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08/11/2012 | FRANCE | N°12NC00309

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 08 novembre 2012, 12NC00309


Vu la requête, enregistrée le 22 février 2012, présentée pour M. Philippe A, demeurant ..., par Me Wurtz ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0703141 du 13 décembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à condamner la commune de Colmar à lui verser la somme de 135 375 euros au titre de sa perte de rémunération, la somme de 70 000 euros au titre de son préjudice moral et du préjudice résultant des troubles dans ses conditions d'existence, et la somme de 50 000 euros en réparation de la faute commis

e par l'administration, ces sommes devant être assorties des intérêts au taux...

Vu la requête, enregistrée le 22 février 2012, présentée pour M. Philippe A, demeurant ..., par Me Wurtz ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0703141 du 13 décembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à condamner la commune de Colmar à lui verser la somme de 135 375 euros au titre de sa perte de rémunération, la somme de 70 000 euros au titre de son préjudice moral et du préjudice résultant des troubles dans ses conditions d'existence, et la somme de 50 000 euros en réparation de la faute commise par l'administration, ces sommes devant être assorties des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts ;

2°) de condamner la commune de Colmar à lui verser une somme de 305 375 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts, en réparation des préjudices qu'il a subis à la suite de son éviction ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- il a été radié illégalement : son médecin traitant a prolongé son arrêt maladie par un certificat adressé à la commune le 15 août 1998 ; la date de réunion du comité médical départemental ne lui ayant pas été communiquée, il n'a pas pu faire valoir ses observations ; la commune n'a pas fourni au comité l'avis du médecin du service de médecine professionnelle ; le médecin du comité médical est rémunéré par la ville ; par avis du 23 février 1999, dont il ignorait le sens, le comité médical supérieur a validé la prolongation de son arrêt maladie ; sa maladie a conduit la commission de réforme à émettre un avis favorable à sa mise à la retraite pour invalidité au taux de 50% à compter du 21 février 2008 ;

- son éviction durant sept ans lui a causé un préjudice moral et des troubles dans ses conditions de l'existence ;

- elle a entrainé une perte de revenus, car il aurait bénéficié d'un avancement et d'une rémunération plus importante s'il n'avait pas été évincé ;

- elle a porté atteinte à sa réputation professionnelle, car il occupait des fonctions syndicales importantes ;

- la commune ne l'a pas rémunéré durant sa maladie, de février à octobre 2007 ; il n'a été rémunéré qu'à demi-traitement pendant six mois ;

- la commune de Colmar ne l'a réintégré dans ses fonctions que quinze mois après le prononcé de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy et après intervention du médiateur de la République ;

- l'administration a commis une faute dans la reconstitution de sa carrière ;

- les fautes commises par l'administration l'ont beaucoup affecté, aggravant ainsi son état de santé ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 13 juillet 2012, présenté pour la commune de Colmar, par Me Venturelli, qui conclut au rejet de la requête de M. A et à ce que soit mise à la charge du requérant une somme de 2 500 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle fait valoir que :

- la décision portant radiation des cadres de M. A a été annulée pour vice de forme, mais était justifiée au fond ; aucune disposition n'impose à l'administration de transmettre à l'agent l'avis du comité médical, ou de saisir le comité médical supérieur, en dehors d'une demande formulée par l'agent ; l'intéressé ne peut se prévaloir utilement de l'avis de la commission de réforme, dès lors que la maladie imputable au service concerne une période postérieure à la date de sa radiation ;

- le requérant n'établit pas avoir subi un préjudice moral ;

- la perte de rémunération dont se prévaut le requérant ne repose sur aucun élément probant, l'avancement de grade n'étant pas un droit ;

- l'atteinte à la réputation alléguée n'est pas établie ;

- si M. A n'a perçu aucune rémunération entre les mois de février et octobre 2007, c'est uniquement en raison du fait qu'il n'a pas répondu à la lettre qui lui avait été adressée le 16 mars 2007 ;

- le temps mis à réintégrer le requérant n'est pas imputable à l'administration ;

- M. A n'établit pas que la dégradation de son état de santé est liée à l'attitude de l'administration ;

- le chiffrage des préjudices est excessif et ne repose sur aucun élément concret ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 5 octobre 2012, présenté pour M. A, qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire en duplique, enregistré le 5 octobre 2012, présenté pour la commune de Colmar, qui conclut dans le sens de ses précédentes écritures ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

Vu le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 pris pour l'application de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif à l'organisation des comités médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 octobre 2012 :

- le rapport de M. Favret, premier conseiller,

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,

- les observations de M. A, requérant,

- et les observations de Me Hager, substituant Me Venturelli, avocat de la commune de Colmar.

1. Considérant que M. A, adjoint administratif territorial à la ville de Colmar, a été placé en congé de longue maladie du 12 février 1996 au 11 février 1997, puis en congé de longue durée du 12 février 1997 au 14 août 1998 ; qu'après avis du 8 juillet 1998 émis par le comité médical départemental, le maire de la commune de Colmar lui a notifié, le 20 juillet 1998, un arrêté du 17 juillet 1998 portant réintégration à mi-temps thérapeutique ; que le 17 août suivant, le maire de Colmar a mis l'intéressé en demeure de reprendre son poste ; que, M. A n'ayant pas repris ses fonctions, il a été radié des cadres pour abandon de poste le 24 août 1998 ; que, par arrêt du 22 avril 2004, la cour administrative d'appel de Nancy a annulé cette décision pour vice de forme ; que la commune de Colmar a reconstitué la carrière de l'intéressé, par arrêté du 6 décembre 2005, en exécution de cet arrêt ; que, le 6 mars 2007, il a sollicité, en vain, l'indemnisation des divers préjudices qu'il impute à son éviction illégale ;

Sur les conclusions indemnitaires :

2. Considérant, en premier lieu, que, si l'annulation d'une mesure d'éviction d'un agent public révèle une faute de la part de la personne publique qui a pris la mesure en litige, susceptible alors de justifier l'engagement de sa responsabilité, il convient toutefois, pour déterminer la réparation à laquelle l'agent peut effectivement prétendre, de tenir compte, notamment, du point de savoir si, indépendamment du vice de forme, la mesure d'éviction était ou non justifiée ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par avis du 9 juillet 1998, le comité médical départemental a déclaré M. A apte à reprendre ses fonctions dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique à compter du 17 août 1998, après avoir pris connaissance de l'avis du médecin spécialiste agréé du 29 juin 1998 ; qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait à la commune d'informer l'intéressé de la date à laquelle son dossier devait être examiné, ni de transmettre l'avis du comité médical départemental à M. A ; que M. A, qui a eu connaissance du sens de l'avis du comité médical départemental dès le 20 juillet 1998, n'a saisi le comité médical supérieur que par lettre du 14 septembre 1998, réceptionnée par la commune le 17 septembre suivant, soit après avoir été radié des cadres ; qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'obligeait l'administration à saisir elle-même ce comité, en-dehors d'une demande formulée par l'agent ; que le requérant ne peut se prévaloir utilement de l'avis de la commission de réforme, dès lors que la maladie imputable au service concerne une période postérieure à la date de sa radiation ; que si, après avoir été mis en demeure de reprendre ses fonctions, M. A a produit un certificat émanant de son médecin traitant prolongeant son arrêt maladie, il ne ressort pas de ce certificat médical qu'il ait apporté des éléments nouveaux sur l'état de santé de l'intéressé, faisant obstacle à ce qu'il reprenne son poste, au moins dans des conditions aménagées ; que, M. A n'ayant pas manifesté l'intention de reprendre ses fonctions, la commune de Colmar a pu estimer à bon droit que le lien avec le service avait été rompu et décider, pour ce motif, la radiation des cadres de l'intéressé ; qu'il s'ensuit que la mesure d'éviction en litige n'est pas de nature à ouvrir au requérant un droit à indemnité en réparation de ses préjudices moral, matériel et de ses troubles dans ses conditions d'existence ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions de M. A tendant à la réparation des pertes de revenus et de l'atteinte à sa réputation professionnelle, liées à son éviction, doivent être rejetées ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'il y a lieu d'adopter le motif retenu par les premiers juges qui ont estimé que, si M. A soutient qu'il a été illégalement rémunéré à demi-traitement entre les mois de février et d'octobre 2007, il n'était pas fondé à solliciter le bénéfice d'une réparation sur ce fondement, dès lors qu'il résultait de l'instruction que l'intéressé avait perçu un rappel de salaires au mois de novembre 2007 ;

6. Considérant, en quatrième lieu, qu'il résulte de l'instruction que la décision de la cour administrative d'appel de Nancy du 22 avril 2004 a été notifiée à la commune de Colmar le 5 mai suivant ; que M. A, qui a été convoqué à un examen médical dès le 7 juin suivant, a refusé de s'y soumettre et a demandé la saisine du comité médical supérieur, lequel a émis, le 8 décembre 2004, un avis d'aptitude à exercer les fonctions d'adjoint administratif, reçu par la commune le 6 janvier 2005 ; qu'en outre, l'intéressé a indiqué à la commune, au début de l'année 2005, qu'il serait absent durant plusieurs semaines ; que le requérant a refusé un poste d'agent d'accueil à " Colmar vélo " qui lui a été proposé à compter du 1er mai 2005 et a souhaité différer au 1er juillet 2005 la reprise de ses fonctions au service action sociale et aînés ; que, dans ces conditions, le délai que la commune de Colmar a mis pour réintégrer le requérant ne peut être regardé comme fautif et de nature à engager la responsabilité de l'administration ; que M. A n'est donc pas fondé à solliciter le bénéfice d'une réparation sur ce fondement ;

7. Considérant, en cinquième lieu, que, si M. A soutient que l'administration a commis une faute dans la reconstitution de sa carrière, il n'assortit ce moyen d'aucun élément précis permettant d'en apprécier le bien-fondé ; qu'en outre, il résulte de l'instruction que le recours à fin d'annulation que M. A avait formé contre l'arrêté du 6 décembre 2005 portant reconstitution de sa carrière a été rejeté par le tribunal administratif de Strasbourg, puis par la cour administrative d'appel de Nancy ;

8. Considérant, en sixième lieu, qu'il y a lieu d'adopter le motif retenu par les premiers juges qui ont estimé que M. A n'établissait pas que les décisions en cause de la commune de Colmar auraient provoqué une aggravation de son état de santé ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Colmar, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. A demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A une somme à verser à la commune de Colmar au titre des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Colmar tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Philippe A et à la commune de Colmar.

Une copie sera adressée au préfet du Haut-Rhin.

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N°12NC00309


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12NC00309
Date de la décision : 08/11/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. Contentieux de la fonction publique. Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : Mme HERBELIN
Rapporteur ?: M. Jean-Marc FAVRET
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : WURTZ

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2012-11-08;12nc00309 ?
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