La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/12/2013 | FRANCE | N°13NC00253

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 05 décembre 2013, 13NC00253


Vu la requête, enregistrée le 11 février 2013, présentée pour Mme D...B..., demeurant..., par la SCP Genin-Hoffmann-Hum ;

Mme B... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0705010 du 2 octobre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier Marie-Madeleine de Forbach et de l'Etablissement français du sang (EFS) à réparer les conséquences dommageables résultant de sa contamination par le virus de l'hépatite C à la suite de la transfusion sanguine qu'elle prétend avoir reçue en j

uillet 1981 au centre hospitalier Marie-Madeleine de Forbach ;

2°) de condamn...

Vu la requête, enregistrée le 11 février 2013, présentée pour Mme D...B..., demeurant..., par la SCP Genin-Hoffmann-Hum ;

Mme B... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0705010 du 2 octobre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier Marie-Madeleine de Forbach et de l'Etablissement français du sang (EFS) à réparer les conséquences dommageables résultant de sa contamination par le virus de l'hépatite C à la suite de la transfusion sanguine qu'elle prétend avoir reçue en juillet 1981 au centre hospitalier Marie-Madeleine de Forbach ;

2°) de condamner solidairement le centre hospitalier Marie-Madeleine de Forbach, l'EFS et l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à l'indemniser de son préjudice ;

3°) d'appeler la caisse primaire d'assurance maladie de Forbach en jugement commun ;

4°) de réserver le chiffrage de son préjudice, par voie d'expertise, après la consolidation de son état en 2015 ;

5°) à titre subsidiaire, d'ordonner une nouvelle expertise ;

6°) de condamner les intimés aux dépens ;

Elle soutient que :

- la réalité des transfusions sanguines subies au centre hospitalier de Forbach en 1981 est établie dès lors que la feuille figurant à son dossier médical fait état d'une hospitalisation pour des saignements et des caillots, et d'un curetage ;

- la probabilité que ce document se rapporte à une autre patiente est très faible ;

- ses médecins imputent la contamination par le virus de l'hépatite C aux transfusions subies en 1981 ;

- l'expert fait état de la photocopie d'une feuille d'anesthésie mentionnant une perfusion de sang et de sérum glucosé à 5 % ;

- les éléments figurant au rapport d'expertise permettent de présumer que l'hépatite a pour origine les transfusions sanguines, le doute devant lui profiter en application de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 15 mai 2013, présenté pour l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par son directeur, par l'Association d'avocats Vatier et Associés, qui conclut au rejet de la requête ;

L'ONIAM fait valoir que :

- la requérante n'établit pas la matérialité des transfusions sanguines qu'elle prétend avoir subies, ainsi que le relève l'expert désigné par les premiers juges ;

- la présomption prévue par l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 ne s'applique qu'à l'imputabilité de la contamination à la transfusion, et non à la matérialité de cette transfusion ;

- l'expert privilégie une origine nosocomiale à la contamination ;

- la désignation d'un nouvel expert n'est pas nécessaire, l'expertise ordonnée par les premiers juges répondant à toutes les questions posées par le litige ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 16 mai 2013, présenté pour le centre hospitalier intercommunal des hôpitaux de Saint-Avold et de Forbach " Unisanté + ", venant aux droits du centre hospitalier Marie-Madeleine de Forbach, représenté par son directeur, par MeC..., qui conclut, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à ce que, dans l'hypothèse d'une condamnation, les dommages et intérêts soient mis à la charge exclusive de l'ONIAM ou, à défaut, de l'EFS, et, en tout état de cause, à la condamnation de la requérante, de l'ONIAM ou de l'EFS aux entiers dépens, ainsi qu'au versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

L'établissement hospitalier fait valoir que :

- le jugement attaqué ne peut qu'être confirmé ;

- n'étant que l'utilisateur des produits sanguins destinés aux transfusions, il doit être mis hors de cause ;

- seule peut être recherchée la responsabilité de l'EFS, auquel l'ONIAM est venu se substituer ;

Vu les mémoires, enregistrés les 12 juin 2013 et 10 septembre 2013, présentés pour Mme B..., qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle, en date du 24 janvier 2013, admettant Mme B...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ;

Vu la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale, notamment son article 67 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 novembre 2013 :

- le rapport de M. Guérin-Lebacq, premier conseiller,

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,

- et les observations de Me MeA..., pour MmeB..., et de MeC..., pour le centre hospitalier intercommunal des hôpitaux de Saint-Avold et de Forbach " Unisanté + " ;

1. Considérant que Mme B...a saisi le Tribunal administratif de Strasbourg le 25 octobre 2007 en vue d'obtenir la condamnation solidaire du centre hospitalier Marie-Madeleine de Forbach et de l'Etablissement français du sang (EFS) à réparer les conséquences dommageables de sa contamination par le virus de l'hépatite C, diagnostiquée en 1992, qu'elle impute à des transfusions de produits sanguins qui auraient été pratiquées lors de son accouchement au centre hospitalier de Forbach en juillet 1981 ; que l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) a présenté un mémoire, faisant valoir qu'il se substitue à l'EFS en application de l'article 67 de la loi du 17 décembre 2008 ; qu'après avoir mis hors de cause tant l'EFS, que le centre hospitalier intercommunal des hôpitaux de Saint-Avold et de Forbach " Unisanté + ", dont dépend le centre hospitalier de Forbach, le tribunal administratif a, par un jugement du 2 octobre 2012, rejeté la requête de Mme B...au motif qu'elle n'établissait pas avoir subi des transfusions de produits sanguins ; que l'intéressée relève appel de ce jugement et demande la condamnation solidaire du centre hospitalier de Forbach, de l'EFS et de l'ONIAM ;

Sur la mise en cause de l'établissement hospitalier et de l'EFS :

2. Considérant que, selon le deuxième alinéa de l'article L. 1142-22 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue du II de l'article 67 de la loi du 17 décembre 2008, l'ONIAM est chargé, en application de l'article L. 1221-14 du même code, de l'indemnisation des victimes de préjudices résultant de la contamination par le virus de l'hépatite C causée par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang ; qu'il résulte des dispositions de l'article L. 1221-14, issu du I du même article 67 de la loi du 17 décembre 2008, que l'ONIAM indemnise les victimes de contamination dans les conditions prévues par l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 ; qu'aux termes du IV de cet article 67 : " A compter de la date d'entrée en vigueur du présent article, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales se substitue à l'Etablissement français du sang dans les contentieux en cours au titre des préjudices mentionnés à l'article L. 1221-14 du code de la santé publique n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable " ; que l'article 67 de la loi du 17 décembre 2008 est entré en vigueur à la même date que le décret n° 2010-251 du 11 mars 2010 pris pour son application, soit le 1er juin 2010 ;

3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que l'ONIAM, qui est substitué à l'EFS depuis le 1er juin 2010, est seul chargé d'indemniser les victimes de préjudices résultant de la contamination par le virus de l'hépatite C, causée par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang ; que la requérante invoquant ce seul fondement, il y a lieu de mettre l'établissement hospitalier et l'EFS hors de cause ;

Sur le fond :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé : " En cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion ou cette injection n'est pas à l'origine de la contamination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Le doute profite au demandeur. (...) " ; que la présomption légale instituée par cette disposition ne s'applique qu'à la relation de cause à effet entre une transfusion et la contamination par le virus de l'hépatite C ultérieurement constatée, mais ne concerne pas l'existence même de la transfusion soupçonnée d'avoir causé cette contamination ; qu'il incombe donc au demandeur d'établir l'existence de la transfusion qu'il prétend avoir subie, selon les règles de droit commun gouvernant la charge de la preuve devant le juge administratif ; que cette preuve peut être apportée par tout moyen et est susceptible de résulter, notamment dans l'hypothèse où les archives de l'hôpital ou du centre de transfusion sanguine ont disparu, de témoignages et d'indices concordants dont les juges du fond apprécient souverainement la valeur ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise ordonnée par les premiers juges, que Mme B...a été hospitalisée le 12 juillet 1981 dans le service de maternité du centre hospitalier de Forbach, où elle a accouché d'un enfant le lendemain ; qu'après avoir quitté l'hôpital le matin du 19 juillet 1981, elle y a été de nouveau hospitalisée le soir du même jour en raison de métrorragies importantes pour y subir un curetage ;

6. Considérant, d'une part, que son dossier médical, et notamment le compte-rendu établi le 28 juillet 1981 par les praticiens du centre hospitalier à l'attention de son médecin traitant, ne mentionne aucune transfusion réalisée dans le cadre du traitement des métrorragies ; que si Mme B...fait état des mentions portées sur papier libre se référant, à la date du 19 juillet 1981, aux saignements et caillots observés et au curetage dont elle a fait l'objet, ce document ne comporte aucune indication attestant de ce qu'une transfusion de produits sanguins aurait été réalisée ; que, par ailleurs, la photocopie d'une feuille d'anesthésie, examinée par l'expert, mentionnant la perfusion de sérum glucosé et de sang, ne précise ni la date de cette intervention, ni la personne concernée par la perfusion et ne permet pas d'établir la réalité de la transfusion que Mme B...prétend avoir reçue au centre hospitalier de Forbach, lors de son hospitalisation de juillet 1981 ; qu'à cet égard, il ne résulte pas de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que ce document, qui n'a pas été versé au dossier contentieux, aurait figuré avec certitude au dossier médical de la patiente ;

7. Considérant, d'autre part, que les différents courriers établis par les médecins traitants de Mme B...à compter de 1992, ne permettent pas non plus d'établir qu'elle aurait reçu une transfusion sanguine au centre hospitalier de Forbach onze ans plus tôt, alors qu'aucune pièce du dossier médical ne vient corroborer l'existence d'une telle transfusion ; que, contrairement à ce que soutient la requérante, la voie transfusionnelle ne constitue pas l'unique mode de transmission du virus de l'hépatite C, l'expert envisageant l'hypothèse d'une contamination par voie nosocomiale, eu égard aux nombreuses périodes d'hospitalisation de l'intéressée ;

8. Considérant que Mme B...n'établit donc pas l'existence de la transfusion, qu'elle prétend avoir subie lors de son hospitalisation en 1981, et ne saurait, par suite, se prévaloir de la présomption légale instituée par l'article 102 de la loi du 4 mars 2002, qui ne s'applique qu'à la relation de cause à effet entre la transfusion et la contamination par le virus de l'hépatite C ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande d'indemnisation ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées à titre subsidiaire, tendant à ce qu'une nouvelle expertise soit ordonnée pour l'évaluation de son préjudice, ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'EFS et de l'ONIAM, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, le versement de la somme que le centre hospitalier intercommunal des hôpitaux de Saint-Avold et de Forbach " Unisanté + " demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions du centre hospitalier présentées sur le fondement de ces mêmes dispositions à l'encontre de MmeB... ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du centre hospitalier intercommunal des hôpitaux de Saint-Avold et de Forbach " Unisanté + " présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...B..., au centre hospitalier intercommunal des hôpitaux de Saint-Avold et de Forbach " Unisanté + ", dont dépend le centre hospitalier Marie-Madeleine de Forbach, à l'Etablissement français du sang, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la caisse primaire d'assurance maladie de Forbach.

''

''

''

''

2

N° 13NC00253


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13NC00253
Date de la décision : 05/12/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-005 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité sans faute.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: M. Jean-Marc GUERIN-LEBACQ
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : SCP GENIN-HOFFMANN-HUM

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2013-12-05;13nc00253 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award