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31/01/2013 | FRANCE | N°11NC01524

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 31 janvier 2013, 11NC01524


Vu la requête, enregistrée le 9 septembre 2011, complétée par un mémoire enregistré le 5 mars 2012, présentée pour la SARL Assistance et Développement, dont le siège est 51 rue de la Pompe à Paris (75116), représentée par son gérant en exercice ; La SARL Assistance et Développement demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0800931 du 11 juillet 2011 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et à la contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés

qui lui ont été assignées au titre des exercices clos en 2003, 2004 et 2005, ainsi ...

Vu la requête, enregistrée le 9 septembre 2011, complétée par un mémoire enregistré le 5 mars 2012, présentée pour la SARL Assistance et Développement, dont le siège est 51 rue de la Pompe à Paris (75116), représentée par son gérant en exercice ; La SARL Assistance et Développement demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0800931 du 11 juillet 2011 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et à la contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés qui lui ont été assignées au titre des exercices clos en 2003, 2004 et 2005, ainsi que celles des pénalités y afférentes ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La SARL Assistance et Développement soutient que :

- le Tribunal n'a pas répondu à son argument lorsqu'elle faisait valoir que, quant bien même les facturations établies par la société luxembourgeoise devaient être considérées comme constitutives de factures de complaisance, les charges correspondantes devaient être admises en déduction du résultat fiscal ;

- la procédure suivie par l'administration est irrégulière dès lors qu'elle a sollicité sans succès un recours hiérarchique le 30 novembre 2007 avant la mise en recouvrement des impositions supplémentaires en violation du paragraphe 5 du chapitre III de la charte du contribuable vérifié ;

- en réintégrant l'ensemble des charges correspondant aux prestations techniques facturées à la clientèle, l'administration soumet à l'impôt un résultat constitué des seuls produits en contradiction avec les dispositions de l'article 39-1-1° du code général des impôts alors que la commission départementale des impôts a émis un avis favorable à sa position ;

- elle a apporté les justifications de l'existence et de la valeur des prestations facturées par la société luxembourgeoise en apportant la preuve que celle-ci avait elle-même eu recours à des prestataires extérieurs alors qu'elle ne disposait d'aucun moyen matériel ou humain pour les réaliser elle-même, qu'il s'agit de prestations techniques impliquant un travail effectif et que les éléments produits sont corroborés par les déclarations fiscales de la société luxembourgeoise Assistance et Développement ;

- les éléments transmis à l'administration lui permettaient de s'assurer de la vraisemblance de l'intervention des sous-traitants dès lors que la marge brute moyenne réalisée est supérieure lorsqu'elle donne en sous-traitance les dossiers à la société luxembourgeoise ;

- les charges en cause sont déductibles au regard de l'impôt sur les sociétés, l'administration n'apportant pas la preuve du caractère fictif des prestations refacturées aux clients finaux ;

- l'administration n'apporte pas la preuve de la mauvaise foi de la société et les pénalités pour manquement délibéré ne sont pas justifiées ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 7 février 2012, complété par un mémoire enregistré le 5 décembre 2012, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat ; Le ministre conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- la procédure est régulière dès lors que la société a régulièrement bénéficié d'un recours hiérarchique le 26 janvier 2007 ainsi que d'une entrevue avec l'interlocuteur départemental le 17 avril 2007 alors que la société n'a pas sollicité de second recours hiérarchique avant une nouvelle saisine de l'interlocuteur départemental ;

- la société n'a jamais apporté de justification précise sur la réalité des prestations facturées par la société AD Luxembourg ou sur les moyens mis en oeuvre par la société luxembourgeoise pour les réaliser alors que le service a établi à la suite de ses investigations que les honoraires litigieux ne correspondent pas à un travail effectif et sont dénués de réelle contrepartie ;

- l'importance des manquements constatés justifie l'application des pénalités prévues à l'article 1729 du code général des impôts ;

Vu la lettre du 28 novembre 2012 par laquelle les parties ont été informées qu'en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience du 10 janvier 2013 et que l'instruction pourrait être close à partir du 13 décembre 2012 sans information préalable ;

Vu l'avis d'audience portant clôture de l'instruction immédiate pris le 18 décembre 2012 en application de l'article R. 613-2 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu, enregistrée le 17 janvier 2013, la note en délibérée présentée pour la SARL Assistance et Développement, par MeB... ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 janvier 2013 :

- le rapport de M. Wallerich, premier conseiller,

- les observations de MeB..., conseil de la SARL Assistance et Développement,

- et les conclusions de M. Féral, rapporteur public ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

1. Considérant qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Avant l'engagement d'une des vérifications prévues aux articles L. 12 et L. 13, l'administration des impôts remet au contribuable la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ; les dispositions contenues dans la charte sont opposables à l'administration " ; qu'aux termes du paragraphe 5 du chapitre III de ladite charte : " Si le vérificateur a maintenu totalement ou partiellement les redressements envisagés, des éclaircissements supplémentaires peuvent vous être fournis si nécessaire par l'inspecteur principal [...]. Si après ces contacts des divergences importantes subsistent, vous pouvez faire appel à l'interlocuteur départemental ou régional qui est un fonctionnaire de rang élevé spécialement désigné par le directeur dont dépend le vérificateur " ;

2. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SARL Assistance et Développement a bénéficié à sa demande d'un entretien avec le supérieur hiérarchique du vérificateur le 26 janvier 2007 et a été reçue le 17 avril 2007 par l'interlocuteur départemental à la suite de sa demande du 5 mars 2007 ; que postérieurement à la lettre du 20 avril 2007 par laquelle la société requérante a été informée du maintien des redressements contestés et à la notification de l'avis formulé, à l'issue de la séance du 1er octobre 2007, par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires du Bas-Rhin, la SARL Assistance et Développement a sollicité un second entretien avec l'interlocuteur ; que toutefois, aucune disposition légale, réglementaire ou issue de la charte du contribuable ne fait obligation à l'interlocuteur départemental de recevoir les contribuables, sur leur demande, à plusieurs reprises, nonobstant la persistance d'un désaccord ; que, dès lors, la SARL Assistance et Développement n'est pas fondée à se prévaloir de la méconnaissance par l'administration des dispositions de ladite charte ;

Sur le bien-fondé des impositions :

3. Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant [...] notamment : 1° Les frais généraux de toute nature [...] " ; que si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci ; qu'il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité ; que le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée ; que dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive ;

4. Considérant qu'en vertu de ces principes, lorsqu'une entreprise a déduit en charges une dépense réellement supportée, conformément à une facture régulière relative à un achat de prestations ou de biens dont la déductibilité par nature n'est pas contestée par l'administration, celle-ci peut demander à l'entreprise qu'elle lui fournisse tous éléments d'information en sa possession susceptibles de justifier la réalité et la valeur des prestations ou biens ainsi acquis ; que la seule circonstance que l'entreprise n'aurait pas suffisamment répondu à ces demandes d'explication ne saurait suffire à fonder en droit la réintégration de la dépense litigieuse, l'administration devant alors fournir devant le juge tous éléments de nature à étayer sa contestation du caractère déductible de la dépense ; que le juge de l'impôt doit apprécier la valeur des explications qui lui sont respectivement fournies par le contribuable et par l'administration ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le service a refusé d'admettre la déduction, en application des dispositions précitées du 1° du 1 de l'article 39 du code général des impôts, des honoraires versés à la société luxembourgeoise Assistance et Développement en se fondant sur le motif qu'une telle charge n'avait pas de contrepartie justifiée ; que la société requérante soutient que les sommes dont il s'agit lui ont été facturées par la société luxembourgeoise en application de conventions de sous-traitance de certains travaux ; que l'administration fait cependant valoir que la SARL Assistance et Développement n'a jamais apporté de justification précise sur la réalité des prestations ainsi rémunérées ou sur les moyens mis en oeuvre par la société luxembourgeoise pour les réaliser ; qu'il résulte des renseignements obtenus de l'administration fiscale luxembourgeoise par la voie de l'assistance administrative internationale que la société luxembourgeoise Assistance et Développement, qui ne dispose ni de locaux, ni de salarié, ni de téléphone ou de télécopie, n'a pas de moyens matériels propres ; qu'il résulte en outre de l'instruction que M. A..., associé unique et gérant de la société requérante, est également le seul associé et le gérant de la société luxembourgeoise Assistance et Développement, dont son épouse assure la gérance administrative, le frère de celle-ci dirigeant la société luxembourgeoise Aedes dans les locaux de laquelle la société luxembourgeoise Assistance et Développement est domiciliée ; que, sans contester l'exactitude de ces informations, la requérante se borne à soutenir que l'absence de moyens propres à la société luxembourgeoise n'empêchait pas ladite société de lui fournir des prestations sur lesquelles elle n'apporte aucun éclaircissement ; que si la réalité des prestations réalisées par la SARL Assistance et Développement au bénéfice de ses clients finaux en France n'est pas contestée, la requérante ne produit toutefois devant le juge de l'impôt, à l'exception d'un modèle de contrat de mission dépourvu de valeur probante, aucun document susceptible d'établir l'existence ou la nature des prestations qu'aurait effectuées la société luxembourgeoise ; que ces prestations ne sont pas davantage établies par la différence de marge brute affichée en l'absence d'élément justificatif des prix pratiqués ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration a réintégré les sommes correspondantes au résultat imposable des exercices clos en 2003, 2004 et 2005 ;

Sur les pénalités pour manquement délibéré :

6. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré [...] " ;

7. Considérant qu'en faisant valoir que la SARL Assistance et Développement a volontairement majoré ses charges, au cours des trois exercices en cause, par la prise en compte de factures ne correspondant à aucune contrepartie réelle, l'administration doit être regardée comme démontrant l'intention délibérée de la requérante d'éluder l'impôt justifiant l'application de la majoration de 40 % prévue par les dispositions précitées lorsque les manquements délibérés du contribuable sont établis ; qu'il s'ensuit que la société requérante n'est pas fondée à demander la décharge de la pénalité dont s'agit ;

8. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la SARL Assistance et Développement n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué qui est suffisamment motivé, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que la SARL Assistance et Développement demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL Assistance et Développement est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Assistance et Développement et au ministre de l'économie et des finances.

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11NC01524


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11NC01524
Date de la décision : 31/01/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

19-01-03-01-02-03 Contributions et taxes. Généralités. Règles générales d'établissement de l'impôt. Contrôle fiscal. Vérification de comptabilité. Garanties accordées au contribuable.


Composition du Tribunal
Président : M. COMMENVILLE
Rapporteur ?: M. Marc WALLERICH
Rapporteur public ?: M. FERAL
Avocat(s) : DREYER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2013-01-31;11nc01524 ?
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