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09/10/2014 | FRANCE | N°13NC02059

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 09 octobre 2014, 13NC02059


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Sorgenia France a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler, d'une part, les décisions du 3 février 2012 par lesquelles le préfet des Vosges a refusé de lui accorder des permis de construire onze éoliennes sur le territoire des communes de Valleroy-le-Sec, Thuilières, Lignéville, Provenchères-les-Darney, Viviers-le-Gras, Saint-Baslemont et deux postes de livraison sur le territoire de la commune de Saint-Baslemont, d'autre part, la décision du 16 avril 2012 par laquelle le préfet

des Vosges a rejeté son recours gracieux.

Par un jugement n° 1201442 du 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Sorgenia France a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler, d'une part, les décisions du 3 février 2012 par lesquelles le préfet des Vosges a refusé de lui accorder des permis de construire onze éoliennes sur le territoire des communes de Valleroy-le-Sec, Thuilières, Lignéville, Provenchères-les-Darney, Viviers-le-Gras, Saint-Baslemont et deux postes de livraison sur le territoire de la commune de Saint-Baslemont, d'autre part, la décision du 16 avril 2012 par laquelle le préfet des Vosges a rejeté son recours gracieux.

Par un jugement n° 1201442 du 24 septembre 2013, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 26 novembre 2013 et le 12 septembre 2014, la société Sorgenia France, représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1201442 du 24 septembre 2013 du tribunal administratif de Nancy ;

2°) d'annuler les arrêtés du préfet des Vosges du 3 février 2012, ensemble la décision de rejet de son recours gracieux ;

3°) d'enjoindre au préfet des Vosges de lui délivrer les permis de construire sollicités ou, subsidiairement, de prendre une nouvelle décision dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges ont commis une erreur de droit en écartant son argumentation relative au caractère mal fondé de l'avis de l'armée de l'air ;

- l'avis du ministre était tardif et donc inopposable ;

- le préfet ne se trouvait pas en situation de compétence liée du fait de l'absence d'accord du ministre ;

- l'avis défavorable du ministre comme la décision du préfet sont entachés d'erreur d'appréciation ;

- la circulaire du 3 mars 2008 est inopposable.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 mai 2014, le ministre de l'égalité des territoires et du logement conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la société requérante n'a pas contesté le bien fondé de l'avis émis par l'armée de l'air en première instance ;

- l'avis du ministère de la défense est régulièrement intervenu dans le délai de deux mois ;

- en présence d'avis défavorables, le préfet des Vosges était en situation de compétence liée pour opposer des refus de permis de construire ;

- le préfet, en situation de compétence liée, n'a pu commettre d'erreur d'appréciation et les éoliennes ont été refusées du fait de la gêne à la circulation aérienne.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code de l'aviation civile ;

- le code de l'urbanisme ;

- l'arrêté du 25 juillet 1990 relatif aux installations dont l'établissement à l'extérieur des zones grevées de servitudes aéronautiques de dégagement est soumis à autorisation ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Steinmetz-Schies, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Favret, rapporteur public.

1. Considérant que le 1er mars 2011, la société Sorgenia France a déposé plusieurs demandes de permis de construire relatives à la réalisation de onze éoliennes et de deux postes de livraison sur le territoire des communes de Valleroy-le-Sec, Thuilières, Lignéville, Provenchères-les-Darney, Viviers-le-Gras et Saint-Baslemont ; qu'elle relève appel du jugement en date du 24 septembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés en date du 3 février 2012 par lesquels le préfet des Vosges a refusé de lui délivrer les permis de construire sollicités, ensemble son recours gracieux ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant que la circonstance que le tribunal administratif aurait commis une erreur de droit en estimant que la requérante ne pouvait contester le bien-fondé de l'avis du ministre chargé des armées est sans incidence sur la régularité du jugement ; qu'il appartient seulement au juge d'appel, dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel qui est résulté de l'introduction de la requête, de relever, le cas échéant, cette erreur et de se prononcer sur le bien-fondé du moyen écarté à tort comme irrecevable ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation des refus de permis de construire opposés à la société Sorgenia France :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 425-1 du code de l'urbanisme : " Lorsque les constructions ou travaux mentionnés aux articles L. 421-1 à L. 421-4 sont soumis, en raison de leur emplacement, de leur utilisation ou de leur nature, à un régime d'autorisation ou à des prescriptions prévus par d'autres législations ou réglementations que le code de l'urbanisme, le permis de construire (...) tient lieu d'autorisation au titre de ces législations ou réglementations, dans les cas prévus par décret en Conseil d'Etat, dès lors que la décision a fait l'objet d'un accord de l'autorité compétente " ; qu'aux termes de l'article R. 423-51 du même code : " Lorsque le projet porte sur une opération soumise à un régime d'autorisation prévu par une autre législation, l'autorité compétente recueille les accords prévus par le chapitre V du présent titre " ; qu'aux termes de l'article R. 425-9 du même code : " Lorsque le projet porte sur une construction susceptible, en raison de son emplacement et de sa hauteur, de constituer un obstacle à la navigation aérienne, le permis de construire ou le permis d'aménager tient lieu de l'autorisation prévue par l'article R. 244-1 du code de l'aviation civile dès lors que la décision a fait l'objet d'un accord du ministre chargé de l'aviation civile et du ministre de la défense " ; que l'article R. 244-1 du code de l'aviation civile auquel il est ainsi renvoyé dispose : " A l'extérieur des zones grevées de servitudes de dégagement en application du présent titre, l'établissement de certaines installations qui, en raison de leur hauteur, pourraient constituer des obstacles à la navigation aérienne est soumis à une autorisation spéciale du ministre chargé de l'aviation civile et du ministre de la défense. Des arrêtés ministériels déterminent les installations soumises à autorisation ainsi que la liste des pièces qui doivent être annexées à la demande d'autorisation (...) " ; qu'enfin, selon l'article 1er de l'arrêté du 25 juillet 1990 susvisé : " les installations dont l'établissement à l'extérieur des zones grevées de servitudes aéronautiques de dégagement est soumis à autorisation du ministre chargé de l'aviation civile et du ministre chargé des armées comprennent : a) En dehors des agglomérations, les installations dont la hauteur en un point quelconque est supérieure à 50 mètres au-dessus du niveau du sol ou de l'eau (...) " ;

3. Considérant que pour refuser la délivrance des permis de construire sollicités par la société Sorgenia France, dont il n'est pas contesté qu'ils étaient en raison de la hauteur des éoliennes soumis à consultation préalable du ministre chargé des armées en application des dispositions précitées, le préfet des Vosges s'est fondé sur l'avis défavorable du ministre de la défense en date du 18 novembre 2011 ;

4. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des dispositions précitées que l'autorité administrative compétente pour délivrer un permis de construire doit, lorsque la construction envisagée en dehors d'une agglomération est de nature à porter atteinte à la sécurité aérienne en raison de sa hauteur qui dépasse 50 mètres, saisir de la demande le ministre chargé de l'aviation civile et le ministre de la défense ; qu'il ressort des termes mêmes des articles L. 425-1 et R. 425-9 du code de l'urbanisme qu'à défaut d'accord de l'une des autorités dont l'avis est ainsi requis, l'autorisation de construire ne peut être délivrée ; qu'ainsi, le préfet des Vosges n'a pas commis d'erreur de droit en s'estimant lié par l'avis défavorable du ministre chargé des armées :

5. Considérant, en deuxième lieu, que l'article R. 244-1 du code de l'aviation civile dispose : " (...) Le silence gardé à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la date de réception de la demande d'autorisation vaut accord (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 423-63 du code de l'urbanisme : " (...) le délai à l'issue duquel le ministre chargé de l'aviation civile, le ministre de la défense ou leur délégué, consultés en application de l'article R. 425-9, sont réputés avoir émis un avis favorable est de deux mois " ;

6. Considérant que l'avis du ministre de la défense, s'il vise une lettre du directeur départemental des territoires des Vosges datée du 3 août 2011, indique que le dossier de demande d'avis a été reçu le 26 septembre 2011 ; que la société Sorgénia n'apporte aucun élément probant de nature à démontrer que la demande lui serait parvenue à une autre date ; que, par suite, l'avis défavorable émis le 18 novembre 2011 l'a été dans le délai de deux mois prévu par les dispositions précitées ; que la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'un accord tacite était intervenu ;

7. Considérant, enfin, qu'il ressort des pièces du dossier que les éoliennes litigieuses se situent dans la " zone de coordination " de 5 à 20 km du radar de défense de Contrexéville, dans la zone de protection de ce radar et dans un tronçon du réseau de vol à très basse altitude de la défense dénommé LFR 152 ainsi que sa zone latérale de protection ; que ce tronçon, dont le plancher est à 800 pieds (environ 243 mètres) au dessus du sol et la limite supérieure à 2 800 pieds (environ 853 mètres) est destiné à protéger les aéronefs de la défense qui évoluent à très grande vitesse et par toutes conditions météorologiques ; que s'il n'est pas contesté que les éoliennes respectent la hauteur maximale en bout de pale de 150 m admise dans ce tronçon, il ressort des pièces du dossier qu'elles excèdent la cote maximale de 419 m A...au dessus de laquelle aucun projet ne peut être autorisé du fait de la perturbation du fonctionnement du radar de Contrexéville ; que, dans ces conditions, et alors même que la région Lorraine est surveillée par sept autres radars aériens, le ministre de la défense a pu, sans entacher sa décision d'une erreur d'appréciation, refuser d'autoriser la réalisation du projet de la société Sorgenia France ; que si la société Sorgenia France soutient que l'avis défavorable du ministre de la défense est illégal, dès lors qu'il se fonde sur une circulaire interministérielle du 3 mars 2008, dépourvue de valeur réglementaire, il ressort des pièces du dossier que le refus d'autorisation se fonde, en réalité, sur l'arrêté précité du 25 juillet 1990, pris en application des articles R. 244-1 et D. 244-3 du code de l'aviation civile ; que, dans ces conditions, c'est sans erreur de droit et sans erreur d'appréciation que le ministre a émis le 18 novembre 2011 un avis défavorable au projet ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Sorgenia France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Considérant que le présent arrêt n'implique aucun mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions de la société Sorgenia France tendant à la délivrance des permis sollicités ou, subsidiairement, au réexamen de sa demande, doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y pas lieu à cette condamnation " ;

11. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la société Sorgenia France au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Sorgenia France est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Sorgenia France et au ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité.

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N° 13NC02059


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13NC02059
Date de la décision : 09/10/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-025-03 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Nature de la décision. Refus du permis.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre STEINMETZ-SCHIES
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : SELARL CGR LEGAL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2014-10-09;13nc02059 ?
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