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26/03/2015 | FRANCE | N°13NC00148

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 26 mars 2015, 13NC00148


Vu la requête, enregistrée le 24 janvier 2013, présentée pour le préfet de l'Aube par MeD... ;

Le préfet de l'Aube demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°1202699 du 18 décembre 2012 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy a annulé son arrêté du 14 décembre 2012 fixant le pays à destination duquel M. B...sera éloigné ;

2°) de mettre à la charge de M. B...la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Le préfet de l'Aube soutient qu'il n'était pas t

enu de faire application des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 dès lors q...

Vu la requête, enregistrée le 24 janvier 2013, présentée pour le préfet de l'Aube par MeD... ;

Le préfet de l'Aube demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°1202699 du 18 décembre 2012 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy a annulé son arrêté du 14 décembre 2012 fixant le pays à destination duquel M. B...sera éloigné ;

2°) de mettre à la charge de M. B...la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Le préfet de l'Aube soutient qu'il n'était pas tenu de faire application des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 dès lors que la décision attaquée pouvait être contestée dans le cadre d'un recours suspensif ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 mars 2015 :

- le rapport de M. Martinez, président-rapporteur ;

- les observations de MeC..., conseil du préfet de l'Aube ;

1. Considérant que M.B..., de nationalité ivoirienne, a été condamné par un jugement du 27 mai 2010 du tribunal de grande instance de Paris, à quatre ans d'emprisonnement et à une interdiction du territoire de dix ans ; que, pour l'exécution de cette interdiction judiciaire du territoire, le préfet de l'Aube a, le 14 décembre 2012, pris deux arrêtés décidant l'éloignement de M.B... à destination de la Côte d'Ivoire et ordonnant son placement en rétention ; que par un jugement du 18 décembre 2012, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy a annulé l'arrêté du 14 décembre 2012 en tant qu'il fixe le pays à destination duquel M. B...sera éloigné ; que le préfet de l'Aube demande l'annulation de ce jugement ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français et qui dispose du délai de départ volontaire mentionné au premier alinéa du II de l'article L. 511-1 peut, dans le délai de trente jours suivant sa notification, demander au tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision relative au séjour, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant. L'étranger qui fait l'objet de l'interdiction de retour prévue au troisième alinéa du III du même article L. 511-1 peut, dans le délai de trente jours suivant sa notification, demander l'annulation de cette décision. (...) Toutefois, si l'étranger est placé en rétention en application de l'article L. 551-1 ou assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, il est statué selon la procédure et dans le délai prévus au III du présent article. II. - L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire sans délai peut, dans les quarante-huit heures suivant sa notification par voie administrative, demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision relative au séjour, de la décision refusant un délai de départ volontaire, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant. Il est statué sur ce recours selon la procédure et dans les délais prévus au I. Toutefois, si l'étranger est placé en rétention en application de l'article L. 551-1 ou assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, il est statué selon la procédure et dans le délai prévus au III du présent article. III. - En cas de décision de placement en rétention ou d'assignation à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger peut demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision dans les quarante-huit heures suivant sa notification. Lorsque l'étranger a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, le même recours en annulation peut être également dirigé contre l'obligation de quitter le territoire français et contre la décision refusant un délai de départ volontaire, la décision mentionnant le pays de destination et la décision d'interdiction de retour sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant, lorsque ces décisions sont notifiées avec la décision de placement en rétention ou d'assignation. Toutefois, si l'étranger est assigné à résidence en application du même article L. 561-2, son recours en annulation peut porter directement sur l'obligation de quitter le territoire ainsi que, le cas échéant, sur la décision refusant un délai de départ volontaire, la décision mentionnant le pays de destination et la décision d'interdiction de retour sur le territoire français. (... ) Il est également statué selon la procédure prévue au présent III sur le recours dirigé contre l'obligation de quitter le territoire français par un étranger qui est l'objet en cours d'instance d'une décision de placement en rétention ou d'assignation à résidence en application de l'article L. 561-2. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 512-3 dudit code : " Les articles L. 551-1 et L. 561-2 sont applicables à l'étranger faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français dès l'expiration du délai de départ volontaire qui lui a été accordé ou, si aucun délai n'a été accordé, dès la notification de l'obligation de quitter le territoire français. L'obligation de quitter le territoire français ne peut faire l'objet d'une exécution d'office ni avant l'expiration du délai de départ volontaire ou, si aucun délai n'a été accordé, avant l'expiration d'un délai de quarante-huit heures suivant sa notification par voie administrative, ni avant que le tribunal administratif n'ait statué s'il a été saisi. L'étranger en est informé par la notification écrite de l'obligation de quitter le territoire français. " ; qu'aux termes de l'article L. 513-3 du même code : " La décision fixant le pays de renvoi constitue une décision distincte de la mesure d'éloignement elle-même. Le recours contentieux contre la décision fixant le pays de renvoi n'est suspensif d'exécution, dans les conditions prévues au second alinéa de l'article L. 512-3, que s'il est présenté en même temps que le recours contre l'obligation de quitter le territoire français ou l'arrêté de reconduite à la frontière qu'elle vise à exécuter " ; qu'enfin, aux termes de l'article 24 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. (...) Les dispositions de l'alinéa précédent ne sont pas applicables : (...) 3° Aux décisions pour lesquelles des dispositions législatives ont instauré une procédure contradictoire particulière (...) " ; qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 susvisée : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / - restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) " ;

3. Considérant qu'il résulte de la combinaison des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français et fixe son pays de destination, et, par suite, exclure l'application des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 précitée ; que, toutefois, ces règles ne s'appliquent au contentieux des décisions de renvoi que si la demande d'annulation de la décision fixant le pays de renvoi est présentée au tribunal administratif en même temps que celle dirigée contre l'obligation de quitter le territoire français ; qu'en revanche, lorsque la décision fixant le pays de renvoi est prise isolément de l'obligation de quitter le territoire français, le litige relève, non de la procédure particulière applicable au contentieux de l'éloignement, mais des procédures administratives de droit commun ; que, dans ce cas, les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 s'appliquent, cette décision ayant le caractère d'une mesure de police devant être motivée en application de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ;

4. Considérant que, par un jugement du tribunal de grande instance de Paris du 27 mai 2010, M. B...a été condamné à une peine de quatre ans d'emprisonnement assortie d'une interdiction du territoire de dix ans ; qu'il ressort des pièces du dossier que la lettre du 14 décembre 2012, par laquelle le préfet de l'Aube a invité M. B...à présenter des observations et qui, au demeurant, ne précisait pas le pays à destination duquel il sera éloigné, a été notifiée à l'intéressé le 15 décembre 2012, soit postérieurement à l'arrêté fixant la Côte d'Ivoire comme pays de destination ; qu'il est constant que M. B...n'a pas été mis à même de présenter des observations préalablement à l'édiction de la décision du 14 décembre 2012 fixant le pays de destination ; que la circonstance qu'il a contesté concomitamment la décision du même jour le plaçant en rétention administrative est sans incidence dès lors que la décision fixant le pays de renvoi, prise en exécution de la mesure d'interdiction judiciaire du territoire susmentionnée, ne trouve pas son fondement légal dans ladite décision de placement en rétention administrative ; que, par suite, du fait de la privation de cette garantie de procédure, la décision attaquée est entachée d'un vice de procédure de nature à entraîner son annulation ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Aube n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy a annulé son arrêté du 14 décembre 2012 fixant le pays de destination ;

Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

7. Considérant qu'il n'y a pas lieu, en application des dispositions précitées, de mettre à la charge de M. B...la somme que le préfet de l'Aube demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête du préfet de l'Aube est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A...B....

Copie en sera adressée au préfet de l'Aube.

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N° 13NC00148


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13NC00148
Date de la décision : 26/03/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. José MARTINEZ
Rapporteur public ?: M. GOUJON-FISCHER
Avocat(s) : SCP ANCELET DOUCHIN ELIE SAUDUBRAY

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2015-03-26;13nc00148 ?
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