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23/07/2015 | FRANCE | N°14NC02123

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 23 juillet 2015, 14NC02123


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 26 mai 2014 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée.

Par un jugement n° 1403807 du 16 octobre 2014, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée l

e 19 novembre 2014, MmeB..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 26 mai 2014 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée.

Par un jugement n° 1403807 du 16 octobre 2014, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 novembre 2014, MmeB..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 16 octobre 2014 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 26 mai 2014 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, dans l'intervalle, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à Me C...en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- le refus de titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'obligation de quitter le territoire français doit être annulée en raison de l'illégalité de la décision lui refusant un titre de séjour sur laquelle elle se fonde ;

- cette décision est entachée d'une erreur de droit dans la mesure où le préfet du Bas-Rhin a pris une mesure d'éloignement avant que la Cour nationale du droit d'asile ne statue sur son recours formé contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, alors que sa demande ne relevait pas des dispositions du 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité des deux précédentes décisions ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 mars 2015, le préfet du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête au motif qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 janvier 2015.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Fuchs, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que MmeB..., ressortissante russe, née le 10 juillet 1986, est entrée en France le 30 janvier 2012 afin d'y solliciter la reconnaissance de la qualité de réfugiée ; que, constatant que l'intéressée avait présenté une demande similaire en Pologne, le préfet du Bas-Rhin a refusé de l'admettre au séjour et a décidé sa remise aux autorités polonaises le 16 mars suivant ; que cette décision, dont le délai d'exécution avait été portée à dix-huit mois, n'a pu être exécutée et la France est ainsi devenue responsable de sa demande d'asile à compter du 7 septembre 2013 ; que Mme B...a présenté, le 24 septembre suivant, une nouvelle demande auprès du préfet du Bas-Rhin tendant à ce que lui soit reconnue la qualité de réfugiée ; que ce dernier a, par un arrêté du 20 décembre 2013, refusé de l'admettre au séjour sur le fondement des dispositions du 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a transmis sa demande, selon la procédure prioritaire, à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, lequel l'a rejetée le 18 mars 2014 ; que, par un arrêté du 26 mai suivant, le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée ; que, par un jugement du 16 octobre 2014, dont Mme B...relève appel, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur les conclusions tendant à l'octroi de l'aide juridictionnelle provisoire :

2. Considérant que Mme B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale le 29 janvier 2015 ; que, dès lors, ses conclusions tendant à ce que soit prononcée son admission provisoire à l'aide juridictionnelle sont devenues sans objet ;

Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la mère de la requérante, ses deux frères et ses deux soeurs, qui sont entrés sur le territoire français en 2008, se sont vu reconnaître la qualité de réfugié et disposent d'une carte de résident ; que son père, avec lequel elle soutient qu'elle n'avait plus de contact, n'a toutefois rejoint le territoire français que le 3 août 2014 ; que l'intéressée, qui n'a pas d'enfant, a vécu en Russie jusqu'à l'âge de 25 ans et n'était présente que depuis deux ans et quatre mois sur le territoire à la date de la décision attaquée ; qu'elle ne fait état d'aucun élément relatif à son intégration en France ; que, dans les circonstances de l'espèce, eu égard en particulier à la durée et aux conditions du séjour de Mme B...en France, la décision contestée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise ; que, par suite, elle n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

5. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'exception d'illégalité du refus de titre de séjour ne peut qu'être écarté ;

6. Considérant, en second lieu, que selon l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile l'admission au séjour d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que dans les situations limitativement énumérées à cet article, au nombre desquelles figure le fait que : " (...) 4° La demande d'asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente. Constitue, en particulier, un recours abusif aux procédures d'asile la présentation frauduleuse de plusieurs demandes d'admission au séjour au titre de l'asile sous des identités différentes. Constitue également un recours abusif aux procédures d'asile la demande d'asile présentée dans une collectivité d'outre-mer s'il apparaît qu'une même demande est en cours d'instruction dans un autre Etat membre de l'Union européenne. Constitue une demande d'asile reposant sur une fraude délibérée la demande présentée par un étranger qui fournit de fausses indications, dissimule des informations concernant son identité, sa nationalité ou les modalités de son entrée en France afin d'induire en erreur les autorités. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 742-1 du même code : " Lorsqu'il est admis à séjourner en France en application des dispositions du chapitre Ier du présent titre, l'étranger qui demande à bénéficier de l'asile se voit remettre un document provisoire de séjour lui permettant de déposer une demande d'asile auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. L'office ne peut être saisi qu'après la remise de ce document au demandeur. Après le dépôt de sa demande d'asile, le demandeur se voit délivrer un nouveau document provisoire de séjour. Ce document est renouvelé jusqu'à ce que l'office statue et, si un recours est formé devant la Cour nationale du droit d'asile, jusqu'à ce que la cour statue. " ; qu'aux termes de l'article L. 742-3 du même code : " L'étranger admis à séjourner en France bénéficie du droit de s'y maintenir jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. (...) " ; qu'enfin, aux termes de l'article L. 742-6 du même code : " L'étranger présent sur le territoire français dont la demande d'asile entre dans l'un des cas visés aux 2° à 4° de l'article L 741-4 bénéficie du droit de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet. En conséquence, aucune mesure d'éloignement mentionnée au livre V du présent code ne peut être mise à exécution avant la décision de l'office " ;

7. Considérant que, conformément aux dispositions de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une mesure d'éloignement ne peut être mise à exécution, après la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides rejetant une demande d'asile, qu'à l'encontre d'un étranger entrant dans le champ d'application du 2° au 4° de l'article L. 741-4 du même code ; qu'il incombe de ce fait au juge saisi de la contestation de la légalité d'une obligation de quitter le territoire français après la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides fondée sur le 4° de cet article, de s'assurer que l'étranger entre bien dans le cas visé par ces dispositions ; que la seule circonstance qu'une décision administrative ait refusé l'admission au séjour à raison du caractère frauduleux ou abusif du recours aux procédures d'asile mentionné au 4° de cet article et qu'elle n'ait pas été contestée ou qu'elle n'ait pas été annulée par le juge administratif ne fait pas obstacle à ce que le juge détermine lui-même, sans se prononcer sur la légalité de cette décision, si la demande d'asile relevait bien des cas mentionnés à l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dans l'hypothèse où il estime que tel n'était pas le cas, et alors même que l'intéressé n'avait pas été effectivement admis à séjourner en France, cet étranger ne peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français jusqu'à ce que la Cour nationale du droit d'asile ait statué sur son recours ;

8. Considérant que pour refuser d'admettre Mme B...au séjour et instruire son demande d'asile selon la procédure prioritaire, le préfet du Bas-Rhin a considéré que l'intéressée avait mis en oeuvre une " stratégie dilatoire ", visant à empêcher sa remise aux autorités polonaises, destinée à ce que la France devienne l'Etat responsable de l'instruction de sa demande ; que la requérante conteste l'instruction de sa demande d'asile selon la procédure prioritaire, en faisant valoir que le préfet n'a accompli aucune diligence propre à assurer sa réadmission effective en Pologne ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier, et en particulier du rapport établi par les services de la direction départementale de la police aux frontières du Bas-Rhin du 10 juin 2013, produit en appel par le préfet, que Mme B...n'a pas répondu aux convocations qui lui ont été adressées par la préfecture et n'était jamais présente au domicile de sa soeur, adresse qu'elle avait indiqué à l'administration, lors des passages des services de police ; que la soeur de l'intéressée a indiqué à ces derniers qu'elle ne souhaitait pas quitter le territoire français et se cachait ; qu' eu égard aux conditions dans lesquelles ses demandes d'asile ont été présentées et au comportement de l'intéressée, lesdites demandes ont constitué un recours abusif aux procédures d'asile au sens du 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, le préfet du Bas-Rhin pouvait légalement prendre à l'encontre de Mme B...une obligation de quitter le territoire français avant que la Cour nationale du droit d'asile ne se prononce sur son recours formé contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 18 mars 2013 ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

9. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'exception d'illégalité du refus de titre de séjour ne peut qu'être écarté ;

10. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. " ; qu'aux termes de l'article L.513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ; que Mme B...soutient qu'elle ne peut retourner sans risque dans son pays d'origine en raison de l'engagement politique des membres de sa famille en Tchétchénie, qui aurait conduit au décès de deux ses oncles et à la disparition de son époux ; que, toutefois, l'intéressée ne produit aucun document à l'appui de ses allégations ; qu'au demeurant, l'OFPRA a considéré que ses déclarations étaient " peu étayées et peu personnalisées " et que " ses propos se sont révélés très vagues sur les auteurs des persécutions invoquées et sur les circonstances de la disparition de son conjoint " ; que la Cour nationale du droit d'asile a rejeté, le 29 janvier 2015, le recours formé par l'intéressée contre cette décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ; que la circonstance que des membres de sa famille, qui ont quitté leur pays d'origine plusieurs années avant la requérante, aient obtenu le statut de réfugié ne suffit pas à établir que l'intéressée se trouverait personnellement exposée à un risque réel, direct et sérieux pour sa vie ou sa liberté en cas de retour dans son pays d'origine ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.

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N° 14NC02123


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14NC02123
Date de la décision : 23/07/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: M. Olivier FUCHS
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : SCP ROTH-PIGNON LEPAROUX ROSENSTIEHL ET ANDREINI

Origine de la décision
Date de l'import : 04/08/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2015-07-23;14nc02123 ?
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