La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/12/2013 | FRANCE | N°13NC00062

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 19 décembre 2013, 13NC00062


Vu la requête, enregistrée le 15 janvier 2013, présentée pour la société Europ revêtement, dont le siège est 522 rue du Tissage à Dounoux (88220), par Me A... ;

La société Europ revêtement demande à la cour d'annuler le jugement n° 1101001 du 20 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'obligation de payer la somme de 13 576,99 euros résultant de l'état exécutoire émis à son encontre le 20 juin 2011 par le président de la communauté de communes du pays sous-vosgien ;

Elle soutient qu'e

lle a respecté le cahier des charges des travaux et n'est pas responsable du défaut d...

Vu la requête, enregistrée le 15 janvier 2013, présentée pour la société Europ revêtement, dont le siège est 522 rue du Tissage à Dounoux (88220), par Me A... ;

La société Europ revêtement demande à la cour d'annuler le jugement n° 1101001 du 20 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'obligation de payer la somme de 13 576,99 euros résultant de l'état exécutoire émis à son encontre le 20 juin 2011 par le président de la communauté de communes du pays sous-vosgien ;

Elle soutient qu'elle a respecté le cahier des charges des travaux et n'est pas responsable du défaut de conception à l'origine du désordre affectant le revêtement de sol souple de la salle polyvalente ; qu'il résulte d'une note du 17 avril 2008 que la survenance des désordres était due aux mouvements et au poids des gradins ; qu'un problème identique s'était déjà produit lors de la réalisation initiale des travaux par une autre entreprise ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 8 avril 2013, présenté pour la communauté de communes du pays sous-vosgien par la Selas Bruno Kern qui conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société Europ revêtement la somme de 3 000 euros en application de l'article L 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que la requête est irrecevable car ne contenant l'énoncé d'aucun moyen ; que la société requérante a bien été associée aux opérations d'expertise ; que les désordres constatés engagent la responsabilité décennale de l'entreprise ; que les travaux de réfection du sol confiés à la société Europ revêtement l'ont été sans maître d'oeuvre ni bureau de contrôle ; que lors de son intervention les gradins étaient déjà en place ; qu'il appartenait à l'entreprise, tenue à une obligation de conseil vis-à-vis du maître d'ouvrage, de formuler des observations ou des réserves ; que le montant de la réparation a été fixé par référence à un devis, la communauté de communes acceptant par ailleurs d'en conserver une partie à sa charge ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 7 juin 2013, présenté pour la société Europ revêtement qui conclut aux mêmes fins que la requête, et en outre à l'annulation de l'état exécutoire émis à son encontre le 20 juin 2011 et à ce qu'il soit mis à la charge de la communauté de communes du pays sous-vosgien la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient en outre que sa requête est recevable ; qu'elle n'a pas assisté aux opérations d'expertise et n'a pas été destinataire du rapport ; que si, outre le rôle joué par le poids et les mouvements des gradins, des remontées d'humidité ne sont pas à exclure dans l'apparition des désordres, il s'agit en tout état de cause d'erreurs de conception imputables au maître d'oeuvre et au contrôleur technique ; que les caractéristiques du revêtement de sol étaient celles définies dans le cahier des charges du marché ; qu'elle a respecté les normes techniques en vigueur ; qu'elle n'avait pas à remettre en cause le choix effectué par le maître d'oeuvre ; qu'elle est totalement étrangère aux désordres et est intervenue après la conception de l'ouvrage ; que le chiffrage de la réparation mise à sa charge est contestable dès lors qu'il se fonde sur un seul devis obtenu auprès d'une entreprise sollicitée par le maître de l'ouvrage ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 novembre 2013 :

- le rapport de M. Pommier, président,

- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,

- et les observations de Me Kern, avocat de la communauté de communes du pays sous-vosgien ;

1. Considérant que la communauté de communes du pays sous-vosgien a fait édifier à Etueffont (Territoire de Belfort) une salle polyvalente ; que cet ouvrage a été réceptionné sans réserve le 13 juillet 2001 ; que des bulles et boursouflures étant apparues sur le revêtement de sol, le maître de l'ouvrage a décidé de le remplacer et a chargé une autre entreprise que celle qui était titulaire du lot de réaliser les travaux ; que de nouveaux désordres sont apparus au cours de l'année 2004 ; qu'au vu des rapports d'expertise demandés par son assureur, le président de la communauté de communes a émis le 20 juin 2011 à l'encontre de la société Europ revêtement, à qui les travaux de réfection avaient été confiés, un titre exécutoire de 13 576,99 euros correspondant à 80 % du montant du coût de remplacement du revêtement de sol ; que la société Europ revêtement relève appel du jugement du 20 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à la décharge de la somme mise à sa charge ;

2. Considérant qu'il ressort de la lettre du 1er avril 2003 par laquelle le président de la communauté de communes du pays sous-vosgien a accepté le devis présenté par l'entreprise Europ revêtement que les travaux devaient impérativement être réalisés du 21 juillet au 19 août 2003, la salle devant être opérationnelle le 20 août ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que les travaux auraient été réalisés avec retard ; qu'en l'absence de réception expresse, et alors qu'il n'est pas contesté que le maître de l'ouvrage a réglé à l'entreprise l'intégralité du prix du marché, la commune intention des parties doit être regardée comme ayant été de procéder à une réception tacite sans réserve par la prise de possession de l'ouvrage à la date du 20 août 2003 ;

3. Considérant que les boursouflures et décollements du revêtement de sol souple de la salle polyvalente sont, en raison de leur étendue et des risques qu'ils comportent pour la sécurité des usagers, de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination et, par suite, à engager la responsabilité décennale des constructeurs ;

4. Considérant que la garantie qu'impliquent, pour tout constructeur d'un ouvrage, les principes dont s'inspire l'article 1792 du code civil, repose sur une présomption de responsabilité ; que le constructeur dont la responsabilité est recherchée en application de ces principes n'est fondé à se prévaloir, vis-à-vis du maître de l'ouvrage, de l'imputabilité de tout ou partie des désordres litigieux à un autre constructeur co-contractant du maître de l'ouvrage, et à demander en conséquence que sa responsabilité soit écartée ou limitée, que dans la mesure où ces désordres ou cette partie des désordres ne lui sont pas également imputables ;

5. Considérant que la société requérante soutient que les désordres ont pour origine le poids et le mouvement des gradins mobiles, à quoi il ne peut être exclu que s'ajoute une humidité excessive du support, ces causes procédant exclusivement d'une erreur de conception imputable à la maîtrise d'oeuvre et au contrôleur technique ;

6. Considérant que si la société requérante se prévaut de ce que les opérations d'expertise amiable ne se sont pas déroulées en sa présence, bien qu'elle ne conteste pas y avoir été convoquée, la circonstance que cette expertise ait été dépourvue de caractère contradictoire à son égard ne fait en tout état de cause pas obstacle à ce que le juge utilise les éléments de fait non contestés contenus dans le rapport d'expertise ;

7. Considérant que le rapport du 17 avril 2008 dont les constatations ne sont pas contestées mentionne - et justifie par une photographie - que le revêtement présente deux décollements en dehors de la zone des gradins ; que si la société requérante se prévaut d'une lettre adressée par son propre assureur le 14 octobre 2009 à l'assureur de la communauté de communes indiquant que selon les rapports de son expert les dommages seraient exclusivement dus aux mouvements et au poids des gradins, elle n'a pas produit ces rapports ; qu'il ne peut dès lors être retenu que la seule cause d'apparition des désordres serait le poids et le fonctionnement des gradins mobiles ;

8. Considérant qu'en admettant même qu'aucun défaut d'exécution ne puisse lui être reproché, la société requérante, qui ne pouvait ignorer ni que le revêtement de sol souple devait supporter des gradins, lesquels étaient déjà en place, ni que le revêtement qu'elle devait remplacer présentait des décollements pouvant être en rapport avec des remontées excessives d'humidité du support, n'a formulé aucune observation ou réserve, alors qu'en sa qualité d'entreprise spécialisée dans la pose de revêtement de sol elle aurait été en mesure de le faire ; qu'ainsi les désordres lui sont imputables à raison de ce fait ; que la société Europ revêtement, qui ne pourrait utilement se prévaloir des circonstances qu'elle invoque qu'à l'appui d'un recours en garantie dirigé contre les autres constructeurs qu'elle met en cause, n'est, par suite, pas fondée à demander à être déchargée de sa responsabilité vis-à-vis de la communauté de communes du pays sous-vosgien ;

9. Considérant que la seule circonstance que le montant de la réparation mise à la charge de la société Europ revêtement se fonde sur un seul devis d'une entreprise sollicitée par le maître de l'ouvrage n'est pas de nature à faire regarder le montant réclamé comme exagéré ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par la communauté de communes du pays sous-vosgien, que la société Europ revêtement n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12 Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la communauté de communes du pays sous-vosgien, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que demande la société Europ revêtement au titre des frais exposés ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ladite société le versement de la somme de 1 500 euros à la communauté de communes du pays sous-vosgien au même titre ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Europ revêtement est rejetée.

Article 2 : La société Europ revêtement versera à la communauté de communes du pays sous-vosgien la somme de 1 500 € (mille cinq cents euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Europ revêtement et à la communauté de communes du pays sous-vosgien.

''

''

''

''

2

N° 13NC00062


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13NC00062
Date de la décision : 19/12/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

39-06-01-04-05-01 Marchés et contrats administratifs. Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage. Responsabilité décennale. Responsabilité de l'entrepreneur. Faits de nature à engager sa responsabilité.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: M. Joseph POMMIER
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : DANEL-MONNIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2013-12-19;13nc00062 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award