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14/11/2011 | FRANCE | N°10NC01466

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 14 novembre 2011, 10NC01466


Vu la requête, enregistrée le 3 septembre 2010, présentée pour la société à responsabilité limitée bureau d'études GARNIER, dont le siège est 12 rue Gambetta à Reims (51100), représentée par son gérant , par la SCP d'avocats Fournier Badré Hyonne Sens-Salis Sanial Denis ; le bureau d'études GARNIER demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°0702184 du 5 juillet 2010 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne l'a condamnée, d'une part, à payer à l'Etat la somme de 28 514,10 euros à titre principal et celle de 14 948,80 euros au titre des fr

ais d'expertise ;

2°) de rejeter la demande présentée par l'Etat devant le Tr...

Vu la requête, enregistrée le 3 septembre 2010, présentée pour la société à responsabilité limitée bureau d'études GARNIER, dont le siège est 12 rue Gambetta à Reims (51100), représentée par son gérant , par la SCP d'avocats Fournier Badré Hyonne Sens-Salis Sanial Denis ; le bureau d'études GARNIER demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°0702184 du 5 juillet 2010 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne l'a condamnée, d'une part, à payer à l'Etat la somme de 28 514,10 euros à titre principal et celle de 14 948,80 euros au titre des frais d'expertise ;

2°) de rejeter la demande présentée par l'Etat devant le Tribunal ;

3°) à titre subsidiaire, de réduire le montant de l'indemnité à laquelle l'Etat pourrait prétendre avant application du partage de responsabilité à la somme de 49 994,86 euros, de rejeter la demande de l'Etat tendant à l'actualisation de cette somme par application d'un coefficient de 4 % l'an, de limiter sa part de responsabilité à 10 %, et de condamner la société Dalkia à la garantir de toutes les condamnations qui pourraient être mises à sa charge, enfin de laisser à l'Etat la charge des frais d'expertise ;

Le bureau d'études GARNIER soutient que :

- la casse des chaudières du rectorat de Reims n'est pas liée à la présence d'oxyde de fer mais de calcaire ; cette présence d'oxyde de fer ne provient pas du vase d'expansion ouvert ; l'installation conçue par ses soins étant exempte de vice de conception, sa responsabilité ne pouvait donc pas être recherchée ; l'origine des désordres est exclusivement à rechercher dans l'usage fait de l'installation postérieurement à sa réception ;

- les manquements du maître d'ouvrage dans l'entretien de l'installation sont de nature à limiter sa responsabilité ;

- la société Dalkia a manqué à son obligation de conseil du maître d'ouvrage à l'occasion de la réalisation de l'installation ; cette société n'a pas procédé aux interventions préventives et curatives contre l'embouage qu'il lui appartenait d'opérer dans le cadre de l'exécution des contrats d'assistance technique la liant au rectorat ; elle a également manqué à son obligation en omettant de l'alerter sur les fréquents appoints d'eau ; les manquements imputables à la société Dalkia au titre de ses obligations tant lors de la réalisation des travaux que dans le cadre des contrats d'assistance technique constituent à son égard des fautes ayant contribué à la réalisation du dommage et de nature à voir consacrer la responsabilité quasi délictuelle de cette entreprise à son égard ;

- le coût total des travaux de réfection s'élève à 49 994,86 euros TTC et non au montant de 63 364,65 euros retenu par l'expert ;

- les travaux de réfection ayant été réalisés en 2005, la demande de réactualisation du prix présentée par l'Etat n'est pas justifiée ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 13 décembre 2010, présenté par le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche qui demande à la Cour de rejeter la requête, de réformer l'article 3 du jugement du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne et de condamner solidairement le bureau d'études GARNIER et la société Dalkia à lui payer la somme de 57 028,20 euros en réparation des désordres affectant la chaufferie du rectorat de Metz ;

Le ministre soutient que :

- aux dires de l'expert, le vase d'expansion ouvert est la cause du phénomène d'embouage et d'entartrage à l'origine de la casse des chaudières du rectorat de Metz ; le maintien de cette ouverture constitue un vice de conception engageant la responsabilité du bureau d'études GARNIER ;

- le montant des réparations s'élève à la somme de 63 364,65 euros TTC arrêtée par l'expert ; un défaut de conseil et un défaut d'entretien sont également imputables à la société Dalkia, qui doit être condamnée à parité avec le bureau d'études GARNIER à l'indemniser du coût des réparations ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 17 février 2011, présenté pour la société Dalkia France dont le siège est 12 rue Gutemberg à Reims (51068) représentée par son président, par Me Gassenbach, avocat ; la société Dalkia France demande à la Cour de rejeter la requête, de rejeter l'appel en garantie formé à son encontre par le bureau d'études GARNIER, de mettre à la charge de le bureau d'études GARNIER et de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La société Dalkia France soutient que :

- le bureau d'études GARNIER a commis une erreur de conception en n'incluant pas, dans la tranche ferme de l'appel d'offres qu'elle devait rédiger, le remplacement du vase d'expansion ouvert dès lors que ce défaut est la cause exclusive du dommage ;

- dans la mesure où elle a informé le rectorat, dès 1995, des conséquences pouvant résulter du maintien de l'ouverture du vase d'expansion, aucun manquement à l'obligation de conseil du maître de l'ouvrage ne peut lui être reproché ; elle a également rempli toutes les obligations qui lui incombaient au titre des contrats successifs d'assistance technique et de dépannage conclus avec le rectorat ; elle a, enfin, attiré l'attention du rectorat sur la nécessité de procéder à un désembouage des chaudières et au remplacement du vase d'expansion ouvert par une vase sous pression ; elle n'a donc commis aucune faute contractuelle ni manqué à son devoir de conseil ;

- le coût total des travaux de réfection s'élève à 49 994,86 euros TTC et non pas à celui de 63 364,65 euros retenu par l'expert ;

Vu l'ordonnance en date du 8 mars 2011 fixant la clôture de l'instruction au 11 avril 2011 à 16 H 00 ;

Vu le mémoire, enregistré le 8 avril 2011, présenté pour le bureau d'études GARNIER qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens, et précise que l'Etat ayant, en première instance, limité sa demande à sa condamnation (BET GARNIER) et à celle de la société Dalkia France au paiement, chacun, d'une somme correspondant à 45 % des travaux de réfection, il ne peut demander, dans le cadre de son appel provoqué, la condamnation solidaire dubureau d'études GARNIER et de la société Dalkia à lui payer une somme correspondant à 90 % du montant des travaux ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 octobre 2011 :

- le rapport de M. Laubriat, premier conseiller,

- les conclusions de M. Wiernasz, rapporteur public,

- et les observations de Me Heckenroth, avocat de la société Dalkia France ;

Considérant que par marché du 16 décembre 1996, le rectorat de l'académie de Reims a confié au bureau d'études GARNIER la maîtrise d'oeuvre de l'opération de rénovation de sa chaufferie consistant en la modification du système d'approvisionnement-énergie passant du fioul au gaz, au remplacement d'une chaudière et d'un brûleur sur la seconde chaudière ; que la réalisation des travaux a été confiée à la Société Auxiliaire de Chauffage (SAC), aux droits de laquelle vient la société Dalkia France ; qu'à l'issue des travaux, dans le cadre de contrats annuels successifs, le rectorat a chargé la société Dalkia de l'assistance technique et du dépannage des installations ; que la casse des chaudières étant intervenue en 2005, elles ont été toutes deux remplacées donnant lieu au présent litige ; que par le jugement du 5 juillet 2010 dont il est fait appel, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a retenu la seule responsabilité contractuelle du bureau d'études BET GARNIER et l'a condamné à verser à l'Etat la somme de 28 514,10 euros TTC ;

Sur l'appel principal :

En ce qui concerne le fondement de la responsabilité :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la réception des travaux, assortie de réserves sans rapport avec les faits de l'espèce, a été prononcée le 14 mai 1997 avec effet au 2 avril 1997 ; que dans la mesure où les conclusions indemnitaires présentées par l'Etat contre le bureau d'études GARNIER n'ont été fondées ni sur des manquements à l'obligation de conseil qu'il devait au maître de l'ouvrage au moment de la réception des travaux, ni sur une faute dans le contrôle des situations de travaux servant au calcul des comptes des entreprises, la réception des travaux afférents à cet équipement de l'ouvrage a mis fin à leurs rapports contractuels ; que par suite, le bureau d'études GARNIER est fondé à soutenir que c'est en commettant une erreur de droit que le Tribunal l'a condamné à indemniser l'Etat sur ce fondement ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par l'Etat devant le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, tiré de la garantie décennale des constructeurs ;

Considérant, d'une part, que le remplacement du système d'alimentation des chaudières et l'apport d'un nouveau brûleur sont sans lien dans la survenance des désordres ; que, d'autre part, il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que la casse des chaudières est due à l'accumulation dans leurs coeurs, d'année en année, de boues qui ont entravé la circulation de l'eau, occasionnant des surchauffes locales et des chocs thermiques débouchant sur la rupture de certains éléments de l'installation rendant les chaudières irréparables ; que la formation de ces boues résulte à la fois de phénomènes d'oxydation d'éléments métalliques du fait de l'ouverture permanente du vase d'expansion favorisant l'oxygénation de l'eau du circuit, et de l'entartrage du réseau menant à la ruine des chaudières par des appoints nécessaires d'eau de façon répétée et en trop grande quantité ; que ces désordres qui rendent l'ouvrage impropre à sa destination, engagent la responsabilité des constructeurs sur le fondement des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil ;

Considérant, cependant, que dans le cadre du marché de maîtrise d'oeuvre, le bureau d'études GARNIER avait établi un avant-projet détaillé qui distinguait une 1ère tranche ferme et une tranche optionnelle ; que s'il est constant que l'installation à court terme d'un groupe de maintien sous pression en remplacement du vase d'expansion ouvert de l'installation d'origine était prévue par le bureau d'études GARNIER dans la tranche optionnelle, l'administration a, seule, décidé de s'en tenir à la réalisation de la première tranche ; que le dommage survenu résultant, ainsi qu'il est mentionné ci-dessus, du maintien sur le long terme d'activité du vase d'expansion ouvert d'origine, le bureau d'études GARNIER est fondé à soutenir que le fait du maître d'ouvrage l'a exonéré de toute responsabilité sur le fondement de la responsabilité décennale ;

Sur l'appel en garantie formé par le bureau d'études GARNIER :

Considérant qu'aucune condamnation n'étant prononcée à l'encontre du bureau d'études GARNIER, ses conclusions tendant à ce que la société Dalkia le garantisse des éventuelles condamnations prononcées à son encontre ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées par voie de conséquence ;

Sur l'appel provoqué formé par l'Etat :

Considérant que les conclusions de l'Etat tendant à la condamnation solidaire du bureau d'études GARNIER et de la société Dalkia à lui payer la somme de 57 028,20 euros correspondant à 90 % du coût des désordres ne sont pas provoquées par l'appel principal ; qu'elles sont présentées au-delà du délai du recours contentieux qui était expiré à la date du dépôt du mémoire de l'administration ; qu'elles sont, par suite, irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées ;

En ce qui concerne les frais d'expertise :

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les frais d'expertise doivent être laissés à la charge de l'Etat ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le bureau d'études GARNIER est fondé à soutenir que c'est à tort que par les articles 1er et 2 de son jugement du 5 juillet 2010, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne l'a condamné à payer à l'Etat les sommes de 28 514,10 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter du 17 octobre 2007 et capitalisation à compter du 17 octobre 2008 et celle de 14 948,80 euros en remboursement des frais d'expertise ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge tant de l'Etat que du bureau d'études GARNIER une somme de 1 000 euros chacun à verser à la société Dalkia France ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du 5 juillet 2010 du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est annulé.

Article 2 : La demande présentée par l'Etat devant le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête et les conclusions d'appel provoqué de l'Etat sont rejetés.

Article 4 : L'Etat et la société bureau d'études GARNIER sont condamnés chacun à verser à la société Dalkia France la somme de 1000 euros (mille euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société bureau d'études GARNIER, à la société Dalkia France et au ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.

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10NC01466


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10NC01466
Date de la décision : 14/11/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01-04 Marchés et contrats administratifs. Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage. Responsabilité décennale.


Composition du Tribunal
Président : M. JOB
Rapporteur ?: M. Alain LAUBRIAT
Rapporteur public ?: M. WIERNASZ
Avocat(s) : SCP FOURNIER BADRÉ HYONNE SENS-SALIS SANIAL DENIS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2011-11-14;10nc01466 ?
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