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23/07/2015 | FRANCE | N°14NC02320

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 23 juillet 2015, 14NC02320


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...A...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg :

- d'annuler l'arrêté du 12 mai 2014 par lequel le recteur de l'académie de Strasbourg a prononcé à son encontre une sanction d'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de 24 mois, dont 13 mois avec sursis ;

- de condamner l'Etat à lui verser une somme de 10 000 euros en réparation du préjudice moral qu'elle allègue avoir subi.

Par un jugement n° 1403063 du 16 octobre 2014, le tribunal administratif de Strasbourg a

annulé cet arrêté du recteur de l'académie de Strasbourg du 12 mai 2014 et a rejeté les conc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...A...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg :

- d'annuler l'arrêté du 12 mai 2014 par lequel le recteur de l'académie de Strasbourg a prononcé à son encontre une sanction d'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de 24 mois, dont 13 mois avec sursis ;

- de condamner l'Etat à lui verser une somme de 10 000 euros en réparation du préjudice moral qu'elle allègue avoir subi.

Par un jugement n° 1403063 du 16 octobre 2014, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cet arrêté du recteur de l'académie de Strasbourg du 12 mai 2014 et a rejeté les conclusions indemnitaires présentées par Mme A...

Procédure devant la cour :

Par un recours et un mémoire complémentaire, enregistrés les 22 décembre 2014 et 5 mai 2015, le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 16 octobre 2014 ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme A...devant le tribunal administratif de Strasbourg.

Il soutient que :

- sa requête n'est pas tardive ;

- le ministère d'avocat n'est pas obligatoire ;

- il est bien compétent pour relever appel du jugement ;

- l'annulation, aux termes du dispositif du jugement attaqué, de l'arrêté du 31 janvier 2014, alors que cet arrêté avait été retiré, résulte d'une erreur matérielle ou révèle que les premiers juges ont statué ultra petita, en méconnaissance des conclusions dont ils avaient été saisis ;

- les faits reprochés à MmeA..., qui sont matériellement établis, constituent des fautes de nature à justifier une sanction disciplinaire ;

- la sanction prononcée est proportionnée aux faits de l'espèce ;

- l'appel présenté n'est pas abusif, contrairement à ce que soutient la requérante.

Par des mémoires, enregistrés les 19 janvier et 2 juin 2015, Mme C...A..., représentée par Me B...conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à ce que l'Etat soit condamné à payer une somme de 2 500 euros en raison du caractère abusif de l'appel ;

3°) à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est tardive ;

- elle est irrecevable du fait de l'absence de ministère d'avocat ;

- il appartenait au recteur et non au ministre de l'éducation nationale de relever appel du jugement ;

- aucune procédure contradictoire n'a été organisée préalablement à sa convocation devant la commission consultative mixte départementale ;

- la procédure disciplinaire comme le jugement du tribunal administratif sont irréguliers en raison de l'anonymisation, par le rectorat, des courriers à charge versés au dossier, procédé qui méconnaît les dispositions de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et les droits de la défense ;

- les faits qui lui sont reprochés ne sont pas établis ;

- la sanction est disproportionnée au regard des faits reprochés ;

- l'application de la sanction s'est faite dans des conditions humiliantes ;

- de nombreux membres de la commission consultative mixte départementale siégeant en formation disciplinaire ne présentaient pas les garanties d'impartialité nécessaires.

Par une lettre du 3 avril 2015, les parties ont été informées qu'en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative il était envisagé d'appeler l'affaire durant le second semestre 2015 et que l'instruction pourrait être close à partir du 20 avril 2015 sans information préalable.

Par une ordonnance du 21 avril 2015, une clôture immédiate d'instruction a été décidée.

Par une ordonnance du 4 juin 2015, l'instruction a été rouverte.

Un mémoire, présenté par le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche a été enregistré le 24 juin 2015.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

- le décret n° 86-68 du 13 janvier 1986 relatif aux positions de détachement, hors cadres, de disponibilité, de congé parental des fonctionnaires territoriaux et à l'intégration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Fuchs, premier conseiller,

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,

- et les observations de Me B...pour MmeA....

1. Considérant que MmeA..., maître contractuel de l'enseignement privé, exerce ses fonctions à l'Institut Marcellin Champagnat d'Issenheim en classe de CM2 bilingue ; que, le recteur de l'académie de Strasbourg a, par un arrêté du 31 janvier 2014, pris à son encontre une sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de 24 mois, dont 13 mois avec sursis ; qu'après avoir retiré cet arrêté, le 9 mai 2014, au motif qu'il était entaché d'un vice de forme, le recteur a, par une seconde décision du 12 mai 2014, prononcé à l'encontre de Mme A... la même sanction d'exclusion temporaire ; que par une ordonnance du 20 juin 2014, le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a ordonné la suspension de cet arrêté ; que le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche relève appel du jugement du 16 octobre 2014 en tant que, par celui-ci, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du recteur de l'académie de Strasbourg du 12 mai 2014 ;

Sur les fins de non-recevoir opposées par MmeA... :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 à R. 751-4-1. " ; qu'il ressort des pièces du dossier que le jugement du 16 octobre 2014 du tribunal administratif de Strasbourg a été notifié au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche le 21 octobre 2014 ; que le délai d'appel étant un délai franc, il a commencé à courir le 22 octobre 2014 et a expiré le 22 décembre 2014 ; qu'ainsi, le recours du ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, enregistré par le greffe de la cour le 22 décembre 2014, n'est pas tardif ;

3. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article R. 811-10 du code de justice administrative : " Devant la cour administrative d'appel, l'Etat est dispensé de ministère d'avocat soit en demande, soit en défense, soit en intervention. Sauf dispositions contraires, les ministres intéressés présentent devant la cour administrative d'appel les mémoires et observations produits au nom de l'Etat. " ; que le ministère d'avocat n'étant pas obligatoire pour l'Etat en appel, la fin de non-recevoir tirée de l'absence de respect de cette obligation ne peut qu'être écartée ; que par ailleurs, ce recours ne relevant pas des exceptions mentionnées à l'article R. 811-10-1 du code de justice administrative, Mme A...n'est pas fondée à soutenir que l'appel aurait dû être introduit par le recteur et non par le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

4. Considérant qu'après avoir affirmé, dans ses motifs, que Mme A...demandait l'annulation de l'arrêté du 12 mai 2014 l'excluant temporairement de ses fonctions, le tribunal administratif de Strasbourg a, dans le dispositif de son jugement, annulé l'arrêté du 31 janvier 2014, qui avait été rapporté par l'administration et dont l'annulation n'était pas demandée ; que le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche est, dès lors, fondé à demander l'annulation de l'article 1er du jugement attaqué ;

5. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme A...devant le tribunal administratif de Strasbourg ;

Sur la légalité de l'arrêté du 12 mai 2014 :

6. Considérant, en premier lieu, que si l'arrêté en litige vise un arrêté du 7 mai et non du 9 mai 2014, cette simple erreur de plume est sans incidence sur sa légalité ;

7. Considérant, en deuxième lieu, qu'aucune disposition ni aucun principe n'exige qu'une procédure contradictoire soit organisée en amont de la procédure disciplinaire ; qu'il est constant que Mme A...a eu connaissance des témoignages joints au dossier disciplinaire, ceux-ci ayant toutefois été rendus anonymes afin de préserver les élèves concernés d'une éventuelle réaction négative de l'intéressée et qu'elle a pu faire valoir ses observations lors de la commission consultative mixte départementale du 16 janvier 2014 siégeant en formation disciplinaire, à laquelle elle était accompagnée par son conseil ; qu'ainsi, le moyen tiré de la violation des droits de la défense ne peut qu'être écarté comme, en tout état de cause, celui tiré de la violation des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

8. Considérant, en troisième lieu, que Mme A...soutient que la composition de la commission consultative mixte départementale comme le déroulement de celle-ci ont contrevenu au principe d'impartialité ; qu'il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier, en particulier du procès-verbal de la séance du 16 janvier 2014, que les membres de la commission auraient adopté un comportement contraire à ce principe, en faisant preuve d'une attitude hostile envers l'intéressée ; qu'en outre, Mme A...n'apporte aucune précision concernant les raisons pour lesquelles deux membres de la commission n'auraient pu siéger sans méconnaître ce principe ; que les propos qu'elle prête à l'un des représentants des personnels enseignants ne sont pas établis ; qu'il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'impartialité doit être écarté ;

9. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 9 du décret du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat : " Le conseil de discipline doit se prononcer dans le délai d'un mois à compter du jour où il a été saisi par le rapport de l'autorité ayant pouvoir disciplinaire. " ; qu'il ne résulte pas de ces dispositions, contrairement à ce que soutient la requérante, que l'autorité compétente disposerait d'un délai d'un mois pour prendre une sanction à la suite de la réunion de la commission consultative mixte départementale statuant en matière disciplinaire ;

10. Considérant, en cinquième lieu, qu'il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes ;

11. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, en particulier d'une dizaine de témoignages concordants, relatant des faits s'étant produits de mars à avril 2013 et de septembre à décembre 2013, ainsi que du procès-verbal de la réunion de la commission consultative mixte départementale statuant en matière disciplinaire, que Mme A...a adopté, dans l'exercice de ses fonctions, un comportement méprisant et agressif, voire violent, tant à l'encontre de ses élèves que de leurs parents ; que l'intéressée, qui élève très souvent la voix durant la classe et fait régulièrement montre de son exaspération, a notamment tenu des propos humiliants et blessants à l'égard d'enfants en difficulté, a eu des réactions inadaptées et s'est plusieurs fois emportée, allant jusqu'à bousculer une élève ; qu'elle a fait preuve d'animosité lorsque des parents d'élèves l'ont interrogée sur ses méthodes d'enseignement et a, en outre, demandé à ses élèves de relater, dans un devoir, les propos tenus par leurs parents à son égard ; qu'elle est à l'origine d'une mauvaise ambiance de travail en classe, qui a eu des conséquences sévères à l'égard des élèves les plus fragiles ; qu'au demeurant, l'intéressée avait fait l'objet d'un blâme, le 18 avril 2007, pour des comportements de même nature ; que, par suite, l'intéressée n'est pas fondée à soutenir que la sanction contestée aurait été prononcée sur la base de faits matériellement inexacts ; qu'en estimant que ces faits constituaient des fautes de nature à justifier une sanction, l'autorité investie du pouvoir disciplinaire ne les a pas inexactement qualifiés ; qu'eu égard à la nature de ces faits, aux conséquences qu'ils peuvent avoir sur le public fragile qui y est exposé et à l'absence de toute remise en cause de l'intéressée en ce qui concerne ses pratiques et son comportement professionnel, l'autorité disciplinaire n'a pas pris une sanction disproportionnée en décidant de l'exclure pour une durée de 24 mois dont 13 avec sursis ;

12. Considérant, en dernier lieu, que les conditions dans lesquelles la décision de sanction a été exécutée sont sans incidence sur sa légalité ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de Mme A...tendant à l'annulation de l'arrêté du recteur de l'académie de Strasbourg du 12 mai 2014 portant exclusion temporaire de fonctions d'une durée de 24 mois, dont 13 mois avec sursis, doivent être rejetées ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que celles tendant à ce qu'une somme lui soit versée en raison du caractère prétendument abusif de l'appel du ministre ne peuvent qu'être également rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 16 octobre 2014 est annulé.

Article 2 : Les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme A...devant le tribunal administratif de Strasbourg sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions présentées en appel par Mme A...sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A...et au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Copie en sera adressée au recteur de l'académie de Strasbourg.

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N° 14NC02320


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14NC02320
Date de la décision : 23/07/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-04 Fonctionnaires et agents publics. Discipline. Sanctions.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: M. Olivier FUCHS
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : BRUNNER

Origine de la décision
Date de l'import : 04/08/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2015-07-23;14nc02320 ?
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