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02/07/2015 | FRANCE | N°14NC02028

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 02 juillet 2015, 14NC02028


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 18 juin 2014 par lequel le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1401457 du 30 septembre 2014, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé l'arrêté du préfet de la Marne du 18 juin 2014.

Procédure de

vant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 novembre 2014, le préfet de la Marne demande...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 18 juin 2014 par lequel le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1401457 du 30 septembre 2014, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé l'arrêté du préfet de la Marne du 18 juin 2014.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 novembre 2014, le préfet de la Marne demande à la cour d'annuler le jugement n° 1401457 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 30 septembre 2014.

Il soutient que le traitement médical approprié à la pathologie de Mme C... épouse B... existe en Géorgie.

Par un mémoire en défense enregistré le 31 décembre 2014, Mme C... épouse B..., représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que les moyens soulevés par le préfet de la Marne ne sont pas fondés et fait valoir que :

- le préfet qui n'a pas la compétence médicale du médecin de l'ARS ni l'ensemble des documents de son dossier ne peut se substituer au corps médical pour dire quel est le traitement adapté à sa situation ; au regard de sa pathologie il n'est pas possible d'envisager un retour en Géorgie ;

- le refus de séjour méconnait les articles 8 et 12 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de séjour et méconnait l'article L. 511-4 (10°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français et méconnait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Mme C... épouse B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 mars 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Richard, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... épouse B..., ressortissante géorgienne née en juin 1973, est entrée irrégulièrement en France en juillet 2009, accompagnée de ses deux enfants. Sa demande d'asile et sa demande de réexamen ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile, en dernier lieu le 18 novembre 2011. A la suite de sa demande du 2 février 2012, elle a bénéficié d'un titre de séjour pour raisons de santé. Par arrêté du 18 juin 2014, le préfet de la Marne a refusé de faire droit à sa demande de renouvellement de ce titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Le préfet de la Marne relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé son arrêté en date du 18 juin 2014.

Sur le motif d'annulation retenu par les premiers juges :

2. Pour annuler le refus de délivrance d'un titre de séjour opposé à Mme C... épouse B... le 18 juin 2014, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a jugé que cette décision méconnaissait les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en l'absence d'un traitement médical approprié à la pathologie de l'intéressée en Géorgie.

3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général (...) / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé ". Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 9 novembre 2011 : " L'étranger qui a déposé une demande de délivrance ou de renouvellement de carte de séjour temporaire est tenu de faire établir un rapport médical relatif à son état de santé par un médecin agréé ou par un médecin praticien hospitalier visé au 1° de l'article L. 6152-1 du code de la santé publique ". Enfin, l'article 4 de ce même arrêté prévoit : " Au vu de ce rapport médical et des informations dont il dispose, le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant : - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; - s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; - la durée prévisible du traitement (...) Cet avis est transmis au préfet sous couvert du directeur général de l'agence régionale de santé (...) ".

4. Si le préfet, saisi d'une demande de titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'est pas lié par l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé, il lui appartient néanmoins, lorsque ce médecin a estimé que l'état de santé de l'étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il n'existe pas de traitement approprié dans le pays dont il est originaire, de justifier des éléments qui l'ont conduit à s'écarter de cet avis médical.

5. Pour s'écarter de l'avis du médecin de l'agence régionale de santé en date du 1er avril 2014, selon lequel l'état de santé de Mme C... épouse B... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il n'existait pas de traitement approprié dans son pays d'origine, le préfet de la Marne a indiqué dans l'arrêté litigieux qu'une offre médicale concernant les troubles dont souffre l'intéressée était disponible et accessible en Géorgie. Il ressort des documents produits par le préfet à hauteur d'appel que les pathologies en cause sont soignées en Géorgie, notamment celle référencée dans le certificat médical dont se prévaut l'intéressée. Par ailleurs, un courrier adressé le 13 juin 2013 par le médecin conseil auprès de l'ambassade de France en Géorgie au consul de cette ambassade indique que les soins requis pour les affections psychologiques sont dispensés, en Géorgie, par quatre centres spécialisés ainsi que par les services spécialisés de plusieurs hôpitaux régionaux et correspondent aux standards internationaux. L'intimée ne démontre pas que les médicaments nécessités par son état de santé ne seraient pas disponibles dans son pays d'origine. Enfin, le certificat médical du 13 mars 2014, dans lequel le Dr E... indique que les possibilités de traitement dans son pays d'origine ne sont pas adaptées à son cas ne suffit pas à établir qu'aucun traitement approprié ne pourrait y être sérieusement envisagé. Dans ces conditions, le préfet apporte des éléments suffisamment précis pour démontrer qu'il a pu légalement s'écarter de l'avis du médecin de l'agence régionale de santé. Par suite, le préfet de la Marne est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'en refusant à Mme C... épouse B... la délivrance du titre de séjour sollicité, il avait méconnu les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme C...épouse B... devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne et devant la cour.

Sur les autres moyens :

En ce qui concerne la décision de refus de délivrance de titre de séjour :

7. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. Si Mme C... épouse B... fait valoir qu'elle occupe un emploi à temps partiel et qu'elle a créé des liens amicaux en France, elle n'est entrée sur le territoire français qu'en 2009 à l'âge de trente-six ans et n'établit pas être dépourvue de toute attache familiale dans son pays d'origine où elle a vécu la majeure partie de sa vie. Ses deux enfants avec lesquels elle est entrée sur le territoire français ont fait l'objet d'une mesure d'éloignement. Par suite, la décision du préfet de la Marne en date du 18 juin 2014 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour n'a pas porté au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le moyen selon lequel le refus au séjour méconnaitrait l'article 12 de la même convention, soit le droit au mariage, n'est assorti d'aucune précision. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'elle comporte pour la situation personnelle de l'intéressée.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

9. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ne peut qu'être écarté. Il en va de même du moyen tiré de la violation du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui reprend ce qui a été précédemment développé au soutien du moyen tiré de la violation du 11° de l'article L. 313-11 du même code à l'appui des conclusions dirigées contre la décision de refus de séjour, et qui doit être écarté pour les mêmes motifs que précédemment.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

10. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'exception d'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.

11. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".

12. Mme C... épouse B..., qui se borne à se prévaloir de ses problèmes de santé, ne produit pas d'éléments suffisamment précis et probants de nature à établir qu'un retour en Géorgie l'exposerait à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination méconnaîtrait ces stipulations doit être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Marne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé son arrêté du 18 juin 2014 et a mis à sa charge, alors qu'il n'est pas la partie perdante, une somme de 1 200 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

14. Les dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, au titre des frais exposés pour la défense de Mme B...en appel.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 30 septembre 2014 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme C... épouse B... devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de Mme C... épouse B... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme A... C... épouse B....

Une copie en sera adressée au préfet de la Marne.

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N° 14NC02028


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14NC02028
Date de la décision : 02/07/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: M. Michel RICHARD
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : SCP MARTEAU-REGNIER-MERCIER-PONTON

Origine de la décision
Date de l'import : 29/09/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2015-07-02;14nc02028 ?
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