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23/01/2014 | FRANCE | N°13NC00210

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 23 janvier 2014, 13NC00210


Vu la requête, enregistrée le 4 février 2013, présentée pour la société Bredin-Pichard, exerçant sous l'enseigne "Les batteurs d'or" dont le siège social est situé 10 rue Notre-Dame à Nancy (54000), par Me Tadic ;

La société Bredin-Pichard demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200626 du 4 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du maire de Nancy, en date du 23 janvier 2012, limitant à une surface de 6 m de long et 1,30 m de large, soit 4 tables et 12 chaises, l'autorisati

on de terrasse délivrée pour l'année 2012 ;

2°) d'annuler ledit arrêté ;

3°) d...

Vu la requête, enregistrée le 4 février 2013, présentée pour la société Bredin-Pichard, exerçant sous l'enseigne "Les batteurs d'or" dont le siège social est situé 10 rue Notre-Dame à Nancy (54000), par Me Tadic ;

La société Bredin-Pichard demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200626 du 4 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du maire de Nancy, en date du 23 janvier 2012, limitant à une surface de 6 m de long et 1,30 m de large, soit 4 tables et 12 chaises, l'autorisation de terrasse délivrée pour l'année 2012 ;

2°) d'annuler ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre au maire de Nancy de lui délivrer une autorisation d'occupation du domaine public de 14 tables et 42 chaises ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Nancy le versement de la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le moyen tiré de la violation du principe de liberté du commerce et de l'industrie est opérant, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif ; les limites apportées à cette liberté doivent être nécessaires et proportionnées ;

- la qualification d'autorisation d'occupation temporaire du domaine public n'exclut pas le caractère de mesure de police ;

- l'atteinte à l'ordre public n'est pas établie ; le passage des engins de secours et des engins de collecte des ordures ménagères n'est pas gêné par la terrasse de la brasserie ;

- dans la même rue, la terrasse du café voisin est au moins aussi encombrante et a été autorisée ; de même les chalets de Noël y sont implantés chaque année alors même qu'ils empiètent largement sur la voie publique ; la commune a ainsi commis un abus de position dominante, prohibé par l'article L. 420-2 du code de commerce, et méconnu le principe d'égalité ;

Vu le mémoire, enregistré le 11 juillet 2013, présenté pour la commune de Nancy par la SCP Gasse Carnel Gasse, qui conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société Bredin-Pichard la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que la société requérante non seulement dispose d'une autorisation d'occupation du domaine public pour l'aménagement d'une terrasse mais a également été autorisée à édifier une véranda sur le domaine public ; que l'occupation privative du domaine public s'étend ainsi aux deux tiers de la largeur de la rue Notre Dame ; qu'en réalité, elle empiète sur le tiers restant lorsque la clientèle est présente ; que la collecte des ordures ménagères s'effectue à 19 heures, soit donc à une heure de grande affluence de la clientèle ; que les services de lutte contre l'incendie sont gênés par le mobilier de la terrasse ;

Vu le mémoire, enregistré le 28 octobre 2013, présenté pour la société Bredin-Pichard qui conclut aux mêmes fins que la requête ;

Elle soutient en outre que :

- la véranda a été régulièrement construite après obtention d'un permis de construire ; la commune entend faire pression sur elle, en ne lui accordant qu'une autorisation réduite, pour obtenir la démolition de la véranda ; elle commet ainsi un détournement de pouvoir ;

- la largeur de la voie restant libre est de 4 m, ce qui est suffisant pour le passage des engins de secours et de ramassage des ordures ménagères ;

Vu le mémoire, enregistré le 6 novembre 2013, présenté pour la commune de Nancy, qui conclut aux mêmes fins que précédemment ;

Elle soutient en outre qu'elle n'a jamais eu l'intention de mettre en cause la véranda édifiée par les propriétaires de la brasserie ; que c'est au service départemental d'incendie et de secours de déterminer la largeur nécessaire pour le passage des engins de secours en application des règlements existants et des caractéristiques de la voie et des immeubles riverains ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de commerce ;

Vu le code général de la propriété des personnes publiques ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 décembre 2013 :

- le rapport de M. Pommier, président,

- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,

- et les observations de Me Tadic, avocat de la société Bredin-Pichard, ainsi que celles de Me Gasse, avocat de la commune de Nancy ;

1. Considérant que la société Bredin-Pichard exploite un fonds de commerce de restaurant et de débit de boissons à l'enseigne " Les batteurs d'or " sis 10 rue Notre-Dame à Nancy ; que, par arrêté du 11 juillet 2006, elle a été autorisée à installer une terrasse comprenant 10 tables et 30 chaises, sur une surface de 6 m de long et 4 m de large devant son établissement ; que cette autorisation d'occuper la même surface a été portée les années suivantes et jusqu'à l'année 2010 à 14 tables et 34 chaises ; qu'elle a demandé, le 8 novembre 2011, à être autorisée à occuper une terrasse de 14 tables et 42 chaises ; que, par un arrêté du 23 janvier 2012, le maire de Nancy a, comme l'année précédente, restreint la superficie du domaine public qu'il l'autorisait à occuper pour l'année 2012 à une bande de 6 m de long sur 1, 30 m de large, soit une terrasse de 4 tables et 12 chaises seulement ; que la société Bredin-Pichard a introduit un recours contentieux devant le tribunal administratif de Nancy contre cet arrêté en tant qu'il a réduit la superficie de la partie du domaine public qu'elle était autorisée à occuper ; qu'elle relève appel du jugement du 4 décembre 2012 rejetant sa demande ;

2. Considérant qu'il incombe à l'autorité chargée de la gestion du domaine public de prendre en compte, lorsqu'elle statue sur les demandes d'occupation domaniale, tant l'intérêt de ce domaine et de son affectation que l'intérêt général ;

3. Considérant qu'il ressort des motifs de l'arrêté contesté que l'autorisation de terrasse accordée à la société Bredin-Pichard a été limitée à une largeur de 1,30 m afin de ne pas compromettre la commodité du passage pour la collecte des ordures ménagères et l'accessibilité des secours ;

4. Considérant qu'il ressort notamment du constat d'huissier produit par la société requérante que la rue Notre-Dame est une rue piétonne du centre ville de Nancy d'une largeur supérieure à 8 m et que la terrasse installée devant la brasserie " Les batteurs d'or ", comprenant deux rangées de tables, dont les photographies produites révèlent d'ailleurs qu'elles ont été tolérées en dépit de l'arrêté litigieux, occupe une largeur légèrement inférieure à 4 m, laissant disponible une largeur de plus de 4 m pour le passage des piétons et des véhicules ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la société requérante ne respectait pas les limites de l'autorisation qui lui avait été accordée jusqu'à l'année 2010 ; que ce n'est d'ailleurs pas un tel motif qui a justifié l'édiction de l'arrêté en litige ;

5. Considérant que si cette rue piétonne dépourvue de trottoir comprend dans sa partie centrale une voie " engin " matérialisée par le revêtement de sol, et si la terrasse d'une largeur de 4 m que la société Bredin-Pichard avait été antérieurement autorisée à installer devant son établissement occupait cette voie dans toute sa largeur, il ne ressort cependant pas des pièces du dossier et notamment des termes des seules lettres des 16 juin 2009 et 27 février 2010 émanant respectivement du service de collecte des déchets et du service départemental d'incendie et de secours, qui ne font pas état de gênes majeures, que cette circonstance soit telle, eu égard notamment à la faible longueur de cette terrasse qui n'est que de 6 m, que même aux périodes d'affluence les véhicules de ramassage des ordures ménagères ou les engins de secours ou de lutte contre l'incendie ne puissent aisément contourner la terrasse et circuler facilement sur la partie de la rue laissée libre ; que si, dans ses écritures, la commune de Nancy soutient qu'il existerait un danger pour les clients de la brasserie ou les passants lors des opérations de collecte des ordures en raison du faible espace disponible de part et d'autre du camion, l'arrêté attaqué n'est pas fondé sur ce motif ; qu'il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que la présence d'une deuxième rangée de tables, lesquelles sont amovibles, serait de nature à rendre plus malaisée l'installation d'échelles aériennes au droit de la façade de l'immeuble ; que, par suite, et alors même que les précédentes autorisations lui avaient été délivrées à titre précaire et révocable, et si elle n'avait pas nécessairement droit à obtenir une autorisation lui permettant d'installer 14 tables et 42 chaises comme elle le demandait, la société requérante est fondée à soutenir que les motifs retenus n'étaient pas de nature à justifier légalement l'arrêté attaqué en tant qu'il limite à 1,30 m la largeur de la terrasse autorisée au droit de la façade de la brasserie " Les batteurs d'or " ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la société Bredin-Pichard est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. Considérant que l'arrêté attaqué portait autorisation d'occupation du domaine public pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2012 ; qu'ainsi, à la date à laquelle la cour statue, il avait cessé de produire effet ; que, dès lors, l'annulation à laquelle procède le présent arrêt n'implique pas que l'autorité administrative prenne une mesure d'exécution ou prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Nancy le versement à la société Bredin-Pichard de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la société Bredin-Pichard, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de Nancy demande au même titre ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nancy en date du 4 décembre 2012 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du maire de Nancy en date du 23 janvier 2012 est annulé en tant qu'il limite à une surface de 6 m de long et 1, 30 m de large, soit 4 tables et 12 chaises, l'autorisation d'occupation temporaire du domaine public pour l'installation d'une terrasse devant la brasserie " Les batteurs d'or ".

Article 3 : La commune de Nancy versera la somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) à la société Bredin-Pichard au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Les conclusions de la commune de Nancy tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société Bredin-Pichard et à la commune de Nancy.

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13NC00210


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13NC00210
Date de la décision : 23/01/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

24-01-02-01-01-01 Domaine. Domaine public. Régime. Occupation. Utilisations privatives du domaine. Autorisations unilatérales.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: M. Joseph POMMIER
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : SCP GASSE-CARNEL-GASSE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2014-01-23;13nc00210 ?
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