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11/12/2014 | FRANCE | N°14NC00626

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 11 décembre 2014, 14NC00626


Vu la requête, enregistrée le 10 avril 2014, présentée pour M. C...A..., demeurant..., par Me B... ;

M. A...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1304463 du 5 février 2014 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 juillet 2013 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer d

ans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir un titre de séjour te...

Vu la requête, enregistrée le 10 avril 2014, présentée pour M. C...A..., demeurant..., par Me B... ;

M. A...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1304463 du 5 février 2014 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 juillet 2013 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir un titre de séjour temporaire et, dans l'intervalle, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à exercer une activité professionnelle ou, à titre subsidiaire, dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, de réexaminer sa situation et, dans l'intervalle, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de l'admettre au bénéficie de l'aide juridictionnelle provisoire ;

5°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 800 euros, à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Il soutient que :

- le tribunal administratif a inversé la charge de la preuve de l'existence d'un traitement approprié dans son pays d'origine et a ainsi entaché son jugement d'une erreur de droit ;

- en cas de retour en Turquie, il n'aura pas accès aux soins nécessités par son état de santé ;

- la décision de refus de séjour, qui s'appuie sur le fait que le requérant constituerait une menace pour l'ordre public, est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et d'un détournement de pouvoir et porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de séjour et est contraire à l'article 3, combiné avec l'article 9 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi qu'à l'article 2 de cette convention ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 18 juillet 2014, présenté par le préfet du Bas-Rhin, qui conclut au rejet de la requête ;

Le préfet soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé ;

Vu la décision du président du bureau d'aide juridictionnelle, en date du 22 avril 2014, admettant le requérant au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer les conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 novembre 2014 :

Le rapport de Mme Guidi, premier conseiller ;

Sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire :

1. Considérant que, postérieurement à l'introduction de sa requête, M. A...a été admis par décision du 22 avril 2014 au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que par suite, sa demande tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire est devenue sans objet ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...) " ; qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé : " (...) le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant : / - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / - s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; / - la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, il peut, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / Cet avis est transmis au préfet sous couvert du directeur général de l'agence régionale de santé. Celui-ci, s'il estime, sur la base des informations dont il dispose, qu'il y a lieu de prendre en compte des circonstances humanitaires exceptionnelles susceptibles de fonder une décision d'admission au séjour, transmet au préfet un avis complémentaire motivé. / Par ailleurs, dès lors que l'intéressé porterait à la connaissance du préfet des circonstances humanitaires exceptionnelles susceptibles de fonder une décision d'admission au séjour, le préfet saisit pour avis le directeur général de l'agence régionale de santé, qui lui communique son avis motivé dans un délai d'un mois " ;

3. Considérant, d'une part, que pour refuser à M.A..., ressortissant de nationalité turque, la délivrance du titre de séjour sollicité, le préfet du Bas-Rhin a relevé, conformément à l'avis du médecin de l'agence régionale de santé en date du 11 juin 2013, que l'état de santé du requérant nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'il existait un traitement approprié dans son pays d'origine ; que le préfet produit également une fiche pays datant de 2006 démontrant que les soins psychiatriques sont disponibles en Turquie, alors que le requérant, qui ne saurait par ailleurs utilement faire valoir des difficultés d'accès aux soins, produit des certificats médicaux se bornant à relever que la poursuite du traitement est indispensable ; que M. A... ne démontre pas non plus qu'en cas de retour en Turquie la pathologie psychiatrique dont il souffre serait aggravée et engagerait son pronostic vital ; que, par suite, c'est à bon droit et sans inverser la charge de la preuve que le tribunal a estimé que M. A... ne démontrait pas l'indisponibilité du traitement dans son pays d'origine ;

4. Considérant, d'autre part, que si M. A...soutient que le préfet a entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation en fondant également sa décision de refus de titre de séjour sur une menace à l'ordre public résultant de sa présence en France alors qu'il bénéficie, en vertu de l'article 133-13 du code pénal, d'une réhabilitation de plein droit en raison de l'ancienneté de l'infraction pour laquelle il a été condamné, il ressort des pièces du dossier que le préfet aurait pris la même décision s'il ne s'était fondé que sur les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'ainsi, à supposer même que la présence de M. A... en France ne puisse être regardée comme constituant une menace pour l'ordre public, le préfet du Bas-Rhin a pu légalement refuser le titre de séjour sollicité par M. A...et n'a pas, ce faisant, commis ni de détournement de pouvoir ni d'erreur manifeste d'appréciation ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

6. Considérant que si M. A... allègue être arrivé en France en 1999, ne pas avoir vécu en Turquie depuis trente ans et être bien intégré dans la société française, ce que démontrerait son apprentissage du français, l'emploi de vendeur ambulant qu'il a occupé entre 2008 et 2010 ainsi que son mariage avec une ressortissante française puis avec une ressortissante russe bénéficiant d'un titre de séjour, il ressort cependant des pièces du dossier que l'intéressé est en instance de divorce, a été condamné en 2010 à un an d'emprisonnement pour violence avec usage ou menace d'une arme sans incapacité en récidive ; que, par ailleurs, M. A...n'établit être dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine où résident sa mère et sept de ses frères et soeurs ; que, dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision du préfet du Bas-Rhin a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité du refus de titre de séjour qui lui est opposé pour contester la légalité de l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre ;

En ce qui concerne le pays de renvoi :

8. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à exciper de l'illégalité du refus de titre de séjour qui lui est opposé pour contester la légalité de la décision fixant le pays de renvoi prise à son encontre ;

9. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d'une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi. (...) " ; qu'aux termes de l'article 3 de la même convention : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; qu'aux termes de l'article 9 de la même convention : " 1. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites. / 2. La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l'ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

10. Considérant, d'une part, que le requérant ne saurait utilement se prévaloir de l'article 9 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales à l'encontre de la décision fixant le pays de destination ;

11. Considérant, d'autre part, que M. A...soutient qu'en cas de retour dans son pays d'origine, il fera l'objet d'un enrôlement forcé dans l'armée, faute de pouvoir bénéficier du statut d'objecteur de conscience, inexistant en Turquie et qu'en conséquence de son handicap, de son refus d'intégrer l'armée pour des raisons morales et de son incapacité financière à verser la somme de dix mille euros qui lui permettrait d'échapper à l'obligation de service militaire, il subira des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, toutefois, ainsi que l'a d'ailleurs relevé la Cour nationale du droit d'asile dans sa décision du 31 mai 2012, les craintes de M. A...relatives à un enrôlement forcé dans l'armée n'apparaissent pas fondées, compte tenu de son âge et de son état de santé ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

13. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté attaqué, n'implique aucune mesure particulière d'exécution ; que, par suite, les conclusions susvisées ne peuvent être accueillies ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'État, qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à M. A...la somme qu'il réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire présentée par M.A....

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A...est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre de l'intérieur.

Une copie sera adressée au préfet du Bas-Rhin.

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N° 14NC00626


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14NC00626
Date de la décision : 11/12/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Laurie GUIDI
Rapporteur public ?: M. GOUJON-FISCHER
Avocat(s) : SCP ROTH-PIGNON LEPAROUX ROSENSTIEHL ET ANDREINI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2014-12-11;14nc00626 ?
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