La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/11/2010 | FRANCE | N°10NC00189

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 10 novembre 2010, 10NC00189


Vu la requête, enregistrée le 8 février 2010, présentée pour Mme Suzanne A, élisant domicile au cabinet de Me Boccara-Soutter, 178 rue de la Pompe à Paris (75116), par Me Boccara-Soutter ;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0801975 du 10 décembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant, à titre principal à annuler la décision en date du 17 octobre 2008 par laquelle le président du conseil général du Doubs l'a licenciée de son emploi d'assistante maternelle, et à enjoindre le département du Doubs

de procéder à sa réintégration en lui confiant un enfant de 12 ans et de régulari...

Vu la requête, enregistrée le 8 février 2010, présentée pour Mme Suzanne A, élisant domicile au cabinet de Me Boccara-Soutter, 178 rue de la Pompe à Paris (75116), par Me Boccara-Soutter ;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0801975 du 10 décembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant, à titre principal à annuler la décision en date du 17 octobre 2008 par laquelle le président du conseil général du Doubs l'a licenciée de son emploi d'assistante maternelle, et à enjoindre le département du Doubs de procéder à sa réintégration en lui confiant un enfant de 12 ans et de régulariser ses salaires dus entre la date du jugement à intervenir et la fin de sa période de préavis, et, à titre subsidiaire à annuler le licenciement en l'absence de reclassement, de formation et de motifs, et à condamner le département à lui verser une somme de 60 768 euros à titre d'indemnité de licenciement, ainsi que 2 015,60 euros en l'absence de priorité de réembauchage, outre 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral ;

2°) d'annuler la décision en date du 17 octobre 2008 par laquelle le président du conseil

général du Doubs l'a licenciée de son emploi d'assistante maternelle ;

3°) d'enjoindre le département du Doubs de la réintégrer dans ses fonctions et de lui confier un enfant d'un âge de douze ans ;

4°) de condamner le département du Doubs à lui verser l'ensemble des salaires dus entre la date de l'arrêt à intervenir et la date de fin de sa période de préavis ;

5°) subsidiairement, de constater la nullité du licenciement en l'absence de reclassement, de formation et de motifs sérieux, et de condamner le département du Doubs à lui verser une somme de 60 768 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul ou, à défaut, dépourvu de cause réelle et sérieuse, une somme de 2 015,60 euros en l'absence de mention de priorité de réembauchage et une somme de 10 000 euros au titre de son préjudice moral pour non respect de l'ordre des licenciements ;

6°) de mettre à la charge du département du Doubs une somme de 2 000 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- son licenciement n'a pas été autorisé par une délibération du conseil général ;

- il a été signé par une autorité incompétente, M. Guillaumot, directeur des solidarités, n'ayant pas reçu délégation pour signer les lettres de licenciement ;

- il est insuffisamment motivé en se fondant sur l'article L. 423-32 du code de l'action sociale et des familles, l'absence d'enfant au bout du délai de 4 mois n'étant pas en soi une cause de licenciement ;

- le motif avancé, tiré de l'absence d'enfant à confier, n'est pas établi : les pièces versées par le département, destinées à établir qu'il ne disposait plus d'enfant à confier à titre permanent, sont dépourvues de valeur probantes, car établies sur papier libre ; le département ne donne pas d'indication sur le nombre d'enfants placés en famille d'accueil et les raisons pour lesquelles certaines familles d'accueil ont été privées d'enfants ;

- en réalité, son licenciement est fondé sur des motifs d'ordre personnel, en représailles de l'affaire B, et est donc constitutif d'un détournement de pouvoir et de procédure ; ce détournement est établi par la circonstance que le département l'a convoquée à un nouvel entretien en vue de son licenciement, quatre jours seulement après son désistement devant le tribunal ;

- le droit commun du licenciement lui est applicable, et en l'absence de cause réelle et sérieuse de licenciement, de tentative de reclassement, de formation et de mention de clause de priorité de réembauchage, et les critères de l'ordre des licenciements n'ayant pas été respectés, elle est en droit de prétendre à des indemnités ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 28 mai 2010, présenté pour le département du Doubs par Me Barberousse, qui conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme A une somme de 1 500 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il fait valoir que :

- le licenciement n'avait pas à être précédé d'une autorisation du conseil général, le président dudit conseil étant seul compétent, en sa qualité de chef des services du département, pour décider d'un licenciement d'un agent non titulaire, l'emploi de l'intéressée n'ayant pas été supprimé ;

- M. Guillaumot, directeur des solidarités, bénéficie d'une délégation de signature, par arrêté en date du 21 mars 2008 ;

- la décision attaquée est suffisamment motivée, en droit comme en fait ;

- les moyens tirés de la prétendue illégalité des procédures antérieures de licenciement sont inopérants ;

- la baisse d'activité du pôle ASE de Pontarlier constitue le seul motif du licenciement ;

- les conclusions indemnitaires présentées à titre subsidiaire seront rejetées par voie de conséquence, et sont au demeurant irrecevables, en l'absence de demande préalable ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 5 juillet 2010, présenté pour Mme A, qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;

Elle soutient en outre que :

- le président du conseil général n'a pas été habilité par une délibération dudit conseil à produire le mémoire en défense enregistré le 28 mai 2010 ;

- son emploi ayant été supprimé, son licenciement devait être autorisé par une délibération du conseil général ;

- M. Guillaumot n'est pas compétent pour signer les ampliations d'arrêtés, les extraits et copies conformes des décisions et actes du conseil général ou de son président ;

- elle a présenté ses demandes indemnitaires au conseil général par courrier R/AR du 2 juillet 2010 ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 13 septembre 2010, et les pièces complémentaires, enregistrées le 24 septembre 2010, présentés pour Mme A, qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire complémentaire en défense, enregistré le 28 septembre 2010, présenté pour le département du Doubs, qui conclut dans le sens de ses précédentes écritures ;

Il fait valoir en outre que :

- le président du conseil général a été autorisé à défendre le département dans la présente procédure, par délibération de la commission permanente du Conseil général en date du 17 mai 2010 ;

- l'arrêté en date du 21 mars 2008, par lequel M. Guillaumot, directeur des solidarités, a reçu délégation du président du conseil général du Doubs aux fins de signer notamment les décisions et actes relevant de la compétence du conseil général en matière de protection de la famille et de l'enfance, a été publié au bulletin des actes administratifs du département du mois d'avril 2008 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'action sociale et des familles ;

Vu le code du travail ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 octobre 2010 ;

- le rapport de M. Favret, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Collier, rapporteur public ;

Considérant que le président du conseil général du Doubs a, par arrêté en date du 1er juin 1989, accordé à Mme A un agrément d'assistante familiale à titre permanent, valide jusqu'au 14 septembre 2011, en vue de l'accueil d'un enfant de 12 à 21 ans ; que Mme A sera embauchée par le département du Doubs à compter du 16 juin 1989, en qualité d'assistante familiale du service de l'aide sociale à l'enfance, et se verra confier à compter de cette date le jeune Stéphane B, dans le cadre de l'assistance éducative sur décision du juge des enfants ; que, consécutivement au décès du jeune Stéphane, le 18 juin 2007, le président du conseil général du Doubs a, par décision du 17 octobre 2008, prononcé le licenciement de l'intéressée, au motif que, depuis le 19 juin 2007, aucun enfant n'avait pu lui être confié par le pôle de Pontarlier dont elle dépend ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation de la décision du 17 octobre 2008 :

En ce qui concerne la légalité externe :

Considérant, en premier lieu, que le président du conseil général du Doubs a procédé au licenciement de Mme A sur le fondement de l'article L. 423-32 du code de l'action sociale et des familles, lequel, rendu applicable par l'article L. 422-1 dudit code aux assistants familiaux employés par des personnes morales de droit public, dispose que l'employeur qui n'a pas d'enfant à confier à son assistant familial pendant une durée de quatre mois consécutifs est tenu de recommencer à verser la totalité du salaire à l'issue de cette période s'il ne procède pas au licenciement de l'assistant familial fondé sur cette absence d'enfants à lui confier ; qu'un tel licenciement n'implique pas nécessairement la suppression de l'emploi correspondant par délibération du conseil général ; que le département du Doubs précise qu'il n'a en l'espèce procédé à aucune suppression d'emploi d'assistant familial en l'absence de diminution persistante et pérenne du nombre d'enfants devant être placés hors de leur famille ; qu'aucune disposition ne prescrit que les licenciements d'agents départementaux pour un motif autre qu'une suppression d'emploi soient soumis à délibération du conseil général ; que, par suite, le moyen de la requérante, tiré de ce que son licenciement n'a pas été autorisé par une délibération du conseil général doit être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, que M. Guillaumot, directeur des solidarités, a, par arrêté en date du 21 mars 2008 régulièrement publié au bulletin des actes administratifs du département du mois d'avril 2008, reçu délégation du président du conseil général du Doubs pour signer notamment les décisions et actes relevant de la compétence du conseil général en matière de protection de la famille et de l'enfance ; qu'ainsi Mme A n'est pas fondée à soutenir que la décision de licenciement litigieuse serait illégale, faute pour le signataire d'avoir régulièrement reçu délégation de signature à cette fin ;

Considérant, en troisième lieu, que la décision attaquée, qui se fonde sur l'article L. 423-32 du code de l'action sociale et des familles, comme il a été dit ci-dessus, et indique, outre la baisse d'activité du pôle Aide sociale à l'Enfance de Pontarlier, les motifs pour lesquels les quelques enfants à placer entre le 19 juin 2007 et les 30 septembre 2008 ont été confiés à d'autres structures ou à d'autres assistants familiaux, comporte ainsi les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement ; qu'elle est, dès lors, régulièrement motivée au regard des exigences posées par la loi du 11 juillet 1979 susvisée ;

En ce qui concerne la légalité interne :

Considérant, en premier lieu, que les moyens de la requérante, tirés de la prétendue illégalité de la procédure antérieure de licenciement dont elle a fait l'objet, sont inopérants ;

Considérant, en deuxième lieu, que les services de l'aide sociale à l'enfance ont, ainsi que l'ont souligné à bon droit les premiers juges, justifié de manière circonstanciée des raisons pour lesquelles le pôle de l'aide sociale à l'enfance de Pontarlier ne disposait plus d'enfant à confier à titre permanent à l'intéressée ; que, par suite, le moyen de Mme A, tiré de ce que le motif avancé par l'administration, tiré de l'absence d'enfant à lui confier, serait entaché d'inexactitude matérielle, doit être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, que si Mme A soutient que son licenciement serait en réalité fondé sur des motifs d'ordre personnel et imputable au fait que le jeune Stéphane B lui avait été retiré, avant de lui être restitué après avoir été placé quelque temps en foyer, ces événements sont survenus en 1999 et aucun élément ne fait apparaître qu'ils constitueraient le mobile réel du licenciement ; que la circonstance que le département, après avoir retiré une première décision de licenciement attaquée par Mme A devant le tribunal au motif, fondé, que cette décision était dépourvue de motivation, l'a convoquée à un nouvel entretien en vue de son licenciement, quatre jours seulement après son désistement devant le tribunal, n'est pas davantage de nature à établir l'existence d'un détournement de pouvoir et de procédure ; que le moyen tiré d'un tel détournement ne peut donc qu'être écarté ;

Sur les conclusions indemnitaires :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le département du Doubs :

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à demander la condamnation du département du Doubs à lui verser une somme de 60 768 euros en réparation du préjudice né de son licenciement ; que l'intéressée fait également valoir à titre subsidiaire que le département du Doubs aurait méconnu l'obligation de reclassement, son droit à la formation, ainsi que les règles relatives à l'ordre des licenciements et omis la mention de la priorité de réembauchage sur la lettre de licenciement ; que, toutefois, Mme A ayant la qualité d'agent de droit public ne se trouve pas, dans ces conditions, régie par d'autres dispositions du code du travail que celles auxquelles renvoie l'article R. 422-1 du code de l'action sociale et des familles, au nombre desquelles ne figurent pas celles correspondant aux droits dont elle revendique le bénéfice ; que la requérante ne saurait ainsi utilement réclamer, sur le fondement du code du travail, le versement d'indemnités pour absence de tentative de reclassement, méconnaissance du droit individuel de formation, absence de mention de la clause de priorité de réembauchage, et non respect de l'ordre des licenciements, que si l'intéressée ajoute qu'elle serait susceptible de bénéficier d'un droit individuel à la formation sur le fondement de dispositions propres aux agents de la fonction publique territoriale, elle n'établit pas avoir formé une demande de ce chef et qu'un refus lui aurait été opposé ; qu'il ressort par ailleurs de la décision attaquée que les services du département du Doubs ont versé à l'intéressée une indemnité de licenciement, dont il n'est pas allégué que le calcul serait erroné ; que les conclusions indemnitaires de la requérante doivent ainsi être rejetées ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Besançon a rejeté ses demandes ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant que le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution ; que les conclusions de Mme A tendant à ce que la Cour ordonne au département du Doubs de la réintégrer dans ses fonctions, de lui confier un enfant âgé de douze ans et de lui verser l'ensemble des salaires dus entre la date du présent arrêt et la date de fin de sa période de préavis doivent ainsi être rejetées ;

Sur les conclusions au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du département du Doubs, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme A demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A la somme que demande le département du Doubs au titre des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du département du Doubs tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Suzanne A et au département du Doubs.

''

''

''

''

2

10NC00189


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10NC00189
Date de la décision : 10/11/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. VINCENT
Rapporteur ?: M. Jean-Marc FAVRET
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : BOCCARA-SOUTTER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2010-11-10;10nc00189 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award