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13/02/2014 | FRANCE | N°12NC01401

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 13 février 2014, 12NC01401


Vu la décision n° 346349, rendue le 16 juillet 2012 par le Conseil d'Etat statuant au contentieux, annulant l'arrêt n° 08NC00049 du 6 décembre 2010 par lequel la cour administrative de Nancy a rejeté les conclusions de la requête présentée par la société Saria Industries et lui renvoyant l'affaire ;

Vu la requête, enregistrée le 9 janvier 2008 sous le n° 08NC00049, complétée par un mémoire enregistré le 26 février 2010, présentée pour la société Saria Industries, représentée par son directeur, dont le siège est 17 avenue d'Italie à Illzach (68315), par Me Che

trit ;

La société Saria Industries demande à la cour :

1°) d'annuler le jugem...

Vu la décision n° 346349, rendue le 16 juillet 2012 par le Conseil d'Etat statuant au contentieux, annulant l'arrêt n° 08NC00049 du 6 décembre 2010 par lequel la cour administrative de Nancy a rejeté les conclusions de la requête présentée par la société Saria Industries et lui renvoyant l'affaire ;

Vu la requête, enregistrée le 9 janvier 2008 sous le n° 08NC00049, complétée par un mémoire enregistré le 26 février 2010, présentée pour la société Saria Industries, représentée par son directeur, dont le siège est 17 avenue d'Italie à Illzach (68315), par Me Chetrit ;

La société Saria Industries demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0300377 du 25 octobre 2007 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 1 574 806,56 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 1er octobre 2002 et de la capitalisation de ces intérêts ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 499 335,90 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 1er octobre 2002 et de leur capitalisation ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- la demande de première instance est recevable, dès lors que la décision du préfet du Haut-Rhin du 29 avril 2002 rejetant sa demande indemnitaire ne comporte pas la mention des voies et délais de recours contentieux ;

- les premiers juges ont estimé à tort que les dispositions du décret n° 2000-1166 du 1er décembre 2000 modifié étaient applicables à la situation visée par le contrat, lequel régissait une situation locale spécifique, indemnisant le surstockage assuré par l'entreprise à la demande de l'Etat, en dehors du champ de ce dispositif règlementaire ; la faute contractuelle commise par l'Etat en ne s'acquittant pas de ses obligations justifie sa condamnation au versement de la somme réclamée ;

- la convention du 31 juillet 2001 étant antérieure à la publication du décret n° 2001-723 du 31 juillet 2001, publié au journal officiel du 4 aout 2001, seul le tarif fixé par le décret du 16 mars 2001 était applicable, les stipulations du contrat visant ce texte et non celui de l'annexe II du décret n° 2000-1166 du 1er décembre 2000 ;

- elle n'a commis aucune faute exonératoire de la responsabilité de l'Etat en signant une convention comportant des dispositions contradictoires quant aux montants stipulés, alors que le décret du 31 juillet 2001 n'était pas publié, et en estimant légitimement, compte tenu de la spécificité de la situation locale et des négociations qui ont précédé, que l'Etat s'engageait pour le prix de 350,64 euros la tonne ; en tout état de cause, elle ne saurait être regardée que comme ayant partiellement contribué à la réalisation du dommage ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 5 novembre 2009, présenté par le ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement et de la mer ; le ministre conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- à titre principal, la demande de première instance n'était pas recevable, la société Saria Industries n'ayant pas contesté dans le délai de recours la décision du 29 avril 2002 rejetant sa demande indemnitaire ;

- le fait que la convention du 19 septembre 2001 ait mentionné les mêmes montants que ceux figurant dans celle du 31 juillet 2001 n'est dû qu'à une erreur matérielle ; lors de la signature de la convention du 19 septembre 2001, les barèmes d'indemnisation avait été modifiés par le décret du 31 juillet 2001 et s'imposaient de plein droit ; la société Saria Industries qui a été associée à la mise en place du processus d'indemnisation n'ignorait pas ce cadre règlementaire ni le fait que les barèmes avaient été ainsi modifiés ;

- les conventions ont été souscrites dans un cadre règlementaire, ne prévoyant pas de modulation en fonction des situations particulières et les parties n'ont pas eu l'intention de signer un engagement autre que celui prévu par ce cadre réglementaire ;

- l'entreprise a commis une faute exonératoire de la responsabilité de l'Etat en ne vérifiant pas que les termes de la convention étaient conformes au droit en vigueur à la date de sa signature ;

Vu le mémoire après cassation, enregistré le 7 novembre 2012, présenté pour la société Sarval Sud-Est, anciennement dénommée Saria Industries Sud-Est, dont le siège est 17 avenue d'Italie à Illzach (68315), par la SCP Jean Pichavant et Jean-Daniel Chetrit ;

La société Sarval Sud-Est demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0300377 du 25 octobre 2007 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant, dans le dernier état de ses conclusions, à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 499 335,90 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 1er octobre 2002 et de la capitalisation de ces intérêts ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 499 335,90 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 1er octobre 2002 et de leur capitalisation ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient en outre que :

- la liberté contractuelle ne peut être limitée que par le législateur ;

- le contrat régulièrement conclu doit recevoir une application loyale ;

- loin de constituer une erreur, le maintien du tarif initial dans la convention du 19 septembre 2001 résulte de la volonté du préfet de tenir compte des circonstances particulières du site d'Illzach, notamment de la présence des 6 700 tonnes de farines animales produites à partir de la suspension du 14 novembre 2000 et qui n'avaient pu encore être évacuées car les recherches de sites de stockage par l'Etat n'avaient toujours pas permis d'identifier de site susceptible de les accueillir ; le préfet ordonnateur de la dépense et ses services ont validé le " service fait " alors même qu'ils n'ignoraient pas l'existence du décret du 31 juillet 2001 ;

- en l'absence de toute disposition législative, elle pouvait raisonnablement penser que l'Etat pouvait adapter les conventions conclues en fonction des circonstances ; or, l'introduction dans un contrat de stipulations contraires à des dispositions légales ou réglementaires constitue une faute ;

Vu le mémoire, enregistré le 16 mai 2013, présenté par le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que le décret du 1er décembre 2000 institue un régime d'aide aux entreprises assurant l'élimination des farines animales qu'elles ont produites ; qu'en vertu de l'article 37 de la Constitution, l'autorité investie du pouvoir réglementaire avait toute latitude pour organiser cette intervention et fixer les conditions de versement de cette aide sans qu'il en résulte la moindre atteinte à la liberté contractuelle ; qu'il n'existait pas de marge de négociation du tarif d'indemnisation entre l'Etat et les entreprises concernées ; qu'en tout état de cause la société requérante n'établit pas que la volonté du préfet signataire de la convention aurait été de lui consentir un tarif plus favorable que celui applicable ; que c'est à la suite d'une erreur de plume que les anciennes références réglementaires ont été conservées dans la nouvelle convention ; que la société Saria Industries, qui était au moment des faits un des opérateurs les plus importants du secteur de l'équarrissage, ne saurait prétendre qu'elle ignorait que l'aide était accordée sur la base du décret du 1er décembre 2000 modifié qui imposait le respect d'un barème ; que cette circonstance est de nature à exonérer totalement l'Etat de son éventuelle faute ;

Vu le mémoire, enregistré le 5 juillet 2013, présenté pour la société Sarval Sud-Est, qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 15 juillet 2013, présenté pour le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que le régime d'aide à l'élimination des farines animales, en tant qu'il constitue une aide publique, n'entre pas dans le champ de l'article 34 de la Constitution ; que la société Saria Industries se trouvait dans une situation statutaire définie par décret, nonobstant la circonstance que le cadre d'exécution de cette aide ait pris la forme d'une convention ; que, par suite, la responsabilité contractuelle de l'Etat n'est pas susceptible d'être recherchée ; que seule sa responsabilité délictuelle peut être recherchée en cas de faute ; que, toutefois, s'agissant d'une simple erreur matérielle qui ne pouvait échapper à la requérante, aucune faute n'est caractérisée ; qu'aucun préjudice n'est établi et qu'il n'existe pas de lien de causalité entre la prétendue faute de l'administration et l'hypothétique préjudice invoqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 23 août 2013, présenté pour la société Sarval Sud-Est, qui conclut aux mêmes fins que la requête ;

Elle soutient que le ministre de l'environnement confond l'indemnisation créée par le décret n° 2000-1166 modifié avec les aides économiques instituées par le décret n° 2002-1273 du 18 octobre 2002 qui a abrogé le dispositif indemnitaire antérieur ; que l'indemnisation versée en application du décret n° 2000-1166 ne présentait pas la nature d'une aide ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le décret n° 2000-1166 du 1er décembre 2000 instituant une mesure d'indemnisation pour les entreprises productrices de certaines farines et graisses ;

Vu le décret n° 2001-231 du 16 mars 2001 instituant une mesure d'indemnisation pour les entreprises propriétaires de matériels à risques spécifiés et modifiant le décret n° 2000-1166 du 1er décembre 2000 instituant une mesure d'indemnisation pour les entreprises productrices de certaines farines et graisses ;

Vu le décret n° 2001-723 du 31 juillet 2001 modifiant le décret n° 2000-1166 du 1er décembre 2000 et le décret n° 2001-231 du 16 mars 2001 relatifs à des mesures d'indemnisation pour les entreprises productrices de certaines farines et graisses et pour les entreprises propriétaires de matériels à risques spécifiés ;

Vu l'arrêté du 14 novembre 2000 modifiant l'arrêté du 24 juillet 1990 portant interdiction de l'emploi de certaines protéines d'origine animale dans l'alimentation et la fabrication d'aliments destinés aux animaux de l'espèce bovine et étendant cette interdiction à certaines graisses animales et pour l'alimentation d'autres animaux ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 janvier 2014 :

- le rapport de M. Pommier, président,

- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,

- et les observations de Me Chétrit, avocat de la société Sarval Sud-Est ;

Vu, enregistrée le 23 janvier 2014, la note en délibéré présentée pour la société Sarval Sud-Est ;

1. Considérant que la société Saria Industries, devenue la société Sarval Sud-Est, exploite à Illzach (Haut-Rhin) une usine de traitement de sous-produits d'origine animale, autorisée par arrêté préfectoral du 17 décembre 1997 pris au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement ; que la capacité de stockage de farines animales avait été fixée à 1 500 tonnes ; qu'à la suite de l'intervention de l'arrêté ministériel du 14 novembre 2000 suspendant l'utilisation des farines animales dans l'alimentation destinée à certaines espèces d'animaux, et en raison de la saturation des capacités d'élimination de ces farines, le stock détenu par la société Saria Industries sur le site d'Illzach a excédé largement le plafond autorisé ; que, par arrêté du 6 juin 2001, le préfet du Haut-Rhin l'a mise en demeure de ramener ce stock à 1 500 tonnes dans le délai de trois mois ; que la société Saria Industries a alors recherché des solutions d'incinération ; que, dans le cadre du dispositif d'indemnisation prévu par le décret du 1er décembre 2000 modifié par le décret du 16 mars 2001, elle a conclu le 31 juillet 2001 une convention avec l'Etat qui n'a cependant pu être mise en oeuvre, les autorités belges ayant refusé le transfert sur leur territoire des farines animales en vue de leur valorisation ; qu'une nouvelle convention reprenant les termes de la précédente, exception faite du destinataire final chargé de l'incinération, a été signée le 19 septembre 2001 ; que pour l'application de cette convention, l'Etat a indemnisé la société Saria Industries en faisant application du barème résultant du décret du 31 juillet 2001 portant deuxième modification du décret du 1er décembre 2000 et non pas de celui résultant du décret du 16 mars 2001 qui était plus favorable à la société Saria Industries ; que celle-ci a demandé au tribunal administratif de condamner l'Etat à lui verser le complément d'indemnité qu'elle estimait lui être dû ; qu'elle relève appel du jugement du 25 octobre 2007 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande ;

Sur la mise en jeu de la responsabilité contractuelle :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 2 du décret n° 2000-1166 du 1er décembre 2000 modifié susvisé instituant une mesure d'indemnisation pour les entreprises productrices de certaines farines et graisses, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " L'Etat peut prendre en charge les opérations nécessaires à l'élimination des farines animales, y compris, le cas échéant, leur entreposage provisoire. Toutefois, ces opérations peuvent être laissées à la responsabilité de l'entreprise productrice, si celle-ci a passé, avec l'Etat, représenté par le préfet, une convention définissant les conditions dans lesquelles l'élimination sera mise en oeuvre, et justifiant du respect des exigences de sécurité et de protection de l'environnement. Dans ce cas, l'indemnité prévue à l'article 1er est portée à un montant déterminé dans les conditions définies à l'annexe II. " ; que cette annexe II telle que modifiée par le décret du 16 mars 2001 fixait à la somme de 350,64 euros/t l'indemnisation de la production et de l'élimination des farines de viande et d'os dont l'utilisation était suspendue ; que le décret du 31 juillet 2001 a remplacé ce tarif par un barème dégressif : farines animales produites ou présentes dans les stocks de l'entreprise à compter du 6 août 2001 : 305 euros/t ; à compter du 1er octobre 2001 : 275 euros/t ; 1er janvier 2002 : 262 euros/t ; etc ;

3. Considérant qu'il ressort tant de leurs termes que de leur objet même que les conventions des 31 juillet et 19 septembre 2001 ont été conclues en vue de permettre l'élimination des farines animales produites et stockées par la société Saria Industries et s'inscrivaient dans le dispositif prévu à cette fin par le décret du 1er décembre 2000 modifié ; qu'en vertu de ces dispositions réglementaires, rappelées plus haut, l'entreprise s'engageait à assurer l'élimination des farines animales dans les conditions qui lui étaient prescrites, en contrepartie de quoi elle percevait l'indemnité fixée à l'annexe II du décret du 1er décembre 2000 modifié ;

4. Considérant, en premier lieu, que si la société Saria Industries soutient que les conventions qu'elle avait signées poursuivaient en réalité un objet distinct ou plus large que celui prévu par l'article 2 du décret du 1er décembre 2000 en ce qu'elles auraient visé à compenser également les coûts qu'elle avait dû supporter en raison du surstockage de farines animales qu'elle avait accepté de prendre en charge à la demande de l'administration durant les mois qui ont suivi l'entrée en vigueur de l'arrêté du 14 novembre 2000, elle n'apporte aucun élément probant de nature à démontrer que l'Etat aurait entendu non pas faire directement application de l'article 2 du décret du 1er décembre 2000 modifié mais seulement s'y référer pour procéder à une indemnisation des coûts supplémentaires de stockage que la société Saria Industries aurait supportés en raison d'une situation particulière - au demeurant non établie - à la région Alsace ; que la lettre des services de la préfecture du Haut-Rhin en date du 22 novembre 2000 ne saurait, eu égard à ses termes, être regardée comme conférant une telle portée aux conventions dont il s'agit ; qu'il ressort d'ailleurs des termes du premier alinéa de l'article 2 du décret du 1er décembre 2000 modifié que l'indemnité couvre, le cas échéant, l'entreposage provisoire des farines à éliminer ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'il n'est pas contesté que la convention d'indemnisation conclue le 31 juillet 2001 n'a pu recevoir aucune exécution du fait que le transfert des farines animales en Belgique en vue de leur élimination dans une cimenterie n'a pas été autorisé par les autorités de ce pays ; qu'ainsi, ces farines n'ayant pu être incinérées dans les conditions prévues par ladite convention et le versement de l'indemnité étant subordonné au respect de ces conditions, la société Saria Industries ne pouvait prétendre à aucune indemnité sur le fondement de cette convention ; que, par suite et en tout état de cause, la société requérante ne saurait sérieusement soutenir que l'administration aurait entendu faire une application rétroactive aux tonnages éliminés sur le fondement de cette convention du barème d'indemnisation issu du décret du 31 juillet 2001 qui n'a été publié que le 4 août suivant ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte clairement des dispositions précitées de l'article 2 du décret du 1er décembre 2000 modifié que le montant de l'indemnité versée à l'entreprise productrice de farines animales qui en assure l'élimination dans les conditions définies par la convention conclue avec l'Etat est celui fixé par le barème annexé au décret du 1er décembre 2000 modifié ; qu'il s'ensuit nécessairement qu'est applicable le montant fixé par le décret dans sa rédaction en vigueur à la date de conclusion de la convention, laquelle ne saurait y déroger, en l'absence de dispositions réglementaires le prévoyant expressément ;

7. Considérant, en quatrième lieu, que la société Saria Industries ne saurait utilement invoquer le principe de liberté contractuelle, dès lors, d'une part, que, contrairement à ce qu'elle soutient, le régime des indemnités versées par l'Etat aux entreprises productrices de farines animales durant la période de suspension de leur utilisation dans l'alimentation animale ne relève pas du domaine de la loi et pouvait être défini par l'autorité investie du pouvoir réglementaire, y compris en fixant le contenu des conventions à conclure pour la mise en oeuvre de cette mesure, et, d'autre part, qu'il ressort des termes mêmes de l'article 2 du décret du 1er décembre 2000 modifié que la convention ne pouvait porter sur le tarif de l'indemnisation à laquelle l'entreprise pouvait prétendre, qui était fixé par la voie réglementaire et n'était pas susceptible d'aménagement par la voie conventionnelle ; que, de plus, il ne résulte pas de l'instruction que les parties au contrat auraient d'un commun accord et de façon délibérée décidé de maintenir dans la convention litigieuse les tarifs issus du décret du 16 mars 2001 bien qu'ils ne fussent plus en vigueur à la date de signature du contrat ; qu'en particulier, la lettre du 4 juin 2002 de la direction des politiques économiques et internationales du ministère de l'alimentation et de la pêche, dans les termes où elle est rédigée, n'est pas de nature à établir que telle était la volonté des parties ; que la circonstance que les services préfectoraux n'auraient émis aucune objection lors de la vérification du montant des factures avant leur transmission pour paiement au CNASEA n'est pas davantage de nature à révéler que telle était la portée de la convention litigieuse ;

8. Considérant, en cinquième et dernier lieu, que si la convention du 19 septembre 2001 a conservé la même référence que la convention du 31 juillet 2001 au barème d'indemnisation du décret du 16 mars 2001, alors que ce barème avait été remplacé par le décret du 31 juillet 2001 publié au journal officiel du 4 août 2001, et si elle mentionne ledit tarif dans son article 4, ce défaut d'actualisation des tarifs applicables ne peut s'analyser comme l'expression d'une volonté expresse des parties au contrat, qui, ainsi qu'il vient d'être dit, ne ressort d'aucune des pièces du dossier et aurait d'ailleurs été contraire aux dispositions réglementaires fixant le contenu de la convention, mais comme une erreur matérielle ; que c'est par suite sans méconnaître ses obligations contractuelles que l'Etat, par l'intermédiaire du CNASEA, organisme payeur, a procédé au calcul de l'indemnité due à la société Saria Industries, en faisant application du barème figurant à l'annexe II du décret du 1er décembre 2000 dans sa rédaction issue du décret du 31 juillet 2001 ;

Sur la mise en jeu de la responsabilité extra-contractuelle de l'Etat :

9. Considérant que si l'Etat, en insérant dans la convention litigieuse un tarif qui n'était plus en vigueur, a commis une erreur, il résulte de l'instruction que la société Saria Industries est l'un des deux principaux acteurs économiques de la filière de l'équarrissage et qu'elle a été associée aux discussions et négociations conduites par les pouvoirs publics en vue de l'indemnisation des entreprises touchées par la mesure de suspension de l'utilisation des farines animales ; qu'ainsi, elle ne pouvait ignorer, lors de la signature de la convention en cause, que le tarif qui y était mentionné n'était plus en vigueur ; qu'elle ne peut donc soutenir qu'elle aurait été induite en erreur lors de la conclusion du contrat par la perspective d'une indemnisation effectuée sur la base d'un tarif dont elle pouvait penser légitimement qu'il demeurait applicable ; que, dans ces conditions, et eu égard à sa qualité de professionnel averti, en acceptant de signer une convention dont elle ne pouvait ignorer qu'elle comportait une mention tarifaire erronée, elle a elle-même commis une grave imprudence de nature à exonérer entièrement la responsabilité de l'Etat ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Sarval Sud-Est, venant aux droits de la société Saria Industries, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ; qu'il y a lieu de rejeter, par voie de conséquence, les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Sarval Sud-Est est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Sarval Sud-Est, venant aux droits de la société Saria Industries, au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et au ministre de l'agriculture et de l'agroalimentaire et de la forêt.

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