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19/12/2013 | FRANCE | N°12NC02082

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 19 décembre 2013, 12NC02082


Vu la requête, enregistrée le 20 décembre 2012, complétée par un mémoire en date du 21 juin 2013, présentée pour la société Gascogne Laminates, dont le siège social est 1 rue Louis Blanc à Dax (40100), par la SCP Vendôme Avocats ;

La société Gascogne Laminates demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900014 en date du 25 octobre 2012 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 6 novembre 2008 par laquelle le président du conseil général des Ardennes a demandé le rembo

ursement de la subvention de 1 500 000 euros qui lui avait été allouée par le départe...

Vu la requête, enregistrée le 20 décembre 2012, complétée par un mémoire en date du 21 juin 2013, présentée pour la société Gascogne Laminates, dont le siège social est 1 rue Louis Blanc à Dax (40100), par la SCP Vendôme Avocats ;

La société Gascogne Laminates demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900014 en date du 25 octobre 2012 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 6 novembre 2008 par laquelle le président du conseil général des Ardennes a demandé le remboursement de la subvention de 1 500 000 euros qui lui avait été allouée par le département des Ardennes, ainsi que du titre exécutoire émis le 17 novembre 2008 ;

2°) d'annuler la décision du 6 novembre 2008 ainsi que le titre exécutoire émis le 17 novembre 2008 ;

3°) subsidiairement, de réduire le montant du remboursement de la subvention à la somme maximale de 150 000 euros et encore plus subsidiairement de condamner le département des Ardennes à lui payer le montant de la subvention qu'elle serait condamnée à lui rembourser, à titre d'indemnisation ;

4°) de mettre à la charge du département des Ardennes la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le président du conseil général était incompétent pour prendre la décision de demande de remboursement de la subvention, la commission permanente était seule compétente ; la décision n'est pas une mesure d'exécution du contrat mais une décision de retrait ;

- la décision du 6 novembre 2008 est entachée d'un vice de procédure dès lors que la procédure contradictoire n'a pas été mise en oeuvre avant son adoption ; la lettre du 24 octobre 2008 ne constitue pas une invitation de la société à présenter des observations ;

- la subvention n'avait pas pour fondement le maintien ou le développement de l'emploi dans le bassin des Ardennes mais n'était motivée que par la nécessité de pallier les conséquences de l'aménagement routier sur son activité ; la société n'a pris aucun engagement quant au maintien de l'activité et des emplois existants sur une durée de cinq ans ; la société a rempli ses engagements ; l'interprétation de la convention doit se faire dans le respect de son objet ; l'analyse de la situation du groupe Gascogne et de sa filiale démontre que la condition prévue de maintien des emplois existants et de l'activité du site était devenue caduque ;

- la décision du 6 novembre 2008 est dénuée de motifs car le site en cause n'était ni en inactivité ni fermé à la date du 6 novembre 2008 ;

- la décision du 6 novembre 2008 motive à tort la demande de remboursement de la subvention par les dispositions de la convention du 24 janvier 2006, qui ne prévoit pas que l'ordonnateur de la subvention pourra en exiger le remboursement ;

- elle subit un préjudice ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 12 avril 2013, présenté pour le département des Ardennes, représenté par son président, élisant domicile..., par la SELARL D4, Avocats associés ;

Il conclut :

- à titre principal, au rejet de la requête, à ce que la cour ordonne la restitution de l'aide versée sous astreinte et mette à la charge de la société SASU Gascogne Laminates la somme de 6 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

- à titre subsidiaire, à ce que la cour prononce la responsabilité contractuelle de la société Gascogne Laminates à hauteur de 1 500 000 euros, prononce la résolution du protocole d'accord pour défaut de cause, ordonne la restitution de la somme de 1 500 000 euros sous astreinte, déclare l'aide financière conditionnée et demande la restitution de la somme de 1 500 000 euros sous astreinte ;

Il soutient que :

- la décision en litige relève des mesures d'exécution du protocole d'accord signé le 24 janvier 2006, et le président du conseil général était compétent aux termes des dispositions des articles L. 3221-1 et L. 3221-10 du code général des collectivités territoriales et de la décision de la commission permanente du conseil général des Ardennes ;

- la procédure n'est pas irrégulière car une mesure d'exécution du contrat n'a pas à être contradictoire ;

- la société ne peut transformer la cause ainsi que l'objet du contrat pour contester la décision du 6 novembre 2008 et le titre exécutoire ; les conditions de l'aide financière étaient prévues par la convention ; la société n'a pas respecté ses obligations contractuelles ; les éléments extérieurs au contrat sont sans incidence ;

- la décision du 6 novembre 2008 comportait les motifs de la demande de reversement ;

- la société ne peut soutenir que le remboursement de l'aide serait source de préjudice ;

Vu l'ordonnance en date du 24 mai 2013 portant clôture de l'instruction au 23 juin 2013 ;

Vu l'ordonnance en date du 25 juin 2013 portant réouverture de l'instruction ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'ordonnance n° 12NC02117 du 4 avril 2013 par laquelle le juge des référés a, en application de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, suspendu l'exécution de la décision du 6 novembre 2008 ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration, notamment son article 24 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 novembre 2013 :

- le rapport de Mme Steinmetz-Schies, premier conseiller,

- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,

- et les observations de Me Deschaseaux, avocat de la société Gascogne Laminates, ainsi que celles de Me Dreyfus, avocat du département des Ardennes ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

1. Considérant que si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 24 de la loi précitée du 12 avril 2000 : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. L'autorité administrative n'est pas tenue de satisfaire les demandes d'audition abusives, notamment par leur nombre, leur caractère répétitif ou systématique (...) " ; que ces dispositions impliquent que l'intéressé soit informé de la mesure que l'administration envisage de prendre et qu'il bénéficie d'un délai suffisant pour présenter ses observations écrites conformément au principe général des droits de la défense mais n'imposent pas à l'administration d'informer l'intéressé de sa faculté de présenter des observations écrites ; que la circonstance qu'une décision ait été obtenue par fraude ne dispense pas l'administration d'inviter le bénéficiaire de cette décision à présenter ses observations ;

3. Considérant qu'alors même qu'elle a été formalisée par un protocole d'accord du 24 janvier 2006, la décision par laquelle le département des Ardennes a octroyé à la société SOPAL, aux droits de laquelle vient la société Gascogne Laminates, une subvention d'un montant de 1,5 millions d'euros correspondant au montant des travaux d'aménagement de son site industriel de Givet rendus nécessaires par la création d'une route départementale et estimés à 1,084 millions d'euros HT, ainsi qu'à la perte d'exploitation liée à ces travaux, estimée à 0,416 million d'euros, est par nature une décision unilatérale créatrice de droits au profit de son bénéficiaire ; que dans l'exercice du pouvoir dont le département des Ardennes dispose d'annuler les subventions qu'il a attribuées et d'en ordonner le reversement, faute qu'aient été respectées les conditions auxquelles elles avaient été octroyées, l'administration est nécessairement conduite à porter une appréciation sur le comportement de la personne morale en cause eu égard à ces conditions d'attribution ; que, dès lors, le département des Ardennes ne pouvait légalement demander, au motif que les fonds versés n'avaient pas reçu la contrepartie qui avait été définie par le protocole d'accord conclu entre les parties, le reversement de la subvention qu'avait reçue la société SOPAL sans mettre celle-ci en mesure de présenter ses observations ; que cette omission a privé la société Gascogne Laminates d'une garantie ; que, contrairement à ce que soutient le département, cette formalité n'a pu être respectée par l'envoi d'un courrier du 24 octobre 2008 dans lequel le président du conseil général demandait le " remboursement immédiat de l'aide consentie par le conseil général en application des dispositions de la convention signée le 24 janvier 2006 " ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Gascogne Laminate est fondée à soutenir que la décision en date du 6 novembre 2008 du président du conseil général des Ardennes est intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière en méconnaissance des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 précitée et doit être annulée ; que, par voie de conséquence, le titre exécutoire en date du 17 novembre 2008 est dépourvu de base légale ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Gascogne Laminate est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 6 novembre 2008 ainsi que du titre exécutoire émis le 17 novembre 2008 et à la décharge de l'obligation de payer cette somme ;

6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Gascogne Laminates, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que le département des Ardennes demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du département des Ardennes une somme de 1 500 euros à verser à la société Gascogne Laminates au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 0900014 en date du 25 octobre 2012 du tribunal administratif de Chalons en Champagne est annulé.

Article 2 : La décision du 6 novembre 2008 du président du département des Ardennes et le titre exécutoire du 17 novembre 2008 sont annulés.

Article 3 : Le département des Ardennes versera à la société Gascogne Laminates une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4: Le présent arrêt sera notifié à la société Gascogne Laminates et au département des Ardennes.

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12NC02082


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12NC02082
Date de la décision : 19/12/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Validité des actes administratifs - Forme et procédure.

Urbanisme et aménagement du territoire - Procédures d'intervention foncière - Préemption et réserves foncières - Droits de préemption.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre STEINMETZ-SCHIES
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : VENDOME SOCIETE D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2013-12-19;12nc02082 ?
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