La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/05/2014 | FRANCE | N°13NC01735

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 07 mai 2014, 13NC01735


Vu la requête, enregistrée le 23 juillet 2013, présentée pour le préfet de l'Aube, par la SCP d'avocats Ancelet - Douchin - Elie - Saudubray ;

Le préfet de l'Aube demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1300557 du 25 juin 2013 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé son arrêté en date du 8 mars 2013 refusant de délivrer un titre de séjour à M. A...B..., lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit ;

2°) de r

ejeter la demande présentée par M. B...devant le Tribunal administratif de Châlons-en-...

Vu la requête, enregistrée le 23 juillet 2013, présentée pour le préfet de l'Aube, par la SCP d'avocats Ancelet - Douchin - Elie - Saudubray ;

Le préfet de l'Aube demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1300557 du 25 juin 2013 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé son arrêté en date du 8 mars 2013 refusant de délivrer un titre de séjour à M. A...B..., lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B...devant le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;

3°) de condamner M. B...au versement de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- l'arrêté litigieux est suffisamment motivé ;

- les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'ont pas été méconnues ;

- l'administration n'était pas tenue d'examiner le droit au séjour de M. B...au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant n'a pas été méconnu ;

- l'obligation faite à M. B...de quitter le territoire français est régulière ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 14 octobre 2013, présenté pour M. B..., par Me Gaffuri, qui conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à ce qu'il soit enjoint au préfet de l'Aube de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de condamner l'Etat au versement de la somme de 2 000 euros, à verser à son conseil, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

M. B...fait valoir que :

- en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- cette décision de refus de séjour méconnait également le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle méconnait l'article L. 313-14 de ce code ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- son illégalité prive de base légale l'obligation de quitter le territoire français ;

- la mesure d'éloignement a des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa situation ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle, en date du 15 novembre 2013, admettant M. B...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 10 avril 2014 :

- le rapport de M. Guérin-Lebacq, premier conseiller ;

- et les observations de Me C...pour le préfet de l'Aube ;

1. Considérant que le préfet de l'Aube fait appel du jugement du 25 juin 2013 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé son arrêté en date du 8 mars 2013 refusant de délivrer un titre de séjour à M.B..., lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit ;

Sur la légalité de l'arrêté du 8 mars 2013 :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien - être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.B..., de nationalité marocaine, titulaire d'un permis de séjour délivré par les autorités italiennes pour une durée illimitée, est entré en France, au plus tard le 25 avril 2008 ; qu'il est marié, depuis 2002, avec l'une de ses compatriotes, qui, arrivée en France en 1976, séjourne sur le territoire français sous couvert d'une carte de résident ; qu'il n'est pas contesté par le préfet que le père du requérant séjourne également en France dans des conditions régulières, ainsi que l'un de ses frères, de nationalité italienne ; que plusieurs membres de la belle-famille de M. B...résident régulièrement en France ou ont la nationalité française ; que deux enfants sont nés en France, en 2003 et en 2005, de l'union de M. B... avec son épouse ; que si le préfet conteste la réalité du séjour en France de M.B..., il ressort de plusieurs documents produits par ce dernier, dont des avis d'imposition, qu'il a déclaré être domicilié ...; que, dans les circonstances de l'espèce, et alors même que certains documents médicaux mentionnent une adresse à Paris et que l'intimé effectuerait, chaque année, plusieurs allers retours entre le Maroc et la France, l'arrêté du 8 mars 2013 refusant un titre de séjour à M. B...doit être regardé comme portant au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette mesure a été prise et méconnaît, par suite, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Aube n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé son arrêté en date du 8 mars 2013 refusant à M. B...la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français en fixant le pays de renvoi ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les premiers juges ont, en exécution de leur jugement annulant l'arrêté du 8 mars 2013, enjoint au préfet de l'Aube de délivrer un titre de séjour à M.B... ; que, par suite, les conclusions présentées par ce dernier en appel et tendant à nouveau à l'injonction d'une telle mesure ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M.B..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le préfet de l'Aube demande au titre des frais exposés par l'Etat et non compris dans les dépens ; que M. B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Gaffuri, avocat de M.B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Gaffuri de la somme de 1 500 euros ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête du préfet de l'Aube est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Me Gaffuri, avocat de M.B..., une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Gaffuri renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 3 : Le surplus des conclusions de M. B...est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Aube.

''

''

''

''

2

N° 13NC01735


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13NC01735
Date de la décision : 07/05/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: M. Jean-Marc GUERIN-LEBACQ
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : SCP ANCELET DOUCHIN ELIE SAUDUBRAY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2014-05-07;13nc01735 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award