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17/02/2011 | FRANCE | N°10NC00162

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 17 février 2011, 10NC00162


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 3 février 2010, présentée pour Mme Béatrice A, ..., par Me Lorach ; Mme A demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0800039 en date du 3 décembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Besançon n'a que partiellement fait droit à sa requête en condamnant le centre hospitalier intercommunal de la Haute-Saône à lui verser la somme de 5 554,08 euros en réparation des préjudices subis à la suite des fautes commises lors de ses différentes hospitalisations ;

2°) de condamner le centre hospitalier int

ercommunal de la Haute-Saône à l'indemniser de l'intégralité des préjudices qu'e...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 3 février 2010, présentée pour Mme Béatrice A, ..., par Me Lorach ; Mme A demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0800039 en date du 3 décembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Besançon n'a que partiellement fait droit à sa requête en condamnant le centre hospitalier intercommunal de la Haute-Saône à lui verser la somme de 5 554,08 euros en réparation des préjudices subis à la suite des fautes commises lors de ses différentes hospitalisations ;

2°) de condamner le centre hospitalier intercommunal de la Haute-Saône à l'indemniser de l'intégralité des préjudices qu'elle a subis en lui versant une somme d'un montant total de 23 161,78 euros ;

3°) de laisser les frais d'expertise à la charge du centre hospitalier intercommunal de la Haute-Saône ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier intercommunal de la Haute-Saône une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Mme A soutient que :

- la faute qui peut être reprochée au centre hospitalier intercommunal de la Haute-Saône est double : à la fois une faute tirée de l'erreur de diagnostic mais aussi un dysfonctionnement du service hospitalier en raison du traitement tardif de l'infection nosocomiale ;

- le seul fait que l'infection nosocomiale ait pu survenir révèle une faute dans l'organisation ou le fonctionnement du service ;

- l'infection nosocomiale est bien à l'origine de l'amputation ;

- le tribunal administratif n'a pas tiré les conséquences du fait que son état infectieux résulte bien de l'introduction du germe dans son organisme lors de l'intervention chirurgicale du 5 avril 2004 ;

- l'existence d'une infection nosocomiale permet la réparation de l'ensemble des préjudices subis ;

- le tribunal a commis une erreur en indiquant que l'ampleur des préjudices dépendait de la chance perdue à hauteur de 80% ;

- les sommes allouées par le tribunal doivent être réévaluées à la hausse ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 18 août 2010, présenté pour le centre hospitalier intercommunal de la Haute-Saône, par Me Le Prado, qui conclut au rejet de la requête ;

Le centre hospitalier soutient que :

- la découverte plus précoce de la nature exacte de l'infection aurait seulement conduit à une reprise chirurgicale également plus précoce ;

- qu'il n'est pas certain que cette reprise chirurgicale aurait évité l'amputation ;

- la condamnation du centre hospitalier sur le fondement de la perte de chance est parfaitement justifiée en droit comme en fait ;

- le germe en cause n'étant pas un germe hospitalier, Mme A n'a pas été victime d'une infection nosocomiale au sens strict du terme, c'est-à-dire révélant un manquement aux règles d'asepsie de la part de l'hôpital ;

- la présence du staphylocoque n'a été constatée que trois mois et demi après l'intervention ;

- le tribunal a considéré à tort que le centre hospitalier n'avait pas apporté la preuve d'une cause étrangère ;

- la requérante n'est pas fondée à demander une réévaluation des indemnités allouées en première instance ;

Vu le mémoire, enregistré le 24 décembre 2010, présenté pour Mme A tendant aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;

Vu l'ordonnance du 16 décembre 2010 fixant la clôture de l'instruction au 7 janvier 2011 à 16 heures ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 janvier 2011 :

- le rapport de M. Trottier, président,

- et les conclusions de M. Collier, rapporteur public ;

Sur la responsabilité du centre hospitalier intercommunal de la Haute-Saône :

Considérant qu'aux termes du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. / Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère... ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment de l'expertise ordonnée en première instance, qu'à la suite des interventions chirurgicales réalisées les 5 avril et 16 juin 2004 au centre hospitalier intercommunal de la Haute-Saône, Mme A a présenté une infection post-opératoire de l'annulaire gauche survenue après la pose d'une plaque vissée pour réduire une fracture de ce doigt ; que malgré l'antibiothérapie et une reprise chirurgicale le 30 juillet 2004 dans une clinique de Vesoul, Mme A a dû être amputée, le 20 septembre 2004, de l'annulaire gauche au niveau de la seconde phalange ; que les prélèvements bactériologiques, qui n'ont été effectués que le 21 juillet 2004, ont révélé la présence d'un staphylocoque doré ; que l'expert précise que, d'une part, l'origine de l'infection paraît opératoire et que la contamination bactérienne est très probablement exogène et, d'autre part, en l'absence d'infection nosocomiale, Mme A n'aurait pas eu à subir l'amputation de son annulaire gauche ; que, dès lors, le préjudice subi par la requérante résulte directement et exclusivement de l'infection nosocomiale contractée au sein du centre hospitalier ; qu'ainsi, en application des dispositions précitées du code de la santé publique, la survenue de cette infection est de nature à engager intégralement la responsabilité du centre hospitalier de la Haute-Saône, qui n'a pas rapporté la preuve que cette infection aurait une cause étrangère aux interventions chirurgicales réalisées les 5 avril et 16 juin 2004, à l'égard de Mme A ;

Sur les préjudices et leur réparation :

Considérant, en premier lieu, que l'état de santé de Mme A a été consolidé le 30 juin 2005 ; qu'il sera fait une juste appréciation des troubles dans les conditions d'existence résultant, d'une part, du déficit fonctionnel temporaire de l'intéressée, pour les périodes du 16 juin au 18 juillet 2004, du 29 juillet au 20 août 2004 et du 19 septembre au 24 octobre 2004, et, d'autre part du déficit fonctionnel permanent de 2 % imputable aux complications liées à l'infection nosocomiale, en les évaluant à une somme respective de 1 200 euros et 2 000 euros ; qu'il sera fait une juste appréciation des souffrances endurées, évaluées à 5/7 par l'expert, dont seulement 1,5/7 sont imputables à la fracture initiale, en les fixant à la somme de 9 000 euros ; que Mme A est également fondée à réclamer une somme d'un montant de 1 200 euros au titre de son préjudice esthétique évalué par l'expert à 1,5/7 ;

Considérant, en second lieu, qu'il ressort de l'attestation produite par son employeur que Mme A justifie avoir subi pendant les périodes de son incapacité temporaire totale une perte de salaire, correspondant à la différence entre le salaire auquel elle pouvait prétendre et le montant des prestations servies par la sécurité sociale, d'un montant de 342,60 euros ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de réformer le jugement attaqué et de condamner le centre hospitalier intercommunal de la Haute-Saône à verser à Mme A la somme de 13 742,60 euros ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de condamner le centre hospitalier intercommunal de la Haute-Saône à payer à Mme A la somme de 1 500 euros qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La somme de 5 554,08 euros (cinq mille cinq cent cinquante quatre euros et huit centimes) que le centre hospitalier intercommunal de la Haute-Saône a été condamné à verser à Mme A par le jugement du Tribunal administratif de Besançon en date du 3 décembre 2009 est portée à 13 742,60 euros (treize mille septe cent quarante deux euros et soixante centimes).

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Besançon en date du 3 décembre 2009 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le centre hospitalier intercommunal de la Haute-Saône versera à Mme A la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Béatrice A, au centre hospitalier intercommunal de la Haute-Saône et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Saône.

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N° 10NC00162


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10NC00162
Date de la décision : 17/02/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. VINCENT
Rapporteur ?: M. Thierry TROTTIER
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : LORACH

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2011-02-17;10nc00162 ?
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