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09/06/2011 | FRANCE | N°10NC01064

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 09 juin 2011, 10NC01064


Vu la requête, enregistrée le 7 juillet 2010, complétée par un mémoire enregistré le 6 mai 2011, présentée pour M et Mme Emmanuel A, demeurant ..., par Me Baduel ;

M et Mme A demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0801644 en date du 15 décembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 17 mai 2008 par laquelle le maire de la commune de Bras-sur-Meuse a refusé de leur délivrer un permis de construire ;

2°) d'annuler ledit arrêté ;

3°) d'annuler la délibé

ration du conseil municipal de la commune de Bras-sur-Meuse en date du 29 août 2008 ;

4°) de ...

Vu la requête, enregistrée le 7 juillet 2010, complétée par un mémoire enregistré le 6 mai 2011, présentée pour M et Mme Emmanuel A, demeurant ..., par Me Baduel ;

M et Mme A demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0801644 en date du 15 décembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 17 mai 2008 par laquelle le maire de la commune de Bras-sur-Meuse a refusé de leur délivrer un permis de construire ;

2°) d'annuler ledit arrêté ;

3°) d'annuler la délibération du conseil municipal de la commune de Bras-sur-Meuse en date du 29 août 2008 ;

4°) de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que :

- leur requête est, contrairement à ce qu'oppose la commune, recevable ;

- le jugement est entaché d'irrégularité, il ne vise pas la note en délibéré ;

- le Tribunal a omis à statuer sur le fait que le refus de permis de construire n'est pas numéroté dans l'ordre chronologique des arrêtés du maire, n'est pas établi sur papier officiel de la mairie et ne figure pas sur les registres municipaux de la commune, il ne leur est donc pas opposable faute d'existence légale ;

- le Tribunal en qualifiant la décision contestée de retrait d'un permis tacite a statué ultra petita, le maire n'ayant jamais soutenu avoir procédé à un retrait d'un permis de construire tacite ;

- par l'effet dévolutif de l'appel, la Cour constatera l'inexistence d'un retrait de permis de construire ; la décision contestée ne comporte pas la mention retrait ;

- ils sont titulaires d'un permis de construire tacite dans la mesure où ils n'ont jamais été destinataires d'une demande de dépôt de pièces complémentaires par une lettre recommandée avec demande d'avis de réception comme le prévoit l'article R. 423-38 du code de l'urbanisme dans le délai d'un mois suivant le dépôt de la demande de permis de construire ;

- le refus de permis de construire intervenu hors délais, n'est pas rédigé sur un papier officiel de la mairie, ne mentionne aucun numéro chronologique d'enregistrement au registre des arrêtés, ne figure pas dans le registre des arrêtés ;

- le refus de permis de construire ne leur a pas été notifié par une lettre recommandée avec accusé de réception comme le prévoit l'article R. 424-10 du code de l'urbanisme ;

- à supposer que la décision en litige puisse être qualifiée de retrait, le principe du contradictoire, prévu par l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, n'a pas été respecté ;

- subsidiairement, la délibération du 29 août 2008 autorisant le maire à ester en justice est irrégulière, ce point n'ayant pas été porté à l'ordre du jour de la séance en cause, le Tribunal a omis de statuer sur ce moyen ;

- c'est à tort que le Tribunal a jugé que le moyen tiré de la régularité de la construction au regard du plan de prévision des risques d'inondation était insuffisamment motivé alors qu'ils avaient produit un avis favorable d'un hydrogéologue agréé précisant que la future construction est soumise à un aléa faible ;

- l'avis de l'hydrogéologue agréé, non contesté par la commune, ne laisse aucun doute sur la régularité de la construction ;

- le Tribunal a omis à statuer sur l'avis favorable d'un hydrogéologue agréé ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 10 novembre 2010, présenté pour la commune de Bras-sur-Meuse, par Me Vautrin ;

Elle conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à ce que soit mise à la charge de M. et Mme A la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que la requête est tardive et subsidiairement qu'aucun des moyens n'est fondé ;

Vu, enregistré le 17 mai 2011, soit après la clôture d'instruction, le mémoire en défense faisant suite à une mesure d'instruction, présenté pour la commune de Bras-sur-Meuse, par Me Vautrin ;

Vu, en date du 26 mars 2010, la décision du président du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Nancy (section administrative), admettant M. et Mme A au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n°2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 mai 2011 :

- le rapport de Mme Ghisu-Deparis, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Steinmetz-Schies, rapporteur public ;

Sur la recevabilité de la requête d'appel :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 et R. 751-4. ; qu'aux termes de l'article 39 du décret du 19 décembre 1991 portant application de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : Lorsqu'une demande d'aide juridictionnelle (...) est adressée au bureau d'aide juridictionnelle (...) avant l'expiration du délai imparti pour le dépôt du pourvoi ou des mémoires, ce délai est interrompu. Un nouveau délai court à compter du jour de la réception par l'intéressé de la notification de la décision du bureau d'aide juridictionnelle ou, si elle est plus tardive, de la date à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'avis de réception de l'envoi en recommandé de la notification du jugement, que M. et Mme A ont reçu cette notification le 16 décembre 2009 ; qu'ils ont déposé une demande d'aide juridictionnelle le 9 février 2010, soit dans le délai d'appel de deux mois fixé par l'article R. 811-2 du code de justice administrative ; qu'en application des dispositions précitées du décret du 19 décembre 1991 portant application de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, un nouveau délai de deux mois à commencé à courir à compter de la notification de la décision du bureau d'aide juridictionnelle ; que la décision dudit bureau en date du 26 mars 2010 a été notifiée à M. et Mme A le 10 mai 2010 ; que leur requête d'appel, enregistrée au greffe de la Cour le 7 juillet 2010 n'était donc pas tardive ; que par suite la fin de non recevoir opposée par la commune de Bras-sur-Meuse ne peut être qu'écartée ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les conclusions tendant à l'annulation de la délibération du 29 août 2009 autorisant le maire de la commune de Bras-sur-Meuse à défendre en première instance :

Sur les conclusions d'annulation de l'arrêté en date du 17 mai 2008 :

Considérant qu'aux termes de l'article 24 de la loi susvisée du 12 avril 2000 : Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales.(...) ; qu'aux termes de l'article 1er de cette loi : Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui (...) retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ; ;

Considérant qu'aux termes de l'article R. 423-19 du code de l'urbanisme : Le délai d'instruction court à compter de la réception en mairie d'un dossier complet. ; qu'aux termes de l'article R. 423-22 du même code : Pour l'application de la présente section, le dossier est réputé complet si l'autorité compétente n'a pas, dans le délai d'un mois à compter du dépôt du dossier en mairie, notifié au demandeur ou au déclarant la liste des pièces manquantes dans les conditions prévues par les articles R. 423-38 et R. 423-41. ; qu'aux termes de l'article R. 423-41: Une demande de production de pièce manquante notifiée après la fin du délai d'un mois prévu à l'article R. 423-38 n'a pas pour effet de modifier les délais d'instruction définis aux articles R. 423-23 à R. 423-37 et notifiés dans les conditions prévues par les articles R. 423-42 à R. 423-49. ; qu'aux termes de l'article R.423-46 : Les notifications et courriers prévus par les sous-sections 1 et 2 ci-dessus sont adressés par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou, dans le cas prévu par l'article R. 423-48, par courrier électronique. ; qu'aux termes de l'article L. 424-2 du même code: Le permis est tacitement accordé si aucune décision n'est notifiée au demandeur à l'issue du délai d'instruction.(...) ; que l'article R. 423-23 du code de l'urbanisme prévoit enfin que : Le délai d'instruction de droit commun est de : (...)b) Deux mois pour les demandes de permis de démolir et pour les demandes de permis de construire portant sur une maison individuelle, au sens du titre III du livre II du code de la construction et de l'habitation, ou ses annexes (...) ;

Considérant, en l'espèce, que M et Mme A ont déposé une demande de permis de construire une maison individuelle le 23 février 2008 pour laquelle ils ont obtenu un récépissé qui précisait que le délai d'instruction était de deux mois sauf si dans le mois qui suit le dépôt de la demande l'administration indiquait que des pièces étaient manquantes ; que par un courrier en date du 21 mars 2008, le maire de Bras-sur-Meuse a adressé un courrier à M et Mme A en les informant que plusieurs pièces du dossier de permis de construire manquaient dont les photographies permettant d'apprécier le projet dans son environnement proche et lointain ainsi que l'avis d'un hydrologue ; que si les pièces du dossier et notamment les photographies et l'avis de l'hydrologue rédigé en avril 2008 complétant les pièces du permis de construire attestent que les requérants ont bien eu connaissance du courrier les invitant à compléter leur dossier, il n'est pas établi, en l'absence d'envoi de la lettre du 21 mars 2008 avec accusé réception ou en l'absence d'un récépissé de réception, que les intéressés en aient eu notification dans le délai d'un mois à compter du dépôt de leur demande de permis de construire, soit avant le 23 mars 2008 ; que par suite, en application de l'article R. 423-41 du code de l'urbanisme précité, le délai d'instruction n'ayant pas été interrompu, M et Mme A étaient bénéficiaires le 24 avril 2008 d'un permis de construire tacite ; qu'en refusant aux intéressés par l'arrêté en litige, le permis sollicité, le maire de la commune de Bras-sur-Meuse a en conséquence, retiré le permis tacite ; qu'une décision de retrait est au nombre des décisions qui doivent être motivées en application de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 précitée ; qu'en outre, la décision de retrait litigieuse n'a pas été précédée de la procédure contradictoire prévue à l'article 24 de la loi du 24 avril 2000 précitée ; qu'ainsi, l'arrêté du 17 mai 2008 portant retrait du permis tacite obtenu par M. et Mme A a été pris à la suite d'une procédure irrégulière et est, dès lors, entaché d'illégalité pour ce motif ;

Considérant que pour l'application de l'article L.600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun des autres moyens présentés à l'appui de la requête n'est, en l'état des pièces du dossier, de nature à fonder l'annulation de la décision attaquée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que M et Mme A sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 17 mai 2008 par laquelle le maire de la commune de Bras-sur-Meuse a refusé de leur délivrer un permis de construire ; qu'ainsi, le jugement contesté et l'arrêté du 17 mai 2008 doivent être annulés ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. et Mme A, qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de Bras-sur-Meuse demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Bras-sur-Meuse la somme de 950 € que réclament les requérants au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement susvisé du Tribunal administratif de Nancy en date du 15 décembre 2009 et l'arrêté du 17 mai 2008 du maire de la commune de Bras-sur-Meuse portant refus de permis de construire sont annulés.

Article 2 : La commune de Bras-sur-Meuse versera à M. et Mme A la somme de 950 € (neuf cent cinquante euros) en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions de la commune de Bras-sur-Meuse tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M et Mme A et à la commune de Bras-sur-Meuse.

Copie en sera transmise au procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Verdun.

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N°10NC01064


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10NC01064
Date de la décision : 09/06/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Validité des actes administratifs - Forme et procédure - Procédure contradictoire.

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Régime d'utilisation du permis - Retrait du permis.


Composition du Tribunal
Président : Mme MONCHAMBERT
Rapporteur ?: Mme Véronique GHISU-DEPARIS
Rapporteur public ?: Mme STEINMETZ-SCHIES
Avocat(s) : BADUEL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2011-06-09;10nc01064 ?
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