi, l'intéressée produisant d'ailleurs une pièce en sens contraire émanant du secrétaire général de la chambre de métiers, que l'attitude vexatoire et tatillonne de sa supérieure hiérarchique directe, à la supposer avérée, aurait été encouragée ou même simplement tolérée par l'encadrement supérieur ; que Mme A, qui n'était pas membre de la commission des finances et n'avait ainsi pas vocation à participer à ses réunions, ne peut utilement reprocher à sa hiérarchie de lui avoir interdit cette participation, après l'avoir un temps tolérée ; que la circonstance que le secrétaire général de la chambre avait rayé le nom de la requérante de la liste électorale du collège du personnel de maîtrise, pour le rétablir sur la liste adéquate, n'est pas davantage de nature à révéler une situation de harcèlement moral ; que les nombreuses attestations produites par la requérante ne sont pas de nature à établir la réalité du harcèlement allégué, ont été rédigées, pour deux d'entre elles, par des personnes ayant un différend d'ordre professionnel avec la chambre de métiers et sont au demeurant contredites par d'autres attestations produites par l'employeur ; que la circonstance que Mme A ait été placée en congé sans solde à partir de 2007, à la suite de l'avis d'inaptitude du 11 avril 2007, n'est pas de nature à établir un harcèlement moral de la part de son employeur ; qu'au demeurant, l'intéressée, dont la charge de travail n'était pas excessive, ne s'était jamais plainte de ses conditions de travail avant de saisir le juge ; que, par ailleurs, elle ne conteste pas avoir eu une évolution normale de carrière et de rémunération ; qu'elle ne conteste pas davantage que sa demande de temps partiel a été finalement satisfaite en mai 2002, ni avoir sollicité en décembre 2002 sa mise en disponibilité pour convenance personnelle, laquelle lui a été accordée et prolongée à sa demande à deux reprises, jusqu'en mars 2006 ; qu'enfin, l'intéressée a suivi plusieurs formations au cours de son parcours professionnel et figure dans l'organigramme de la chambre de métiers et de l'artisanat ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ses conclusions indemnitaires en estimant que les faits de harcèlement moral imputés à la charge de la chambre de métiers et de l'artisanat des Ardennes n'étaient pas établis ;

Sur les conclusions au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la chambre des métiers et de l'artisanat des Ardennes, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme A demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A une somme de 1 500 euros à verser à la chambre de métiers et de l'artisanat des Ardennes au titre des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.

Article 2 : Mme A versera à la chambre de métiers et de l'artisanat des Ardennes une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Chantal A et à la chambre de métiers et de l'artisanat des Ardennes.

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N° 09NC01717


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09NC01717
Date de la décision : 23/09/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. VINCENT
Rapporteur ?: M. Jean-Marc FAVRET
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : SCP PRUVOT-ANTONY-DUPUIS-LACOURT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2010-09-23;09nc01717 ?
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